Recherches sur des hybrides végétaux/I/5

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Traduction par Albert Chappelier.
Gauthier-Villars (Bulletin biologique de la France et de la Belgique, t. XLIp. 379-382).



La première génération des hybrides.


Pendant cette génération les caractères récessifs réapparaissent dans toute leur intégrité à côté des caractères dominants, et cela dans la remarquable proportion de 3 à 1 ; de la sorte, sur quatre plantes de cette génération, trois possèdent le caractère dominant et une le caractère récessif. Il en a été ainsi, sans exception, pour tous les caractères qui ont été mis en expérience. La forme ridée et anguleuse des graines, la coloration verte de l’albumen, la couleur blanche de l’épisperme et de la fleur, les étranglements de la gousse, la couleur jaune de la gousse non mûre, de la tige, du calice et des nervures des feuilles, l’inflorescence en forme de fausse ombelle, l’axe nain, reparaissent dans le rapport indiqué, sans aucune variation numérique appréciable. Des formes de passage n’ont été observées dans aucune expérience.

Comme les hybrides issus de croisements réciproques avaient une forme bien définie ; comme, de plus, on n’observait dans leur post-développement aucune anomalie remarquable, on pouvait faire entrer en ligne de compte, pour chaque expérience, les résultats obtenus de part et d’autre. Les rapports numériques obtenus pour chaque couple de caractères différentiels sont les suivants :

1re expérience.Forme des graines. 253 hybrides ont donné, dans la deuxième année d’expérience, 7,324 graines parmi lesquelles 5,474 étaient rondes ou arrondies, et 1,850 ridées anguleuses. D’où l’on déduit le rapport 2,96/1.

2e expérience.Coloration de l’albumen. 258 plantes donnent 8 023 graines ; 6 022 sont jaunes et 2 001 vertes ; donc celles-là sont à celles-ci dans le rapport de 3,01 à 1.

Dans ces deux expériences chaque gousse donne en général deux sortes de graines. Dans des gousses bien formées, contenant en moyenne de 6 à 9 graines, il arrivait parfois que toutes les graines étaient rondes (expérience 1) ou toutes jaunes (expérience 2) ; par contre on n’a jamais observé plus de 5 graines anguleuses ou vertes dans une même gousse. Que celle-ci se développe de bonne heure ou tardivement chez l’hybride, qu’elle appartienne à l’axe principal ou à un axe secondaire, cela ne semble faire aucune différence. Chez un petit nombre de plantes, il ne se forma dans les gousses les premières venues que très peu de graines : elles possédaient alors exclusivement l’un des deux caractères ; toutefois, dans les gousses formées plus tard, le rapport resta normal. La répartition des caractères varie chez les différentes plantes, comme elle varie dans les différentes gousses.

Les dix premiers individus des deux séries d’expériences pourront servir de démonstration :

1re Expérience 2e Expérience
Forme des graines.
Coloration de l’albumen.
Plantes rondes à arêtes vives jaune verte
01 45 12 25 11
02 27 08 32 07
03 24 07 14 05
04 19 10 70 27
05 32 11 24 13
06 26 06 20 06
07 88 24 32 13
08 22 10 44 09
09 28 06 50 14
10 25 07 44 18

Les extrêmes observés dans la répartition, chez une même plante, des deux caractères de la graine sont, pour la première expérience : 43 graines rondes contre seulement 2 anguleuses ou encore 14 rondes et 15 anguleuses ; pour la deuxième : 32 graines jaunes contre seulement 1 verte, mais, d’autre part, 20 jaunes et 19 vertes.

Ces deux expériences sont importantes pour l’établissement des rapports numériques moyens, parce qu’avec un petit nombre de plantes d’expérience, elles rendent possibles des moyennes très significatives. Le recensement des graines demande toutefois quelque attention, notamment dans la 2e expérience, car, dans quelques cas isolés, la coloration verte de l’albumen n’est pas très développée et peut, au début, facilement échapper à l’attention. La cause de la disparition partielle de la coloration verte n’est aucunement liée au caractère hybride des plantes, attendu que cette disparition se constate également chez la plante souche. De plus, cette particularité se limite à l’individu seul et ne se transmet pas aux descendants ; elle a été souvent observée chez des plantes à végétation luxuriante. Les graines qui, pendant leur développement, ont été abîmées par les insectes présentent souvent des variations de couleur et de taille ; cependant, avec un peu d’habitude, on peut facilement éviter les erreurs de triage. Il est presque inutile de faire remarquer que les gousses doivent rester sur les plantes, jusqu’à ce qu’elles soient complètement mûres et sèches. C’est alors, seulement, que les graines ont atteint leur forme et leur coloration définitives.

3e expérience.Couleur de l’épisperme. Sur 929 plantes, 705 ont donné des fleurs rouge-violacé et des épispermes brun-gris ; 224 avaient des fleurs blanches et des épispermes blancs. On en déduit le rapport 3,15/1.

4e expérience.Forme des gousses. Sur 1 181 plantes, 882 avaient des gousses à renflement uniforme, 299 des gousses étranglées. D’où le rapport 2,95/1.

5e expérience.Coloration de la gousse non mûre. Le nombre des plantes d’expérience était 580 dont 428 avaient des gousses vertes et 152 des gousses jaunes : elles sont dans le rapport 2,82/1.

6e expérience.Position des fleurs. Sur 858 cas, il y avait 651 fleurs axiales et 207 terminales. D’où le rapport 3,14/1.

7e expérience.Longueur de l’axe. Sur 1 064 plantes, 787 avaient l’axe long, 277 l’axe court : d’où le rapport 2,84 à 1. Dans cette expérience, les plantes naines furent enlevées avec soin et transportées dans une planche spéciale. Cette précaution était indispensable, car sans cela elles auraient pu dépérir au milieu de leurs sœurs à haute tige. On peut les distinguer facilement, dès les premiers temps du développement, à leur port trapu, à leurs feuilles épaisses et vert sombre.

Si l’on groupe les résultats de toutes les expériences, on en déduit, entre le nombre des formes à caractère dominant et celui des formes à caractère récessif, le rapport moyen 2,98 à 1 c’est-à-dire 3 à 1.

Le caractère dominant peut avoir ici deux significations différentes : celle d’un caractère souche ou celle d’un caractère hybride. L’examen de la génération suivante peut seul indiquer les cas particuliers auxquels se rapportent l’une ou l’autre signification. En tant que caractère souche, le caractère dominant doit se transmettre sans modification à tous les descendants, tandis que comme caractère hybride, il doit se comporter comme dans la première génération.