Rational (Durand de Mende)/Volume 1/Troisième livre/Chapitre 02

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 1p. 223-225).


CHAPITRE II.
DE L’AMICT (35)[1].


Premièrement, il faut parler des six ornements communs aux évêques et aux prêtres, selon l’ordre où nous les avons placés plus haut.

I. Après s’être lavé les mains, l’évêque ou le prêtre qui doit célébrer prend l’amict, dont il se couvre la tête, et que le pontife a au lieu de l’éphot ou surhuméral et rational. Et maintenant encore, on peut l’appeler surhuméral, parce qu’il signifie le salut auquel on parvient par la foi. Sur quoi l’Apôtre dit aux Ephésiens (cap. vi) : « Prenez le casque du salut. » Il signifie aussi la chasteté du cœur et du corps, parce qu’il entoure et couvre les reins et la poitrine. On le met sous tous les sacrés vêtements ; mais il leur est supérieur à tous, parce que la chasteté doit être à la fois dans le cœur et briller au dehors par les œuvres qu’elle produit. D’où vient qu’on le serre sur les reins, parce que c’est là principalement que la luxure exerce sa domination. L’amict, qui couvre tout le tour des épaules, sur lesquelles il s’étend, désigne aussi la force nécessaire pour travailler ; car les épaules sont faites pour supporter la fatigue, selon cette parole de Jacob à Issachar : « Il a abaissé son épaule sous les fardeaux, et il s’est assujetti à payer les tributs. » Les deux cordons ou les deux petites cordelettes qui servent à lier l’amict sur la poitrine signifient l’intention et la fin avec lesquelles on doit entreprendre une œuvre pour qu’elle s’exécute non avec le levain de la malice et de la méchanceté, mais avec les azymes de la sincérité et de la vérité. Donc le prêtre ne doit pas être oisif, mais suer dans la pratique des bonnes œuvres, selon celle parole de l’Apôtre à Timothée : « Travaille comme un bon soldat du Christ. » On doit cependant louer l’habitude où l’on est, dans certains endroits, de se revêtir d’une chemise (camisia) blanche de lin ou d’un surplis par-dessus les vêtements communs, avant de mettre l’amict, qui représente la foi qui doit être la première vertu du prêtre. Enfin, on reborde l’amict sur l’ouverture supérieure de la planète ; ce dont il sera parlé au chapitre de la Planète.

II. On se serre aussi le cou avec l’amict, qui signifie le frein et la correction de la parole, parce que par le cou, dans lequel réside l’organe de la voix, on exprime la faculté de parler. Or, on serre le cou afin que le mensonge ne puisse plus arriver jusqu’à la langue. On serre cependant légèrement, avec l’amict, la poitrine et la gorge, comme on le dira au chapitre de la Ceinture. Nous en couvrons encore notre tête, de peur que, regardant librement tout autour de nous, nous pensions à des choses défendues. La poitrine ou le cœur en est couvert, parce que l’esprit du prêtre doit être tout entier fixé à ce qui est sous ses yeux, et qu’il ne doit pas alors se laisser aller à penser librement à quelques pensées mondaines.

III. Enfin l'amict, dont le prêtre voile sa tête, signifie, en ce qui se rapporte à son chef (capiti), c’est-à-dire au Christ, ce qui est décrit dans l’Apocalypse, à savoir : que ce l’ange de Dieu « descendit du ciel couvert (amictum) d’une nuée ; » et dans Isaïe : « Voici que le Seigneur monta sur une blanche nuée. » Le Fils de Dieu, l’Ange du grand Conseil, en venant pour sauver le monde, se revêtit d’une nuée (amictus est), lorsqu’il cacha sa divinité dans sa chair. Or, la tête de l’homme, c’est le Christ ; et la tête du Christ, c’est Dieu. Donc, l’amict du prêtre signifie cette retraite de la chair, qui est symbolisée d’une manière encore plus formelle par ce voile que le Souverain Pontife met sur sa tête, et dont on parlera au chapitre des Chausses. Et, certes ! c’est par un sens magnifique que cet habillement des jambes et des pieds désigne la même chose que l’amict de la tête, parce que la divinité fut cachée dans la chair et se révéla par la chair. Car, lorsque Dieu était connu dans la Judée, et que son nom était grand en Israël, il étendit sa marche en Idumée, et révéla sa justice devant les nations. L’amict représente aussi ce voile dont les Juifs voilèrent la face du Christ en lui disant (S. Math., xxvi) : « Christ, prophétise-nous quel est celui qui t’a frappé. »

  1. Voir note 35 page 429.