Revue Musicale de Lyon 1903-11-03/Nouvelles Diverses

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Nouvelles Diverses

Vendredi a été donnée au Théâtre-Lyrique de la Gaieté la première représentation de la Flamenca de M. Lucien Lambert. La partition est construite sur des thèmes empruntés aux chansons populaires de la Havane, où la scène se passe, et par suite, n’est pas très ferme et très homogène, mais l’œuvre est sauvée par une incontestable adresse dans le maniement de l’orchestre.

M. Lambert est un élève de M. Massenet. Il fit d’abord, comme pianiste, des tournées de concerts en Amérique et en Europe. Il a déjà fait représenter deux opéras : Brocélyande (Rouen 1893), et le Spahi (1897) et a écrit Prométhée enchaîné, scène lyrique et de la musique de scène pour Sire Olaf de A. Alexandre.

Notre collaborateur J. Sauerwein vient d’être chargé de la critique musicale à la Revue du Nouveau Siècle.

M. Massenet est actuellement à Bruxelles pour surveiller les dernières répétitions de Sapho dont la première a lieu ce soir au théâtre de la Monnaie. C’est Mme Bréjean-Silver qui chantera le rôle principal qui lui a valu un si grand succès l’hiver dernier au Grand-Théâtre.

On avait parlé, en ces derniers temps, de la suppression possible des musiques militaires. Fort heureusement, le ministre de la guerre ne partage pas, sous ce rapport, la manière de voir de certains députés qui désiraient la disparition de nos orchestres régimentaires, et dans son projet de budget demande, au contraire, les fonds nécessaires à la nomination de dix-huit sous-chefs de musique, ce qui n’indique guère qu’il songe à supprimer les musiques. Celles-ci seront donc maintenues évidemment, et nous n’avons à cet égard aucune crainte à ressentir.

La direction du Grand Théâtre de Gand vient d’arrêter les dates du festival Saint-Saëns qu’elle avait promis d’organiser au cours de cette campagne. Trois représentations seront données, en la présence et avec le concours du maître français qui interprétera lui-même certaines de ces œuvres. Le jeudi 5 novembre, Samson et Dalila, le samedi 7 novembre, Phryné et une partie concertante à grand orchestre où seront entendus M. Saint-Saëns et M. de Greef, l’excellent professeur de piano du Conservatoire royal de Bruxelles ; enfin, le dimanche 8 novembre, Henri viii

La suppression du Congrès international de musique, qui devait avoir lieu à Berlin, est regrettable, car certaines questions très intéressantes devaient être traitées, l’une entre autres de M. Eug. d’Harcourt, relative à la disposition de l’orchestre. On sait, en effet, qu’à Bayreuth l’orchestre est invisible, c’est-à-dire couvert.

Or, cette disposition n’est pas exempte d’inconvénients. Dans certains passages, il arrive notamment que l’orchestre couvert est absolument sacrifié à l’ensemble vocal et qu’on ne l’entend plus suffisamment. M. Eugène d’Harcourt a donc établi, en collaboration avec M. Mutin, un dispositif qui permet au chef d’orchestre d’augmenter, à son gré, la sonorité de l’orchestre couvert au moyen de plusieurs jeux de persiennes mobiles. C’est fort ingénieux et cela paraît assez pratique.

Nous souhaitons que l’expérience en soit faite incessamment.

La direction du théâtre de Magdebourg annonce qu’elle donnera incessamment le Maître de Chapelle de Ferdinand Paër dans un arrangement nouveau de M. Von Kleefeld L’œuvrette de Paër jouée pour la première fois en 1821, à Paris, au théâtre Feydeau et restée au répertoire de l’Opéra-Comique, n’est guère connue en Allemagne. On sait que l’on en joue très souvent à Lyon, le 2e  acte comme lever de rideau.

Berlioz était fort animé contre les arrangeurs. Dans un de ses meilleurs jours de verve, alors qu’il rédigeait ses Mémoires « anthumes », il les apostrophait de la sorte :

Non, non, non, dix millions de fois non, musiciens, poètes, prosateurs, acteurs, pianistes, chefs d’orchestre de troisième ou de second ordre, et même du premier, vous n’avez pas le droit de toucher aux Beethoven et aux Shakespeare, pour leur faire l’aumône de votre Science et de votre goût… »

Ayant ainsi dit leur fait d’une façon définitive aux arrangeurs, Berlioz retrempa sa plume dans l’encrier pour doter de récitatifs le Freischütz de Weber.