Relation historique de la peste de Marseille en 1720/24
CHAPITRE XXIV.
Endant que les Medecins &
les autres gens de lettres s’amuſoient
à écrire, Mr. le Commandant
& les Magiſtrats étoient occupés d’affaires
plus importantes & plus utiles
pour le Public. Bien loin de donner
dans les préventions des Medecins
étrangers ſur la contagion, ils conſidererent
que ce n’étoit pas aſſez de
voir ceſſer le mal, ſi on ne prenoit
des meſures pour empêcher qu’il ne
ſe renouvella ; c’eſt en quoi nôtre
Commandant a ſignalé ſa prudence.
Comme rien n’étoit plus propre à faire
reſſuſciter la peſte que les hardes
& les maiſons infectées, il tourna
toute ſon attention de ce côté-là, &
il l’étendit même juſqu’aux Egliſes,
dont on avoit été obligé de remplir
les caveaux dans le fort de la mortalité.
Il y avoit donc trois ſortes de
deſinfection à faire, celle des hardes
& meubles, celle des maiſons, & celle
des Egliſes. L’entrepriſe étoit difficile :
deſinfecter toute une grande
Ville, où il étoit reſté fort peu de
maiſons ſaines, tous les meubles de
ces maiſons ſuſpectes, toutes les hardes
qui avoient ſervi aux malades, le
linge & les meubles de celles qui ſe
trouvoient abandonnées par l’entiere
extinction de toute la famille, par
l’abſence de l’heritier legitime, ou
par la difficulté qu’il y avoit à le démêler.
Purger toutes les Egliſes &
leurs caveaux de l’infection, que les
cadavres peſtiferés y avoient laiſſée ;
c’étoit un ouvrage auſſi difficile à ordonner
que pénible à executer. Nous
allons expoſer tout ce qu’on a fait
pour ces deſinfections, & les meſures
qu’on a priſes pour y parvenir.
On s’adreſſa d’abord à Mrs. Chicoyneau & Verny, pour ſçavoir de quelle maniere devoit ſe faire cette déſinfection ; ils étoient les ſeuls Medecins que l’on conſultoit ſur tout ce qu’il y avoit à faire. Ces Mrs. donnerent donc un mémoire fort étendu ſur la maniere de déſinfecter les perſonnes, les ruës, les maiſons, & generalement toute ſorte de meubles, hardes, linges, & uſtenſiles. Ce mémoire eſt fait d’après ceux de Mr. Ranchin, & j’oſe dire même qu’il rancherit par deſſus. On n’y reconnoît plus dans ce mémoire ces Medecins hardis, qui nient abſolument la contagion, qui diſent que la peſte ne ſe communique point, pas même en aprochant les malades, ni en les pratiquant de près ; au contraire ils y paroiſſent des Medecins timides juſqu’au ſcrupule, qui ſemblent craindre que quelque étincelle contagieuſe reſtée dans les hardes infectées ne rallument l’incendie, que quelque corpuſcule peſtilentiel répandu dans l’air, ou accroché aux murailles, aux planchers, aux meubles, ne renouvelle la maladie ; jamais plus de précaution pour les détruire, ils emploient les quatre élemens, l’air, l’eau, le feu, & la chaux, qui tient lieu de la terre ; ils ſe fervent des parfums doux & aromatiques, des acres & des forts, du vinaigre, & generalement de tout ce qui peut éteindre & conſumer ce que la peſte peut avoir laiſſé d’infection ; pour donner une preuve de l’attention ſcrupuleuſe de ces Medecins à la déſinfection, nous allons extraire un ſeul article de leur mémoire mot à mot, par lequel on pourra juger des autres. „ Quant aux Mulets, Chevaux, Aſnes, &c. on ſe contente de les laver ſouvent dans la riviere, les y faire nager, & puis les frotter : on peut même les parfumer dans l’écurie, prenant bien garde aux ſcelles & aux bats qu’il faudra battre & enſuite parfumer.
Le Medecin le plus credule à la communication contagieuſe, pourroit-il en dire davantage ? Après cela ces Medecins n’ont-ils pas bonne grace, de nous prêcher qu’il n’y a point de contagion. Avoüons, qu’ils ſe joüent de la Medecine & de la credulité du Public.
On reçût en même tems un mémoire de Mr. Chirac ſur les parfums. Ce ſçavant Medecin remarque fort à propos, qu’on ne doit point faire entrer dans les parfums des drogues dangereuſes, telles que ſont l’arſenic, le reagal, & d’autres de cette nature, “ qui ſont, dit-il, incorrigibles, par raport à l’uſage interne, & qui porteroient une infection particuliere, qui ſeroit tout auſſi à craindre pour les Habitans de Marſeille, que la contagion dont on veut purger les maiſons & les meubles. Il ſubſtitue à ces drogues pernicieuſes les plantes & arbuſtes aromatiques, qui croiſſent en abondance dans le Terroir de Marſeille. Sur cela on mit en deliberation ſi on ſe ſerviroit du parfum ordinaire de la Ville, qui y eſt en uſage depuis longtems pour les Infirmeries, & dans lequel entrent toutes ces drogues dangereuſes, ou bien ſimplement de la poudre à canon : ce dernier moyen avoit été ſuggeré par un Négociant de cette Ville, qui s’étoit autrefois mêlé de Pharmacie, & qui y avoit fait une eſpece de fortune en 1709. à la faveur d’une eſſence qu’il debita pour les fiévres malignes de cette année. Il oſa même préſenter un mémoire là-deſſus, dans lequel il prétendoit prouver que la poudre allumée dans une chambre en chaſſoit tout l’air infecté, qui faiſoit place à un air pur & nouveau ; on voit bien qu’il n’eſt guére verſé dans la Phyſique ; une pincée de poudre qu’on allume dans une chambre, ne peut qu’y raréfier l’air qu’elle contient, mais non pas le vuider entierement : de plus ſon effet eſt trop prompt, & ſe diſſipe trop vîte, pour pouvoir purger une maiſon de toute infection. Enfin un autre propoſa de laver les murailles & les planchers des maiſons avec du vinaigre, ſans conſiderer que la chaux eſt beaucoup plus propre à détruire les miaſmes contagieux ; elle eſt d’ailleurs un embeliſſement pour les maiſons, au lieu que le vinaigre n’y laiſſeroit qu’une ſaleté hideuſe, outre la difficulté qu’il y avoit d’en trouver une quantité ſuffiſante.
Pour parvenir à cette déſinfection génerale, on commença par marquer d’une croix rouge toutes les maiſons infectées. C’eſt alors que l’on vit bien à découvert les ravages que la peſte avoit faits dans la Ville. Pas une ſeule ruë qu’elle n’eût déſolé, & très-peu où il fût reſté quelque maiſon ſaine. Dans toutes les autres ruës elle avoit tout ravagé de ſuite, & toutes ces croix rouges nous retracerent d’abord toutes les horreurs du plus cruel maſſacre qu’on ait jamais vû. Sur les mémoires que nous venons de raporter, Mr. le Commandant rendit une Ordonnance pour la déſinfection le 30. Decembre 1720, qui regle la maniere dont cette déſinfection doit être faite. Ce ſont les Commiſſaires particuliers des Iſles des Parroiſſes qui en ſont chargés, & pour que la complaiſance ne fit pas laiſſer quelque maiſon ou quelques hardes ſans les purger ; on nomma par la même Ordonnance des Commiſſaires géneraux dans chaque Parroiſſe ; les uns & les autres ſe partageoient en quatre Brigades, & chaque Brigade avoit des hommes de travail, que l’on choiſit parmi ceux qui avoient eu le mal, & outre ce un homme de confiance qui entroit avec eux dans les maiſons, tant pour prendre garde à ce que la choſe ſe fît dans l’ordre qu’il faut, que pour empêcher qu’ils ne volaſſent rien de ce qui s’y trouvoit. Ces Brigades ainſi diviſées commencerent d’agir chacune dans ſon département dans le mois de Janvier ; & comme l’Ordonnance laiſſoit à chacun la liberté de déſinfecter ſa maiſon & ſes meubles, ils ſe contentoient pour lors de viſiter ces maiſons déſinfectées par les particuliers, & de leur faire réparer ce qui n’avoit pas été fait ſelon l’ordre preſcrit. Mais comme il y avoit beaucoup de gens aſſez pauvres ou aſſez négligens, pour ne pas ſe donner ce ſoin, alors ils le faiſoient faire eux-mêmes, & leurs peines ne furent pas mediocres.
Les gens de travail entroient dans la maiſon avec l’homme de confiance : ils jettoient par les fenêtres toutes les hardes qui devoient être lavées, le linge qui devoit être leſſivé, & tout ce qui n’étoit pas d’une valeur à meriter d’être conſervé, étoit brûlé dans la place la plus prochaine. Ils donnoient enſuite trois parfums dans chaque apartement de la maiſon, un avec des herbes aromatiques, l’autre avec la poudre à canon, & le dernier étoit le parfum fort de la Ville. Les meubles recevoient également tous ces parfums, après leſquels ils nettoyoient & baleyoient bien la maiſon d’un bout à l’autre, & enſuite on y paſſoit un ou deux blancs de chaux.
Les Commiſſaires particuliers avoient chacun dans leur Iſle un Magazin, dans lequel ils mettoient toutes ces hardes infectées, matelas, couvertures, linges & autres, chacun avec ſon billet, & dont ils tenoient un exact contrôle, & ſur tout celles des maiſons abandonnées. Ils firent enſuite porter par les Chariots toutes ces hardes dans un enclos déſigné hors la Ville, où elles croient lavées & expoſées à l’air, & le linge leſſivé par des perſonnes échapées du mal, que la Ville y avoit mis, avec des gens de confiance pour tenir contrôle de tout, & veiller à ce que chaque harde conſerva ſon étiquete ; cela fait, ces hardes étoient raportées dans un autre Magazin, pour être renduës à leurs proprietaires à la diligence des Commiſſaires particuliers, qui avoient auſſi beſoin d’en retirer les frais, dont la Ville avoit fait les avances. Ils retiroient auſſi les frais des parfums de ceux qui étoient en état de les payer, & on faiſoit grace aux pauvres.
On avoit permis aux particuliers de déſinfecter leurs maiſons, hardes, linges, & meubles, par une Ordonnance du 10. Janvier, qui leur donnoit juſques au 15. de ce mois pour le faire, autrement que tout ce qui ſeroit trouvé par les Commiſſaires n’être pas déſinfecté, ſeroit confiſqué au profit des Hôpitaux ; mais comme on conſidera que ce terme étoit trop court pour un ſi penible & ſi long travail : par autre Ordonnance du 6. Février, on le prorogea juſques à la fin de ce mois, auquel tems tout ce qui ſeroit trouvé, ſeroit confiſqué irremiſſiblement. Les ordres étoient trop précis, & chacun avoit trop d’intérêt à cette déſinfection, pour qu’elle ne ſe fit pas avec toute l’exactitude poſſible ; & alors ces maiſons bien déſinfectées, étoient marquées d’une croix blanche, qui ſembloit effacer toute l’horreur que donnoit la vûë de la premiere marque. Quand après la déſinfection, il tomboit quelque nouveau malade dans une maiſon, on étoit obligé de la déſinfecter de nouveau, tout comme la premiere fois. Mr. le Commandant fit encore une Ordonnance génerale pour la déſinfection des Baſtides dans le Terroir ; elle eſt du 6. Janvier 1721. Elle regle la déſinfection de ces Baſtides à peu près comme celle de la Ville, en l’accommodant à la ſituation des lieux. C’étoient les Commiſſaires particuliers de la campagne avec les Capitaines de chaque quartier qui en furent chargés. La déſinfection y fût faite avec la même exactitude que dans la Ville. Il y avoit encore des marchandiſes à déſinfecter. La plûpart de nos Négocians font magazin du veſtibule de leurs maiſons, & comme en fuyant ils y avoient laiſſé des Domeſtiques pour les garder, il étoit à préſumer que ces domeſtiques attaqués du mal avoient pu ſe coucher ſur ces balles : car cette maladie donne une inquiétude à ſe mettre par tout : en effet on avoit trouvé des morts le long des montées & dans tous les endroits des maiſons. Il y avoit encore dans le Port pluſieurs Bâtimens de mer, chargés de diverſes marchandiſes, que la contagion avoit ſurpris & empêché de partir. Les familles des gens de mer embarqués ſur ces Bâtimens, s’y étoient auſſi refugiés, où ayant été ſaiſis du mal, ils ne pouvoient pas éviter de ſe coucher ſur ces marchandiſes. Nôtre Commandant, qui portoit ſes vûës. & ſon attention auſſi loin que le mal pouvoit porter ſa fureur, ne crût pas devoir negliger la précaution de les déſinfecter. Il fit une Ordonnance le 16. Decembre, par laquelle, en conformité de la délibération priſe avec les Intendants de la ſanté, il regla que toutes ces marchandiſes ſujettes à purge ſeroient portées par Batteaux dans les Iſles voiſines de Marſeille, avec les emballages de celles qui n’y ſont pas ſujettes, & les voiles des Bâtimens, pour y être déſinfectés à la diligence des Intendans de la ſanté, & aux frais des proprietaires, dont la Ville fairoit les avances. Cette Ordonnance enjoignoit encore aux particuliers & aux patrons & gens de mer de venir déclarer ces marchandiſes ſuſpectes, ſous les peines convenables. Le tout fût executé avec exactitude ; & par ces ſages précautions on ne fût pas moins en ſûreté ſur mer contre le retour de la contagion que ſur terre.
Il falloit auſſi déſinfecter les Egliſes, tant celles dont on avoit rempli les caveaux des cadavres peſtiferés que les autres, car il n’y en avoit point ou l’on n’eût enterré quelques-uns de ces morts. Mr. l’Evêque qui n’avoit rien tant à cœur que de mettre les Egliſes en état d’être bientôt ouvertes, fit une Ordonnance le 25. Janvier, par laquelle il regle la maniere dont les Egliſes devoient être déſinfectées, par cette même Ordonnance il défendit d’ouvrir les caveaux infectés, interdit tous les Cimetieres, où l’on avoit auſſi enterré des peſtiferés, & il ordonne qu’il en ſera fait de nouveaux dans toutes les Parroiſſes. Les Echevins ſe perſuadant que la déſinfection des Egliſes leur apartenoit, voulurent auſſi l’ordonner eux-mêmes : ce qui forma quelques conteſtations, qui furent bientôt terminées entre des perſonnes qui avoient toutes la même vûë, qui étoit celle du bien public. On convint que cette déſinfection des Egliſes & Chapelles ſeroit faite par les Commiſſaires generaux, conjointement avec les Prêtres ou Religieux commis par Mr. l’Evêque, chacun dans leur département. La même choſe fût reglée pour les Egliſes & Chapelles du Terroir, où elle devoit être faite par les Capitaines, Commiſſaires, & Inſpecteurs, conjointement avec le Prêtre à ce commis, & cela par Ordonnance du 17. Fevrier 1721. Cette déſinfection des Egliſes n’a conſiſté qu’en differens parfums qu’on leur a donné, celle des Vaſes Sacrés & autres Ornemens reſervés fût faite par les Prêtres ſeuls, & d’une maniere convenable. On déſinfecta auſſi avec les mêmes précautions les Maiſons Religieuſes d’hommes & de filles où il y avoit eu des malades.
La déſinfection des caveaux étoit beaucoup plus embarraſſante ; on craignoit avec raiſon que l’ouverture de ces lieux infects ne répandit de nouveau la contagion : d’un autre côté les Echevins craignoient d’être tenus à des dommages & interêts envers les Prêtres & Religieux de ces Egliſes, & envers les Proprietaires de ces caveaux ; dans cet embarras on aſſembla des Medecins, des Chirurgiens, des Architectes, & des Maſſons, pour ſçavoir de quelle maniere il falloit proceder à l’ouverture & à la déſinfection de ces caveaux. Chacun y propoſa ſon avis ; ceux qui avoient déja avancé qu’il n’y a point de contagion, ſoûtenoient qu’on pouvoit ouvrir ces caveaux ſans danger, & y jetter de la chaux, pour conſumer ces cadavres ; mais on ne s’y fia pas, & cette opinion de la non contagion avoit eu ſi peu de crédit qu’on l’a toûjours regardée comme une vaine idée. Les autres propoſerent d’introduire dans ces caveaux, par un petit trou, les uns du vinaigre, les autres des liqueurs aromatiques, de la chaux détrempée, &c. Mais tous ces moyens paroiſſoient inſuffiſants à conſumer ces cadavres infectés. Quelques-uns vouloient qu’on fit la machine & le pavillon, qui eſt décrit dans le Capucin charitable, à la faveur duquel on y introduit un parfum très-fort, & extrêmement acre. Tout cela paroiſſoit auſſi embarraſſant que dangereux dans l’execution. Mr. l’Evêque toûjours ſoigneux de nôtre conſervation, agit en cette affaire avec ſa prudence ordinaire ; il raporta une conſultation de quelques Medecins de la Ville, dans laquelle ils faiſoient voir qu’outre le danger qu’il y avoit à ouvrir ces tombes, la chaux qu’on y jetteroit, ne pouvant toucher qu’aux premiers cadavres qui ſe préſenteroient à l’entrée, laiſſeroit les autres en entier ſans les conſumer, & que tous les autres moyens propoſés étant inſuffiſans, il étoit plus ſûr d’abandonner entierement ces caveaux pour un long-tems. Cette détermination fût ſuivie, mais il étoit à craindre que dans la ſuite ces caveaux ne fuſſent ouverts ou par oubli, ou même par avarice. Il falloit donc les fermer, en maniere qu’ils ne puſſent plus être ouverts, au moins ſi facilement. On propoſa pour cela divers expediens, entre autres celui de relever le fol des Egliſes avec de la terre qu’on y porteroit, & de les repaver par-deſſus. L’expedient qui fût trouvé le plus facile & le moins diſpendieux, fût celui de ſeller les ouvertures de ces tombes avec de crampons de fer, & d’en boucher exactement les fentes avec du ciment, ce qui fût executé dans toutes les Egliſes.
Il étoit pourtant difficile que dans une Ville auſſi grande & auſſi peuplée que l’étoit Marſeille, quelque maiſon ou quelque apartement n’échapa à cette déſinfection génerale : d’ailleurs le faux bruit, qui s’étoit d’abord répandu que l’on devoit brûler toutes les hardes infectées, porta pluſieurs perſonnes à les cacher. Telle eſt l’avidité des hommes, un modique interêt leur fait ſouvent riſquer une vie qu’ils conſervent avec tant de ſoin. Pour prévenir cet abus preſque inévitable, il fût ordonné que les Commiſſaires generaux fairoient une ſeconde viſite des maiſons, chacun dans ſon département, dans laquelle viſite on fit des recherches encore plus exactes, & les parfums par tout où on les jugea neceſſaires : ce qui ne fût pas inutile, car on trouva dans des caves & autres lieux cachés des amas de hardes volées ou ramaſſées dans les ruës pendant le fort du mal. Enfin pour une plus grande ſûreté on fit une troiſiéme viſite, qui purgea entierement la Ville de tout ſoupçon d’infection. On ne ſçauroit aſſez loüer l’ardeur infatigable avec laquelle nos Commiſſaires ont travaillé à cette déſinfection. Animés par le zele & par la fermeté du Commandant, ils ont rempli dignement dans ce penible travail, & les devoirs de bons Citoyens, & ceux d’une charité bien chrêtienne. Nous pouvons dire que leurs ſoins ne contribuerent pas peu au calme & à la tranquilité dont on commença à joüir à la fin de ce quatriéme & dernier période de la peſte, qui finit avec le mois de Janvier 1721. Calme ſi parfait, que tous les Medecins & Chirurgiens étant vacans, on penſa d’en envoyer aux Villes voiſines qui en demandoient. La Ville d’Aix étoit alors fort preſſée du mal, & commençoit à manquer de ſecours de la Medecine. Sur le refus que firent quelques Medecins d’y aller, Mrs. Chicoyneau, Verny, & Soulier, s’offrirent génereuſement à Mr. le Commandant, à qui le bon état où ſe trouvoit Marſeille, permit de profiter d’une offre auſſi avantageuſe pour cette Capitale de la Province : ces Meſſieurs partirent donc ſur la fin de Janvier pour cette Ville, accompagnés de quelques Chirurgiens & de quelques Garçons. Cependant la nôtre reſta entierement libre, & ce qui eſt arrivé dans les mois ſuivans, doit être regardé plutôt comme les ſuites, que comme une continuation de la maladie, & ce ſont ces ſuites dont il nous reſte à parler.