Recueil des lettres missives de Henri IV/1562/26 septembre ― À Larchant

La bibliothèque libre.



[1562.] — 26 SEPTEMBRE.

Orig. autographe, provenant du château de la Force, près Bergerac, communiqué par M. Dardel, propriétaire à Bordeaux, à M. l’archiviste du département de la Gironde, qui en a transmis la copie.


[À LARCHANT.]


Larchant[1],

Escrivez-moy pour me mettre hors de peine[2] de la Royne ma mere ; car j’ay si grande peur qu’il luy advienne mal de ce voyage où vous estes, que le plus grand plaisir que l’on me puisse faire, c’est m’en mander souvent. Dieu vous veuille bien conduire et reconduire en toute seureté : priant Dieu vous conserver. De Paris, le vint-chisiesme jour de septembre[3].

HENRY.
  1. Le seul personnage que je trouve alors, à qui cette lettre ait pu être adressée, est Nicolas de Grémonville, seigneur de Larchant, fils de Francois de Grémonville et d’Anne d’Estanson. Il devint chevalier des ordres du roi et capitaine de cent archers de sa garde. Il mourut le 8 mars 1592.
  2. La copie qui nous a été envoyée de Bordeaux donne pour à me tirer hors de peine… N’ayant pu voir nous-même l’original, nous n’avons pas introduit dans notre texte ce pléonasme de prépositions.
  3. Cette lettre m’a paru devoir être placée à la date de 1562. Le jeune prince de Navarre, laissé à Paris par sa mère, qui était partie vers la mi-juillet avec l’intention bien connue d’aller détruire le culte catholique en Béarn, devait être fort inquiet de cette princesse. Le zèle religieux de Jeanne d’Albret lui suscitait à la fois des partisans enthousiastes et des adversaires acharnés. « Voyant, dit Gabriel Chapuys, que le Roy de Navarre, son mary, se rangeoit du party des seigneurs catholiques, elle se retira au pays de Béarn avec sa cour. » (Hist. du royaume de Navarre, P. 669. Paris, 1596, in-8o.) Mademoiselle Vauvilliers expose quelques particularités de ce voyage. « Antoine prit des mesures secrètes pour la faire arrêter sur sa route..... La reine de Navarre partit avec une suite nombreuse de protestant et même de catholiques, qui, soupçonnant les dangers qu’elle avait à courir, voulurent imposer par la force, dans le cas où l’on tenterait de l’attaquer. » (Hist. de Jeanne d’Albret, t. Ier, p. 213, 2e éd.) Dans cette suite se trouvait donc M. de Larchant. Outre les dangers auxquels Jeanne d’Albret était alors exposée, elle tomba malade à Caumont, en arrivant chez M. de la Force. M. de Larchant, qui dut y rester aussi longtemps qu’elle, y reçut probablement cette lettre du jeune prince. Ce qui explique comment on l’a trouvée parmi des papiers de la maison de la Force.