Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 26

La bibliothèque libre.
Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 82-84).


CHAPITRE XXVI.
DE LA DÉCOLLATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE (14).


I. L’Église célèbre la fête de la Décollation du bienheureux Jean-Baptiste, parce qu’il est mort pour la vérité ; mais elle ne la fête pas si solennellement que celle de sa Nativité, parce qu’il est descendu dans les limbes, comme dit Grégoire sur ce passage : « Est-ce toi qui dois venir, ou devons-nous en attendre un autre ? « Il fut décapité dans le temps pascal par le roi Hérode, l’an trente-deux de la naissance du Seigneur, savoir l’année qui précéda la passion du Seigneur ; et il commença lui-même à prêcher à trente ans, et ainsi cette fête est celle de sa Décollation.

II. Et remarque qu’il y eut trois Hérode que leur atroce cruauté a rendus fameux. Le premier est appelé Hérode l’Ascalonite ; c’est sous cet Hérode que naquit le Seigneur, et ce fut lui qui fit massacrer les Innocents. Le second est Hérode Antipas, qui fit trancher la tête au bienheureux Jean-Baptiste ; le troisième, Hérode Agrippa, qui fit mettre à mort saint Jacques et emprisonner saint Pierre. D’où l’on a fait ces vers :

L’Ascalonite massacre les enfants ; Antipas met Jean à mort ;
Agrippa fait périr Jacques et enfermer Pierre dans un cachot.

III. Ce qui est certain, c’est qu’après la décollation de Jean ses disciples ensevelirent son corps à Sébaste, ville de Palestine, et son chef fut inhumé à Jérusalem près du tombeau d’Hérode. Dieu opérait une infinité de miracles à l’endroit où son corps avait été enseveli, ce qui y attirait un immense concours de chrétiens. Ce que voyant Julien l’Apostat, il ordonna aux Gentils, pour déshonorer saint Jean, de briser son tombeau et de disperser ses ossements à travers les champs ; ce qu’ils exécutèrent. Mais comme les chrétiens s’y rendaient encore et que les miracles ne cessaient point, les Gentils ramassèrent les ossements, qu’ils brûlèrent ; mais on ne put parvenir à brûler le doigt avec lequel le saint avait montré le Seigneur lorsqu’il se dirigeait vers le Jourdain, en disant : « Voici l’Agneau de Dieu, etc. » Cependant un grand nombre de moines chrétiens de Jérusalem, se trouvant au milieu des Gentils qui ramassaient ces ossements, en gardèrent autant qu’ils en purent cacher, et les portèrent à Philippe, évêque de Jérusalem, qui les envoya par le diacre Julien à Anastase, évêque d’Alexandrie. Dans la suite, Théophile, évêque de cette même ville, les déposa dans un temple de Sérapis, et consacra une basilique en leur honneur. De là vient que l’Église, selon maître Guilbert, célèbre cette fête de la Décollation et aussi de la combustion des ossements de saint Jean, comme s’il avait souffert un second martyre après le premier, parce qu’il souffrit en quelque sorte dans ses os. D’autres disent que la bienheureuse Thècle apporta d’outre-mer, dans la Maurienne, le doigt du bienheureux Jean qui n’avait pu être brûlé ; et là, elle fonda, en l’honneur du bienheureux Jean, une église, laquelle église lui a été dédiée en ce jour. C’est pourquoi il a été décrété par le seigneur pape que, dans tout l’univers, ce jour serait toujours célébré en l’honneur du bienheureux Jean ; et, d’après cela, il paraît que l’on doit appeler cette fête fête de la Dédicace.

IV. De plus, le bienheureux Jean révéla l’endroit où son chef était inhumé à deux moines d’Orient, qui étaient venus à Jérusalem pour honorer le saint (ou peut-être pour adorer le saint sépulcre). Ils le trouvèrent près du palais d’Hérode, le vii des calendes de mars. Mais dans la suite d’autres moines le transportèrent en la ville d’Edesse ; il y fut caché sans honneur dans une caverne, jusqu’à ce que cet endroit fût de nouveau révélé au prêtre Marcel et rendu aux honneurs qu’il méritait par l’évêque de cette même ville, le iv des calendes de septembre. A partir de ce temps, on commença à célébrer dans cette même ville la décollation du bienheureux Jean, le jour, je pense, où son chef fut révélé ou découvert ; et ainsi cette fête peut être appelée fête de la Révélation. Cette fête peut donc être appelée fête de la Décollation ou de la Réunion des ossements de saint Jean, ou de la Dédicace de l’église bâtie en son honneur, ou fête de sa Révélation.

V. En ce jour il en est qui disent l’épître Expectatio (Proverbes, chap. x), et l’évangile Misit Herodes (Marc, chap. vi), et l’Alleluia : Erat lucerna (Jean, chap. v).