Poésies lyriques/Amertume

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Poésies lyriquesAuguste Decq (p. 199-200).


AMERTUME


1835.


 
Tout arbuste a son ver.



Aimez ! — Sous un ciel pur la vierge vient d’éclore.
— Mais qu’un léger nuage éclate sur son cœur,
Adieu le noble lys si splendide à l’aurore !
Vous trouverez, le soir, un grêlon dans la fleur.

Croyez ! — Vivez des fruits de l’arbre Evangélique.
— Mais la vigne du Christ a perdu son raisin ;
Écrasé sous le poids du pressoir monastique,
Il n’offre à notre soif que la mousse du vin.


Pensez ! — Sondez la vie et ses obscurs mystères.
— Mais du gouffre sans fond, plongeur désespéré
Vous reviendrez, les pieds enlacés de vipères,
Les mains pleines de fange et le front égaré.

Rêvez ! — Élevez-vous aux voûtes immortelles.
— Mais d’un buisson voisin s’élance, vole et part
Un insecte inconnu qui s’attache à vos ailes,
Et ternit leur azur du venin de son dard.

Agissez ! — Bâtissez, épuisez des carrières.
— Mais avant que votre œuvre ait pu s’épanouir,
Vous tomberez, un jour, écrasé sous les pierres
Du temple ou du palais promis à l’avenir !