Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 37

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 116-118).


CHAPITRE XXXVII.
DU BIENHEUREUX MARTIN, ÉVÊQUE ET CONFESSEUR.


1. Touchant le bienheureux Martin il faut savoir qu’on le dit égal aux apôtres, non parce qu’il ressuscita certains morts, comme quelques-uns le pensent, puisque beaucoup d’autres martyrs et confesseurs ont fait la même chose ; ni à cause de la multitude de ses miracles, mais spécialement à cause d’un seul miracle. Car, lorsqu’il était archevêque de Tours, il vint à lui un pauvre qui lui demanda une tunique. Martin lui accorda sa demande, et commanda à son intendant d’en acheter une. Celui-ci alla au marché et, sans se presser, il revint, portant avec lui une mauvaise tunique qui ressemblait à une casaque ou à une pénule (penula), et que l’on pouvait bien appeler presque nulle (pene nulla). Le saint homme demanda à la voir. Or, elle se trouvait courte et ne venait qu’aux genoux, et les manches ne venaient que jusqu’au coude. Martin ôta la sienne, la donna au pauvre, et lui-même se revêtit de ladite pénule. Peu de temps après, il se prépara à célébrer la messe, et, se tenant devant l’autel, comme c’est la coutume à la préface, il éleva ses mains vers le Seigneur, ses larges manches retombant en arrière, car ses bras n’étaient pas gras ni charnus ; et comme ladite pénule ne lui venait que jusqu’au coude, ses bras restèrent nus. Alors des bracelets d’or vinrent miraculeusement les couvrir décemment, et un globe de feu apparut sur sa tête, par où l’on vit que l’Esprit saint était descendu sur lui pour lui conférer la force, comme il était descendu sur les apôtres à la Pentecôte. C’est pour cela qu’à juste titre il a été nommé l’égal des apôtres. Il leur est aussi égal dans son office.

II. Il faut considérer que lui seul, parmi les confesseurs, a une octave d’institution, comme le bienheureux Laurent parmi les martyrs ; car ce dernier a dit : « Tu m’as éprouvé par le feu, et l’iniquité n’a pas été trouvée en moi ; » et Martin, de son côté, sur le point de mourir, dit au démon qui se tenait près de lui : « Tu ne trouveras rien en moi, bête cruelle. » Voilà l’accord ou les rapports qui règnent entre ces deux saints : l’un, martyr éminent, ce qui fait que, de préférence à tous les autres, il a une octave et une vigile ; l’autre, confesseur excellent ; c’est pourquoi, au-dessus de tous les autres confesseurs, il a une octave. Les rois des Français ont coutume de porter sa chape dans les combats, comme il a été dit dans la seconde partie, où l’on traite du Prêtre. Le poète Fortunat, homme remarquable par sa vie et son génie, étant venu d’Italie à Tours, écrivit les faits et gestes du bienheureux Martin, au temps du pape Jean III.