Reportages à Constantinople (Loti, Le Monde illustré)/03
L’Incendie de la grande Mosquée, à Constantinople
l est rare qu’il se passe une nuit sans que l’on
entendre crier au feu dans les rues de Constantinople,
et les incendies y sont si fréquents, que
c’est à peine si l’on y prend garde, quand on
n’est pas soi-même directement menacé.
Le 9 novembre, vers onze heures et demie du soir, les veilleurs de nuit jetaient à tous les coins de rues ces cris sinistres : « Le feu est à la Sulimanieh, la grande mosquée brûle !… »
Quelques instants après, la grande mosquée lançait, en effet, de magnifiques gerbes de flammes ; située au centre et au point culminant de Stamboul, elle flambait avec beaucoup de majesté, et l’effet produit était des plus saisissants. L’émoi fut grand dans les quartiers turcs ; la place qui entoure l’immense monument, inondée par les pompes et la pluie, présenta bientôt le spectacle d’une mêlée et d’une cohue indescriptibles.

CONSTANTINOPLE. — Incendie de la Grande Mosquée (Suleïmanich) dans la nuit du 9 novembre 1876.
(Dessin de M. Scott, d’après le croquis de M. J. Viaud.)
Il y eut plus de peur que de mal cependant ; on put se rendre maître du feu avant que la partie centrale fût atteinte ; les bâtiments latéraux de droite seulement ont été détruits et se sont effondrés ; le magnifique sanctuaire de Suliman a été préservé et n’a subi aucun dommage.