Recueil des lettres missives de Henri IV/1576/26 juin ― À messieurs les maire, eschevins et pairs de la Rochelle

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1576. — 26 juin.

Cop. – Biblioth. de la Rochelle, Mém. historiques, Mss. de Baudoyn, membre du corps de ville en 1589. Transcription de M. le bibliothécaire. Envoi de M. le préfet.


[À MESSRS LES MAIRE, ESCHEVINS ET PAIRS DE LA ROCHELLE.]

Messrs, Desirant vous aller visiter comme mes bons amys avant que je m’esloigne de ces quartiers, d’aultant que je suis contrainct d’aller bien tost en Guyenne, je ne veulx poinct que pour le present vous me fassiés aulcune entrée, comme aussy je ne veulx ceste fois entrer comme gouverneur et lieuctenant general pour le Roy[1], encore moins vouldrois-je prejudicier aulcunement à vos privileges ni aux traictez de la paix, soit par articles secrets ou aultres. Je n’entends aussy y establir aulcun gouverneur, mais visiter priveement, comme amy, avecques ma maison seulement, suivant la liste que je vous ay envoyée[2]. Et n’y meneray personne qui puisse estre suspect[3], et dont je ne responde. Et pour vous soulager, j’envoyeray les compagnies de ma garde vers Tonnay-Charente[4]. Partant, ne vous mettés pour le present en peine, et me faictes incontinent response : priant Dieu, Messrs, vous avoir en sa saincte et digne garde. De Surgeres[5], ce xxvje jour de juin 1576.

Vostre bon amy,


HENRY.


  1. Le pays d’Aunis faisait partie du gouvernement de Guienne.
  2. « Le Roy de Navarre, dit d’Aubigné, voulut visiter la Rochelle, à quoy il y eut de grandes difficultez, pour ce que ce prince estoit accompagné de gens qui avoient joué du cousteau à la Saint-Barthelemy, et d’ailleurs que Fervaques, designé par là, avoit eu sur luy tant de pouvoir que de le faire vivre depuis trois mois sans religion. » (Hist. univers. T. II, l. III, chap. 1.) « On tient, dit Péréfixe, que ce fut lui-même qui, par des ressorts secrets, obligea les Rochellois à lui en demander l’expulsion. » Hist. du roy Henry le Grand, 1re partie.) Cette explication semble faire allusion à ce passage de Davila : « Il est à croire que le prince de Condé, le mareschal Damville, et possible encore la Noue ou le seigneur de Rohan, ne l’auroient pas reconnu si facilement, si, outre son nom et sa qualité de prince du sang, ils n’eussent esté contraints de céder à l’adresse qu’il avoit à commander........ Comme il se vit donc chef du party, et qu’il en estoit particulierement obligé aux Rochellois, il voulut faire en sorte de leur oster tout sujet de mécontentement. Et d’autant qu’il connoissoit qu’eux~mêmes par-dessus tous les autres se deffioient de Fervaques, qu’ils tenoient pour un homme d’intrigue et peu asseuré..... il se servit de l’adresse que nous avons dit cy-dessus, pour luy donner occasion de se retirer. » (Hist. des guerres civiles de France, l. VI.)
  3. Les habitants de la Rochelle avaient décidé « de le supplier d’avoir agreable, auparavant que d’y entrer, promettre et signer qu’il garderoit leurs privileges, et qu’il regleroit son train au nombre de cinquante chevaux, et les dispenser de recevoir quelques-uns de sa cour. » (Legrain, Décade du roy Henry le Grand, livre III.)
  4. Petite ville de la Saintonge, aujourd’hui chef-lieu de canton dans la Charente-Inférieure. Elle appartenait à la maison de Rochechouart, qui la fit ériger en principauté sous Louis XIV.
  5. Bourg considérable et très-commerçant de l’Aunis, aujourd’hui dans le département de la Charente-Inférieure.