Religions et Religion/Le dimanche

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Religions et ReligionOllendorfŒuvres complètes, tome 29 (p. 199-200).

I

QUERELLES.


I

LE DIMANCHE.

*

— Je n’ai pas entendu le facteur frapper. — Certe !
Votre porte aujourd’hui, monsieur, n’est pas ouverte.
— Ah bah ! — Vous n’aurez pas aujourd’hui de journaux.
— Pourquoi ?

Pourquoi ? Mary, qui vient d’éteindre ses fourneaux,
Est superbe ; elle a mis sa grande coiffe blanche.

— Ni de lettres. — Pourquoi ? — Parce que c’est dimanche.
— Eh bien ? — On ne lit pas de lettres ce jour-là.
— Pourquoi ? — Parce que Dieu fit le monde. Il parla
Et travailla pendant six jours. — Soit. Que m’importe ?
— Le dimanche on ne peut frapper à votre porte.
— Mais pourquoi ? — C’est le jour où Dieu s’est reposé.

Apprendre au maître, impie et français, l’A B C,
C’est beau ; Mary triomphe, et ne se sent pas d’aise,
Étant bonne chrétienne et servante irlandaise.
On entend bourdonner la cloche dans la tour.

*

Ainsi l’infini va jusqu’au septième jour !
Arrivé là, c’est dit ; l’infini devient morne,
Reste court, et s’arrête épuisé ; c’est sa borne.
Nous appelons cela le dimanche. Il est sûr
Qu’il faut pour faire un ciel bien des rouleaux d’azur,
Qu’un chêne à fabriquer n’est pas un mince arbuste,
Et qu’il faut une échelle étrangement robuste
Et que l’échafaudage ait été bien construit
Pour peindre l’aube à fresque au mur noir de la nuit.
Ainsi ce grand travail qu’on nomme la nature
Ne s’est point terminé sans quelque courbature !
Ainsi le Tout-Puissant a dit : Je n’en puis plus !
Et las, suant, soufflant, ankylosé, perclus,
Pris d’un vieux rhumatisme incurable à l’échine,
Après avoir créé le monde, et la machine
Des astres pêle-mêle au fond des horizons,
La vie et l’engrenage énorme des saisons,
La fleur, l’oiseau, la femme, et l’abîme, et la terre,
Dieu s’est laissé tomber dans son fauteuil Voltaire !