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Reportages à Salonique (Loti, Le Monde illustré)/01

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Reportages à Salonique (Loti, Le Monde illustré)
Le Monde illustré des 3, 10, 17 juin, 8 juillet, 19 août et 2 septembre 1876 (p. 1-2).
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Les exécutions à Salonique.


Le jour même de l’arrivée de l’escadre française dans la rade de Salonique, le 16 mai à cinq heures du soir, a eu lieu l’exécution des six premiers condamnés à mort pour le lâche assassinat des consuls de France et d’Allemagne. Il faut reconnaître que les Turcs sont passés maîtres dans ces sortes d’opérations et qu’ils y procèdent avec une admirable simplicité, Voici comment les choses se sont passées : Un carré de troupes s’est formé sur le quai. Au bord de celui-ci on a planté neuf potences dont trois sont restées inoccupées. Les condamnés ont été amenés de la frégate amirale turque et ils se sont laissé pendre sans grandes protestations. Plusieurs d’entre eux, avec ce mépris de la mort qui est un trait du caractère musulman, disposaient la corde autour de leur cou.

Puis, pour la plus grande facilité de l’opération, on a apporté des chaises d’un café voisin. On en a placé sous chaque poteau et les condamnés y sont montés philosophiquement. Quand ils eurent la corde serrée autour du cou, les bourreaux, le large cimeterre au côté, ont retiré les chaises et tout a été fini. Les officiers de chaque bâtiment français et un officier allemand assistaient à l’exécution, leurs canots faisant face aux potences. Les autorités turques étaient également présentes et occupaient le balcon de la maison des passeports. Une foule immense encombrait le quai, les débouchés des rues adjacentes, les toits et les terrasses des maisons ; la rade était également couverte de caïques portant de nombreux spectateurs.

Les troupes turques sont restées à leur poste jusqu’au coucher du soleil ; à ce moment, on a détaché les cadavres des suppliciés pour les enterrer. Les officiers turcs ne paraissaient nullement émus de ce spectacle ; assis sur les chaises qui avaient servi à l’exécution, ils fumaient tranquillement leur pipe à l’ombre des pendus.

Nos remercîments sincères à M. Julien V…, qui a bien voulu nous adresser le croquis, d’après nature, de cet acte de réparation.


ÉVÉNEMENTS D’ORIENT. — Les premières exécutions des assassins des consuls de France et d’Allemagne sur le quai de Salonique, le 16 mai, à cinq heures du soir. — (Dessin de M. Lix, d’après le croquis de M. Julien V…)