Revue littéraire - Vingt-sept ans de l’histoire des études orientales

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Revue littéraire - Vingt-sept ans de l’histoire des études orientales
Revue des Deux Mondes3e période, tome 40 (p. 455-467).


REVUE LITTÉRAIRE


VINGT-SEPT ANS DE L’HISTOIRE DES ÉTUDES ORIENTALES[1]


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Rapports faits à la Société Asiatique de Paris, de 1840 à 1867, par M. Jules Mohl, 2 vol. in-8o ; Paris, Reinwald, 1879-1880.


Il y a plusieurs sortes d’érudition. On pourrait distinguer, par exemple, l’érudition qui amuse et l’érudition qui ennuie. De fort honnêtes gens, aujourd’hui, semblent avoir vers la seconde une propension fâcheuse. Mais ce ne serait là qu’une plaisanterie, j’en sais de plus mauvaises ; j’accorde sans peine aux érudits qu’il y en ait de meilleures. Et, de fait, l’érudition, non plus que la science, n’est vraiment tenue d’être amusante. On la dégrade même un peu, toujours comme la science, quand on essaie de les présenter l’une ou l’autre par ceux de leurs côtés les plus propres à piquer une curiosité banale. Après cela, il ne reste pourtant pas moins vrai que certaines formes, ou, pour mieux parler, certaines provinces de l’érudition, selon les temps et selon les lieux, nous attirent davantage. Omne ignotum pro magnifico est : ce furent, au temps de la renaissance, les riches provinces de l’érudition grecque et latine : ce sont, au xixe siècle, les lointaines, les vastes, les presque infinies, provinces de l’érudition orientale.

Non pas certes qu’il n’y ait encore plus d’une découverte à faire dans le champ de l’érudition grecque et latine. Il s’en fait même tous les jours, et de considérâmes. C’est ainsi que l’épigraphie latine a renouvelé presque entièrement, depuis une cinquantaine d’années, telles et telles parties de l’histoire romaine ; et n’était-ce pas hier qu’en dépit de Plutarque, on ébranlait jusque dans ses fondemens la légende consacrée du communisme lacédémonien[2] ? On peut dire cependant que, si nous ne connaissons pas encore, après trois cents ans passés, les Grecs et les Romains, nous croyons les connaître, et c’est ici tout un. Car, comme nous croyons les connaître, nous ne prenons intérêt qu’à la manière dont on nous les présente, et pour nouvelle que soit la manière, ce sont toujours les Grecs et les Romains. Mêmes noms, mêmes faits, mêmes textes : l’interprétation seule diffère, et par des nuances très délicates. Ce n’est pas de quoi passionner ceux qui n’ont pas eu le bonheur de naître philologues. Et puis, nous venons de là :

Trois mille ans ont passé sur les cendres d’Homère,
Et depuis trois mille ans Homère respecté
Est jeune encor de gloire et d’immortalité.

Vous connaissez ces trois vers, mais entendez-vous bien ce qu’ils veulent dire en prose ? Tout simplement que nous sentons, que nous pensons, que nous raisonnons encore aujourd’hui selon les lois et dans les formes en quelque sorte que nous ont imposées les Grecs et les Romains. Et plaise aux dieux de leur Olympe que nous ne nous avisions jamais de vouloir renoncer, sous prétexte de secouer un joug, nous autres Français, particulièrement, à cette part de notre héritage !

Au contraire, quand nous pénétrons dans le monde oriental, c’est bien sur une terre inconnue que nous mettons le pied. L’éternelle nature elle-même semble avoir changé d’aspect. Quatre ou cinq grandes civilisations se sont développées là, sur quatre ou cinq points de cet énorme continent asiatique, étrangères, excentriques à notre civilisation gréco-romaine, supérieures par certains côtés, inférieures par quelques autres, où nous avons enfin tant de peine à nous reconnaître que nous les prendrions volontiers pour l’œuvre d’une autre humanité. Qu’y a-t-il de commun au premier abord entre la littérature des Pourânas et la nôtre ? entre nos langues, nos mœurs, nos lois, et les lois, les mœurs, les langues du Céleste-Empire ? À la vérité, quand on descend un peu plus au fond des choses, les mêmes singularités qui d’abord avaient frappé notre esprit contentieux, s’évanouissent ; — nous sommes apparentés à l’Hindou, nous parlons une langue sœur de la sienne, et c’est lui qui conserve le dépôt des traditions, les archives pour ainsi dire et les titres mêmes de la race dont nous sommes ; — et le Chinois, à son tour, malgré sa peau jaune, ses pommettes saillantes et ses yeux obliques, il n’en a pas moins une façon de sentir et de penser, et par suite une histoire dont les étroites ressemblances avec la nôtre frappent tous ceux qui se donnent un peu la peine de l’étudier. L’effet de surprise n’en a pas moins été produit, et nous avons trouvé vraiment du nouveau sous le soleil.

Croirons-nous d’ailleurs avec les érudits que cette conquête glorieuse de l’Orient par l’érudition contemporaine doive mener un jour à des résultats dont l’importance égale ceux qu’enfanta jadis la Renaissance des études grecques et latines ? C’est l’avenir qui nous l’apprendra. Ce qui du moins n’est pas douteux, c’est que déjà, dans le siècle où nous sommes, la connaissance encore très vague et très superficielle que nous avons de l’Orient a singulièrement élargi les bornes de l’histoire et reculé les horizons de l’esprit humain. Autre raison de la légitime curiosité que provoquent les études orientales. Il n’est pas impossible que du commerce des littératures et de l’histoire de l’Inde, par exemple, on puisse tirer un profit intellectuel positif, mais à défaut de ce profit lui-même on ne laissera pas d’en tirer quelque chose : « Hindous, Chinois, musulmans, disait un bon juge, sont en possession d’un système théologique, philosophique et historique complet qu’ils savent défendre avec toutes les ressources de la dialectique que l’on enseigne dans leurs écoles. » La connaissance de cette dialectique ou de cette scolastique, la possession de ces métaphysiques ou de ces théologies, quand elles ne serviraient à rien autre chose, on ne peut contester qu’elles donneraient à la philosophie de l’histoire une base bien autrement large que la base étroite sur laquelle elle a reposé jusqu’ici. Là n’est pas le moindre intérêt des études orientales. Elles étendent plus loin de jour en jour notre connaissance, de l’homme, et non-seulement de l’homme blanc, jaune, ou noir, mais de l’homme universel.

Ajoutez enfin qu’elles ont ce grand attrait encore d’être toutes récentes. Elles ne datent que d’hier, puisqu’elles ne datent, à vrai dire, que des premières années de ce siècle. Jusqu’alors, tout occupée qu’était l’Europe savante à s’assimiler l’esprit de l’antiquité grecque et latine, on ne s’était guère soucié que des littératures sémitiques, — en fait de littératures orientales, — et de ces littératures sémitiques elles-mêmes qu’autant qu’elles constituaient un secours, un supplément de justification, un trésor de renseignemens et d’argumens pour les études théologiques. On ne s’inquiétait des rois de Ninive et de Babylone qu’autant que quelques parties de leur histoire s’étaient mêlées à l’histoire d’Israël. On ne prenait intérêt à Nébucanetzar qu’autant qu’il était bœuf devenu sous le nom fameux de Nabuchodonosor. C’était un point de vue, mais il était étroit. On n’en a pourtant changé que de notre temps. Nous ne saurions avoir la prétention de retracer l’histoire des progrès accomplis depuis lors. La place nous manquerait, et surtout l’universalité de compétence qu’il faudrait à la tâche. Mais, guidé précisément par l’un des grands orientalistes de ce temps qui peut-être approchèrent le plus de cette universalité de compétence, en parcourant les deux volumes où l’on a pieusement réuni les rapports annuels que pendant vingt-sept ans M. Mohl a prononcés devant la Société asiatique et qui forment, au témoignage de M. Renan, « la plus parfaite histoire des études orientales vers le milieu de notre siècle, » en y relevant quelques-unes des indications où « ce maître dans l’art du rapport » imprimait plus profondément la marque de son esprit à la fois critique et généralisateur, nous pouvons donner quelque idée de la rapidité du progrès et quelque soupçon de l’importance actuelle des études orientales.

C’est aux Anglais qu’il faut faire honneur d’avoir les premiers déterminé ce que l’on pourrait appeler le programme de l’orientalisme. Il est vrai que, dès la fin du XVIIe siècle, sous la protection de Louis XIV, les jésuites, à la Chine, comprenant admirablement qu’on ne fonde une domination, politique ou religieuse que sur la connaissance entière des sentimens, des idées, et par conséquent de l’histoire et de la langue d’un grand peuple, avaient abordé résolument l’étude de la littérature chinoise. Aujourd’hui même encore leurs travaux ne sont nullement à dédaigner. Mais, outre qu’ils étaient, selon l’expression de M. Mohl, « isolés et comme en dehors du courant de l’érudition, » il est permis de dire qu’ils manquaient un peu de désintéressement scientifique. Ils n’apprenaient pas le chinois pour le plaisir de l’apprendre, ils ne l’apprenaient pas pour la satisfaction de le savoir, ils Rapprenaient pour s’en servir. Et Ils s’en servaient dans un dessein de prosélytisme et d’apologétique le plus louable du monde assurément, à leur point de vue, le plus nuisible d’ailleurs à l’indépendance nécessaire de la science. La meilleure manière de comprendre les livres sacrés de la Chine n’est peut-être pas d’y chercher et d’y vouloir trouver à tout prix « les vestiges d’une tradition primitive » ou u une synthèse presque complète de l’enseignement catholique[3]. » Il est encore vrai que, comme Dupleix avait précédé Clive et soupçonné le premier les meilleurs moyens de conquérir et de coloniser l’Inde, ainsi, tel érudit français, comme Anquetil-Duperron, avait de loin tracé la route aux grands indianistes anglais. Mais comme à Dupleix les moyens matériels et les encouragemens de la métropole, ainsi les moyens critiques d’investigation et les sympathies de l’Europe savante firent défaut à Anquetil-Duperron. La vive intelligence de Voltaire toutefois sembla comprendre ce que l’avenir réservait à l’érudition orientale. — Sous ce rapport, toute question déforme et d’intention mise à part et ne regardant qu’au seul contenu, il est intéressant de faire la comparaison du Discours sur l’histoire universelle avec l’Essai sur les mœurs. On aurait dans ce dernier ouvrage l’état des résultats acquis à la science de l’antique Orient vers la fin du xviiie siècle, s’il ne fallait, par malheur, se défier de Voltaire et de sa fâcheuse manie de dresser les faits en batterie contre le christianisme plutôt que de les exposer selon leur vérité. M. Mohl a donc pu dire avec raison que «  « sir William Jones fut le premier à considérer la littérature orientale comme un tout immense destiné à servir de base à l’histoire de l’humanité, et dont chaque partie devait concourir à éclairer tout le reste. » Il faut inscrire au-dessous du nom de William Jones les noms presque aussi célèbres des Wilkins, des Colebrooke, des Wilson, plusieurs autres encore.

Leur exemple ne porta pas ses fruits tout d’abord, ou du moins, comme on se l’explique sans peine, il y eut quelque hésitation et quelque lenteur au début d’une étude aussi nouvelle que l’était celle du sanscrit. Cependant une autre initiative était déjà partie de France. L’expédition s d’Égypte avait attiré l’attention sur un autre point de ce mystérieux Orient, et tandis qu’on se livrait à des spéculations encore un peu vaines sur les hiéroglyphes, Silvestre de Sacy formait « une école qui renouvelait dans toute l’Europe l’enseignement de l’arabe et lui donnait une précision qu’il n’avait jamais eue. » M. de Hammer, vers le même temps, en Allemagne, faisait pour l’histoire politique et morale des Arabes, des Persans et des Turcs ce que Silvestre de Sacy faisait pour l’enseignement de la langue et de la littérature. L’un et l’autre émancipaient pour toujours les littératures orientales de la dépendance des études théologiques. Je vois dans un des Rapports de M. Mohl qu’à peine M. de Hammer fut-il mort, en 1856, d’autres arabisans l’attaquèrent avec une grande violence sur l’inexactitude ou la liberté de quelques traductions qu’il avait données de l’arabe. M. Mohl le défendit avec une généreuse vivacité. Je relève le traita parce qu’au fond ce qu’on attaquait en la personne de M. de Hammer, c’était sans doute le traducteur inexact, mais c’était surtout l’historien, c’était l’esprit investigateur et généralisateur. Le grand défaut des érudits, peseurs jurés de syllabes, c’est d’affecter une grande peur avec un grand dédain des idées générales ; comme s’ils avaient à craindre, en vérité, pour la plupart, d’en avoir trop ! Et sitôt qu’un des leurs essaie de voir large et loin ; sitôt qu’il né livre pas tels quels, sans explication, préface, ni commentaire, à l’état brut, pour ainsi dire, les résultats de ses recherches, sitôt enfin qu’il cherche visiblement à joindre deux idées bout à bout, il faut qu’il soit bien grand, et son autorité consacrée par des travaux bien solides pour qu’une espèce de haro ne fonde pas sur lui des quatre coins de l’Europe. Je constate avec plaisir que M. Mohl n’a jamais été de cette école. Et son autorité vaut bien, je crois, celle de plus d’un autre.

Ce n’est pas seulement par l’enseignement de Silvestre de Sacy que la France occupe sa place dans l’histoire des origines des études orientales. La première chaire de sanscrit qui se soit élevée en Europe, c’est la chaire du Collège de France, en 1814, dont le premier titulaire fut M. de Chézy. La chaire de chinois, occupée d’abord par Abel Rémusat, date aussi de cette même année. L’enseignement des deux langues fut inauguré le même jour, et ce fut Silvestre de Sacy qui voulut rendre compte des leçons d’ouverture. Nous n’avons qu’à peine besoin d’ajouter ici le nom de Champollion. Le faisceau des études orientales se trouvait ainsi constitué : trois grandes civilisations, trois grandes littératures, trois grandes races d’hommes, et autour de chacune d’elles tout un cortège de littératures et de civilisations secondaires qu’on allait reconnaître et classer.

Aussi bien, les circonstances décidément favorisaient les études orientales. Guillaume Schlegel, en Allemagne, à l’université de Bonn, fondait l’enseignement du sanscrit. Wilson publiait le premier dictionnaire de la langue. Les rapports politiques devenaient plus fréquens, plus importans, plus intimes avec l’Asie, « une curiosité toute nouvelle se tournait vers les problèmes de l’histoire de la civilisation humaine ; » et il n’était pas enfin jusqu’aux « besoins littéraires de l’école romantique » dont les exigences ne fussent comme un aiguillon de plus à la belle ardeur des orientalistes. M. Mohl a eu raison de noter cette cause parmi toutes les autres. Même quand l’école romantique ne laisserait rien d’entier et de parfait derrière elle ; même quand on croirait, comme nous avons quelque disposition à le croire, que la plupart de ses ambitions réformatrices ont avorté ; même quand on n’aimerait pas beaucoup voir les incarnations de Brahma mises en vers français… ou anglais ; cependant on ne saurait méconnaître le réel secours que des hommes comme Rückert en Allemagne, ou comme Thomas Moore en Angleterre, ont apporté aux études orientales. Et pour la France, on peut dire qu’après toutes restrictions, il resterait ce double titre à l’école romantique d’avoir ; comme les romantiques allemands, ramené sur certaines parties du moyen âge l’attention à laquelle elles avaient droit, et, comme les romantiques anglais, dirigé tout un courant de vives sympathies vers les choses de l’Orient.

Un léger inconvénient toutefois résulta de cette coïncidence, — assez rare, comme on sait, — entre les besoins de la littérature et les curiosités de l’érudition. C’est qu’on étudia quelque temps les littératures orientales beaucoup moins en elles-mêmes et pour elles-mêmes, avec les méthodes spéciales qu’elles réclamaient, qu’avec des méthodes exclusivement littéraires, c’est-à-dire avec plus de souci de la forme que du fond, de l’esthétique que de l’histoire, et, par conséquent, de l’élégance que de l’exactitude, avec moins d’intérêt pour leur valeur intrinsèque et personnelle en quelque sorte, que de préoccupation du parti qu’on en pourrait tirer comme thème d’inspiration ou comme texte de comparaison. Vers le même temps que ceux-ci cherchaient dans la littérature indienne « les productions qui pouvaient se placer à côté de la littérature classique, » poèmes épiques ou drames dans les règles, ceux-là cultivaient la poésie arabe « par admiration pour une poésie originale, exprimant fortement, dans une forme énergique et quelquefois parfaite, quelques-uns des sentimens communs à l’humanité tout entière. » Ce n’est pas nous certainement qui nierons l’intérêt de ce genre d’études, au contraire ! mais encore faut-il distinguer, et c’est le cas de dire que les méthodes en tout valent selon ceux qui les appliquent. Elles valent aussi selon le sujet auquel on les applique. Or, vers 1830, on n’en était pas à pouvoir appliquer cette méthode aux littératures orientales en général, ni surtout à la littérature sanscrite, puisque c’était décidément celle où l’on se portait en foule, et qui devenait visiblement la capitale de l’orientalisme. Il y avait beaucoup mieux à faire, et tout d’abord à s’assurer l’entière possession de la langue, ce qui n’était pas fait ; après la possession de la langue, la possession de l’histoire ; après la possession de l’histoire, la possession de la psychologie de la race. Aujourd’hui même rien de tout cela n’est peut-être achevé. Comme le disait M. Mohl, « il n’y a donc aucune raison pour que les écoles historique et littéraire soient séparées et ennemies, » si ce n’est, dirons-nous, cette raison proverbiale et vulgaire qu’il ne faut pas vouloir mettre la charrue avant les bœufs.

La constitution de l’enseignement rigoureusement scientifique du sanscrit fut l’œuvre d’Eugène Burnouf. Je suis fâché de le dire, mais on rencontre si rarement un érudit de génie que, quand on le rencontre, on est sans doute excusable de prendre un peu plaisir aie louer. Le nom d’Eugène Burnouf n’a peut-être pas en France toute l’éclatante notoriété qu’il mérite. Beaucoup de gens assurément connaissent le nom de Champollion qui seraient assez embarrassés de dire ce qu’a fait Eugène Burnouf. Les destinées tiendraient-elles donc à la présence d’un obélisque sur la place de la Concorde ou de quelques scarabées dans les vitrines des musées du Louvre ? Et pourtant qui ne sait combien l’histoire de l’Égypte est moins importante pour l’histoire de l’humanité que l’histoire de l’Inde ? Si j’en voulais une preuve, je n’aurais justement qu’à faire observer le peu de place qu’occupent dans les Rapports de M. Mohl les études égyptologiques[4]. Mais la vraie raison, c’est que l’Égypte ne nous a légué qu’une littérature insignifiante, c’est que nous la connaissions déjà par Hérodote, c’est que nous étions habitués à la voir faire figure de tout temps dans nos histoires dites universelles. Là-dessus je sais bien qu’Alexandre a conquis aussi les Indes, mais il les a conquises à la course, et nous étions bien loin de soupçonner à la fin du xviiie siècle l’étroite parenté qui nous unissait aux races de l’Hindoustan. En d’autres termes encore, la lecture des hiéroglyphes ne nous livrait de secrets que ceux d’une histoire dont nous connaissions plus d’un trait déjà, mais la lecture du sanscrit nous donnait la clé de l’archive où reposaient les traditions de notre race, et, de ces traditions, depuis combien de temps avions-nous perdu jusqu’au plus vague souvenir ?

Oserai-je ajouter que, si l’on passe des choses aux hommes, il me paraît que Burnouf a fait preuve, dans ses travaux si divers, d’autant de pénétration pour le moins et d’instinct divinatoire que Champollipn lui-même, mais d’infiniment plus d’esprit de méthode et de rigueur scientifique ? Reconstituer de toutes pièces une langue perdue, comme le zend, « sans autres secours qu’un mince vocabulaire, un alphabet mal déterminé et une traduction suspecte, » ou encore déchiffrer ces célèbres inscriptions cunéiformes persanes dont le déchiffrement allait devenir la base du déchiffrement de toutes les autres, ce n’était pas assurément un moins puissant effort ni d’une moindre conséquence que le déchiffrement des hiéroglyphes. Et si l’on disait, non sans quelque raison, que ce sont là travaux spéciaux, dont bien peu d’érudits peuvent eux-mêmes contrôler la valeur scientifique, il s’en faut heureusement que ce soient là tous les travaux de Burnouf. Il est un livre au moins de lui que tout le monde peut lire : c’est son Introduction à l’histoire du buddhisme, et ce livre tout seul pourrait suffire à la gloire d’un nom. Indépendamment de toutes les qualités dont on y retrouve la marque à chaque page et particulièrement d’une hardiesse de conception tempérée par le génie même de l’exactitude et de la précision, l’Introduction à l’histoire du buddhisme est venue donner à la chronologie de l’Inde le point de repère fixe dont elle manquait jusqu’alors. Elle dégageait en même temps des fables qui en obscurcissaient l’origine et la propagation la religion vingt-cinq ou vingt-six fois séculaire de trois ou quatre cent millions d’hommes. Il était possible désormais d’écrire l’histoire de l’Inde, jusqu’alors incertaine, ondoyante, mal assurée sur ses fondemens. Et d’autre part, un flot soudain de lumière tombait sur l’événement qu’on peut appeler, avec l’apparition du christianisme, le plus considérable peut-être de l’histoire du monde.

Ce n’est pas, comme on le voit, pour le seul plaisir de louer Burnouf que nous le louons ici. Parmi tous les problèmes relatifs à l’histoire de l’antique Orient, il en était deux ou trois qui surpassaient les autres en importance pour l’histoire de l’humanité, et c’est Burnouf qui les a, sinon peut-être entièrement résolus, du moins posés comme ils devaient être postas. En matière d’érudition comme en matière de science, il n’y a rien de plus difficile que de bien poser les problèmes. En effet, une fois bien posés, leur solution presque toujours n’est plus qu’une affaire de temps.

Un résultat de ces études sur le bouddhisme, ce fut de ramener vers la littérature et la civilisation chinoises l’attention qui s’en était tout à fait malencontreusement écartée. D’assez nombreux disciples sans doute continuaient la tradition d’Abel Rémusat : il s’en fallait pourtant que les sinologues fussent entourés de la même faveur que les indianistes. M. Mohl, qui lui-même avait débuté comme sinologue, s’est plaint plus d’une fois dans ses Rapports d’une espèce d’indifférence que rien ne justifiait. « On ne comprend pas, disait-il en 1843, qu’on ait pendant si longtemps négligé l’étude de la civilisation chinoise, qui est pour ainsi dire la seconde face de l’humanité, et qui par ses ressemblances autant que par ses contrastes peut nous aider à bien comprendre ce qu’il y a de fortuit et d’accidentel, ce qu’il y a de nécessaire dans les phénomènes moraux et sociaux qui nous entourent. » C’était indiquer en quatre mots, auxquels nous ne saurions rien ajouter, ce qui fait l’incomparable intérêt des études relatives à la Chine. Les événemens politiques de 1842 réveillèrent un peu l’indifférence publique. La Chine entrait pour ainsi dire dans la politique occidentale. Mais au point de vue de l’érudition, les études relatives au bouddhisme contribuèrent peut-être plus encore à une sorte de renaissance des études chinoises. Vouloir étudier le bouddhisme en Chine exclusivement, ce serait vouloir étudier le christianisme en Europe uniquement ; mais vouloir d’autre part l’étudier indépendamment de sa propagation dans l’Empire du milieu, dans ses origines indiennes, et sur le sol de la péninsule, ce serait vouloir étudier le christianisme en Galilée, le mahométisme en Arabie, ce serait détacher la cause de ses effets, l’événement de ses conséquences, le commencement de ses suites. Si les problèmes qui touchent à l’origine même du bouddhisme, à la constitution de son dogme, à la formation de sa discipline, à l’essence de sa morale, ne peuvent être traités que par les documens indiens, les problèmes, d’une importance presque égale, qui touchent à l’histoire de sa diffusion ne sauraient être résolus sans le secours des documens chinois[5].

Il ne restait plus ainsi, vers 1845, qu’un seul problème dont la difficulté défiât encore les ressources de l’érudition contemporaine : c’était le problème du déchiffrement des inscriptions cunéiformes dites anaryennes. Il ne restait plus à naître, ou plutôt à se constituer, entre les nombreuses provinces de l’érudition orientale, que celle de l’assyriologie.

Ici encore c’est le nom de Burnouf que nous rencontrons, puisque c’est lui qui le premier déchiffra les inscriptions cunéiformes persanes. À la vérité, ses efforts pour lire les inscriptions cunéiformes du second et du troisième système, — car on sait qu’il y en a trois, — avaient échoué. Il n’en avait pas moins ouvert la voie, puisqu’il s’agissait d’inscriptions trilingues et que le premier problème à résoudre était d’en pouvoir lire une quelconque. On n’en lisait aucune encore avant la reconstitution du zend et les déchiffremens d’Eugène Burnouf. En lisant les cunéiformes persans il rendait donc aux assyriologues de l’avenir le même service qu’avait rendu jadis aux égyptologues le texte grec de la pierre de Rosette. Pourtant, malgré ce premier secours et les espérances qu’avait fait naître la lecture des inscriptions d’Hamadan, peu de problèmes ont résisté plus longtemps aux efforts de l’érudition orientale que celui de la lecture des cunéiformes. Je vois qu’à la date de 1863 M. Mohl en était encore à forger précisément ce nom d’assyriologie « pour une école qui n’en avait pas encore. » Elle avait fait cependant, en dépit des sceptiques, bien des progrès depuis 1836, et déjà les noms des Rawlinson, des de Saulcy, des Hincks et des Oppert étaient illustres. Nous nous reprocherions de ne pas y joindre le nom de M. Menant, qui peut-être a fait plus que personne pour populariser les méthodes et les résultats de l’assyriologie. Mais encore ici, tout en rendant pleine justice à la sagacité des érudits, nous croyons qu’il est permis de répéter ce que nous disions plus haut de l’Égypte : c’est à savoir que l’assyriologie ne saurait offrir le même intérêt, pour l’histoire de l’humanité, que telles et telles autres parties de l’érudition orientale. Ici comme partout, au risque de se tromper et de recevoir un démenti de l’avenir, il est utile de classer, d’ordonner et de subordonner. Les classifications n’importent guère aux érudits, sans doute, qui suivent consciencieusement chacun la voie qu’ils ont entreprise, mais elles importent beaucoup au public. Et c’est le grand intérêt des études orientales qu’elles ont de quoi justement intéresser le grand public. Jusqu’à ce jour donc, trois grandes littératures, — sémitique, indienne et chinoise, — forment les trois grandes provinces de l’érudition orientale. On y peut joindre, si l’on veut, la littérature persane. Autour de chacune d’elles, comme un système de planètes autour d’un astre central immobile, gravite un nombre plus ou moins grand de littératures secondaires dont chacune est l’expression d’une civilisation formée au contact et développée à l’imitation de la littérature et de la civilisation principales. Elles ont moins d’importance en elles-mêmes par conséquent qu’à titre de moyens de pénétrer plus profondément, en l’attaquant par plusieurs côtés à la fois, dans la connaissance de la civilisation mère. Quelques-unes d’entre elles servent de transition entre les trois systèmes ; c’est ainsi qu’on peut étudier dans la littérature pehlwie la pénétration réciproque d’une langue aryenne, le zend, et d’une langue sémitique, l’arabe, ou encore dans la littérature tibétaine l’infusion d’une théologie aryenne dans une langue tatare. Il reste alors, de ci, de là, disséminées un peu au hasard de l’histoire, quelques provinces plus étroites, l’Égypte ou l’Assyrie, par exemple, qu’il n’est certes pas moins intéressant d’explorer, mais enfin dont on connaissait depuis longtemps ce que nous pourrions appeler la configuration générale, et dont l’histoire, comme nous en avons fait la remarque, a de tout temps été mêlée, plus ou moins, à l’histoire de la civilisation gréco-romaine, ou méditerranéenne encore, si peut-être on aimait mieux ce mot.

Mais ce n’est pas tout ; et du rapport de ces études entre elles, de l’entre-croisement de leurs conclusions pour ainsi dire et du mutuel appui qu’elles se prêtent, de nouvelles études à leur tour et des sciences nouvelles sont nées. Il en est deux au moins à signaler.

La grammaire comparative d’abord, qu’il suffit de comparer elle-même à cette science ingrate et scolastique autrefois désignée sous le nom de grammaire générale, pour en comprendre aussitôt l’importance et l’intérêt. Tandis qu’en effet la grammaire générale, dépouillant une à une les langues de tout ce qu’elles contiennent de concret et de vivant, finissait par se réduire en un minimum de définitions oiseuses, de remarques abstraites, ou quand elle s’élevait le plus haut, à quelques observations sur de vagues rapports du langage et de la pensée, la grammaire comparative, au contraire, s’attachant à l’étude exclusive de ce qu’il y a de fluide, pour ainsi dire, de malléable ou encore d’évolutif dans les mots du vocabulaire et dans les formes de la syntaxe, est devenue l’une des sciences les plus fécondes qu’il y ait en suggestions de toute sorte, en renseignemens à la fois historiques et philosophiques. C’est la grammaire comparée qui nous a permis de reconnaître la parenté secrète qui réunit entre elles tant de langues si différentes et particulièrement toutes celles que nous réunissons ensemble sous le nom de langues indo-européennes. C’est elle encore qui nous a permis de faire enfin poser sur des fondemens solides l’histoire du développement des langues en substituant à la recherche hasardeuse des étymologies, telle qu’on la pratiquait autrefois, fantaisiste et nous dirions volontiers facétieuse, une science véritable, prudente et sévère qui, de proche en proche, par des procédés d’une exactitude minutieuse, fait remonter l’histoire d’un mot jusqu’à ses premières origines, au-delà même de ses origines, pourrait-on dire, puisqu’il existe aujourd’hui de véritables dictionnaires de la langue des Aryas primitifs, c’est-à-dire de la langue préhistorique parlée par nos ancêtres quand ils habitaient encore les plaines de la Bactriane. On a même poussé plus loin, puisqu’on a prétendu restituer non-seulement leur langue, mais encore leur histoire. Et personne, je crois, n’a oublié cet ingénieux Essai du paléontologie linguistique auquel M. Pictet a attaché son nom. Je sais bien des érudits qui ne sont guère favorables à ces tentatives un peu hardies, qu’ils trouvent surtout prématurées. Ils nous permettront une observation : c’est que, s’il ne faut pas vouloir à tout prix que l’érudition soit amusante, il ne faut pas non plus vouloir lui donner un aspect impitoyablement rébarbatif. Les érudits se plaignent parfois de l’indifférence du public, et si l’on juge au fond, on doit convenir que presque toujours ils ont raison de se plaindre. Mais c’est bien aussi quelquefois leur faute et leur très grande faute. Rien de mieux que de se défier des généralisations hâtives. Si l’on veut cependant que le public s’intéresse aux études orientales, j’entends le public éclairé, le public déjà lettré, sans doute il ne faut lui faire aucune concession, mais il faut au moins lui faire pressentir à quelles conclusions tendent tous ces travaux, vers quel but toute cette activité se dirige, ce qu’il y a d’universellement humain enfin dans ces recherches qui paraissent concentrées sur l’inutile et le rebutant. On l’a peut-être oublié trop souvent depuis que nous sommes sortis de ces années heureuses que M. Renan appelait « l’âge héroïque des études orientales. » En matière d’érudition comme de science, il n’y a de bonne monographie que celle qui déborde son sujet et qui conclut au-delà de ses prémisses. On aura beau dire, on aura beau faire : rien ne vaudra jamais que par les idées générales. Nous craignons qu’aujourd’hui l’érudition ne croie trop à la valeur des faits accumulés et trop peu à la valeur des faits interprétés. Nous ne prendrons pas sur nous, en pareille matière, d’affirmer trop catégoriquement, mais nous craignons que la grammaire comparée, depuis plusieurs années déjà, n’ait dégénéré de ses ambitions d’autrefois, et nous en sommes fâché pour elle.

Une autre science encore, née du développement des études orientales, c’est la science des religions. On comprend aisément qu’il n’en soit guère de plus intéressante ; on comprend plus aisément encore qu’il n’y en ait guère dont les principes soient moins assurés. Aussi, c’est une chose bien curieuse de voir comme quoi de certains érudits qui se piquent, en matière de grammaire comparée, non pas même de prudence, mais positivement d’étroitesse d’esprit, se lancent vers les hauteurs, s’égarent dans les systèmes et se perdent dans les théories quand ils abordent la science des religions ou seulement la mythologie comparée. Je n’ai pas de raison pour vous dissimuler davantage que je pense à M. Max Muller. Ce qu’on ne peut nier toutefois, c’est que dans l’état actuel des études orientales, ces spéculations sur l’évolution de l’esprit humain à la recherche d’un Dieu soient faites pour séduire les esprits même les plus fermes et les plus froids. C’est ici, quoi qu’on veuille et quoi qu’on puisse faire, le fort indestructible de toute religion, de toute théologie, de toute métaphysique. Car, comme on ne fera pas que tout homme qui pense ne s’interroge quelquefois sur le sens possible et sur le but de la vie, on ne fera pas que toutes religions et toutes métaphysiques, mortes ou vivantes, actuelles ou futures, ne contiennent le meilleur et le plus pur de ce qu’il y a dans l’esprit humain. Vous me direz qu’il y a des gens qui ne pensent pas. Je vous répondrai qu’ils sentent, ce qui est une manière encore, inférieure assurément, mais une manière de penser. Quant à ceux qui ne pensent ni ne sentent, et qui s’en vont comme ils étaient venus, je les crois assez nombreux en ce monde ; le sanscrit n’est pas fait pour eux, ni la science des religions. Ils s’en passeront comme ils se passent de toute autre langue, — voire du français, — et de toute autre science. Mais, pour nous, il nous paraît que de plus en plus les études orientales convergeront toutes ensemble vers une connaissance de plus en plus exacte et de plus en plus approfondie de cette science des religions. C’est de ce côté que nous voyons le gain, c’est-à-dire un esprit de tolérance qui ne sera pas un esprit d’indifférence.

Seulement il faudra pour cela que l’esprit même avec lequel on aborde encore aujourd’hui quelquefois les études orientales ne soit pas cet esprit d’orgueil que M. Mohl et tant d’autres avec lui ont si souvent déploré. « Les nations orientales, disait-il, ne manquent ni de génie naturel, ni d’inspiration vers la civilisation, ni de culture. Elle sont, je crois, sous quelques rapports, mieux douées ou plus développées que nous. » C’est ce que nous n’admettons pas volontiers en Europe. Et c’est pourquoi, comme il le disait encore, « l’action de l’Europe sur l’Asie a été presque toujours violente et destructrice, et souvent destructrice de ce qu’il y avait de mieux. » Nous devenons un peuple utilitaire, et quelqu’un pourrait nous demander « ce que prouve » le sanscrit, « à quoi sert » le chinois. Ces paroles de M. Mohl seront notre réponse et notre conclusion. Quand les études orientales ne nous serviraient qu’à mieux comprendre les peuples de l’Orient ; qu’à respecter dans nos rapports avec eux, ce qu’il y a « de vivant et d’élevé en eux, » et « les germes de grandeur que chacune de ces civilisations porte en soi, » ce serait un résultat pratique et qui vaudrait encore la peine d’être poursuivi. Je n’ignore pas que, s’il est beau de plaider la cause du nègre du Soudan, il est ridicule de plaider celle du Chinois ; demandez pourtant aux Anglais ce qu’il leur en a coûté jadis de n’avoir pas un peu plus écouté ceux qui plaidaient la cause de l’Indien !

F. Brunetière.
  1. Nous prenons la liberté de corriger le titre, qui ainsi conçu : Vingt-sept Ans d’histoire des études orientales.
  2. Voyez à ce sujet l’intéressante brochure de M. Claudio Jannet : les Institutions sociales de Sparte, 2e édit., Pedone, Paris 1880, et les curieux articles de M. Fustel de Coulanges dans le Journal des savans de février, de mars et d’avril 1880.
  3. Paul Perny, Grammaire de la langue chinoise orale et écrite, t. II ; Maisonneuve et Leroux, Paris, 1879.
  4. Aussi ne saurait-on trop s’étonner que, parmi les rapports publiés en 1867, à l’occasion de l’Exposition universelle, sur les Études relatives à l’Égypte et à l’Orient, l’égyptologie s’espace en une soixantaine de pages, tandis que les études relatives à la fois au sanscrit et au zend n’en occupent pas vingt-cinq. La seule raison de ce fait est sans doute que l’égyptologie est restée plus spécialement que l’indianisme une science française.
  5. Comme il ne faut rien oublier de digne d’être mentionné, nous ferons remarquer qu’au lieu d’érudition orientale nous aurions peut-être mieux fait de dire archéologie orientale. Mais l’expression aurait risqué de faire confusion. Bornons-nous donc à constater que nous négligeons de parti-pris tout ce qu’il y aurait à dire sur des études comme les études hindoustanies par exemple, ou comme les études japonaises, qui, n’ayant trait qu’à l’histoire de civilisations relativement récentes, ne présentent pas à notre avis le même genre d’intérêt, qui soulèvent d’ailleurs d’autres problèmes et que l’un traite par conséquent par d’autres méthodes et d’un autre point de vue.