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Ronsard - Œuvres, Buon, 1587/Deſcen du ciel Calliope

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Œuvres de P. de Ronsard, Texte établi par Jean Galland, Claude Binet et al., BuonTome 2 (p. 112-115).
A CALLIOPE.


ODE II.



DEſcen du Ciel Calliope, & repouſſe
Tous les ennuis de moy ton nouriſſon,
Soit par ton luth ou ſoit par ta voix douce
Et mes ſoucis charme de ta chanſon.
Par toy ie reſpire,
Par toy ie deſire

Plus que ie ne puis :
C’eſt toy, ma Princeſſe,
Qui me fais ſans ceſſe
Fol comme ie ſuis.
Dedans le ventre auant que né ie fuſſe,
Pour t’honorer tu m’auois ordonné :
Le Ciel voulut que ceſte gloire i’euſſe
D’eſtre ton chantre auant que d’eſtre né.
La bouche m’agrée
Que ta voix ſucrée
De ſon miel a peu,
Et qui ſur Parnaſe
De l’eau de Pegaſe
Gloutement a beu.
Heureux celuy que ta folie affole,
Heureux qui peut par tes traces errer :
Celuy ſe doit d’vne docte parole
Hors du tombeau tout vif ſe déterrer.
Pour t’auoir ſeruie,
Tu as de ma vie
Honoré le train :
Suiuant ton eſcole,
Ta douce parole
M’eſchauffa le ſein.
Dieu eſt en nous, & par nous fait miracles :
D’accords meſlez s’egaye l’Vniuers :
Iadis en vers ſe rendoient les oracles,
Et des hauts Dieux les Hynnes ſont en vers.
Si dés mon enfance
Le premier de France
I’ay pindarizé,
De telle entrepriſe

Heureuſement priſe
Ie me voy priſé.
» Chacun n’a pas les Muſes en partage,
Et leur fureur tout eſtomac ne poind :
A qui le Ciel a fait tel auantage,
Veinqueur des ans ſon nom ne mourra point.
Durable eſt la gloire
Touſious la memoire
Sans mourir le ſuit :
Comme vent grand erre
Par Mer & par Terre
S’eſcarte ſon bruit.
C’eſt toy qui fais que i’aime les fontaines
Tout eſloigné du vulgaire ignorant,
Tirant mes pas par les roches hautaines
Apres les tiens que ie vais adorant,
Tu es ma lieſſe,
Tu es ma Deeſſe ;
Tu es mes ſouhais :
Si rien ie compoſe,
Si rien ie disſpoſe,
En moy tu le fais.
Dedans quel Antre, en quel deſert ſauuage
Me guides-tu, & quel ruiſſeau ſacré
Fils d’vn rocher, me ſera doux breuuage
Pour mieux chanter ta louange à mon gré ?
C’a page, ma Lyre,
Ie veux faire bruire
Ses languettes d’or :
La diuine grace
Des beaux vers d’Horace
Me plaiſt bien encor.

Mais tout ſoudain d’vn haut ſtile plus rare
Ie veux ſonner le ſang Hectorean,
Changeant le ſon du Dircean Pindare
Au plus haut bruit du chantre Smyrnean.