Réflexions et prières inédites/05

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Debécourt, Libraire-Éditeur (p. 35-42).


LA CRAINTE DE DIEU.



La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse.


Bien des gens confondent la crainte de Dieu avec le mouvement qu’on pourrait plutôt appeler la peur de Dieu. Ce n’est pas là le sentiment utile qui nous est recommandé par la religion.

La crainte de Dieu nous fait redouter par-dessus tout d’offenser Dieu et de lui déplaire. Elle s’inquiète de ne pas mériter les récompenses, tandis que la peur ne s’effraie que de mériter les châtimens. La crainte n’empêche pas d’aimer, mais on ne peut aimer ce qui cause l’épouvante. La peur est un sentiment d’esclave ; la crainte est un sentiment de fils. La crainte doit se fonder dans nos cœurs sur la vue des perfections de Dieu et sur la connaissance de sa justice. Il faut que cette justice soit satisfaite, car Dieu est la justice même, et la raison nous dit, comme la foi, que le mal doit être expié. Quel motif de crainte que le mal que nous avons fait !

Jésus-Christ a été la victime offerte pour racheter toutes nos fautes ; mystère sublime ! Imitons-le ; acceptons les croix amères que la Providence nous envoie, comme le moyen d’expier des offenses si souvent répétées. Nous craindrons tant que nous n’aurons pas satisfait à la justice ; et qui peut se flatter d’y avoir jamais satisfait ?

Mais cette crainte salutaire enchaînera nos passions, ranimera nos forces ; elle éveillera notre vigilance et nous préservera de la paresse et de la langueur, écueils ordinaires de la piété qui n’est pas accompagnée de la crainte.

Accordez-moi ce don, ô mon Dieu ! et montrez-moi à moi-même telle que je parais à vos yeux, pour que je sois bien pénétrée de mon indignité et de la nécessité de vous mieux servir que je ne l’ai fait jusqu’ici pour trouver enfin grâce devant vous.