Poisson (Arago)/09

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Poisson (Arago)
Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences2 (p. 630-632).
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MAGNÉTISME.


Les phénomènes de l’électricité et du magnétisme ont de nombreux points de contact. Il est bien rare qu’on ait étudié les premiers sans être amené à s’occuper des seconds. C’est ainsi, du moins, qu’a fait notre confrère. Borné par le temps et l’espace, je ne pourrai citer qu’un très-petit nombre de ses calculs.

Un des résultats les plus importants et les plus neufs du voyage de M. de Humboldt aux régions équinoxiales, est la découverte ou la constatation de la variation d’intensité de la force magnétique suivant les lieux. Ainsi, une aiguille d’inclinaison située dans le méridien magnétique, revient à l’état de repos d’équilibre, lorsqu’elle en a été dérangée, avec d’autant moins de force ; elle fait des vibrations d’autant plus lentes, en général, qu’on est plus près des régions équinoxiales. Malheureusement, cette rapidité des oscillations dépend aussi de la quantité de magnétisme qu’on a communiquée à l’aiguille, et cette quantité est susceptible de varier avec le temps, même dans les aiguilles les mieux trempées. On ne pouvait donc compter sur la différence d’intensité donnée par une aiguille entre Paris et l’équateur, par exemple, qu’après être retourné au point de départ, afin de s’assurer que l’aiguille avait conservé son magnétisme primitif. Si cette condition n’était pas remplie, les observations se trouvaient perdues.

Poisson a imaginé une méthode qui dispense complétement de la permanence, de l’invariabilité dans le magnétisme de l’aiguille de comparaison. Cette méthode n’exige même pas que les observations aient été faites dans les diverses stations avec la même aiguille.

M. Gauss a perfectionné cette méthode, dont la première idée appartiendra toujours à Poisson, en substituant des mesures de déviations angulaires à la détermination de la durée des oscillations de diverses aiguilles. Le procédé du géomètre allemand a déjà été mis en usage avec beaucoup de succès pendant les mémorables expéditions que le gouvernement anglais a dirigées sur les points les plus éloignés pour étudier le magnétisme de notre globe.

Depuis que les masses de fer qui entrent dans la construction des navires se sont si prodigieusement multipliées, depuis surtout qu’on a exécuté des bâtiments tout entiers avec des plaques de ce métal substituées au bois, on a senti plus que jamais la nécessité de tenir compte des déviations accidentelles que l’aiguille de la boussole en éprouve. La question est très-importante, car il a été établi que beaucoup de naufrages qu’on attribuait à l’action irrégulière des courants ont dépendu de cette cause.

Poisson a dû croire qu’il rendrait un service à la marine en appliquant sa savante analyse à la solution de ce problème ; malheureusement, l’hypothèse d’où il était parti pour arriver à des résultats dont on pût faire usage dans la pratique de la navigation, à savoir : l’absence de toute force coercitive dans le fer qui a servi à la construction des bordages, dans celui des ancres, dans la fonte employée à la fabrication des canons, ne s’est pas trouvée parfaitement exacte. Le problème est beaucoup plus difficile que Poisson ne l’avait supposé ; regrettons que notre confrère n’ait pas eu le temps de l’envisager de nouveau avec les complications que l’expérience a dévoilées. Personne plus que lui n’était en état de se tirer de ce dédale actuellement inextricable.