Questions sur les miracles/Édition Garnier/Parodie

La bibliothèque libre.
Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 25 (p. 401-403).

PARODIE.
de la troisième lettre du proposant[1].
par le sieur needham,
irlandais, prêtre, jésuite, transformateur de farine en anguilles.

Il fait parler un Patagon dans cette parodie ; et le Patagon raisonne comme Needham.

P. S. Cette parodie ne fut imprimée qu’après le débit de la huitième lettre. Nous avons fidèlement suivi l’ordre des temps

dans la nouvelle édition de ces choses merveilleuses[2].

ÉPIGRAPHE[3].

Expedit vobis neminem videri bonum ; quasi aliena virtus exprobratio delictorum vestrorum sit, etc. (Tacite[4].)

N. B. Applique-toi ces paroles, mon cher Needham.


AVIS PRÉLIMINAIRE DU JÉSUITE NEEDHAM[5].

Ceux qui n’ont pas vu l’original sur lequel cette parodie est formée comprendront facilement qu’on n’a touché en rien à la forme, ni aux idées, etc…[6]. Bientôt le monde, dénué en grande partie de ces sublimes vérités, verra clairement à qui appartient la veste ensanglantée[7], et la nature corrompue, se trouvant libre de tout frein, etc…

Monsieur, je vous prie de venir à mon secours à la Terra del Fuego, contre un géant patagon d’une taille énorme…[8]. Votre morale consiste à croire que je dois vous faire du bien, et ma nature me pousse à vous écerveler pour en faire mon repas, etc…[9]. Caractacus alla longtemps après combattre ces mêmes Romains…[10]. Il semble que vos princes et vos législateurs, en assassinant la société par leur morale…[11]. Les prétendus droits de guerre, les fermiers généraux, les rapines…[12]. Quand on écrit, poliment contre la religion, on y répond de même…[13]. Risu inepto[14] nihil ineptius[15].

  1. Tout cet intitulé, y compris le P. S., est de Voltaire. J’ai rapporté, dans mon Avertissement (page 358), l’intitulé entier de l’édition originale. (B.)
  2. Comme cette parodie est excessivement ennuyeuse, nous n’en rapportons que des extraits, afin que le lecteur ne soit pas privé des notes de monsieur le proposant. (K.)
  3. Les éditeurs de Kehl n’ont rapporté de l’épigraphe de Needham que cette phrase, sur laquelle porte le N. B. qui est de Voltaire. (B.)
  4. C’est Needham qui a mis le nom de Tacite au bas de son épigraphe. ( B.)
  5. L’Avis préliminaire, dont on ne rapporte que les passages nécessaires, est réellement de Needham. (B.)

    NOTES DE MONSIEUR LE PROPOSANT.

  6. Et comment veux-tu que ceux qui n’ont pas vu l’original jugent si ta copie est ressemblante ? (Note de Voltaire.)
  7. À quoi vient ta veste ? où as-tu vu que le proposant ait proposé de délivrer les hommes de tout frein ? (Id.)
  8. Ce n’est pas la peine de faire beaucoup de remarques sur cette parodie, qui n’est qu’un travestissement insipide, (Id.)
  9. Oui, mais ce pauvre Needham, dans sa malheureuse parodie, ne voit pas qu’il détruit la morale que Dieu a gravée dans le cœur de tous les hommes. Il fait parler son sot Patagon contre la société, la loi naturelle et la vertu, au lieu que monsieur le comte avait pris le parti de la vertu, de la loi naturelle, de la société, et par conséquent de Dieu même, et n’avait parlé que contre des impertinences scolastiques, qui sont l’objet du mépris de tous les honnêtes gens. (Id.)
  10. Il est plaisant de faire citer l’Histoire romaine à un Patagon. (Id.)
  11. Si tout cela valait la peine d’être réfuté, on dirait que Needham le Patagon a grand tort d’imputer à la morale tous les crimes faits contre la morale ; mais que monsieur le comte a eu très-grande raison d’imputer aux dogmes et au détestable esprit théologique toutes les horreurs que les dogmes et les querelles scolastiques ont fait commettre.

    On ferait voir combien il est ridicule de comparer la raison universelle, qui inspire toutes les vertus, à des dogmes particuliers dont il n’a jamais résulté que du mal.

    On pourrait dire encore qu’une parodie est un écho qui ne peut parler de lui-même, qui ne fait que répéter, et qui répète mal. (Id.)

  12. Il est comique que ce Patagon connaisse les fermiers généraux de France. Il n’est pas moins comique qu’il en parle à un Irlandais, comme s’il y en avait en Irlande. (Note de Voltaire.)
  13. Je te dirai donc poliment que celui qui écrit que les animaux viennent sans germe écrit contre Dieu. (Note de M. Couture.) (Id.)
  14. Catulle a dit (xxxix, 16) : Nam risu inepto res ineptior nulla est.
  15. Sed risu conveniente nihil dulcius. (Note de M. Claparède.) (Note de Voltaire.)