Quand chantait la cigale/Glas dans le soir

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Édition Privée (p. 89).


GLAS DANS LE SOIR


Après m’être rendu jusqu’au village, je retournais vers la petite maison blanche, lorsque j’ai entendu comme une plainte là-haut. Immédiatement, j’ai reconnu le cri des oies sauvages, ce cri que j’entendais si souvent autrefois en campagne, quand j’étais petit garçon. Levant la tête, j’ai aperçu dans le ciel gris trois de ces oiseaux.

Les trois outardes se dirigent vers le nord. Survolant la rivière et les hauts peupliers qui la bordent, elles passent près de moi en jetant leur cri plaintif et lugubre. Elles s’envolent au-dessus des champs, du côté du lac.

Je les regarde s’éloigner, disparaître dans le ciel sombre et, pendant quelques instants encore, j’entends leur cri, ce cri qui ressemble à une plainte, à une prière, à un chant funèbre.

Les trois outardes cherchant leur gîte se perdent dans le soir qui tombe.

Et, tout à coup, sur la route grise et boueuse, je vois passer un homme. Il est vêtu d’un vieil habit en velours à côtes, coiffé d’une casquette brune, chaussé de longues bottes en caoutchouc qui lui montent jusqu’à mi-cuisses, et il porte un fusil sur l’épaule. Il a l’air sinistre.

Le chasseur marche sans bruit, en regardant de droite et de gauche. Il a une mine d’assassin qui veut commettre un crime.

J’éprouve un sentiment d’angoisse.

Les trois outardes qui viennent de passer seront-elles encore vivantes demain soir ?

Soudain, la vieille cloche de l’église sonne. Elle sonne lentement, lugubrement, comme pour un glas.

Trois outardes s’en vont dans le soir.

Un chasseur passe sur la route.