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Reportages à Constantinople (Loti, Le Monde illustré)/06

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Reportages à Constantinople (Loti, Le Monde illustré)
Le Monde illustré des 23 septembre, 4 novembre, 2, 23 décembre 1876, 13, 27 janvier, 17, 24 février, 17 et 31 mars 1877 (p. 23-24).
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Les démonstrations des softas à Constantinople


Cen est fait ! La conférence de Constantinople vient de finir, sans aucun résultat, Malgré les efforts et les sages conseils des représentants diplomatiques des grandes puissances, la Turquie vient de repousser carrément toute proposition tendant à améliorer le sort des chrétiens en Orient. Le parti fanatique triomphe. Les softas de Constantinople n’ont pas peu contribué, par leurs démonstrations bruyantes, à pousser le gouvernement de la Porte dans cette funeste voie. Ces softas, ou étudiants, se sont toujours fait remarquer par leur esprit turbulent et personnel. On doit se rappeler qu’ils contribuèrent puissamment à la chute d’Abdul-Aziz en mai dernier. Plus récemment, lors de la guerre de Serbie, un grand nombre d’entre eux, se formant en bataillons de volontaires et portant à leur tête les étendards verts du prophète, combattirent dans les rangs de l’armée d’Abd-ul-Kerim, autour d’Alexinatz et de Deligrad. À leur rentrée à Constantinople, ces volontaires, enivrés par leurs derniers succès, excitèrent encore davantage leurs compagnons à la guerre sainte, Ce n’étaient tous les jours que démonstrations. Tantôt, se prosternant sur les dalles des mosquées, ils invoquaient Allah à grands cris, demandant l’extermination des infidèles. D’autres fois, ils se rendaient devant les palais des ministres favorables au parti de la guerre et leur faisaient de bruyantes ovations.


STAMBOUL LE 4 JANVIER 1877. — Les Softas demandant la guerre à la Sublime-Porte. — (Dessin de M. Ferdinandus, d’après un croquis de M. Julien Viaud.)

Espérons cependant que leurs vœux ne seront pas exaucés, et que la Turquie ne gardera pas jusqu’au bout son funeste entêtement. Que cette puissance comprenne bien que, seule et abandonnée de tous, elle va se trouver en présence d’un ennemi redoutable, et qu’elle se rappelle qu’en 1827, les puissances européennes lui imposèrent, après la victoire de Navarin, la paix et le repos, encore plus nécessaires aujourd’hui à l’Europe qu’à cette époque mémorable.


STAMBOUL LE 4 JANVIER 1877. — Les Softas demandant la guerre à Sainte-Sophie. — (Dessin de M. Clerget, d’après un croquis de M. Julien Viaud.)