Revue musicale - Les Sociétés et les musiciens de concerts

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REVUE MUSICALE




LES SOCIETES ET LES MUSICIENS DE CONCERT.





Il est toujours temps de parler des nombreux concerts qui ont été donnés à Paris pendant le long hiver qui s’est prolongé jusqu’à la fin du mois de mai 1856. On pourrait même soutenir qu’un peu d’éloignement est nécessaire pour apprécier sans confusion et sans fatigue cette foule toujours croissante de compositeurs et d’exécutans qui se précipitent dans la carrière comme des chevaux de course affamés de bruit, de renommée et de poussière. Tous les ans, c’est la même affluence d’artistes plus ou moins connus qui viennent rajeunir leur célébrité viagère à la grande source de la presse parisienne. Pourvu qu’ils brillent un jour et que leur nom soit consigné dans un coin obscur de la publication la plus éphémère, ils sont contens, et s’en vont colporter dans le monde l’honneur d’avoir ennuyé toute une soirée le public le plus indulgent et le plus difficile de l’Europe. C’est qu’il en est de la gloire comme du bonheur, dont Mme de Girardin a dit, avec la grâce et la finesse d’observation qui caractérisaient son bel esprit : « Un regard, un mot, un sourire pour ceux qui aiment un chapeau bien fait pour celle-ci, un bouquet de violettes pour celle-là ; un bon dîner pour les uns, une bonne rime pour les autres ; une promenade en bateau, des fraises nouvelles, un livre amusant, une jolie romance, du feu en hiver, de la glace en été ; du vin passable pour le pauvre, un cheval anglais pour le riche, tels sont les ingrédiens dont se compose le bonheur. Depuis des siècles, on se figure que le bonheur est une grosse pierre précieuse qu’il est impossible de trouver, que l’on cherche, mais sans espérance. Point du tout, le bonheur, c’est une mosaïque composée de mille petites pierres qui, séparément et par elles-mêmes, ont peu de valeur, mais qui, réunies avec art, forment un dessin gracieux. Sachez comprendre avec intelligence les jouissances passagères que le hasard vous jette, que votre caractère vous donne ou que le ciel vous envoie, et vous aurez une existence agréable. » Eh bien ! tels sont aussi à peu près les ingrédiens de la célébrité. On la trouve assez facilement quand on sait limiter son ambition, et un artiste raisonnable qui connaît bien Paris peut conquérir en peu de temps une renommée assez retentissante pour se faire illusion à lui-même et combler les vœux de ses amis. Avec de la persévérance, des protecteurs et une grande audace, on peut aller même jusqu’à l’Institut. On l’a vu plus souvent que des rois épouser des bergères.

On peut diviser les concerts qui se donnent tous les ans à Paris en deux grandes catégories qui répondent à deux générations de dilettanti très différentes : les concerts classiques, où l’on exécute de la musique d’ensemble, et particulièrement celle des grands maîtres, et les soirées ou matinées plus ou moins musicales que donnent les virtuoses et les professeurs à la mode pour, se maintenir en crédit dans le petit monde dont ils sont les étoiles. Le public qu’on rencontre à ces deux espèces de concerts appartient à deux civilisations musicales qui se touchent, mais ne se confondent pas. On passe de l’une à l’autre, comme dans les mystères d’Eleusis on passait d’une scène d’initiation à la complète intelligence de l’arcane sacré. Il est juste de remarquer que les bons concerts se multiplient, et que chaque année ils sont fréquentés par un nombre toujours plus considérable de vrais amateurs. Aussi les virtuoses s’en vont-ils bien plus vite que les rois. Nous suivrons la division que nous venons d’établir en parlant d’abord des concerts où l’on a exécuté la musique des maîtres, c’est-à-dire la musique classique, ce qui ne veut pas dire, comme on le croit trop communément en France, de la musique ennuyeuse.

En tête de la première catégorie, il faut placer la Société des Concerts, qui a inauguré, le 13 janvier 1856, la vingt-neuvième année de son existence. Le programme de cette première séance ne renfermait de nouveau, si ce n’est de remarquable, qu’un air médiocre d’un opéra, Tamerlan qui fut représenté en l’an du Seigneur 1802. M. Bussine a chanté l’air de Win ter dans un style flasque, assez en harmonie avec la musique du compositeur allemand, qui fut un grand amateur de pigeons et un gracieux imitateur de Mozart, particulièrement dans son chef-d’œuvre, le Sacrifice interrompu. Après un fragment d’un quintette de Reicha pour instrumens à vent, qui a été fort bien exécuté, on a chanté un chœur de Rameau, de son opéra Castor et Pollux, qui remonte à l’année 1737. Pourquoi donc les commissaires de la Société des Concerts, qui sont chargés de rédiger le programme de ces belles fêtes de l’art, s’obstinent-ils à ne point indiquer la date des ouvrages qu’ils produisent en public ? En sont-ils encore à ignorer combien la chronologie est un élément nécessaire à la juste appréciation des œuvres du génie ? Si les auditeurs savaient que le chœur de Rameau a été écrit trente-sept ans avant l’arrivée de Gluck en France, ils seraient encore plus étonnés de l’impression, de la couleur et de l’harmonie déjà profondes qui caractérisent le génie pathétique du compositeur français. Le solo de cette belle scène de Rameau a été fort mal dit par Mlle Ribault, une élève couronnée du Conservatoire. La séance s’est terminée par un hymne des mages, chœur tiré d’Alexandre à Babylone, grand opéra inédit de Lesueur, d’un caractère pompeux et monotone. Le second concert, qui a eu lieu le 29 janvier, a commencé par une ouverture de Beethoven (opéra 115), à laquelle a succédé le finale du premier acte d’Oberon, de Weber, dont les soli ont été aussi mal chantés que possible par MIIe Boulart et Mlle Ribault, deux illustrations de ce même Conservatoire. Décidément M. Girard, le chef d’orchestre, a un penchant prononcé pour les chanteurs médiocres, dont il aime à s’entourer. Aussi l’admirable musique du plus poétique des compositeurs allemands a-t-elle été aussi mal rendue que peu comprise par le public trop patient. L’air de danse de l’Iphigénie de Gluck, qu’on a entendu le même jour, ne vaut-il pas à lui seul tous les ballets qui ont été improvisés depuis cinquante ans ? Nous en dirions presque autant du morceau de Lully, qui est venu après, l’air de Caron, de son opéra d’Alceste. C’est une inspiration de génie. L’opposition qui résulte de la prière des âmes des trépassés et du refus de l’implacable nautonnier est d’un bel effet dramatique. Après la délicieuse symphonie en de Mozart, la séance s’est terminée par des fragmens du dernier finale de Fidelio de Beethoven, conception laborieuse d’un génie qui n’a rien compris à la voix humaine. Au troisième concert, on a exécuté la symphonie avec chœurs de Beethoven, dont le public commence à mieux saisir l’ordonnance et l’ampleur. Le premier morceau est toujours d’un accès difficile et d’un débrouillement pénible, quoiqu’il renferme des beautés du premier ordre. Le scherzo-vivace est un chef-d’œuvre de grâce et de fantaisie, tandis que l’andante, qui forme la troisième partie, est l’un des morceaux symphoniques les plus vastes et les plus grandioses qui existent. Le souffle en est si grand et l’idée si développée, qu’ils dépassent l’attention que peuvent accorder des auditeurs ordinaires. Quant au finale, où les voix humaines viennent se joindre à la symphonie, c’est un pandemonium et comme la concentration de tous les styles et de tous les accens. L’air d’Anacréon de Grétry, « de ma barque légère, » fort bien chanté par M. Bonnehée, et le chœur des génies d’Oberon de Weber, qui a été redemandé, ont complété cette belle solennité. Le quatrième concert a été signalé par l’exécution de la musique d’Egmont de Beethoven, et un psaume de Mendelssohn, chœur plein de franchise, mais sans caractère saillant. Au sixième concert, nous n’avons remarqué que le finale d’un opéra de Mendelssohn, Loretey, traduit en français par M. Edouard Saint-Chaffray, qui renferme des choses plus curieuses que belles. Le septième concert nous a offert l’occasion d’entendre la romance des Nozze di Figaro, chantée en français par Mlle Boulart, qui, apparemment, ne sait pas l’italien. La séance s’est terminée par le Songe d’une Nuit d’été de Mendelssohn, où l’on retrouve l’influence latente du génie de Weber et de son Oberon.

Si la Société des Concerts était moins routinière et pouvait se décider à élargir le cercle de son répertoire, qui commence à être plus que suffisamment connu, il n’y aurait que des éloges à lui adresser. La partie instrumentale est toujours d’une rare perfection, bien qu’on puisse reprocher au chef d’orchestre, M. Girard, une intelligence timorée dans l’indication des mouvemens, qu’il tend toujours à ralentir. Quant au chant, les chœurs, aussi bien que les soli qui les accompagnent, sont le côté faible de la Société des Concerts comme de toutes les réunions musicales. Excepté un ou deux chœurs, que les artistes sont parvenus à dire avec assez d’ensemble, parce qu’ils les chantent depuis vingt-neuf ans, tout le reste est d’une médiocrité désespérante. En approuvant hautement la société d’avoir eu le courage de repousser constamment de ses programmes les pauvretés des hommes du jour, particulièrement les gouaches confuses que M. Berlioz appelle des symphonies, nous voudrions qu’elle fût plus hardie dans l’exploration des œuvres des vrais maîtres. Pourquoi ne touche-t-elle pas à Palestrina, à Léo, à Jomelli, et surtout au grand Sébastien Bach, dont l’œuvre immense et complexe sort pour la première fois des catacombes ? Faudra-t-il toujours regret ter qu’une association d’artistes si remarquables ne puisse joindre, au fini de l’exécution, une plus grande variété d’objets ?

Après la Société des Concerts et dans la même catégorie se place l’escouade des Jeunes Artistes, conduits par M. Pasdeloup. Au troisième concert qu’ils ont donné le 20 janvier dans la salle de M. Herz, nous avons entendu une symphonie de M. Gouvy qui nous a paru une œuvre estimable, surtout le scherzo, qui a été redemandé, et dont la facture ingénieuse est plus remarquable que l’idée. M. Gouvy est un musicien de mérite qui cultive avec distinction un art difficile dont il connaît les secrets. Au sixième concert, on a exécuté encore une agréable symphonie de M. Lefébure-Wély, dont le menuet, à la manière de Mozart, est la partie saillante. Une mélodie évangélique, Jésus de Nazareth, de la composition de M. Gounod, a été fort bien chantée par M. Battaille et a produit un grand effet. Enfin, dans un concert supplémentaire donné le 16 mars, nous avons entendu une nouvelle symphonie de M. Gounod, dont l’andante surtout est un morceau remarquable, développé avec beaucoup d’habileté. En somme, la société des Jeunes Artistes remplit avec intrépidité sa mission d’avant-garde. Si parfois la fougue l’entraîne au-delà du but, l’âge et l’expérience lui apporteront assez tôt le calme qui lui manque. Que M. Pasdeloup ne se décourage pas, et qu’il s’en aille toujours en guerre avec le peloton qu’il fait si bien manœuvrer.

La société fondée par MM. Maurin et Chevillard, pour l’exécution et la divulgation des derniers quatuors de Beethoven, est parvenue, saine et sauve, à la cinquième année de son existence. L’Allemagne, qui, en fait de musique instrumentale, est très jalouse de sa suprématie, que personne ne lui conteste, a dû rendre justice à la merveilleuse exécution des artistes français, qui ont été accueillis à Francfort et à Hanovre avec un véritable enthousiasme. À la première séance qu’ils ont donnée le 11 janvier dans la salle Pleyel, ils ont exécuté le quatuor en ut dièze mineur, qui est le quatorzième, et qui renferme autant de beautés que de bizarreries. La sonate pour piano (opéra 111), qui est la dernière qu’ait composée Beethoven, a été exécutée ensuite par M. Ritter avec plus de vigueur et de précision que de charme. On a clos la séance par le quatuor en mi mineur, dont le finale est admirable. La seconde séance a commencé par le fameux quatuor en la mineur, c’est-à-dire le quinzième, qui a été terminé en 1826, un an avant la mort de Beethoven. C’est en tête de l’adagio de ce quatuor que Beethoven a mis l’inscription suivante : Canzone di ringraciamento in modo lidico offerta alla Divinità da un guarito (hymne de reconnaissance dans le mode lydien, adressée à la Divinité par un convalescent). Après le grand trio dédié à l’archiduc Rodolphe, pour piano, violon et basse, qui a été fort bien exécuté, surtout par M. Ritter, on a terminé par le quatuor en la mineur, qui annonce la transition de la seconde manière de Beethoven à la troisième, comme l’a remarqué judicieusement M. de Lenz. À la troisième séance, nous avons entendu le quatuor en fa (opéra 134), qui est pour nous, humble mortel, un dernier éclair du génie pâlissant de Beethoven. Si on extrait de ce morceau laborieux et d’une compréhension si difficile quelques pas sages de l’épisode à deux quatre, il ne reste guère qu’un chaos musical. Grâces soient rendues cependant à MM. Maurin et Chevillard pour nous avoir débrouillé et fait comprendre ce mythe des derniers quatuors de Beethoven, source troublée où sont allés puiser tous les mauvais musiciens qui ont voulu se partager l’empire d’Alexandre ; mais les Richard Wagner, les Liszt, les Berlioz et même Schumann, qui est un artiste de vrai mérite, ne bâtissent que sur le sable, et seront la fable de l’avenir, comme ils le sont de la génération présente. Les portes de l’enfer, pas plus que les portes de l’Institut, ne pré vaudront contre la vérité.

Les séances de musique de chambre fondées par MM. Alard et Franchomme continuent d’attirer l’élite des amateurs. Elles offrent toujours un vif intérêt, qui tient autant à la perfection de l’exécution qu’au choix des morceaux très variés qui forment le répertoire. À la troisième séance, nous avons été ravi par un trio d’Haydn pour piano, violon et basse (opéra 33), dont le finale est une merveille de grâce, de clarté et d’élégance. Il n’y a de supérieur à ce morceau du père de la musique instrumentale que le quintetto en sol mineur, pour instrumens à cordes, de Mozart. L’andante con sordini de ce chef-d’œuvre est quelque chose de divin, de vraiment divin. La quatrième séance a été plus intéressante encore. Elle a commencé par le trio en mi bémol, pour piano, violon et basse, de Beethoven, dont Hoffmann a donné, dans la Gazette musicale de Leipzig, année 1813, une analyse qui est un chef-d’œuvre de critique fécondée par l’imagination. Le morceau a été rendu avec autant d’ensemble que de fini, surtout par le pianiste, le jeune Planté, dont nous avons eu occasion de parler ici même l’année dernière. Après le trio de Beethoven est venu le quatuor en sol, pour instrumens à cordes, de Mozart. Nous renonçons à louer comme il conviendrait l’andante du quatuor que nous venons de nommer. Si nous étions roi, prince, ou simplement millionnaire, nous nous ferions exécuter tous les soirs ce morceau de musique, en nous efforçant d’élever notre âme et notre esprit à la hauteur d’une inspiration sainte dont rien n’égale l’ineffable tendresse.

À côté des sociétés musicales dont nous venons de parler, il s’en est élevé une cinquième, sous la direction de MM. Lebouc et L. Paulin, qui s’est donné également la mission honorable d’interpréter les œuvres des maîtres. La Société de Musique classique et historique se distingue des précédentes par la grande place qu’elle accorde dans ses programmes à la musique vocale. Les quatre soirées qu’elle a données cette année, qui est la seconde de son existence, ont été brillantes et très suivies, grâce à la présence de Mme Viardot et de M. Ernst, l’un des bons violonistes qu’il y ait en Europe. À la première séance, qui a eu lieu le 18 janvier, nous avons entendu le trio des Songes de l’opéra de Dardanus, de Rameau, morceau curieux qui a produit lui grand effet. Mme Viardot a chanté ensuite un air de Rinaldo, de Haendel, Lascia ch’io pianga, et un fragment d’un Te Deum du même compositeur, que nous soupçonnons d’avoir été un peu arrangé, surtout dans l’accompagnement. Mme Viardot a déployé une grande énergie et un fort beau style dans la scène d’Armide, de Gluck : Esprits de haine et de rage, qui convient mieux à son talent, plus mâle que tendre, que l’air de Rinaldo, dont elle a mal rendu la phrase courte et pénétrante. Dans la troisième séance, on a dit un quintette de Mozart, pour clarinette, deux violons, alto et violoncelle, dont M. Leroy a exécuté la partie de clarinette avec une pureté et une ampleur de son admirable. Le trio en canon de l’opéra de Cherubini, Faniska, plusieurs morceaux de Haendel, chantés par Mme Viardot, ont rempli le reste du programme. La quatrième séance, beaucoup plus intéressante, a commencé par un quatuor de Weber, pour piano, violon, alto et violoncelle, morceau ingénieux qui vise trop à l’effet, auquel a succédé le duo des naïades de l’opéra d’Acis et Gatatée, de Lully, et un air de bravoure tiré de Britannico, du vieux Graun, le maître de chapelle du grand Frédéric. L’air de Graun n’est qu’une formule musicale du temps, sans aucun rapport avec le sens des paroles, qui expriment au contraire un sentiment douloureux. Après l’air de Graun, chanté avec vigueur par Mme Viardot, on a entendu un fragment de la sonate pour piano en fa mineur, de Beethoven, exécuté avec une maestria puissante par Mme Mattmann, et la séance s’est terminée par un air tiré de Judas Machabée, grand oratorio de Haendel. On voit qu’au milieu de ce Paris frivole, qui consomme tant de vaudevilles, d’opéras-comiques et de chansonnettes, la grande et belle musique trouve un assez grand nombre d’habiles interprètes. Depuis la Société des Concerts du Conservatoire jusqu’à la société de MM. Lebouc et Paulin,.le public éclairé peut choisir le point historique qui convient à ses goûts et parcourir la chaîne des formes musicales depuis Palestrina jusqu’à M. Auber. Décidément les Parisiens de la seconde moitié du XIXe siècle ressemblent, à s’y méprendre, aux Grecs alexandrins des IIIe et IVe siècles de l’ère chrétienne.

Les concerts de virtuoses, que nous avons rangés dans la seconde catégorie, n’ont pas été moins nombreux cette année que les années précédentes. Malgré la grande consommation que fait l’Amérique de pianistes, violonistes, violoncellistes et chanteurs de deuxième, troisième et quatrième ordre, il en reste encore assez en Europe pour inquiéter parfois l’ordre public et défrayer la malice de la critique. C’est M. Lemmens, organiste belge de grand mérite, qui a inauguré la saison des concerts de fantaisie, le 11 février, dans la salle de M. Érard. Il a exécuté d’abord la sonate pour piano en ut dièze mineur de Beethoven, avec un sourire de si parfaite satisfaction et de si grand contentement de soi-même, que ses amis doivent être tranquilles sur le danger qu’il peut courir par un excès de sensibilité et d’émotion. M. Lemmens a été plus heureux dans la sonate en la bémol de Weber, qu’il a rendue avec le brio et la fougue chevaleresque qui caractérisent la musique de piano de ce beau génie. Il a encore mieux exécuté la fugue pour piano en sol mineur de Bach, le grand créateur de la musique d’orgue, qui convient surtout au talent vigoureux, mais un peu sec, de M. Lemmens. — M. Emile Prudent, qui depuis un ou deux ans semble vouloir se retirer sous sa lente et laisser le champ libre à de jeunes émules moins assouvis qu’il ne peut l’être de renommée, nous est apparu cet hiver dans un grand concert qu’il a donné dans la salle de M. Herz le 12 mars. M. Prudent est l’un des meilleurs pianistes de l’école française. Il a de l’éclat, de l’élégance et une grande égalité d’exécution. Imitateur adroit de la manière placide et fleurie de M. Thalberg, M. Prudent serait le plus heureux et le moins contesté des virtuoses, s’il n’était tourmenté du désir de vouloir passer pour un compositeur de génie, ni plus ni moins. Eh ! qui donc n’a pas de génie par le temps qui court ? Si vos œuvres sont méconnues par la génération présente, trop matérielle, trop bourgeoise, comme on dit, pour comprendre les effluves de votre imagination brûlante, n’avez-vous pas l’avenir qui vous attend, et qui vengera votre mémoire de l’ingratitude et de l’aveuglement de vos contemporains ? Malheureusement on parle plus de la postérité qu’on ne croit à sa justice, et au fond on veut vivre actuellement et vivre bruyamment. Quoi qu’il en soit, le concert de M. Prudent a été très brillant, et si ses compositions ne justifient pas toujours les titres pompeux qu’il leur donne, ce n’en sont pas moins d’agréables fantaisies qu’on écoule avec plaisir. — M. Louis Lacombe est aussi un très habile pianiste de l’école française qui n’est pas moins tourmenté du désir de la composition. Le concert qu’il a donné dans la salle de M. Érard le 8 avril n’était presque défrayé que par sa musique, qui n’a pas précisément le don de plaire à la foule. M. Lacombe n’en reste pas moins un artiste sérieux, trop sérieux peut-être, qui mérite l’estime des connaisseurs.

M. Sighicelli est un jeune violoniste italien qui s’est fixé à Paris depuis quelques années et dont nous avons déjà mentionné le nom dans la Revue. Nous l’avons entendu cette année dans un trio de Mendelssohn pour violon, piano et violoncelle, et puis dans un duo concertant pour violon et contre basse de la composition de M. Bottesini. M. Sighicelli a du talent, de la chaleur et une certaine morbidesse d’exécution qui révèle le pays qui l’a vu naître. Il lui reste à acquérir une meilleure qualité de son et à se corriger d’une légère incertitude d’intonation qui parfois trouble le plaisir qu’on éprouve à l’écouter. — M. Gaetano Braga, qui nous est venu de Naples un violoncelle à la main, joue avec goût de ce noble instrument. Dans le concert qu’il a donné le 26 mars dernier, il a fait preuve de talent. Il chante agréablement, mais un peu trop à la manière des chanteurs modernes, qui ne peuvent soutenir longtemps une petite phrase musicale sans ; la surcharger d’oripeaux, c’est-à-dire de points d’orgue usés jusqu’à la corde. Que M. Braga se hâte bien vite de se corriger de ce défaut, qu’il joue de la bonne musique et qu’il se préoccupe de la qualité du son,’qui est un peu maigre sous son archet, s’il veut mériter la réputation à laquelle il nous semble digne d’aspirer.

Nous devons signaler aussi le concert donné par M. Adolphe Reichel, pianiste de mérite et compositeur distingué. M. Reichel, qui est évidemment un musicien instruit, n’a pas un caractère bien prononcé dans les diverses compositions qu’il nous a fait entendre. Il procède tantôt de Mayseder, comme dans son quatuor pour instrumens à corde qui remplissait le troisième numéro de son programme, et tantôt il se rapproche de la manière de Beethoven, génie redoutable qui porte malheur à tous ceux qui veulent l’imiter. M. Reichel ne manque pas d’idées, mais il ne les développe pas suffisamment, ce qui est indispensable pour la musique instrumentale. M. François Gernsheim, autre pianiste allemand, qui compte à peine quinze printemps, s’est produit pour la première fois à Paris dans un concert à grand orchestre le 9 mai. Après avoir exécuté d’une manière très brillante le concerto en sol mineur pour piano et orchestre de Mendelssohn, il s’est placé lui-même à la tête de ses quarante musiciens et a conduit bravement l’exécution de plusieurs morceaux de sa composition qui prouvent qu’il a fait de bonnes études, et qu’il peut prétendre à la palme immortelle, si son astre en naissant l’a formé poète

Il serait injuste d’oublier Mlle Marie Darjou, jeune et jolie personne, élève de M. Prudent, qui a donné cette année deux concerts qui ont eu du retentissement. Le jeu de Mlle Darjou, qui ne manque pas d’élégance, est un peu froid et entaché d’une certaine préciosité qui est le côté faible de l’école française. Nous engageons Mlle Darjou à se préoccuper de ces petits défauts, qui pourraient entraver sa carrière en l’empêchant de développer des qualités de meilleur aloi. — La famille Brousil est une charmante couvée de musiciens éclos dans la ville de Prague. Composée de trois jeunes filles et de trois garçons qui s’échelonnent comme des tuyaux d’orgue, cette famille de vrais Bohèmes s’est produite dans une matinée musicale, où elle a étonné, charmé et intéressé l’auditoire, il fallait voir surtout le jeune Aloys, petit violoniste de sept ans, conduisant son quatuor avec une maestria et un sérieux qui ont excité l’hilarité générale. Sa sœur, Bertha, qui a tout au plus quatorze ans, possède déjà un talent dont pourraient se contenter bien des violonistes célèbres. — Pour être complètement exact dans l’énumération des concerts qui ont mérité de fixer l’attention de la critique, nous citerons encore celui de M. Zompi, pianiste qui ne manque pas de brio, de M. Alary, où M. Mario a chanté en français la scène aux enfers d’Orphée de Gluck, et celui de M. Bessem, professeur distingué, qui, tous les ans, ouvre une chapelle ardente au culte de Boccherini, d’Haydn, de Mozart et de Beethoven, qu’il comprend et enseigne si bien.

Dans quelle catégorie faut-il ranger les deux soirées musicales données par M. Delsarte dans la salle de M. Herz ? Si nous prenions le titre de ses programmes, ce seraient des concerts historiques que M. Delsarte aurait voulu instituer, renouvelant l’idée de M. Fétis, qui à son tour avait imité et fécondé l’exemple donné par Choron, notre maître. Sans nous montrer toutefois trop difficile sur la qualification que M. Delsarte donne à ses fêtes intéressantes, nous ne pouvons cependant lui passer la liberté grande qu’il prend d’attribuer à de saints personnages des lambeaux de mélodies dont on ne connaît pas l’origine certaine. Ce peut être une pieuse tradition de l’église de croire que l’hymne Creator alme soit de saint Ambroise, ou que celle de Lucis Creator puisse être attribuée au pape saint Grégoire ; mais aucun document historique ne le prouve. D’ailleurs est-il permis à un artiste intelligent comme M. Delsarte de donner le titre de musique religieuse des IVe et VIe siècles à des mélodies de plain-chant auxquelles on a ajouté de l’harmonie moderne, qui pourrait être souvent un peu plus élégante sans nuire à la tonalité de l’église ? Il est bien à regretter que M. Delsarte n’ait pas su borner son ambition à l’art de chanter et particulièrement à la déclamation lyrique : il eût rendu de grands services à l’école française en propageant le goût admirable qui caractérise sa méthode. C’est au Conservatoire que devrait être M. Delsarte, à la tête d’une classe de chanteurs destinés à l’Opéra, et qui auraient fait toutes les études nécessaires à l’assouplissement de l’organe. Quoi qu’il en soit de nos vœux, les deux soirées données par M. Delsarte avec le concours de Mme Viardot, de MM. Franchomme, Sauzay, Tellefsen et d’autres artistes connus, ont été curieuses et suivies par un public d’élite. M. Delsarte a fait entendre les différens morceaux qui composent ses archives du Chant, publication intéressante dont la quatrième livraison vient de paraître, et qui aura sans doute le succès qu’elle mérite.

Puisque décidément la musique du passé envahit le présent et commence à attirer l’attention du public de toutes les classes, il convient de mentionner aussi la matinée musicale donnée par M. Le Couppey, professeur de piano au Conservatoire. Entouré de ses nombreuses élèves, parmi lesquelles nous avons remarqué Mlle Couderc, M. Le Couppey a fait exécuter et a exécuté lui-même une série de pièces depuis Merulo de l’école de Venise, vers 1600, jusqu’à M. Chopin. Dans ce coup d’œil rétrospectif, on a particulièrement distingué plusieurs charmans badinages de Couperin, tels que son Réveil-Matin, et le morceau en pour clavecin, de Domenico Scarlatti, qui est à l’école italienne ce que Philippe-Emmanuel Bach est à l’école allemande.

Les élèves de l’école de musique religieuse dirigée par M. Niedermeyer se sont réunis le 9 mai pour l’inauguration de l’orgue dans la petite église paroissiale de Saint-Eugène. Ils y ont chanté avec un ensemble remarquable, entre autres morceaux intéressans, le Credo de la messe dite du pape Marcel, de Palestrina, et un motet de Vittoria, Jesu dulcis, d’une onction si pénétrante. Or ce n’est pas un faible mérite que de chanter, seulement avec justesse, cette musique sans accompagnement aussi savante que suave. La péroraison ou l’amen du Credo de Palestrina est un chef-d’œuvre de développement harmonieux où sont accumulées les plus grandes difficultés de la musique chorale, et les élèves de M. Niedermeyer les ont surmontées avec autant de fermeté que de goût. D’après cet exemple, il nous est facile de prédire que l’institution de M. Niedermeyer continuera avec succès l’école fondée par Alexandre Choron, qu’elle s’est proposée pour modèle, et dont elle a recueilli l’esprit.

L’artiste qui porte dignement aujourd’hui le nom illustre que nous venons de citer, M. Nicou-Choron, a fait exécuter tout récemment à l’église de Notre-Dame, au profit des inondés, une grande messe en musique qui avait attiré beaucoup de monde, et qui a été fort remarquée par les con naisseurs. Le Gloria, le Credo surtout, et l’O salutaris sont les morceaux importans de cette œuvre d’un musicien distingué, dont le mérite réel serait plus connu, si M. Nicou-Choron avait moins de réserve et de dignité dans le caractère.

Ce n’est point à M. Vivier, le célèbre corniste, qu’on pourra jamais reprocher ces vains scrupules à l’endroit de la publicité et de cet art de la mise en scène qui tient une si grande place dans l’histoire des virtuoses contemporains. Homme d’esprit et parfaitement de son temps, M. Vivier a compris que la modestie est le partage des imbéciles, qui, en se confiant à la Providence comme les petits des passereaux, s’en vont mourir à l’hôpital ignorés des vivans et de l’avenir. Aussi ; après MM. Liszt et Berlioz, qui sont les maîtres reconnus dans l’art de multiplier les échos qui répètent leurs noms, M. Vivier peut-il revendiquer la première place et s’écrier avec une audace légitime : Anch’io son pittore ! D’où vient M. Vivier, et qu’est-il enfin ?

Mortel, ange ou démon ?…


Il vient de la Corse, où le ciel l’a fait naître il y a trente-cinq ans, et il peut tout ce qu’il veut, danser, nager, siffler, composer, écrire, et casser des noisettes avec son pouce. « Compositeur de génie, musicien de premier ordre, il chante avec un goût exquis, joue admirablement du violon et ne dédaigne pas la guitare. La nature a été si prodigue envers lui qu’il a tous les modes d’expression à son service : le cor, le violon, le piano, la voix, la mimique. Son gosier est aussi flexible que son oreille est fine. De plus, c’est un homme d’un esprit charmant, soudain, prime-sautier, d’un tact exquis, aussi vif que hardi, toujours vivant et toujours amusant. Vous avouerez qu’il n’en faut pas davantage pour plaire, et que l’on serait recherché à moins. » Nous sommes ici de l’avis du savant biographe à qui nous empruntons ces précieux renseignemens sur l’organisation extraordinaire de M. Vivier, qui, après cela, a bien de la bonté de borner son ambition à la gloire d’un simple exécutant ! Quoi qu’il en soit de ces plaisanteries, le talent de M. Vivier sur le cor est aussi incontestable que vraiment original. Il tire un parti merveilleux de cet instrument difficile et si borné dans son échelle. Sous la pression de ses lèvres vigoureuses, les sons bouchés ont presque autant d’éclat que les sons ouverts, qui sont d’une douceur pleine de charme. Il chante sur le cor comme pourrait le faire une voix émue, et il en tire des accens qui révèlent un sentiment exquis de l’art. Peut-être préférons-nous ces effets simples à cette joyeuse fanfare que M. Vivier a intitulée la Chasse, où quatre sons simultanés se font entendre à la fois, en communiquant à l’oreille la sensation complexe d’un morceau à quatre parties réelles ! Nous croyons bien les avoir entendus, ces quatre sons formant un accord de septième dominante à son second renversement, si, mi, sol, ré, sans cependant pouvoir en répondre sur notre tête ! La nature entière est pleine de mystères, et, comme on dit vulgairement, il n’y a que la foi qui sauve. Quant aux compositions légères de M. Vivier, sans justifier précisément la qualification de musicien de génie que lui accorde avec enthousiasme son récent biographe, elles ne sont pas à dédaigner, et concourent à donner l’idée d’un artiste heureusement doué, qui fait rire les princes et les potentats, et parcourt le monde.

Un cor
Suspendu sur son cœur.

Un artiste aussi simple de manières qu’admirable par un talent qui ne doit rien à la fantasmagorie s’est produit cet hiver à Paris, où il a excité le plus vif enthousiasme. Nous voulons parler de M. Bottesini, le contre-bassiste italien, qui, pour n’avoir pas la réputation d’un personnage mystérieux des contes d’Hoffmann, n’en a pas été moins bien accueilli par les amateurs ! Chef d’orchestre du Théâtre-Italien, où il a fait représenter un opéra en trois actes, l’Assedio di Firenze, dont nous avons rendu compte, M. Bottesini à déposé un beau soir le bâton du commandement, et on l’a vu apparaître sur la scène une contre-basse à la main. La surprise du public a été aussi grande que son admiration. — Comment, se disait-on dans la salle, un homme de ce talent arrive-t-il à Paris sans tambour ni trompette, et sans être précédé de la moindre biographie qui nous raconte ses faits et gestes, depuis sa naissance jusqu’à ce jour ? — M. Bottesini est tout simplement un homme d’une trentaine d’années, d’une taille élancée, aux traits délicats et doux, qui joue de la contre-basse comme Paganini jouait du violon. Aucune difficulté ne l’arrête, il chante, il rit, il pleure sur tous les tons, et communiqué aux autres les émotions qu’il éprouve, sans se donner les airs d’un héros de roman. Sa contre-basse n’a que trois cordes qui valent mieux que les sept cordes de la lyre du factieux Terpandre. Dans l’exécution prodigieuse que M. Bottesini, on remarque surtout la justesse et la pureté des sons harmoniques, dont il tire un très grand parti et dont il abuse parfois. Forcée par l’opinion publique, la Société des Concerts, qui ne brille pas par la vertu de l’hospitalité, a dû inviter M. Bottesini à jouer à l’une de ses matinées. C’est au septième concert que M. Bottesini a fait son apparition dans la salle du Conservatoire, où il a été proclamé, par un public d’élite, le plus grand virtuose sur la contre-basse qu’on eût entendu à Paris. Tout récemment encore, M. Bottesini a donné au Théâtre-Italien un brillant concert qui avait attiré beaucoup de monde. Son succès n’y a pas été moins grand qu’au Conservatoire. Parmi les artistes dont M. Bottesini s’était entouré, nous avons retrouvé ce soir-là Mme Frezzolini, qui a chanté avec un goût exquis le duo de Don Juan : La ci darem la mano, avec un M. Winter qui possède une fort jolie voix de baryton. Nous pourrions bien, à la rigueur, reprocher à M. Bottesini de transformer l’instrument sur lequel il a acquis une si grande habileté en un instrument sui generis, qui n’est plus la contre-basse et qui n’est pas encore le violoncelle. On nous assure que le fameux Dragonetti, contre-bassiste célèbre, qui est mort à Londres, s’il ne possédait pas la bravoure merveilleuse de M. Bottesini, avait une meilleure qualité de son, plus ample et plus digne d’un instrument qui supporte, comme Atlas, le monde harmonique.

Contrairement à nos prévisions et à nos souhaits, aucun des trois candidats que nous présentions au nom de l’opinion publique n’a été accueilli par l’Institut ; c’est M. Berlioz qui a été nommé à la place laissée vacante par la mort de M. Adam, après quatre scrutins laborieux et à une seule voix de majorité ! Nous ne répéterons pas ici la phrase connue de Figaro : « Il fallait un musicien, c’est un journaliste qu’on a choisi. » Ce qui est évident pour tout le monde, c’est que la nomination de M. Berlioz, dont nous ne contestons pas l’intelligence, doit s’expliquer par des considérations qui ne relèvent pas toutes de l’art musical. Si l’école française avait été dirigée par un chef dévoué, à doctrines arrêtées, — Cherubini ou M. Ingres, par exemple, — jamais M. Berlioz n’eût franchi le seuil d’une institution dont il se raille de puis vingt-cinq ans. Personne ne se fait moins d’illusions que nous sur la valeur et l’utilité des académies en fait d’art. Les plus grands artistes du monde sont venus en pleine terre, comme des arbres vigoureux, et n’ont jamais appartenu à aucune corporation savante ; mais si l’Institut n’est pas le gardien jaloux de certains principes nécessaires pour lesquels il a été créé, il n’a plus de raison d’être. Ce qui nous sépare de M. Berlioz n’est point un accident de polémique ni une manière particulière d’envisager l’art musical, c’est l’art musical tout entier. Dans un de ces rares momens où les intérêts de sa position lui permettaient d’être sincère, M. Adam disait : « Quand j’entends de la musique de M. Berlioz, il me semble que j’assiste à une expérience d’acoustique. Il souffle dans toute sorte d’instrumens, non pas pour exprimer une idée, mais pour en éprouver la sonorité. » Le jugement est par fait, et nous n’avons rien à y ajouter. Quelques jours après la nomination de M. Berlioz, le moins innocent de ceux qui ont donné leur voix au symphoniste fantastique fut rencontré par un bon musicien, un de ces artistes naïfs qui s’imaginent qu’on entre à l’Institut comme on va en paradis, par la foi et les bonnes œuvres. « Est-il possible, dit ce brave homme, que M. Berlioz soit de l’Institut ? — Tout est possible ! » répondit le charmant compositeur, qui est de l’école politique de M. Scribe.


P. SCUDO.