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Recherches sur quelques objets d’analyse indéterminée et particulièrement sur le théorème de Fermat

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Recherches sur quelques objets d’analyse indéterminée et particulièrement sur le théorème de Fermat
RECHERCHES
Sur quelques objets d’analyse indéterminée et
particulièrement sur le théorème de Fermat ;
Par M. LEGENDRE.

Quoique la théorie des nombres soit beaucoup plus avancée maintenant qu’elle ne l’était du temps de Fermat, cependant il reste encore à démontrer une proposition découverte par ce savant illustre[1], savoir que, passé le second degré, il n’existe aucune puissance qui puisse être partagée en deux autres puissances du même degré. Le cas des troisièmes puissances a été démontré par Euler, et celui des quatrièmes l’a été également par une méthode que Fermat lui-même avait suffisamment indiquée, mais on n’est pas allé au-delà ; et quoique l’Académie des Sciences, dans la vue d’honorer la mémoire de Fermat, eût proposé pour sujet d’un de ses prix de mathématiques, la démonstration du théorème dont nous parlons, le concours, prorogé même au-delà du terme ordinaire, n’a produit aucun résultat.

Il semble donc qu’une difficulté particulière est attachée à cette question et que nous manquons encore du principe spécial qui serait nécessaire pour la résoudre. En attendant qu’un hasard heureux fasse retrouver ce principe, tel que Fermat l’avait conçu, les Amateurs de la théorie des Nombres verront peut-être avec plaisir que le cas des cinquièmes puissances peut être démontré rigoureusement.

Nous allons exposer cette démonstration en la faisant précéder de quelques considérations générales sur les conditions auxquelles devraient satisfaire les trois indéterminées, si la solution était possible. L’une de ces conditions est que l’exposant de la puissance, ou même son carré, soit diviseur de l’une des indéterminées ; et l’on remarquera que cette simple condition, facile à démontrer pour de petites valeurs de l’exposant, devient elle-même un problème difficile et non résolu, lorsqu’on veut l’étendre à un exposant quelconque.

1. L’équation à résoudre étant représentée en général par , on peut d’abord exclure le cas où l’exposant serait divisible par  ; car cette équation ne serait qu’un cas particulier de l’équation . Or celle-ci est démontrée impossible ; il faut donc que la première le soit à plus forte raison, puisqu’il ne suffirait pas de satisfaire à cette dernière par des valeurs de , , , et qu’il faudrait encore que ces valeurs fussent des puissances de l’ordre .

On peut de même faire abstraction du cas où l’exposant serait simplement divisible par  ; car en faisant , l’équation proposée serait un cas particulier de l’équation où l’exposant est un nombre impair.

On peut prouver de plus qu’il suffit de considérer le cas où est un nombre premier ; en effet, si était un nombre impair quelconque, soit le plus petit nombre premier qui divise , il est clair que l’équation proposée serait un cas particulier de l’équation , de sorte que si cette dernière est démontrée impossible, l’autre devra l’être à plus forte raison.

2. Cela posé, il s’agit en général de démontrer que l’équation , où est un nombre premier plus grand que , est impossible, sauf le cas évident où l’un des nombres , , , serait zéro. Nous supposerons d’ailleurs que les nombres , , , dont les valeurs et les signes sont indéterminés, n’ont aucun commun diviseur ; car si un même nombre premier divisait deux des nombres il diviserait nécessairement le troisième, et l’équation pourrait être divisée par Il faudra, en vertu de cette supposition, que deux des trois nombres soient impairs et le troisième pair.

3. Soit je dis que sera toujours divisible par En effet, on sait que étant un nombre premier, la quantité est toujours divisible par  ; il en est de même de et de  ; donc la somme de ces quantités, savoir ou simplement est divisible par .

4. Je dis maintenant que sera divisible par le produit de sorte qu’on pourra faire étant un polynôme en homogène et du degré Car étant un nombre impair quelconque, est toujours divisible par ou de même est divisible par donc ou simplement est divisible par Par une semblable raison est divisible par et par Donc étant un nombre impair quelconque, sera divisible par le produit

5. Si l’on suppose qu’aucun des nombres n’est divisible par il faudra aussi qu’aucune des sommes , , , ne soit divisible par car si, par exemple, était divisible par la différence ou serait divisible, ce qui est contre la supposition.

6. Si l’un des nombres , , est divisible par soit ce nombre ; alors sera divisible non-seulement par mais par En effet, puisqu’on a il faut que soit divisible par mais est le produit de par le polynôme  ; et si on fait dans ce polynôme ou , il se réduit à  ; donc, comme ne peut être divisible par , puisque et sont premiers entre eux, le polynôme, sera divisible par simplement et non par une puissance plus élevée de . Donc sera divisible par .

En général, si était divisible par , le serait par , et simplement par .

7. Il résulte de ce qui précède que, si on fait , les deux facteurs et auront pour commun diviseur ou n’en auront aucun, selon que sera ou ne sera pas divisible par .

La fonction dont nous ferons beaucoup d’usage, est remarquable par plusieurs propriétés. Comme les nombres et doivent être en général ou tous deux impairs, ou l’un pair et l’autre impair, la fonction , dont le nombre des termes est , sera toujours un nombre impair. De plus, ce nombre sera positif ; car la fonction est de degré pair, et elle a tous ses facteurs imaginaires. On sait d’ailleurs que étant, comme nous le supposons, un nombre premier, la fonction peut toujours se mettre sous la forme , savoir , si est de la forme , et , si est de la forme . (Voyez Th. des N. no 476.)

Maintenant, si on peut satisfaire à l’équation , voici les conséquences qui résultent de cette supposition.

8. Considérons d’abord le cas où l’un des trois nombres , , , serait divisible par , et soit ce nombre ; alors en faisant , le produit des deux facteurs et sera égal à la puissance  ; et comme ces deux facteurs ne peuvent avoir que pour commun diviseur, il faudra que , et soient l’un et l’autre des puissances ièmes dont le produit sera égal à  ; c’est pourquoi nous ferons en général , désignant un nombre divisible par ou par une puissance de , et , ce qui suppose , et de plus premier à .

On a également  ; mais dans ce cas n’étant pas divisible par , il faudra que et soient l’un et l’autre des puissances  ; on fera donc , et , ce qui suppose .

Pareillement de l’équation , on déduira , , ce qui suppose .

On aura donc à la fois les neuf équations :


Appelons comme ci-dessus la somme , nous aurons
,

et les valeurs de , , , seront exprimées en fonctions de , , , comme il suit :
,
,
.


9. Il existe aussi une relation entre , , , laquelle se déduira de l’équation , combinée avec l’équation

.

On sait d’ailleurs que est divisible par , ou par  ; on peut donc supposer , ce qui donnera
.

Et par le développement de l’équation précédente, on obtiendra dans chaque cas particulier une autre équation entre , , , . Dans le cas de , on a simplement .

10. Nous remarquerons encore que tout diviseur premier de l’un des facteurs , , , doit être de la forme . Car les nombres sont diviseurs d’un nombre de la forme sans l’être de  ; soit , il faudra que soit diviseur de sans l’être de  ; d’où il suit que est de la forme . (Th. des N., art. 157.)

Cette propriété est commune aux trois facteurs impairs , ,  ; mais le premier , qui entre dans la composition de l’indéterminée déjà divisible par , a de plus la propriété que tous ses facteurs premiers sont de la forme .

11. En effet, soit un des facteurs premiers de  ; on déduira des équations précédentes, en omettant les multiples de , , , , , . Soit une racine, autre que , de l’équation  ; puisqu’on a , l’équation , aura pour l’une de ses racines  ; donc , donc doit être un résidu ième de  ; représentons ces résidus par la suite , où doit satisfaire à la condition (sans qu’on puisse avoir , étant un diviseur de ), on pourra faire , et l’équation deviendra .

Plusieurs valeurs de peuvent satisfaire à cette équation ; car si est la moindre de ces valeurs, on pourra faire , , , etc., c’est-à-dire égal à un multiple impair de , et alors la valeur , renfermera les valeurs , , , etc., lesquelles satisferont également à l’équation .

Cela posé, l’équation dans laquelle l’exposant de est le moindre possible, devra coïncider avec l’équation , où est assujetti à la même condition, de sorte qu’on aura , et par conséquent . Donc tous les diviseurs premiers de sont de la forme  ; ce qui établit une différence notable entre ces diviseurs et ceux des deux autres nombres et , lesquels sont simplement de la forme .

12. Nous avons supposé dans l’article 8, que l’un des nombres , , , est divisible par  ; il reste maintenant à considérer le cas où aucun de ces nombres ne serait divisible par . Alors le seul changement à faire dans les neuf équations de l’art. 8, serait de mettre à la place de , et à la place de . Mais on verra que ce cas ne peut jamais avoir lieu.

13. Au moyen de la forme générale que nous venons de donner aux valeurs de on peut démontrer que si une de ces indéterminées est divisible par elle le sera nécessairement par et qu’il en sera de même de la quantité

En effet, nous avons appelé dans l’art. 8 l’indéterminée qui est divisible par or, d’après l’équation et sont divisibles par il faut que soit divisible par D’un autre côté, et étant toujours divisibles par leur somme est divisible par donc est aussi divisible. Soit on aura


et


d’où l’on voit que est toujours divisible par mais la partie est aussi divisible par dans le cas de et par une puissance plus élevée de lorsque est Donc sera toujours divisible par donc ou sera divisible par

Il est donc démontré en général que si l’une des inconnues est divisible par elle le sera nécessairement par et qu’il en est de même de la somme

14. Nous nous proposons maintenant de démontrer que l’une des inconnues est nécessairement divisible par

Ayant déjà fait soit encore de manière que les indéterminées soient les racines de l’équation si on appelle en général la somme des puissances de degré des racines, savoir on aura d’après les formules connues :


et en général


cette suite devant être prolongée jusqu’aux puissances négatives de exclusivement.

15. Soit on aura ce qui donne


donc est divisible par et en outre un des facteurs est divisible par Soit ce facteur alors ou sera divisible par on peut de plus conclure, suivant l’art. 13, que devra être divisible par ainsi que

16. Soit on aura ce qui donne ou


Si aucun des nombres n’est divisible par

il faudra que le facteur ou simplement sa partie soit divisible. Mais tout nombre non divisible par est représenté par ou par et son carré l’est par or trois nombres étant de la forme leur somme ne peut être que de l’une des quatre formes il est donc impossible que soit divisible par si aucun des nombres n’est divisible. Donc dans le cas de il y a nécessairement une des indéterminées divisible par elle l’est donc en même temps par ainsi que la somme

17. Ces deux premiers cas peuvent être démontrés d’une manière beaucoup plus simple ; comme il suit.

1o. Un cube quelconque non divisible par est nécessairement de l’une des deux formes Or trois des restes ne peuvent faire ni la somme zéro, ni la somme donc si l’on peut satisfaire à l’équation un des trois nombres sera nécessairement divisible par

2o. La cinquième puissance de tout nombre non divisible par est nécessairement de l’une des quatre formes ce que l’on peut vérifier sur les cinquièmes puissances des nombres lesquelles divisées par ont les mêmes restes que donneraient les cinquièmes puissances des nombres Or trois des quatre restes ne peuvent faire ni la somme ni la somme Donc si l’équation est satisfaite, il faudra que l’un des nombres soit divisible par

Le même moyen ne réussit pas pour le cas de car on trouve Ainsi trois nombres non divisibles par tels que ou plus généralement donneraient la somme divisible par Mais voici deux autres cas qui réussissent, ce sont ceux de et

En effet, 1o. la puissance ème de tout nombre non divisible par est toujours de l’une de ces formes Or dans les cinq nombres il n’y en a pas deux qui se suivent immédiatement ou dont la différence soit l’unité. Donc trois de ces nombres ne peuvent faire ni la somme ni la somme Donc l’équation étant supposée possible, un des nombres sera divisible par

2o. La puissance ème de tout nombre non divisible par est de l’une des 16 formes or parmi ces restes on n’en trouve pas deux qui se suivent à une unité de différence ; donc dans l’équation un des nombres sera divisible par

18. Le principe dont nous venons de faire usage se démontre ainsi :

Supposons qu’on ait et soit un nombre premier non diviseur de puisque et sont premiers entre eux, on peut supposer et en faisant la substitution on verra que est divisible par ou qu’en supprimant les multiples de on a donc parmi les restes des puissances ème divisées par il y en aura toujours un, provenant de ou de qui sera plus grand d’une unité que le reste provenant de Si cette condition ne se trouve pas remplie dans la série des restes on doit en conclure qu’il y a nécessairement un des nombres divisible par

19. Revenons au cas de et faisons dans les formules du no 14, nous aurons

Le facteur peut être exprimé par


si donc aucune des indéterminées n’était divisible par il faudrait que fût divisible ; mais cette condition ne présente aucun signe d’impossibilité, car le carré de tout nombre non divisible par est de l’une des trois formes et la somme des trois restes est divisible par Cette considération est donc insuffisante pour notre objet, et il faut recourir à d’autres moyens.

20. Étant proposé l’équation où l’on suppose non divisible par on pourra faire d’abord comme ci-dessus

étant premier à Mais on sait que peut se mettre sous la forme où l’on a


On aura donc ou simplement car et seront toujours des nombres pairs. Cette équation fait voir que diviseur de la formule doit être de cette même forme, et qu’ainsi on peut supposer faisant ensuite ce qui donne


on aura l’équation à laquelle on satisfait généralement par les valeurs


Mais puisque est divisible par il faudra que le soit aussi ; et comme dans notre hypothèse est non-divisible, il faudra que soit divisible.

On prouvera de même par l’équation que doit être divisible par donc la somme de tes deux quantités, serait divisible. D’un autre côté, est toujours divisible par donc il faudrait que et par conséquent fût divisible par ce qui est contre l’hypothèse. Donc enfin dans le cas de l’une des indéterminées est nécessairement divisible par et même par

Le même mode de démonstration pourrait s’appliquer aux valeurs mais il ne réussirait pas pour la valeur C’est pourquoi nous allons exposer une autre démonstration fort simple et d’une généralité presque absolue.

21. Si l’équation est possible avec la condition qu’aucun des nombres n’est divisible par il faudra, conformément à l’art. 12, qu’on puisse satisfaire aux équations suivantes où n’a aucun diviseur commun avec


Or nous allons faire voir que ces équations ne peuvent avoir lieu.

Pour cela supposons, ce qui sera prouvé ultérieurement, qu’il existe, pour chaque valeur de un nombre premier tel qu’on ne peut pas satisfaire à l’équation et étant deux résidus de puissances ièmes divisées par et tel en même que ne soit pas un de ces résidus. Voici les conséquences qui résultent de l’hypothèse que n’est pas diviseur de

Il faut d’abord que l’un des nombres soit divisible par car dans le cas contraire, on serait conduit comme dans le no 18 à l’équation qui n’a pas lieu. Soit ce nombre alors sera aussi divisible par de sorte qu’en omettant les multiples de on aura Je conclus de cette dernière équation ; que l’un des nombres est divisible par sans quoi on serait conduit de nouveau à l’équation qui n’a pas lieu. Ce nombre divisible ne peut être ni ni car si cela était, aurait un commun diviseur avec l’un des nombres et exprimés par et Donc le nombre divisible par ne peut être que

Cela posé, en omettant toujours les multiples de on aura les équations conditionnelles[2] ensuite les valeurs étant substituées dans les équations il en résulte Donc

Mais puisqu’on a si on appelle un résidu quelconque de la puissance non divisible par on sait par les propriétés de ces résidus (Th. des N. art. 336), que les valeurs de qui satisfont à l’équation sont représentées par la suite formée des puissances successives d’un même nombre dont la propriété est telle que et qu’aucune autre puissance de dont le degré serait inférieur à ne peut donner le reste Il en résulte donc qu’on pourra faire et et alors l’équation donnerait donc serait un résidu de puissance ème, ce qui est contre la supposition.

22. Tout se réduit par conséquent à prouver qu’il existe pour chaque valeur de un nombre premier qui satisfait aux deux conditions mentionnées. Voici un tableau dressé à cet effet pour toutes les valeurs de moindres que

3
5
7
11
13
17
19
23
29
31
37
41
43
47
53
59
61
67
71
73
79
83
87
97

On voit dans ce tableau, que l’équation n’est satisfaite dans aucun cas, c’est-à-dire qu’il n’y a pas deux restes dont la différence soit égale à l’unité. On voit de même que l’exposant n’est pas compris parmi les valeurs de Ainsi la proposition est démontrée, en quelque sorte d’un trait de plume, pour toutes les valeurs de moindres que [3].

23. Dans le tableau précédent on peut remarquer que la valeur de qui sert à former le nombre auxiliaire est un terme de la série où l’on ne trouve ni ni Cette suite s’étendrait plus loin si le tableau lui-même était prolongé au-déjà de la limite mais on n’y trouverait aucun nombre divisible par En effet si était divisible par il serait toujours possible de satisfaire à l’équation et l’une des conditions exigées n’aurait pas lieu. Car en faisant le nombre qui par ses puissances successives forme les valeurs du résidu devra satisfaire à l’équation ou Rejetant dans le premier membre le facteur qui ne peut pas être zéro par la nature du nombre (art. 21) on aura ainsi en faisant on aurait

24. Si l’on remarque que la valeur s’applique à 9 des 24 cas contenus dans le tableau on pourra présumer que la loi est générale ; c’est-à-dire que toutes les fois que est un nombre premier en même temps que ce nombre ou satisfera aux deux conditions prescrites, savoir que l’équation entre deux résidus ème n’a pas lieu, et que n’est pas un de ces résidus. En effet dans ce cas il n’y a que deux résidus et qui ne satisfont point à l’équation et n’est pas un de ces résidus.

25. On peut prouver de même que lorsqu’on a ces deux conditions sont encore satisfaites. Dans ce cas il y aura 4 résidus à déduire de l’équation laquelle se divise en deux autres La seconde d’où il faut déduire le nombre est facile à résoudre ; car on sait que dans le cas dont il s’agit peut être mis sous la forme il suffira donc de déterminer par la condition que soit divisible par et sera divisible par de sorte qu’en omettant les multiples de on pourra faire et les quatre valeurs de seront

De là on voit que la condition ne pourrait être satisfaite que dans le cas de alors on aurait et cas exclu. La seconde condition qui exigerait que donne en omettant les multiples de mais par la même omission on a et donc ou c’est-à-dire que serait le nombre mais alors on aurait qui n’est pas un nombre premier.

Donc toutes les fois que et seront l’un et l’autre des nombres premiers, le nombre satisfera aux deux conditions requises.

26. L’analogie porte à croire qu’il en sera de même dans le cas de c’est ce qu’il faut examiner. D’abord la valeur de devra être déterminée par l’équation qui peut être résolue sans tâtonnement de la manière suivante.

Le premier membre peut se mettre sous la forme et comme nombre premier doit être de la forme on pourra faire en prenant pour la plus petite valeur de qui satisfait à l’équation

Pour résoudre ensuite l’équation ou on multipliera le premier membre par et observant que on aura ou Mais le nombre de forme peut être représenté par donc sera déterminé par la condition que a soit divisible par

Cela posé, les huit valeurs de seront Maintenant l’équation si elle pouvait avoir lieu, serait représentée par l’une des trois équations suivantes :

et comme on a la seconde mise sous la forme et la troisième multipliée par se réduisent à la première. Ainsi tout se réduit à prouver qu’on ne peut avoir ou En effet si on élève chaque membre au carré, on aura équation impossible. Si on admettait encore la combinaison il en résulterait et ensuite équation impossible. Donc lorsqu’on aura l’équation sera impossible, et la première condition sera remplie.

Il reste à prouver que la seconde le sera également, c’est-à-dire que ne sera pas comprise parmi les valeurs de Si elle l’était on aurait d’un autre côté on a ou simplement et par conséquent donc ou ce qui veut dire que ne pourra être qu’un diviseur de or n’a pour diviseur aucun nombre premier de la forme et en a deux, savoir et mais ceux-ci supposent et l’un n’étant pas premier, l’autre n’étant pas impair. Donc nos deux conditions seront remplies sans aucune exception, toutes les fois qu’on aura

27. Soit encore on pourra toujours trouver une valeur de telle qu’en omettant les multiples de on ait et les valeurs du résidu seront ainsi représentées Maintenant si l’équation entre deux résidus pouvait avoir lieu, elle se réduirait toujours à l’une des six équations

Or de la première on déduit ou et le carré de celle-ci est ou équation impossible.

La seconde équation donne

donc


le carré de celle-ci est

ou parce que donc c’est-à-dire

valeur qui supposerait

La troisième équation étant élevée au carré, donne le carré de celle-ci est d’où résulte encore ou

La quatrième élevée au carré, donne ou équation impossible.

Enfin on trouvera de même que les équations conduisent à des résultats impossibles.

Donc la première condition est satisfaite. Quant à la seconde on trouve également qu’elle l’est, à moins que ne soit diviseur de ou de Or on sait (Th. des N., art. 162) que le nombre n’a d’autres diviseurs premiers que et qui supposent valeurs exclues ; on sait également par l’art. 157, que le nombre n’a que les diviseurs premiers et qui supposent et or ceux-ci ne sont pas des nombres premiers. Donc il n’y a aucune exception et les deux conditions seront toujours remplies lorsqu’on aura

28. On peut vérifier de la même manière que les deux conditions sont encore remplies pour les cas de et Dans le dernier cas, la seconde condition ne souffrirait d’exception que pour les diviseurs premiers de Or est le produit de par le nombre qui est premier, mais pour lequel on aurait qui n’est pas premier ; et est le produit de par qui est un nombre premier mais pour lequel n’est pas premier. Ainsi la proposition démontrée par la table pour tous les nombres premiers moindres que s’étend généralement à tous les nombres premiers tels que dans les six formules il y ait au moins un nombre premier, ce qui permet d’étendre immédiatement la table jusqu’à qui dépend du nombre premier

29. Dans le cas de ces six formules donnent les trois nombres premiers qui remplissent par conséquent les conditions exigées dans la table ; la formule donne encore le nombre qui satisfait aux deux mêmes conditions. Mais depuis jusqu’à on ne trouve aucun nombre ou plutôt (car est exclu par le no 23) qui ne satisfasse à l’équation ce qui doit faire présumer que est le dernier des nombres qui remplissent les deux conditions de la table. Nous ne connaissons donc que les quatre nombres qui divisent nécessairement dans l’équation Voici les résidus cinquièmes qui répondent à ces quatre valeurs de

Résidus cinquièmes.

D’où l’on voit que, non-seulement l’équation n’est pas satisfaite, mais que n’est pas compris parmi les résidus. Cette dernière circonstance permet de démontrer que les trois nombres divisent la même indéterminée déjà divisible par et de plus que cette propriété n’appartient qu’au plus petit des deux facteurs dont la valeur de est composée. Voici les moyens de parvenir à cette démonstration, d’où l’on déduira quelques conséquences importantes pour les autres cas du théorème de Fermat.

30. Reprenons pour cet effet les équations de l’art. 8, savoir


et supposons que le nombre de la forme réunit les deux conditions exigées dans l’art. 21. On peut prouver en général que n’est point diviseur de car supposons, s’il est possible, que divise il divisera en même temps et, en supprimant les multiples de on aura et De là on déduit donc De là on déduit donc Représentons par et les résidus des puissances et divisées par nous aurons ou donc serait un des résidus compris dans la suite ce qui est contre la supposition. On prouvera de même que ne divise point donc ne divise point

31. En second lieu, supposons que divise l’un des bres designés par puisque n’a aucun diviseur commun avec il faudra que ne divise aucun des nombres cependant comme il doit être diviseur de l’un des nombres on voit par les valeurs de ces nombres données ci-dessus, que l’une des quantités


doit être zéro, en rejetant les multiples de et comme dans le même cas cette condition exige que parmi les résidus etc., il y en ait deux et qui satisfassent à l’équation C’est ce qu’on vérifiera aisément en ajoutant à tous les termes de la suite et voyant si la seconde suite ainsi formée a un ou plusieurs termes communs avec la première suite. Si elle n’en a point l’équation est impossible, donc ne saurait diviser et puisque d’ailleurs il ne divise pas il divisera nécessairement le facteur l’un des deux dont est composé.

Cette vérification, si elle réussit, dispensera des deux suivantes.

32. En général on peut par deux opérations assez simples déterminer si peut être diviseur de et s’il peut l’être de

Supposons 1o que divise alors en omettant les multiples de on aura


Et d’abord pour résoudre cette dernière équation il faut remonter à la valeur de la fonction


ainsi il faudra résoudre l’équation c’est-à-dire un multiple de et omettre la racine Or on sait (Th. des N. art. 337) que la solution générale de cette équation est donnée par la formule étant une puissance quelconque du nombre qui satisfait à l’équation c’est-à-dire à un multiple de

Cela posé, si on exclut la valeur les racines de l’équation seront, en omettant toujours les multiples de et parce que et on aura les valeurs


Dans cette équation peut être considéré comme un résidu ème donc il faudra que dans la suite


il se trouve un ou plusieurs termes communs avec la suite des résidus

S’il ne se trouvait aucun terme commun entre ces deux suites, on en conclurait que n’est point diviseur de ni par conséquent de car l’épreuve est la même pour l’un et pour l’autre.

S’il y a un ou plusieurs termes communs entre ces deux suites il faudra encore qu’ils satisfassent à la condition et parce que doit encore être un résidu ème, il faudra que dans la suite

il y ait encore un ou plusieurs termes qui appartiennent à la suite mais il faut de plus que les termes des suites et communs avec soient placés au même rang c’est-à-dire que le terme de la suite et le terme correspondant de la suite soient compris l’un et l’autre dans la suite des résidus ème. Si cette double condition n’est pas remplie on en conclura que n’est point diviseur de

33. Supposons 2o que est diviseur de on trouvera semblablement que dans les deux suites

il devra se trouver deux termes correspondans qui soient compris l’un et l’autre dans la suite

Mais cette épreuve ne sera nécessaire que lorsque sera de la forme car on sait a priori (art. 10) que si le nombre premier est simplement de la forme dans laquelle n’est point divisible par ce nombre ne peut être diviseur de

Au moyen de ces deux épreuves on décidera aisément dans chaque cas particulier, si peut-être diviseur de ou de s’il ne divise ni l’un ni l’autre, on sera assuré qu’il doit être diviseur de

34. Soit par exemple nous aurons à examiner cessivement les quatre diviseurs dont nous avons donné les résidus èmes, art. 29.

Soit 1o. on aura et L’équation où l’on néglige les multiples de a pour une de ses racines ce qui donne les autres d’après ces valeurs voici les quatre suites où nous conservons l’ordre des puissances de

On voit que n’a aucun terme commun avec et qu’il en est de même de donc ne divise ni ni donc il divise le facteur de désigné par

Soit 2o. on aura et on satisfait à l’équation c’est-à-dire à l’équation par la valeur de là ces quatre suites :

Les termes correspondans et pris dans et dans sont compris dans la suite donc il n’y a pas d’impossibilité à ce que divise

Il était inutile dans ces deux premiers cas de former les séries et parce que les nombres et ne sont pas de la forme ou il en sera de même dans le cas suivant, mais elles deviendront nécessaires dans le cas ème, relativement au diviseur

Soit 3o. on aura et l’équation a pour racine d’où résultent les valeurs suivantes :

La suite a le terme et la suite le terme communs avec mais ces deux termes ne sont pas placés au même rang dans les deux suites, donc ne divise pas il ne peut pas non plus diviser puisqu’il n’est pas de la forme donc est un diviseur de

  Soit 4o. on aura

et l’équation ayant pour racine on en tire les valeurs suivantes :

La suite n’a aucun terme commun avec donc ne divise pas il ne divise pas non plus parce que la suite n’a aucun terme commun avec Donc est diviseur de

35. Il résulte de tout ce qui vient d’être démontré qu’on doit faire et par suite ainsi abstraction faite du facteur qui pourrait être plus grand que tous les autres, la valeur de a pour logarithme d’où l’on voit que l’une des indéterminées et serait un nombre composé de chiffres au moins, si l’équation était possible. Alors le plus grand des trois termes de cette équation aurait au moins chiffres, et le plus petit en aurait au moins

36. Considérons maintenant le cas des septièmes puissances ; si on cherche d’après l’art. 26 les nombres premiers contenus dans les formules on trouvera les trois nombres qui doivent satisfaire aux deux conditions exigées no. 21 ; voici les résidus septièmes de ces trois nombres :

où l’on voit qu’en effet les résidus ne satisfont point à l’équation et ne contiennent pas le nombre Cela posé, on pourra démontrer que deux de ces nombres savoir et ne peuvent diviser que le facteur dans les formules de l’art. 8.

En effet, soit 1o. ce qui donne comme dans ce cas les résidus 7ièmes sont on voit que l’équation n’est pas satisfaite ; car en ajoutant à ces résidus, on aurait les quatre nombres dont aucun n’est compris parmi les résidus. Donc suivant l’art. 31, il faut que soit diviseur de Soit 2o. on aura et l’équation où l’on néglige les multiples de aura pour racine De là résultent les valeurs de et comme il suit :

La première suite contient le seul terme commun avec la suite mais le terme correspondant dans la suite ne se trouve pas dans la suite Donc ne divise pas

Nous n’avons pas formé les suites et parce que n’étant pas de la forme ou on sait par l’art. 10 que ne peut diviser Donc est diviseur de

        Soit 3o. on aura

et l’équation aura pour racine ce qui donne

On voit que les deux nombres et situés au même rang dans les deux suites et sont compris dans la suite Donc peut diviser et ne doit pas être compris parmi les diviseurs de

Nous conclurons de là qu’on doit faire ce qui donne Faisant abstraction du facteur on aura donc l’un des nombres et n’aura pas moins de chiffres.

37. Dans l’équation du 11ième degré on trouvera semblablement que la même indéterminée divisible par doit l’être encore par et par ce qui donnera et en faisant abstraction du facteur Donc l’un des nombres et aura au moins chiffres, et l’équation ne pourra être vérifiée qu’avec des nombres dont le plus petit aurait au moins chiffres.

Dans l’équation du 13ème degré on trouvera immédiatement ce qui donne au moins chiffres à l’un des nombres et et à l’une des puissances 13èmes qui forment l’équation.

      Dans l’équation du 17ème degré on aura

donc l’une des indéterminées aurait au moins chiffres.

Ces exemples suffisent pour donner une idée de la grandeur des nombres qui satisferaient à l’équation de Fermat, s’il y avait des cas où cette équation fût possible ce qui est déjà fort peu probable. Procédons maintenant à la démonstration de l’impossibilité dans le cas du 5e degré.

De l’Équation

38. Puisque, l’une des indéterminées doit être divisible par et même par soit cette indéterminée on trouvera comme au no 8, que l’équation se partage nécessairement en deux autres de cette manière :

ce qui suppose étant un nombre impair, positif et premier à

Cela posé, il y a deux cas à distinguer selon que sera pair ou impair.

Premier cas, où l’on suppose pair.

39. Alors est pair, et sont impairs et la seconde des équations pourra se mettre sous la forme

Divisant par et mettant au lieu de sa valeur on aura

Dans notre hypothèse, les nombres et sont des entiers ; d’ailleurs puisque le premier membre est de la forme son diviseur devra être de la même forme, de sorte qu’on pourra supposer puis faisant ce qui donne

on aura et par conséquent

Pour avoir une solution générale de cette équation, il faut prendre deux nombres et n, tels qu’on ait étant un entier quelconque, ces nombres satisferont en général à l’équation et on pourra supposer

ce qui donnera

40. Ces formules contiennent une infinité de solutions, puisqu’on peut prendre pour un entier quelconque mais ces solutions en nombre infini, ne sont susceptibles que de cinq formes différentes.

En effet, quel que soit l’exposant il sera toujours de l’une des cinq formes, Mais j’observe que la partie indéterminée peut être supprimée comme étant comprise dans l’expression de Car on peut faire et on aura de nouveau de sorte qu’il suffira de mettre et à la place de et dans les valeurs de et Il ne reste donc à considérer que les cinq valeurs auxquelles répondent les valeurs de et n, comme il suit :

41. Nous observerons encore que dans l’équation est toujours divisible par le terme ne peut être divisible par qu’autant que le sera : car étant premier à et sa valeur étant ne peut être divisible par ni par conséquent Donc des cinq valeurs de on ne peut admettre que la valeur qui répond à ce qui donnera pour seule solution admissible

Dans cette équation, les deux facteurs du second membre sont premiers entre eux, et il faut supposer pair ; car si était impair, devrait être pair, et le second membre de notre équation serait impair, tandis que le premier est divisible par puisque est pair. On en conclura que l’équation précédente ne peut, se partager en deux autres que de la manière suivante qui suppose

Dans la seconde équation, le premier membre peut se mettre sous la forme donc son diviseur doit être de la forme il en est de même de et on pourra par conséquent faire ce qui donnera et étant des fonctions semblables à et on aura donc l’équation

dans laquelle et on trouvera comme ci-dessus que la seule solution admissible est

Faisant encore étant premier à cette équation ne pourra se partager en deux autres que de cette manière

42. Nous retombons ainsi sur des équations qui sont toujours de même forme et dont la série peut se continuer à l’infini.

Or ayant fait successivement etc., il s’ensuit que etc.; de sorte que le nombre des facteurs augmente continuellement dans l’expression de Chacun de ces facteurs déterminé par une équation de la forme et sont des nombres toujours croissans, puisqu’on a est certainement plus grand que et ne peut comme nombre entier, être moindre que Donc en supposant même que la suite etc., eût pour limite la valeur de composée d’un nombre indéfini de facteurs etc. qui ne peuvent être moindres que a, surpassera bientôt toute quantité donnée, ce qui ne peut s’accorder avec la supposition faite que les valeurs primitives de sont données en nombres finis. Donc l’équation proposée est impossible, dans le premier cas où l’on suppose que l’une des indéterminées est divisible à la fois par et par [4].

Second cas, où l’on suppose impair.

43. Alors les deux indéterminées et seront l’une paire, l’autre impaire, et la seconde des équations pourra se mettre sous la forme

où l’on voit que sera toujours un nombre entier, et que doit être divisible par en effet on a

L’équation précédente peut donc s’écrire ainsi :

et puisque le nombre impair est diviseur d’un nombre de la forme et sont premiers entre eux, il sera lui-même de cette forme ; il en est de même de car on sait que tout nombre de la forme est en même temps de la forme nous pouvons donc supposer et faisant comme ci-dessus nous aurons et l’équation à résoudre sera

Supposant de nouveau la résolution générale de cette équation s’obtiendra en faisant

ce qui donne

On tire de ees deux équations ou

44. Puisque est toujours divisible par et que ne l’est pas, cette équation ne peut subsister à moins que ne soit divisible par Or d’après les cinq valeurs de et rapportées ci-dessus, on trouve que cette condition ne peut être remplie qu’en supposant ce qui donnera

ou en divisant par et substituant les valeurs de et de

On voit par cette équation que doit être divisible par soit donc étant un nombre divisible par et on aura de sorte qu’on pourra faire directement

On déduit de là les valeurs séparées de et de mais comme nous n’avons besoin que de la quantité nous pourrons, dans cette équation mettre à la place de ce qui donnera

et par conséquent

45. Sachant déjà que est divisible par et que ne l’est pas, observant de plus que doit être impair, et qu’ainsi les deux facteurs du second membre sont premiers entre eux, la seule manière de satisfaire à cette équation est de la partager en deux autres, comme il suit

ce qui suppose étant premier à

La seconde équation peut se mettre sous la forme

d’où l’on voit que doit être de la forme il en est de même de on pourra donc faire ce qui donnera et on satisfera généralement à l’équation précédente en faisant

ce qui donne enfin ou

Puisque est divisible par et que ne l’est pas, cette équation ne peut subsister à moins que ne soit divisible par Les seules valeurs de et à prendre pour cela, sont ce qui donnera, en divisant par

ou en substituant les valeurs de et

46. Cette équation fait voir que est divisible par soit donc on aura

ou en faisant le développement :

Multipliant tout par et mettant au lieu de la valeur fictive on aura ou

Maintenant étant divisible par et ne l’étant pas, cette équation ne peut se partager en deux autres que de cette manière

ce qui suppose et premier à

Cette dernière équation peut être mise sous la forme

d’où il suit que doit être de la forme il en est de même de on peut donc faire ce qui donnera Soit, maintenant et étant des nombres impairs, on pourra supposer

ce qui donnera

Mais puisque et sont divisibles par et que ne l’est pas, cette équation ne peut subsister à moins que ne soit divisible par Et comme on a en général ce qui donne on ne pourra admettre que les valeurs d’où résultent de sorte qu’on aura ou

47. Nous retombons ainsi sur une équation semblable à l’équation déjà considérée d’où il suit que les mêmes transformations pourront être continuées à l’infini, ce qui supposerait infinies les valeurs primitives des indéterminées.

Car ayant fait successivement etc., on aura etc., de sorte que le nombre des facteurs augmente continuellement dans l’expression de Ces facteurs sont déterminés par des équations qu’on peut réduire à la même forme, savoir etc., d’ailleurs on a etc., de sorte que la suite etc., est rapidement croissante, même en supposant que les nombres etc., aient l’unité pour limite. Donc les nombres etc., toujours plus grands que ne pourront être moindres que ce qui rendra infinie la valeur de Donc l’équation n’admet aucune solution en nombres entiers.

48. Il est maintenant démontré que l’équation ne peut avoir lieu toutes les fois que qui est supposé impair, sera un multiple de ou de Quant aux autres cas du théorème de Fermat, ils ne semblent pas pouvoir être démontrés par les méthodes employées pour le 3ième et le 5ième degré ; nous savons seulement que la solution, s’il y en avait une, ne pourrait être donnée que par des nombres d’une grandeur excessive.

Nouvelle démonstration du théorème de Fermat dans le cas
du troisième degré
.

49. Nous supposerons qu’il existe trois nombres entiers positifs ou négatifs, qui satisfont à l’équation avec la condition que ces trois nombres soient premiers entre eux, deux étant impairs et le troisième pair ; nous verrons quelles conséquences résultent de cette supposition. Notre démonstration sera divisée en trois parties.

Ire. L’un des nombres doit être divisible par 3.

En effet, tout nombre non-divisible par positif ou négatif, est de la forme et son cube est de la forme Si donc aucun des nombres n’était divisible par la somme de leurs cubes devrait être de l’une des quatre formes et ne pourrait par conséquent se réduire à zéro. Donc l’un des nombres est nécessairement divisible par

IIe. Celle des indéterminées qui est paire, est en même temps,
divisible par

Désignons par l’indéterminée divisible par et soit étant un nombre impair, de sorte qu’on ait l’équation

je dis que devra être divisible par

En effet supposons, s’il est possible, que ne soit pas divisible par le premier membre est le produit de deux facteurs et qui ne peuvent avoir que trois pour commun diviseur (art. 7) ; et puisque ne divise pas le second membre il s’ensuit que ces deux facteurs sont premiers entre eux. Leur produit doit être un cube, il faut donc que chacun d’eux soit un cube ; si l’on observe d’ailleurs que est toujours un nombre impair, on en conclura que doit être facteur de ainsi on devra faire

ϐ

ce qui suppose ϐ, ϐ étant positif et premier à

Maintenant si l’on met la seconde équation sous cette forme

ϐ

on voit que le second membre étant de la forme son diviseur ϐ, qui est un nombre impair, devra être de la même forme. Faisant donc ϐ ensuite ce qui donne

on aura ϐ de sorte qu’on satisfera généralement à l’équation précédente en faisant

ce qui donnera

Or étant supposé non-divisible par il faudra que l’un des nombres soit divisible, ce qui exige que soit aussi divisible par Mais alors les deux nombres et seraient divisibles par ainsi que le troisième ce qui est contre la supposition.

Donc l’indéterminée divisible par doit l’être aussi par et on doit faire en général étant premier au nombre de sorte que l’équation proposée sera toujours de la forme

IIIe. L’équation est impossible.

Car supposons pour un moment qu’elle puisse être satisfaite, sans que l’une des indéterminées soit zéro, les deux facteurs du premier membre, savoir et ont pour commun diviseur et non une puissance plus élevée de comme il a été démontré art. 6 ; d’ailleurs le second facteur est impair ; ainsi l’équation dont il s’agit se partagera nécessairement en deux autres comme il suit :

et on aura en même temps ϐ.

La seconde de ces équations peut être mise sous la forme :

ϐ

d’où il suit que ϐ est encore de la forme Faisant donc comme ci-dessus ϐ et ϐ on aura l’équation à laquelle on satisfait généralement en prenant Cette dernière donne, en faisant les substitutions,

Dans cette équation où est impair, puisque l’est, il faut que soit divisible par soit donc on aura Maintenant puisque le produit est un cube et que les facteurs sont premiers entre eux, il faut que chacun de ces facteurs soit un cube ; ainsi on devra faire ce qui donnera et en même temps On tire de là l’équation semblable à la proposée, où il faut observer que l’un des trois nombres doit contenir le facteur Or, d’après ce qui a été démontré dans la seconde partie, le terme déjà divisible par est nécessairement aussi divisible par donc il faut faire ce qui donnera

Ainsi de l’équation où l’une des indéterminées est divisible par on déduit une équation semblable où l’indéterminée correspondante est divisible par Continuant donc ces transformations autant de fois qu’il y a d’unités dans on parviendra à une dernière transformée dans laquelle aucun des nombres ne serait divisible par Cette équation est impossible en vertu de la première partie ; donc l’équation proposée est pareillement impossible.

De l’équation

50. Dans cette équation où nous supposons ou les nombres et doivent être impairs, et on peut supposer que l’est aussi ; d’ailleurs le premier membre est le produit des deux facteurs qui ne peuvent avoir que pour diviseur commun. Ainsi il faudra distinguer deux cas, selon que est ou n’est pas divisible par

Soit 1o. divisible par l’équation proposée se divisera nécessairement en deux autres comme il suit :

et l’on aura étant premier à

La seconde de ces équations peut se mettre sous la forme

d’où l’on voit que qui est toujours un nombre impair, doit être de la forme Faisant donc puis on aura et de l’équation précédente on déduira Mais on a donc

Dans cette équation doit être divisible par car est nécessairement un nombre impair, puisque en est un ; d’ailleurs les trois facteurs n’ayant aucun diviseur commun, l’équation précédente se décomposera en trois autres, savoir d’où résulte ϐ équation semblable à la proposée et composée de nombres beaucoup plus petits.

Soit 2o. non divisible par alors l’équation proposée se décomposera en ces deux-ci :

lesquelles supposent et premier à

La dernière étant mise sous la forme on voit que devra être de la forme c’est pourquoi faisant, comme dans le premier cas, on aura ce qui donnera la solution Mais on a donc Les trois facteurs du second membre étant premiers entre eux et étant toujours impair, cette équation ne peut subsister à moins qu’on n’ait ce qui suppose les trois nombres étant premiers entre eux. De là résulte équation entièrement semblable à la proposée, et dans laquelle sera, ainsi que non divisible par

Puisque dans les deux cas l’équation proposée se réduit à une équation composée de nombres beaucoup plus petits ; il s’ensuit que cette équation est impossible, excepté dans le seul cas

Nous avions déjà démontré dans la Théorie des nombres le cas de et celui de étant un nombre entier ; la démonstration précédente qui s’applique à ces deux cas, comprend en outre le cas de

De l’équation

51. Il résulte de la démonstration précédente que cette équation est impossible pour les valeurs etc. ; on peut faire voir qu’elle l’est encore pour les valeurs

Pour cet effet observons d’abord que si est de la forme l’indéterminée devra être divisible par car si elle ne l’était pas, on pourrait faire et en rejetant les multiples de on aurait Or un cube quelconque est toujours de l’une des trois formes donc la somme de deux cubes, divisée par ne peut laisser pour reste que ou Donc si donne pour reste ou sera nécessairement divisible par

52. Cela posé, considérons l’équation puisque doit être divisible par cette équation ne pourra se partager en deux autres que de cette manière

où l’on suppose étant impair et premier à

La seconde de ces deux équations pouvant se mettre sous la forme il faudra distinguer deux cas, selon que est pair ou impair.

Supposons 1o. impair, sera aussi impair ; et puisque le premier membre de cette équation est de la forme son diviseur sera de la même forme. On pourra donc faire et pour résoudre l’équation précédente, on fera ce qui donne

Mais puisqu’on a et il est visible que est divisible par et que ne l’est pas ; donc l’équation précédente ne saurait avoir lieu.

Supposons 2o. pair et par conséquent pair, on aura Faisant toujours on aura ou Les trois facteurs étant premiers entre eux, cette équation ne peut subsister qu’en faisant ce qui suppose ϐ et étant premiers à De là résulte ϐ équation semblable à la proposée et composée de nombres beaucoup plus petits. Donc l’équation est impossible.

53. On démontrera semblablement l’impossibilité des équations

Ainsi la série des valeurs de depuis jusqu’à auxquelles on peut joindre la valeur ne donne que des équations impossibles ; mais en continuant cette série on trouve immédiatement deux valeurs qui rendent l’équation possible.

On voit en effet que l’équation est satisfaite en faisant et que l’équation l’est également en faisant

54. Il est remarquable au reste que si l’équation admet une solution, sans supposer elle en admet dès-lors une infinité qui se déduiront facilement de la solution primitive.

En effet supposons qu’on satisfasse à l’équation proposée par les valeurs on sait que la somme des deux cubes donnés sera égale à la somme de deux autres cubes si l’on prend Donc de la solution donnée on déduira cette seconde solution les nombres de celle-ci étant désignés par on en déduirait sémblablement une troisième solution au moyen des valeurs

et ainsi à l’infini.

55. On voit que chaque solution est du quatrième ordre par rapport à la précédente c’est-à-dire que le nombre des chiffres devient à peu près quadruple d’une solution à la suivante.

Ainsi la première solution de l’équation étant donnée par les nombres la seconde sera ou plus simplement de celle-ci on déduit la troisième etc.

De même la première solution de l’équation étant donnée par les nombres on en déduit la seconde solution de celle-ci la troisième et ainsi à l’infini.

56. Dans le cas de on voit que s’il existait une solution de l’équation donnée par les nombres on en déduirait une seconde au moyen des valeurs celle-ci en donnerait semblablement une troisième, et ainsi à l’infini.

Si on cherchait à prolonger la série de ces solutions dans le sens inverse on devrait trouver de même une infinité de solutions, mais elles deviendraient bientôt irrationnelles car puisque est de l’ordre si précède il faudra que soit de l’ordre Voici d’ailleurs la détermination de ces quantités.

Soit on aura à résoudre les équations

qu’on peut combiner avec l’équation Or si l’on fait on trouve pour déterminer l’équation

équation qui est du nombre de celles qu’on peut résoudre à peu près aussi simplement que celles du second degré. Soit en effet et une auxiliaire dont la valeur est

on trouvera ou

Des expressions semblables donneront les valeurs de et de au moyen des auxiliaires

Ainsi à l’exception de la constante qui dépend d’une racine cubique, il ne faut que de simples extractions de racines carrées pour déterminer les nombres et pour prolonger à volonté la série des solutions dans le sens opposé à celui où elles croissent avec beaucoup de rapidité. Nous pourrions remarquer ici qu’on a entre les auxiliaires et les quantités les trois équations rationnelles :

qui chacune en produisent deux autres semblables, et d’où résulte l’équation Mais ces propriétés ne se rapportent qu’à un genre d’analyse indéterminée différent de celui où l’on se propose seulement d’obtenir des solutions en nombres rationnels.

Théorèmes d’Analyse.

57. Théorème I. étant un nombre premier, si on fait désignant le polynôme etc., on sait qu’il est toujours possible de satisfaire à l’équation

savoir si est de la forme et si est de la forme Cela posé :

« Je dis que le polynome se déterminera en général par la formule[5]

pourvu qu’après avoir développé cette puissance, on retranche des coefficients tous les multiples de qu’ils peuvent contenir, en ne conservant que les restes moindres que  »

En effet la quantité est toujours divisible par quel que soit l’entier Supposons non divisible par alors sera divisible par multipliant par et observant que peut être mis sous la forme on aura le nombre ou seulement sa partie qui sera divisible par Donc sera encore divisible par et comme le signe de est à volonté ; on pourra faire C’est ce que donnerait la formule énoncée dans le théorème en faisant

58. Soit par exemple on aura et

réduisant comme il vient d’être dit, les coefficients au-dessous de on aura la vraie valeur de savoir

Si on prend ensuite le carré de et qu’on le retranche de on aura la valeur de d’où résulte

Cette seconde opération s’exécute par les règles ordinaires de l’analyse, sans faire aucune omission dans les coefficients.

Soit encore on aura ce qui donne

et en supprimant les multiples de

ensuite on trouve

59. Théorème II. « Soit un nombre premier si l’on fait ensuite ce qui donne

etc.,
etc.

Je dis que les polynômes et peuvent en général se mettre sous la forme de sorte qu’on pourra faire

étant des polynomes en et du degré  »

En effet, si on fait on aura mais d’après cette formation on sait que la fonction peut être mise sous la forme dans laquelle on aura

Et comme en général est rationnel ainsi que étant un entier quelconque, il s’ensuit que et sont des polynômes en et homogènes et du degré ces polynomes divisés par seront les valeurs de et dans l’équation

On aura semblablement mais en faisant on aura

Les valeurs de et sont donc pareillement des fonctions entières de et et comme doit être divisible par en vertu de l’équation il faudra faire ce qui donnera Donc la fonction peut être mise sous la forme or puisque est de la forme et qu’ainsi l’équation est toujours possible, la même fonction pourra être mise aussi sous la forme il suffit pour cela de faire

ce qui donnera

60. Théorème III. « Soit un nombre premier de la forme si on fait ensuite ce qui donne

etc.,
etc.

je dis que les polynomes et pourront être partagés en deux facteurs rationnels, de sorte qu’on aura

étant des polynomes en f et g du degré  »

En effet : soit on aura et d’après cette forme on peut faire ce qui donnera

Or j’observe que la valeur de est réelle et rationnelle, puisqu’elle ne dépend que de la valeur de et celle de qui sont réelles et rationnelles. Quant à la valeur de elle est égale au produit de par le polynome

etc.,

dont la valeur est réelle et rationnelle comme celle de donc puisque on aura donc est égal au produit des deux polynômes lesquels seront les valeurs de et

61. On aura semblablement on pourra donc supposer et on aura

La valeur de se réduira comme on voit, à une quantité réelle et rationnelle, c’est-à-dire, à un simple polynome en et du degré Quant à la fonction elle est le produit de ou par le polynome

dont la valeur est réelle et rationnelle donc on aura et ce qui donne donc se décompose en deux facteurs rationnels qui seront les valeurs de et

62. Voici des exemples de ces décompositions pour les cas de et

Au reste, la similitude qu’il y a entre les fonctions et permettrait de trouver aisément les facteurs de en les déduisant des facteurs de ou réciproquement. Il faudrait pour cela mettre et à la place de et respectivement.

63. Le théorème précédent peut être appliqué aux sections angulaires ; car si on fait et on aura d’où résulte et par conséquent

Ainsi toutes les fois que sera un nombre premier de la forme les expressions de et pourront être décomposées en deux facteurs rationnels du degré

Par exemple, dans le cas de on aura

64. Pour appliquer ces formules à un cas particulier, soit proposé de diviser le quart de la circonférence en parties égales ; on fera ce qui donnera et on trouvera par la résolution de l’une ou l’autre des deux équations

La première s’applique aux arcs la seconde aux arcs qui sont les suppléments des précédents.

On aurait directement par les formules ordinaires

ce qui, dans le cas précédent, donnerait à résoudre l’équation

on a donc le choix ou de décomposer cette équation du sixième degré en deux autres du troisième, comme on vient de le faire, ou d’employer la substitution qui donne également à résoudre une équation du troisième degré.

Mais la décomposition que notre théorème fournit, a de plus l’avantage de faire connaître des propriétés nouvelles des sections angulaires. Car puisque dans notre exemple, les \cotangentes des trois arcs sont les racines d’une même équation il s’ensuit qu’on a

comme on peut le vérifier par le calcul trigonométrique.

Il resterait à trouver pour une valeur quelconque de la loi générale des valeurs de qui servent à composer les racines de chaque équation. On aurait ainsi de nouvelles formules qui s’ajouteraient aux nombreuses formules connues dans la théorie des sections angulaires.

65. Théorème IV. « Si l’équation a ses trois racines rationnelles, la quantité devra être un carré. »

En effet, soient les racines rationnelles de l’équation proposée, en sorte qu’on ait si l’on cherche les valeurs des quantités et ainsi composées :

ces quantités devront être également rationnelles. Or par les formules connues on trouve donc le second membre doit donc être un carré parfait.

On obtiendrait le même résultat par la considération des deux quantités

Corollaire. Il suit de ce théorème que dans le cas où l’équation a ses trois racines rationnelles, l’expression de l’une de ces racines par la formule de Cardan, est toujours de la forme

dans laquelle et sont rationnels ainsi que

Théorème V. « Si l’on propose de trouver combien il y a de nombres premiers dans la progression arithmétique est l’un des nombres plus petits que et premiers à le nombre cherché sera donné par la formule

laquelle sera d’autant plus exacte que sera plus grand. »

Par exemple, dans la progression etc., dont le terme général est on a et Ainsi dans les 100000 premiers termes de cette progression on devra trouver à très-peu-près nombres premiers.

Séparateur
  1. « Cubum autem in duos cubos, aut quadrato-quadratum in duos quadratos et generaliter nullam in infinitum ultra quadratum, potestatem in duas ejusdem nominis fas est dividere cufus rei demonstrationem mirabilem sane detexi. Hanc marginis exiguitas non caperet. » Fermat Notes sur Diophante, pag. 61.

    Les dernières paroles de cette note autorisent à croire que la démonstration dont parle Fermat, n’aurait occupé qu’un petit nombre de pages, s’il les avait eues à sa disposition. Cette démonstration était donc beaucoup plus simple que celle dont nous nous servons dans cet écrit pour prouver seulement que la solution, s’il y en avait une dans les cas non résolus, ne pourrait être donnée que par des nombres d’une grandeur prodigieuse.

  2. Ces équations entre des restes provenant de la division de plusieurs nombres par un même nombre premier se traitent comme les équations ordinaires, sans qu’il soit besoin des signes nouveaux d’égalité ni des dénominations nouvelles assez incongrues dont quelques géomètres font usage.
  3. Cette démonstration qu’on trouvera sans doute très ingénieuse, est due à Mlle Sophie Germain, qui cultive avec succès les sciences physiques et mathématiques, comme le prouve le prix qu’elle a remporté à l’Académie sur les vibrations des lames élastiques. On lui doit encore la proposition de l’art. 13 et celle qui concerne la forme particulière des diviseurs premiers de , donnée dans l’art. 11.
  4. Par une analyse semblable à celle dont nous venons de faire usage, on pourrait démontrer l’impossibilité de l’équation pour un assez grand nombre de valeurs de c’est ce qu’a fait M. Lejeune Dieterich, dans un Mémoire présenté récemment à l’Académie, et qui a obtenu son approbation.
  5. Cette formule offre pour déterminer un moyen beaucoup plus simple que celui que nous avions indiqué dans la Théorie des nombres, art. 478.