Roméo et Juliette/Traduction Hugo, 1868/Scène XVIII
Scène XVIII.
Tu inviteras toutes les personnes dont les noms sont écrits ici.
— Maraud, va me louer vingt cuisiniers habiles. —
Vous n’en aurez que de bons, monsieur, car je m’assurerai d’abord s’ils se lèchent les doigts.
Et comment t’assureras-tu par là de leur savoir-faire ?
Pardine, monsieur, c’est un mauvais cuisinier que celui qui ne se lèche pas les doigts : ainsi ceux qui ne se lécheront pas les doigts, je ne les prendrai pas.
Bon, va-t’en.
— Nous allons être pris au dépourvu cette fois. — Eh bien, est-ce que ma fille est allée chez frère Laurence ?
Oui, ma foi.
— Allons, il aura peut-être une bonne influence sur elle. — La friponne est si maussade, si opiniâtre !
— Voyez donc avec quelle mine joyeuse elle revient de confesse.
— Eh bien, mon entêtée, où avez-vous été comme ça ?
— Chez quelqu’un qui m’a appris à me repentir — de ma coupable résistance — à vous et à vos ordres. Le vénérable Laurence — m’a enjoint de me prosterner à vos pieds, — et de vous demander pardon…
Pardon, je vous en conjure ! — Désormais je me laisserai régir entièrement par vous.
— Qu’on aille chercher le comte, et qu’on l’instruise de ceci. — Je veux que ce nœud soit noué dès demain matin.
— J’ai rencontré le jeune comte à la cellule de Laurence, — et je lui ai témoigné mon amour autant que je le pouvais — sans franchir les bornes de la modestie.
— Ah ! j’en suis bien aise… Voilà qui est bien… Relève-toi.
— Les choses sont comme elles doivent être… Il faut que je voie le comte. — Morbleu, qu’on aille le chercher, vous dis-je. — Ah ! pardieu, c’est un saint homme que ce révérend père, — et toute notre cité lui est bien redevable.
— Nourrice, voulez-vous venir avec moi dans mon cabinet ? — Vous m’aiderez à ranger les parures — que vous trouverez convenables pour ma toilette de demain.
— Non, non, pas avant jeudi. Nous avons le temps.
— Va, nourrice, va avec elle.
Nous irons à l’église demain.
— Nous serons pris à court pour les préparatifs : — il est presque nuit déjà.
Bah ! je vais me remuer, — et tout ira bien, je te le garantis, femme ! — Toi, va rejoindre Juliette, et aide-la à se parer ; — je ne me coucherai pas cette nuit… Laisse-moi seul ; — c’est moi qui ferai la ménagère cette fois… Holà !… — Ils sont tous sortis. Allons, je vais moi-même — chez le comte Pâris le prévenir — pour demain. J’ai le cœur étonnamment allègre, — depuis que cette petite folle est venue à résipiscence.