Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Huitième livre/Chapitre 14

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 208-209).


CHAPITRE XIV.
CONCLUSION DE L’OUVRAGE.


Que personne ne s’imagine que les divers offices ont été suffisamment expliqués dans cet ouvrage, de peur que parfois, en élevant, en louant l’œuvre de l’homme, on ne ravale le sacrement ou le mystère divin ; car, dans les divins offices de la messe, il y a tant et de si grands mystères cachés, qu’aucun, à moins qu’il ne soit éclairé par l’onction de l’Esprit saint, n’est capable de les expliquer. En effet, qui est celui qui connaît l’ordre du ciel et pourra en exposer le système sur cette terre ? Car celui qui scrute la majesté sera écrasé par la gloire. Pour moi, qui ne prétends pas avec des yeux débiles contempler le soleil dans son mouvement de rotation, j’ai cru voir, comme en énigme et comme dans un miroir, la majesté d’un si grand mystère ; et, sans pénétrer au sein du cénacle, mais content de rester à la porte et dans le vestibule, j’ai fait ce que j’ai pu (d’une manière qui laisse bien à désirer), et non ce que j’ai voulu (lxix di., Si officia, in princ.). Car, chaque jour, embarrassé dans les soins presque infinis et inévitables des affaires du siège apostolique auxquelles nous sommes dans l’obligation de vaquer, et qui, semblables à des vagues, viennent accabler l’esprit de celui qui se livre à l’étude et qui veut s’élancer vers les sphères supérieures, ne sachant que faire, pour ainsi dire, et enlacé dans divers et inévitables liens, je n’ai pu me livrer tout entier à ce travail comme je l’aurais voulu ; bien plus, à peine ai-je pu dicter et faire écrire ce que j’avais médité, bien loin de concevoir ce que j’avais à méditer, ou bien de creuser et de aie livrer à une méditation approfondie. Or, l’esprit de l’homme, quand il est distrait par diverses occupations, devient évidemment moins capable de remplir chacune d’elles en particulier. C’est pourquoi, non-seulement je m’empresse d’implorer la bienveillance du lecteur, mais, de plus, je désire être l’objet d’une critique indépendante ; car je ne peux nier que beaucoup d’assertions de cet opuscule ne puissent être très-justement critiquées et blâmées sans aucune témérité (ix di., Negare). Que si l’on y trouve quelque chose à louer, qu’on l’attribue en tout à la divine grâce ; car toute faveur insigne et tout don parfait nous viennent d’en haut, descendant du Père des lumières (I q. ii, Quam pio). Si l’on y trouve quelque chose de répréhensible et d’incomplet et qui marque l’insuffisance, qu’on en rejette la faute sur la faiblesse humaine. Car le corps, qui est corrompu, accable l’ame, et cette enveloppe de terre écrase l’esprit, qui peut beaucoup de choses. Ce livre renferme, ou mes propres pensées, ou peut-être celles de ceux dont la plupart du temps je récite plutôt les sentences que je ne les approuve. J’ai recueilli laborieusement cet ouvrage, à l’exemple de la diligente abeille, tant des écrits contradictoires et des commentaires des autres, que de ceux que la grâce divine m’a suggérés elle-même ; et, appuyé sur la protection de Dieu, j’ai présenté cette doctrine qui renferme un doux nectar, comme un rayon de miel, à ceux qui veulent se livrer à l’étude des divins offices ; et, pour ce travail considérable, je n’attends des hommes d’autre récompense que le secours de leurs dévotes prières, pour obtenir le pardon de mes péchés auprès du plus miséricordieux des juges.


FIN DU HUITIÈME ET DERNIER LIVRE DU RATIONAL.