Poésies de Madame Deshoulières/52

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Théophile Berquet, Libraire (p. 176-177).

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À Madame ***.

Sans me plaindre de la nature,
Je voyais les premières fleurs
Répandre dans les airs d’agréables odeurs,
Et mêler leurs vives couleurs
Avec la naissante verdure,
Quand un plus important souci
Que celui d’embellir la terre,
À la charmante Flore, au milieu du parterre,
Me força de parler ainsi :

Jeune divinité, pour qui le doux Zéphyre
Pousse tant d’amoureux soupirs ;
Vous qui ramenez les plaisirs,
Vous dont toutes les fleurs reconnaissent l’empire,
De celles du printemps que n’ai-je le destin !
Je sais que leur beauté ne dure qu’un matin,
Et que d’un sort plus doux ma naissance et suivie ;
Mais elles naissent dans le temps
Qu’on célèbre en ces lieux la fête de Sylvie.

Hélas ! que je leur porte envie,
Et que je voudrais bien fleurir dans le printemps !

Un si juste souhait toucha le cœur de Flore ;
Et, malgré l’ordre des saisons,
À peine le soleil eut-il vu deux maisons,
Que ma fleur commença d’éclore.
Je perds avec plaisir dans cet heureux état
Les honneurs que l’été m’apprête ;
Et, pour couronner votre tête,
Je parais ce matin avec tout mon éclat.
Si par mon doux parfum j’obtiens cet avantage,
Fière d’un tel emploi, je verrai sans ennui
Mes sœurs dans quelques mois rendre un pareil hommage
Au plus grand prince d’aujourd’hui.