Prostitués/VI. — Pour clientèle catholique

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(p. 119-152).


VI.


Pour clientèle catholique.


Dans la brume élyséenne vaguent des ombres, la plupart grises et informes. Cependant quelques âmes blondes, et plus que toutes Jésus, semblent dans le brouillard des sourires de lumière. D’autres, des brunes, Zénon de Cittium, Épictète, Marc-Aurèle, gardent, parmi les fantômes que le moindre souffle emporte recourbés, une noble précision et un puissant équilibre immobile. Le démiurge inférieur qui vient d’entrer au pâle pays vole rapide, sans rien voir, jusqu’au ruisseau des psychologues. Sur les deux bords, des êtres ondoyants et attentifs sont assis qui, une ligne à la main, essaient de capter dans l’eau ricaneuse le reflet fuyant et frémissant de l’ombre qu’ils sont.

L’un d’eux, un des plus ternes pourtant, semble intéresser le démiurge inférieur. C’est une attitude accablée et, parfois, des regards en haut douloureusement timides, comme des prières vers quelqu’un qui n’est peut-être pas là. Puis l’ombre, laissant presque tomber sa ligne vaine, tord ses bras inanes, et elle crie, — avec aussi peu de bruit qu’en un cauchemar : « Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où tout à coup retentit en moi comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle : Ma foi se meurt ! ma foi est morte ! »

— Eh ! dit le démiurge, les morts ressusciteront.

L’ombre eut un sursaut d’espoir. Mais elle retomba plus écrasée, murmurant :

— L’eau du fleuve ne remonte pas vers sa source.

— Tu n’as donc jamais vu le vol des nuages compléter le rampement du fleuve ?

L’ombre n’avait pas entendu, car elle répétait avec complaisance sa banale pensée :

— La courbe d’une destinée est une hyperbole.

— Ta destinée sera une courbe fermée. Viens l’achever.

L’ombre suivit le démiurge. Ils arrivèrent à un fleuve lourd. Et le fantôme, branlant la tête, déclara :

— Non, Léthé, toutes tes eaux ne suffiraient point à me faire oublier cette nuit désastreuse, cette nuit effroyable où, pendant que dormaient paisibles mes camarades d’École…

Mais le démiurge ordonna sévèrement :

— Tais-toi. Cette eau se traverse en silence.

Quand ils touchèrent l’autre bord, le démiurge prit au creux de sa main quelques gouttes d’oubli. Avant de les livrer aux lèvres altérées du psychologue, il interrogea :

— Qui es-tu ?

— Je m’appelle encore Théodore Jouffroy.

Et, quand l’ombre eut bu :

— Qui es-tu ?

Il y eut, effarée, écrasée, comme au sortir d’un sommeil amoindrisseur, une hésitation. L’âme venait d’être châtrée de toute sa noblesse. Enfin elle avoua, honteuse :

— Je m’appelle Paul Bourget.

Or elle aperçut dans le lointain quelques bribes de notre humanité et elle se lamenta :

— Hélas ! comme Victor Cousin est vieux ; il n’aura plus le temps de m’enseigner la vérité !

Mais le démiurge ricana :

— Aux docilités scolaires les professeurs ne manqueront jamais. Un écolier inintelligent et oratoire de Descartes fut une autorité suffisante à ta naïveté première. Continue-toi. Un élève de Condillac te donnera, ombre de disciple, une ombre de maître. Va aspirer à Taine, comme le flot aspire à la lune.

Le démiurge dit encore, en ultime salut :

— Va, ombre d’une ombre, et fais semblant d’exister.

Les disciples, pour peu qu’ils soient adroits, — et, en devenant Paul Bourget, Théodore Jouffroy avait troqué sa noblesse gauche contre un stock considérable d’habileté — ont une vie extérieure heureuse. Ils suivent une route toute faite et le flambeau que d’un jeune effort ils allumèrent à un esprit plus élevé, ils le portent ensuite très bas, à leur hauteur et à celle des gens qui applaudissent utilement. Ils sont destinés à la gloire précoce et viagère, au succès d’argent, au mariage d’argent, à la légion d’honneur, au fauteuil académique. Paul Bourget manquait des fiertés qui permettent d’échapper aux joies viles et chacune de ces auges a senti le reniflement content de son groin.

Toutefois, puisque celui-ci avait une évolution à fermer, le démiurge jugea indispensable de lui infliger une légère inquiétude. Oh ! rien de singulier. Le banal et superficiel déchirement de l’époque : la lutte pour rire entre un faible rationalisme appris et une faible foi apprise, enfant scrofuleux et vieillarde mourante ; entre un pessimisme qui est peut-être la vérité et une religion qui est peut-être le bonheur, qui, dans tous les cas (Bourget en est certain comme Brunetière) est aujourd’hui la meilleure savonnette à vilains.

Dans le premier élan de la jeunesse, il se donne presque entièrement à ce qui lui semble la vérité. Mais un jour des fantômes l’effraient, il dit sa terreur dans Le Disciple et, dès lors, il redescend la pente.

Le Disciple reste le moins mauvais de ses livres, le seul qui contienne, avec un sentiment vrai, un peu d’analyse exacte. Il contient aussi une thèse dont la sottise et la lâcheté corroborent la psychologie voisine. L’homme qui a pu répéter avec une conviction dolente un tel rabâchage de disciple, d’enfant et de faible, était vraiment fait pour nous peindre, en se regardant, une de ces méprisables âmes à la suite.

Paul Bourget, comme presque tous les disciples, a demandé à l’enseignement reçu quelques avantages pratiques. Son âme basse a traduit le nihilisme métaphysique en nihilisme moral. Mais, un jour, il a senti un frisson : « Diable ! a-t-il monologué en tremblant, selon les circonstances, j’aurais pu aller loin. J’aurais pu, par le crime qu’on espère cacher toujours mais qu’un hasard découvre, aller jusqu’à l’échafaud. » Les vertèbres secouées par un glissement froid, il a montré le poing à son maître, avec de grands cris de malédiction : « Prends donc garde, toi, à ce que tu mets dans tes flacons. Je n’ai bu, et j’ai failli m’empoisonner. » Je ne connais pas de sottise plus infâme que cette conception pharmaceutique de la philosophie et de la littérature. C’est elle qui pousse d’autres imbéciles de la force de Bourget à reprocher à Jésus les cruautés de tels de ses disciples, ou à diffamer le noble Épicure parce que des porcs se vantèrent d’appartenir à son troupeau.

On voit comment la bassesse de l’âme crée ici la bassesse de la conception. Mais, parce que Le Disciple est un livre sincère, parce que la pensée inepte et mille fois répétée de la responsabilité de l’écrivain y est devenue un profond sentiment bourgeois, la lecture en reste intéressante et humiliante, comme la vue d’une lâcheté éperdue, comme le spectacle d’une terreur verte et bégayante de Joseph Prudhomme.

Paul Bourget n’a eu qu’une fois l’avilissant bonheur de renouveler en sentiment bas et personnel une pensée qui est basse et bête depuis des siècles. Ses autres livres sont indifférents : soit que, poussant jusqu’au ridicule la théorie de Taine sur la faculté maîtresse, il découvre en Dumas fils et en Moïse un égal génie législateur[1] ; — soit que (ces enfants ne doutent de rien), il vole Shakspeare lui-même, embourgeoise Hamlet et métamorphose le sombre usurpateur du trône de Danemark en je ne sais quel « homme du monde en train de penser à ses devoirs de club ! »[2] ; — soit qu’il détrousse Victor Hugo et descende la rencontre de Monseigneur Myriel et de Jean Valjean à la portée de la sympathie des mondaines et des snobs, en nettoyant le voleur de sa plèbe, l’ecclésiastique de toute bonhomie et en remplaçant les trop vulgaires chandeliers d’argent par quelque bibelot antique et précieux[3]. À chaque chapitre, il dresse de pénibles échafaudages psychologiques pour laisser tomber au milieu, en guise de monument neuf, quelque grain de sable mille fois roulé par la banalité de la vague, telle cette pensée si difficile à conquérir : Quand un passant se retourne pour regarder une femme, « elle est toujours flattée de cet effet, le passant fût-il bossu, bancroche ou manchot, et quand bien même elle porterait comme Madame de Caudale, un des grands noms historiques de France ! » Nota : le point d’exclamation appartient à M. Paul Bourget orgueilleusement étonné de sa triomphale découverte.

Et ce merveilleux penseur est un merveilleux artiste. Il organise ses fables selon deux méthodes principales.

Tantôt il choisit un sujet exceptionnel, invente de l’absurde et tente par des analyses captieuses de le rendre vraisemblable. Malheureusement, l’effort dont il croit, titanique, dresser de l’impossible en montagnes infranchissables aboutit à quelque misérable boursouflure de taupinée et, quand il pense montrer sa grâce à gravir de si pénibles obstacles, il tombe sur le nez lourdement. Ses explications gourdes ne persuadent jamais et leur fausseté avocassière est visible aux yeux les plus naïfs.

Mais le drame d’aventures psychologiques est supportable lorsque le romancier a de l’imagination et de la verve. Chez Bourget la platitude de l’invention est aggravée par la lenteur du récit et la gaucherie de l’analyse : une Beauce traversée en une charrette grinçante et brimbalante. La phrase maigre et monotone tisse interminablement de l’ennui et, parmi les bâillements longs et répétés, le lecteur songe nostalgique à Barbey d’Aurevilly, comme, perdu dans un feuilleton morne de Jules Mary, il songerait au père Dumas.

D’autres fois, notre psychologue prend n’importe quelle anecdote insignifiante et s’efforce de nous intéresser au mécanisme intérieur des personnages. Malheureusement ses démonstrations anatomiques sont faites sur des mannequins bourrés de paille et, si on les applique à des êtres vivants, on s’aperçoit qu’elles forment — épines sèches et fleurs fanées — le plus banal fagot d’erreurs connues et de vérités triviales.

Romans, nouvelles, voyages, critique, toute son œuvre est écrite comme le code civil ou comme du Stendhal, avec une gomme à effacer, a dit quelqu’un. Dans ses tout derniers livres, Bourget semble pourtant s’efforcer d’arracher la grise livrée stendhalienne. Il essaie de renouveler sa manière de composer phrases, chapitres et volumes et, grenouille qui veut imiter le bœuf, il s’applique à faire du Balzac.

Un jour j’observai certaine maritorne de ma connaissance accoudée devant la Joconde, et qui croyait apprendre à sourire. Je n’ai plus rencontré le grotesque rictus sans revoir en mon souvenir les lèvres lourdes de mystère. Tenacement, tandis qu’on lit les pauvretés du Fantôme ou de l’Étape, Balzac nous hante, et ses richesses.

Balzac a souvent des pages enchevêtrées et qui sont tout entières en parenthèses. Propositions, phrases, alinéas même sont des incidentes. Mais cet encombrement est vivant, palpitant de vision directe, secoué de la fièvre de tout dire. Ce qui était un besoin chez le grand homme surabondant, le petit verdâtre vide s’en fait un procédé. Le glou-glou de l’étroit goulot par où s’écoule la bouteille croit être le bruit bouillonnant de la source.

Paul Bourget, de plus en plus, est un mauvais rhétoricien qui n’a rien à dire et qui cherche partout des moyens de développer ce qu’il va répéter. Son analyse psychologique, vantée de quelques myopes, révèle indifféremment du vrai banal ou du faux, ne vise en réalité qu’à multiplier les lignes. Mais il connaît d’autres procédés de développement. « Antoinette avait aimé. » Et Paul Bourget nous apporte à ce sujet des renseignements singulièrement nouveaux. Il nous dit ce qu’avait fait la bouche d’Antoinette. Elle avait « donné des baisers d’amour. » Savez-vous ce qu’avaient fait les yeux d’Antoinette ? Ils « s’étaient baignés des larmes de l’amour. » Vous ne devineriez jamais ce qu’avaient subi « les masses » des cheveux d’Antoinette. « Des mains d’amant les avaient caressées et déroulées. » Et le corps d’Antoinette ? Figurez-vous qu’on l’avait « étreint. » Et le bon marchand d’aphrodisiaque catholique n’oublie pas « l’extase partagée, si divine à goûter. » — Une autre fois, notre rhétoricien reprend le thème du Lac. Mais il le perfectionne. Vous ne supposez pas que M. Bourget à qui Marie-Anne de Bovet enseigna les grâces mondaines va, comme un vulgaire romantique, pleurer en plein air. Tapissier lamartinien, il transporte son délayage dans un riche salon de collectionneur. Tout est changé au cœur désolé du propriétaire et pourtant « les deux grandes tapisseries de Filippino Lippi dressaient leurs personnages au fond de la paisible salle, alors comme aujourd’hui. » Et « les cartes de tarot » et « la princesse peinte par Pisanello » et « le piédestal d’argent du haut crucifix de Verocchio » et, en un mot, « tous les objets du musée, alors comme aujourd’hui, entouraient leur maître. » Peu d’écrivains, même parmi les immortels du jour, savent aussi bien que Bourget reprendre une grande inspiration pour la banaliser et la faire lucrativement grotesque. Il arrive même à ce beau converti de voler dans les lieux saints. Il n’est pas sorti des Confessions les mains vides et, sans nommer saint Augustin, il paraphrase en une page, qu’il réussit à rendre inepte, l’admirable « amabam amare. »

M. Bourget a visité beaucoup de salons et beaucoup de livres. L’idée d’emporter furtivement d’un salon quelque objet précieux à son snobisme lui répugnerait, sans doute. Mais il dévalise sans scrupule les livres où il passe et il remplit ses volumes de bibelots disparates pris à toutes sortes de morts plus vivants que lui.

Les quelques exemples que je viens de citer appartiennent au Fantôme. Ce Fantôme est l’histoire assez indifférente d’un monsieur qui épouse la fille de sa maîtresse. Et le camelot Bourget nous scie interminablement de « la question du jour. » Le monsieur a- t-il commis seulement une espèce d’inceste sentimental ? Ou bien faut-il déclarer, en soulignant sévèrement les derniers mots : « Aimer d’un même amour la mère et la fille, c’est un crime, et qui a un nom : c’est un inceste. »

En une dispute alternée que les Muses n’aimeront point, Malclerc et d’Audiguier, personnages sans vie, mais avocats tenaces et savants de toutes les subtilités connues, soutiennent les deux opinions. Leur verbiage casuistique est-il capable d’intéresser un vieux curé ? Moi ils m’ennuient jusqu’au bâillement, ces coupeurs d’inceste en quatre.

Que de temps exigerait la fastidieuse besogne d’éclairer l’une après l’autre les principales sottises prétentieuses accumulées par Bourget, jadis snob de la psychologie et de la vie mondaine, aujourd’hui snob du catholicisme… Il serait long aussi, et combien écœurant, d’étudier son style de bon élève et son écriture d’enfant sans imagination : le plus banalement coordonné des styles ; la plus grise des écritures. J’éprouverais, sans doute, une joie rageuse à cingler encore cet homme habile sur quelques-unes de ses plus purulentes insuffisances. Mais tant de triomphes vils et insolents appellent ma cravache…

Passons. Le démiurge malicieux qui avilit Jouffroy en Bourget doit rire satisfait. L’évolution est finie, et l’inquiétude. Le monsieur peut se reposer dans une foi officielle, dans un fauteuil officiel, dans une fortune bourgeoise : qu’il y pourrisse à son aise.

Léon Bloy est un des rares écrivains et un des rares hommes de notre temps. Naturellement, il est beaucoup moins connu que le vil Paul Bourget ou l’inepte Georges Ohnet, et il est très méconnu, et il est très calomnié. Mon premier mouvement — avec quelle joie j’y céderais ! — serait de proclamer sa puissance et sa beauté et de crier l’infamie de ceux qui l’attaquent. Mais, dans ce livre, je ne fais pas de polémique ; je m’efforce d’être ceci qu’on ne trouve plus nulle part : un critique littéraire. Je dois avoir la virilité de dire tout et de marquer les fautes chez ceux que j’aime aussi bien que les hasards heureux chez ceux que je méprise. Voici donc toute la vérité :

Je ne crois pas que Léon Bloy ait écrit un livre : bien peu aujourd’hui sont de force à édifier l’œuvre. Mais il est de ceux, déjà bien extraordinaires, qui laisseront des pages et je ne sais guère de contemporains capables de nous donner l’équivalent de La Femme Pauvre. Il est aussi de ceux que leur unité permet de voir et de définir. Parmi les vagues et fuyantes et sales gélatines que sont les âmes actuelles, il dresse le roc d’un caractère. D’une tenue moins hautaine et moins sévère que son ami Barbey d’Aurevilly, trapu et plébéien et souvent grossier, il donne l’idée d’une force plus grande et, moins étonnant peut-être, il est plus sympathique de sincérité brutale. La destinée l’a d’ailleurs plongé dans une pauvreté plus laide et il apparaît extérieurement souillé, tel un Hercule à demi vaincu par les écuries d’Augias.

… Tout homme énergique au dieu Terme est pareil


et nul ne choisit les fatalités qui le paralysent : la gaine de Léon Bloy est faite de je ne sais quel fumier incrustant et tenace.

J’aime d’admiration Léon Bloy. (Peut-être va-t-il m’interdire naïvement de l’aimer et de l’admirer, moi qui ne suis pas catholique, et qui fais des réserves, et qui aime et admire autant des puissances et des beautés égales et différentes : mais mes sentiments ne dépendent ni de lui ni de moi). J’aime d’admiration « le mendiant ingrat », énergie invaincue, noble d’une noblesse rugueuse qui ne ressemble pas à celle que je voudrais réaliser, mais qui est assez étonnante pour dépasser la compréhension des gens de maintenant. J’aime d’admiration l’écrivain paradoxal et vigoureux, le métaphysicien qui prolonge parfois le dogme catholique en des profondeurs de vertige et de ténèbres ; mais on sent soudain une main rude et forte vous soutenir et, brusques éclairs qui traversent l’abîme, des images inattendues fulgurent devant vos yeux de la menace et de la clarté. J’avoue que le pamphlétaire m’est un compagnon moins précieux : il se laisse aller à trop de lyrisme excrémentiel ; trop volontiers il inflige aux condamnés de sa conscience le supplice du pal et, avec une insistance barbarement joyeuse, il nous montre que les culs qu’il va transpercer ne sont pas propres. Voilà le reproche personnel que j’adresse à Léon Bloy bourreau. D’autres blâmes s’agitent en mes mains impatientes, mais qui doivent cingler tous les tortionnaires catholiques du xixe et du xxe siècles.

Des « philosophes » avaient proclamé qu’il est impossible à un catholique de penser. Sans doute la conversion, l’adhésion de l’adulte à une doctrine étrangère et arrêtée, marque toujours faiblesse et lâcheté intellectuelles. Il n’en est pas de même de la fidélité à un préjugé initial. Le dogme n’envahit pas tout l’espace : on peut, avec ce port d’attache, voyager sur un large océan et dans l’abîme même du port on fait parfois des découvertes. Mais les pamphlétaires catholiques ne sont pas moins injustes que leurs ennemis quand ils retournent le reproche non seulement contre les libre-penseurs mais encore contre les penseurs libres, quand ils attaquent chez tout non-catholique le penseur. Ce fut la grande taquinerie de Veuillot contre Hugo, qui n’est pas un Spinoza assurément, mais qui pense tout autant que Veuillot, c’est-à-dire assez pour être un grand polémiste ou un très grand poète. Barbey d’Aurevilly, écrivain et poseur admirable, noble sans doute, mais plus hautain que noble, et puissant par l’image, et par l’expression trouvée, et par le rythme bruyant et empanaché, et par la verve méprisante, mais dont la pensée est un squelette dont on entend à peine le pauvre cliquettement sous les pourpres triomphales qui le drapent, reproche continuellement lui aussi aux non-catholiques de ne point penser. Et aujourd’hui voici que Léon Bloy abuse de ce moyen polémique, peut-être un peu usé.

Or les catholiques ont plusieurs façons de démontrer que Dieu leur a réservé le singulier privilège de penser. Rencontrent-ils chez un adversaire une idée un peu nouvelle, aussitôt leur rire éclate, leurs mains claquent bruyantes sur leurs cuisses et il entraînent le bon badaud à se gausser avec eux d’une aussi joyeuse folie. Si, au contraire, on dit une chose déjà dite complètement ou à demi ; si on admet, même en la renouvelant ou la prolongeant, une doctrine dont on n’est pas l’inventeur, ils reprochent avec véhémence ou soulignent avec ironie un tel manque d’originalité. Il y a pourtant — heureusement pour les catholiques — des esprits auxquels un dogme est un soutien et qui trouvent en profondeur dans un domaine déjà délimité. Je ne vois pas que la tradition catholique, la tradition protestante ou la tradition évolutionniste empêchent Malebranche, Leibnitz et Spencer d’être de grandes et fécondes intelligences. Et la page de La Femme Pauvre qui méprise toute la philosophie allemande, sous prétexte qu’elle est venue depuis Luther, n’est peut-être pas exempte de tout ridicule. Il est vraiment impossible à quelqu’un d’impartial, à quelqu’un qui fait profession d’hostilité et contre les catholiques et contre les libres-penseurs de troupeau, à quelqu’un qui vit en dehors des temps et qui refuse de se mêler aux laideurs des luttes pratiques, de confondre l’orthodoxie de la pensée avec sa puissance ou avec sa faiblesse.

Par ces façons d’escamoter la victoire, le pamphlétaire catholique ressemble à tous les pamphlétaires. Voici où son injustice devient pire et pire son triomphe. L’éducation nous a presque tous imbus en France d’esprit catholique. Si nous en laissons paraître quelque chose, vite, comme sous un ressort pressé, le catholique ricane et affirme que nous devons à l’Église tout ce que nous avons de supportable. Parfois aussi, glorieux de son unité dont il n’est pourtant point le créateur, il s’amuse cruel à l’histoire des variations d’un esprit sincère et puissant mais qui, hors de tous les chemins battus, avance en tâtonnant dans les ténèbres de la forêt et s’accroche à des ronces et se heurte à des rocs. Et l’admirable chercheur se relève de ses chutes, revient de ses égarements, s’obstine, sublime et invaincu ; mais le catholique rit et le déclare plus faible et plus misérable que l’enfant qui marche ensommeillé sur la large route du catéchisme.

Je viens de relire Je m’accuse, un des plus verveux pamphlets de Léon Bloy, un de ceux aussi contre lesquels ma critique porte moins. C’est Zola qu’il y attaque et la pensée de ce « Bacon de table d’hôte », de ce « Messie de la tinette et du torche-cul », de ce « Christophe Colomb du Lieu-Commun »>, est, en effet, assez faible pour qu’on puisse, sans injustice excessive, proclamer son néant. Il n’y a guère qu’à admirer la verve implacable avec laquelle Léon Bloy relève « les clichés Zola », « les isochrones formules de ce balancier inconscient ». « C’est consternant et même un peu diabolique, s’écrie-t-il, de lire ce bavardage monstrueux, infini, ce déluge de mots, pendant des pages, pour ne jamais aboutir, pour ressasser indéfiniment un lieu-commun misérable, sans espoir de rencontrer, je ne dis pas une idée, mais une image, un semblant d’image qui n’ait pas servi un million de fois ! Cela fait penser à la masturbation d’un cadavre. »

À propos de certaines affirmations contenues dans ce livre, j’aimerais pourtant causer avec Léon Bloy. Souvent j’arrive, par un chemin différent, aux mêmes conclusions. Nous ne serions pas toujours d’accord, cependant. Je ne méprise pas moins que lui les derniers livres de Zola. Il est visible que ce romancier épuisé jusqu’à la lie n’avait plus rien à dire depuis longtemps et qu’il continuait à travailler pour gagner de l’argent. Peut-être aussi la besogne mécanique de remonter ses vieilles marionnettes et de ranger dans un ordre différent toute sa vieille armée de formules invariables, lui était nécessaire comme un mouvement endormeur, comme un balancement monotone sans lequel il eût craint de s’éveiller enfin à la douleur de penser.

Mais pour certaines pages anciennes, pour tels mouvements de foule, par exemple, qui traversent Germinal ou La fortune des Rougon, j’en appellerais de la condamnation trop générale de Léon Bloy.

Sur quelques points de métaphysique et de morale indiqués dans Je m’accuse, j’aurais plaisir aussi à contredire le redoutable écrivain. Il faut me borner. Je relève seulement une pensée à laquelle l’auteur doit tenir puisque, après l’avoir exprimée page 46, il la répète page 116 : Dreyfus est innocent du crime pour lequel on le condamna ; mais son supplice expie quelque autre faute inconnue. « Car Dieu est infiniment équitable et chaque homme, en ce monde comme en l’autre, a toujours ce qu’il mérite. » Je ne ferai pas remarquer ce que de telles paroles, écrites pendant que l’innocent souffrait encore, avaient d’odieux. Je me contenterai de demander à Marchenoir pourquoi, s’il a « ce qu’il mérite », il rugit si souvent et si fort contre l’injustice des contemporains à son égard.

Je m’arrête. Je craindrais, en insistant, de réjouir tel misérable ennemi de Léon Bloy. Un bon écrivain peut se tromper quelquefois, ô Edmond Lepelletier, sans que les cochons cessent pour cela d’être des cochons.

Les premiers livres de Léon Daudet étaient des chaos ardents d’où on s’attendait à voir sortir un jour quelque harmonieuse statue. Toutes les tendances combattaient et hurlaient dans ces fournaises et ceux qui aimaient l’auteur, fermant les yeux aux raisons de craindre, criaient à eux-mêmes et aux autres les raisons d’espérer.

Pour ma part, avec une inquiétude qui s’efforce d’admirer, je m’étonnais devant les Morticoles, devant le Voyage de Shakspeare et même encore, amoureux tenace, devant Suzanne.

Hélas ! toute admiration est devenue impossible, et tout espoir, et même toute inquiétude. Celui qui semblait pouvoir être le noble pamphlétaire de sa propre conscience est devenu bassement le pamphlétaire d’un parti. Celui qui promettait un penseur original s’est rangé à la banalité catholique et, au lieu de rugir dans la solitude, il bêle avec force parmi le troupeau de la Libre Parole.

Il me serait trop pénible d’étudier le Léon Daudet d’aujourd’hui. Je reviens à l’époque où on ignorait la pente de cette matière en fusion et qu’elle irait se refroidir en un moule connu. Comme on évoque, avec leur escorte d’émotions incertaines, les heures où l’on ne distinguait pas encore dans la bien-aimée la courtisane ou l’empoisonneuse, je reviens au passé frémissant de Léon Daudet, à l’époque où je l’aimais d’espérance. On est toujours obligé de reconnaître qu’on s’est laissé duper presque volontairement. Aussi de telles méditations humiliantes ont peut-être, outre leur charme inquiet, quelque utilité.

À travers une affection qui me cachait la plupart des signes défavorables, Léon Daudet m’apparaissait, à ses débuts, une énergie violente, énorme, superbe malgré les incohérences et l’absence de maîtrise. Je l’admirais comme un orage dont l’angoisse s’illumine à la brusque splendeur des éclairs ou parfois à je ne sais quels vastes frémissements lumineux. J’aimais Le voyage de Shakspeare, étude curieuse de la formation d’un génie, et l’Astre noir, étude âpre de l’écrivain génial dans sa pleine et complexe maturité. J’aimais aussi des pamphlets extérieurement hardis et généreux, les Morticoles et même — Dieu me pardonne ! — les Kamtchatka. Pourtant, au plus fort de mon admiration, je m’inquiétais :

« Ses études de psychologie tératologique semblent presque approuver ce qu’il condamne violemment dans ses satires. Le Malauve de l’Astre noir n’est point blâmé de ses ignominies ; elles apparaissent comme des nécessités de son génie et l’auteur n’ose pas détester ici nettement ce qu’il appellera ailleurs « abominable supériorité intellectuelle. » En son Shakspeare qui aime avec peu de sincérité et de loyauté ; qui, sous prétexte de mieux étudier la nature, se crée d’artificiels sentiments, M. Léon Daudet semble parfois admirer un Kamtchatka[4]. »

Je ne voyais pas, je ne voulais pas voir que Léon Daudet, quand il étudiait un homme de génie, avait la naïveté de faire de l’auto-psychologie et de dire, ébloui, ce qu’il découvrait en Léon Daudet.

Néanmoins le Voyage de Shakspeare reste le moins décevant de ses livres. Large tableau d’histoire, il ressuscite la vie du xvie siècle sans trop appauvrir cette énorme puissance combattive. La vaste tempête agite d’innombrables catastrophes individuelles. Par malheur ces aventures tragiques restent dispersées et Shakspeare en est trop souvent le témoin, trop rarement le héros.

Mais, si le roman d’aventures est mal composé, ce collier dénoué d’épisodes n’est pas tout le livre. Voici, assez curieux et assez original, un roman de critique littéraire. Avec des aveuglements singuliers et tout à coup d’étonnantes clairvoyances, Léon Daudet étudie la genèse du génie shakspearien. Chacun des drames rencontrés dans la vie contribue à former le futur dramaturge ; chacun des personnages vus et entendus se transforme en l’esprit du jeune Shakspeare, s’harmonise et grandit jusqu’à l’intensité tragique. Il est intéressant de voir la matière première de ce qui deviendra poésie.

Quand je lisais pour la première fois ce livre aux âpretés incertaines et aux violences troubles, je me charmais surtout à considérer Léon Daudet, être équivoque dont je ne devinais point l’avenir banal. Un an plus tard paraissait Suzanne, le livre de transition vers le catholicisme, le En route de ce jeune Huysmans. Tout en refusant encore de voir, je m’irritais et je reprochais à l’auteur d’obéir à une mode[5] :

« Une conversion est considérée depuis quelque temps, comme le plus élégant des dénoûments : au lieu de marier ses héros ou de les tuer, on les agenouille. Mais, un livre achevé, on songe à en faire un autre et, comme dit M. de La Palice, on ne peut pas commencer par la fin. Il n’y a pas à craindre que Bourget, Huysmans ou Léon Daudet soient chrétiens dans les deux cents premières pages de leur prochain roman. »

Je me trompais. Après des calculs de commerçant, Bourget, ce Léo Taxil ennuyeux, allait opter. L’ancienne clientèle refusait décidément des rossignols toujours semblables et chaque fois moins réussis ; il ferait appel à l’argent catholique. Huysmans et Léon Daudet, pauvres êtres sans équilibre, ne verraient bientôt contre la folie menaçante d’autre refuge que le catholicisme. Léon Daudet surtout est une âme désemparée, un mélange de révolte exaspérée et de soif d’obéir, un chaos d’ambitions vers le repos moral et d’âpres désirs de pécher. Ses perversités contradictoires ne peuvent se désaltérer qu’au catholicisme, seul pays où le péché soit un fruit savoureux et le remords une boisson capiteuse.

Suzanne déjà, par sa perversité naïve et par la conversion finale, est un livre deux fois catholique : une diabolique qui finit bien. À propos de l’inceste qui est le sujet de ce roman, j’écrivais ces lignes d’homme qui voit presque et qui refuse de voir tout à fait :

« Léon Daudet n’a pas compris la véritable faute de ses héros. Suzanne n’aime pas Guillaume ; elle veut son père. Guillaume est moins séduit par la beauté de Suzanne que par l’idée de l’inceste. Leur baiser est un acte de révolte. Ils font, sans amour, le geste d’amour. Or le seul crime est de se préoccuper de la loi ; mais il y a deux façons de le commettre : obéir aux conventions ou les violer pour le plaisir enfantin de les violer. Suzanne et Guillaume commencent par la seconde puérilité, tombent ensuite dans la première. Ils ne savent jamais être eux-mêmes sincèrement, tranquillement, ignorer en toute innocence que des gens se sont permis de formuler des règles morales universelles. »

Je n’aurai pas la cruauté de juger après sa chute un esprit dont j’aimai le départ hésitant. Le Léon Daudet des Parlementeurs et de tant d’autres banalités hurlantes n’intéresse personne, sauf peut-être Édouard Drumont, qui insulta Alphonse Daudet et que Léon Daudet, pratiquant non sans quelque intérêt immédiat l’oubli des injures, proclame « prophète en son pays. »

L’abbé Delfour est un tout petit commerçant qui prétend s’être fait une spécialité de la « critique catholique. »

D’après l’abbé Delfour, le critique est surtout un « informateur littéraire », un reporter spécial, qui, pour nous dispenser du voyage, va voir ce qui se passe dans les livres. Sans lui, nous serions souvent « engagés dans des conversations embarrassantes. » Heureusement, il nous permet de tenir notre place en société et de dire notre mot, « un mot juste, sensé, pratique », sur des choses que nous n’avons point lues. Il continue ce précieux père Mestre qui nous permit de passer le bachot sans ouvrir « nos auteurs ». Grâce à lui, nous avons la « satisfaction », sans jamais prendre la peine de connaître ce dont il s’agit, d’en « tirer une leçon morale, chrétienne, intéressante et substantielle ».

La leçon arrive toujours, en effet, gauchement amenée, peu fondue avec la « critique » et les anecdotes qui la doivent faire passer. Ce brave homme fourre du christianisme dans la littérature des autres, comme Jules Verne enveloppe de la science dans du roman. Mais les catholiques sont aussi malicieux que les enfants : ils lèchent le sucre qui est dessus et ne touchent pas à l’amertume centrale de la pilule.

Parfois M. Delfour cesse de conter ou de sermonner et essaie de juger comme un critique qui ne serait ni un simple informateur, ni un catéchiste. Il lui faut alors un modèle : il a choisi Sarcey. Souvent il pastiche, avec un respect familier, celui qu’il appelle encore « l’oncle ». Pour lui aussi, « français » est le mot qui manifeste la plus haute admiration. Mais, au lieu de battre la grosse caisse devant l’esprit si français, — hélas ! — de M. Gandillot, ce bon prêtre vante « les enseignements précis et très français du catéchisme ». J’espère qu’en son prochain volume, M. Delfour découvrira que Jésus est né à Paris ou à Nîmes.

Pour nous faire prendre patience, il découvre aujourd’hui que Veuillot — dont personne, certes, ne nie plus le talent volontaire et vigoureux — est « un homme de génie » et « le plus grand prosateur du xixe siècle ». Il s’écrie, devant une phrase banalement oratoire et académique du duc de Broglie : « Dieu ! que c’est beau, plastique, sculptural ! » Et chez le fils de l’immortel mort depuis peu et oublié depuis longtemps, il salue le « digne héritier d’une grande dynastie littéraire. »

Allons ! ce n’est pas grand’chose, la « critique catholique », telle que l’entend le chanoine Delfour. C’est aussi bête, aussi flagorneur et aussi lâche que la critique sans épithète, quand un Jules Lemaître et un Gaston Deschamps s’en font un honnête moyen de parvenir en rampant ou y montrent souriants, sous le voile incertain des sottises qu’on leur apprit, la solidité primitive de leur sottise foncière.

M. Charles Godard publie sur l’Occultisme contemporain, le Fakirisme ou le Brahmanisme de petits livres vulgarisateurs. Ses opuscules font partie d’une collection, qui porte deux étiquettes : Science et religion et, au-dessous, Études pour le temps présent. La préposition « pour » avoue opportunisme et mercantile actualisme et la première étiquette nous informe que les gens pratiques qui font ce commerce sont des catholiques.

D’ordinaire, un vulgarisateur aime et admire les connaissances qu’il répand. M. Godard n’échappe pas à la loi. Mais son métier de catholique le force bien souvent à condamner, ou presque, au nom de la religion romaine. Si on lui permet d’étudier les philosophies hindoues, c’est à condition qu’il fera ressortir à chaque page leur infériorité en face de la doctrine de Jésus (telle, bien entendu, que l’enseigne l’Église avec un grand E). Ce qu’il y a, pour lui, de plus intéressant dans les sciences occultes, c’est de faire l’exact départ entre ce qui peut en être admis sans crime d’hérésie et ce qui blesse l’orthodoxie.

M. Charles Godard, qui auréole sa signature de divers titres éblouissants tels que « professeur agrégé de l’Université » ou bien encore « membre associé franc-comtois de l’académie de Besançon », est naturellement un esprit docile qui suit toujours quelque maître de très près et tremble de laisser échapper la traîne conductrice. Il n’ose jamais exposer une doctrine d’un de ces mouvements larges où une synthèse personnelle emporte et renouvelle des éléments connus. Il cite servilement ou bien, timide, il résume un livre paragraphe après paragraphe. De telles notes restent longtemps claires pour qui les prit, mais elles font pour le lecteur un chaos lourd et mort. Dans la partie critique, M. Godard évite aussi tous les risques : le plus souvent, il reproduit avec respect les paroles de quelqu’un de « nosseigneurs les évêques. »

Quand il s’agit de faits, il est un peu plus à son aise, il montre quelques qualités d’observateur et il lui arrive même d’organiser en récit lisible les petits détails patiemment rassemblés. Son historique de l’occultisme contemporain, par exemple, est d’une clarté intéressante.

Aucune discussion de doctrine n’est possible entre M. Godard et moi : de quel point commun partirions-nous ? Mais précisément parce qu’au pays des faits, il lui arrive d’être un guide sûr, je relèverai chez lui deux erreurs matérielles. La première n’est pas grave. « Les gnostiques, affirme M. Godard, n’ont pas de revue spéciale. » Or ils publient un périodique mensuel, Le réveil des Albigeois. La seconde… Mais voici que j’hésite à la signaler. Si ce que je prends pour une erreur était une malice ?… M. Godard nous informe que « le poète Louis Le Cardonnel est mort fou. » Or Louis Le Cardonnel est bien vivant. Il s’est fait ordonner prêtre, ce qui, je suppose, n’apparaît mort ni folie à aucun catholique. Mais, à l’époque où M. Godard le tuait, il avait — choisissant peut-être la pénitence la plus répugnante au noble et clair latin qu’il est — suivi à Ligugé le grossier flamand Huysmans, alourdisseur, enlaidisseur et embreneur de toute la mystique catholique.



  1. Nouveaux essais de psychologie contemporaine.
  2. André Cornélis.
  3. Nouveaux pastels ; Un saint.
  4. Demain, 9 février 1896.
  5. Demain, 18 janvier 1897.