Recueil des lettres missives de Henri IV/1572/22 octobre ― À mon cousin monsieur le marquis de Villars, 1

La bibliothèque libre.



1572. — 22 octobre. – Ire.

Orig. – B. R. Fonds Béthune, Ms. 8733, fol. 41 recto.


À MON COUSIN MONSR LE MARQUIS DE VILLARS,

ADMIRAL DE FRANCE, LIEUCTENANT GENERAL DU ROY MON SEIGNEUR AU GOUVERNEMENT DE GUYENNE, EN MON ABSENCE.

Mon Cousin, Aïant esté adverty qu’il a pleu à Dieu preserver, parmi les dangers qui se sont passez à Bourdeaulx[1], les gens de mon conseil en ladicte ville, qui sont, entre aultres, messrs le Blanc[2], de la Burte[3], de la Vie et Boisramé, j’ay pensé que leur seureté pour l’advenir ne peut tant deppendre d’aultre qui soit en la Guyenne que de vous, pour l’auctorité et commandement que vous y avés. Et par ce, mon Cousin, je n’ay pas voulu faillir de vous en escrire et prier, aultant affectionneement qu’il m’est possible, de les vouloir d’oresnavant conserver, et les tenir en vostre protection, afin qu’ils puissent continuer à me faire le fidele service que mes predecesseurs et moy en avons de long temps receu. Me confiant aussy qu’en ce faisant ils se resouldront, à mon exemple, de se renger à la forme de vivre qu’ils peuvent juger que le Roy mon seigneur desire pour la reunion de ses subjects en son obeissance, je les vous recommande ; mais c’est d’aussy bon cœur que du mesme je vous remercye de la faveur que les habitans de ma ville de Nerac treuvent envers vous ; vous priant, mon Cousin, de la leur continuer, et pareillement à ceulx de ma ville de Castelgeloux, pour lesquels Sa Majesté a accordé une saulvegarde. De laquelle je vous prie les faire jouir ; et de croire aussy que vous me trouverés tousjours de bonne volonté en tous les bons offices que vous pouvez et debvez esperer de l’ung de vos meilleurs parens et amys : et en ceste affection je supplie Dieu, mon Cousin, vous tenir en sa tres saincte garde. De Paris, ce xxije jour d’octobre 1572.

Vostre bien bon cousin et amy,
HENRY.


  1. Le massacre des huguenots eut lieu à Bordeaux le 3 octobre 1572. On en trouve un récit détaillé dans les Mémoires de l’Estat de France sous Charles neufiesme, t. Ier, fol. 529 et suiv.
  2. Guillaume Blanc ou Le Blanc, avocat au parlement de Bordeaux et conseiller au conseil de Guyenne, fut exposé l’un des premiers aux menaces et aux mauvais traitements du gendre de Villars, M. de Montpezat, qui était venu organiser le massacre à Bordeaux. Mais il put se réfugier à temps au château du Ha, où il se fit conduire par un capitaine qui le sauva au prix de quatre cents écus.
  3. V. lettre du 23 février 1576, note 2.