Roméo et Juliette/Traduction Hugo, 1868/Scène XXIII
Scène XXIII.
— Saint franciscain ! Mon frère, holà !
— Ce doit être la voix du frère Jean, — De Mantoue ! Sois le bienvenu. Que dit Roméo ?… — A-t-il écrit ? Alors donne-moi sa lettre.
— J’étais allé à la recherche d’un frère déchaussé — de notre ordre, qui devait m’accompagner, — et je l’avais trouvé ici dans la cité en train de visiter les malades ; — mais les inspecteurs de la ville, — nous ayant rencontrés tous deux dans une maison — qu’ils soupçonnaient infectée de la peste, — en ont fermé les portes et n’ont pas voulu nous laisser sortir. — C’est ainsi qu’a été empêché mon départ pour Mantoue.
— Qui donc a porté ma lettre à Roméo ?
— La voici. Je n’ai pas pu l’envoyer, — ni me procurer un messager pour te la rapporter, — tant la contagion effrayait tout le monde.
— Malheureux événement ! Par notre confrérie, — ce n’était pas une lettre insignifiante, c’était un message — d’une haute importance, et ce retard — peut produire de grands malheurs. Frère Jean, va — me chercher un levier de fer, et apporte-le-moi sur-le-champ — dans ma cellule.
Frère, je vais te l’apporter.
— Maintenant il faut que je me rende seul au tombeau ; — dans trois heures la belle Juliette s’éveillera. — Elle me maudira, parce que Roméo — n’a pas été prévenu de ce qui est arrivé ; — mais je vais récrire à Mantoue, — et je la garderai dans ma cellule jusqu’à la venue de Roméo. — Pauvre cadavre vivant, enfermé dans le sépulcre d’un mort (130) !