Séances de la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire/1er juillet 1880

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SÉANCE DU 1er JUILLET 1880.


Présidence de M. Aymard.


M. le Président signale, d’après le journal de M. Barral, une nouvelle espèce de pois oléagineux, le soja hispida, légume apprécié pour ses qualités culinaires et fourragères, et qui croît au Japon, dans l’Inde et aux Moluques. On le sème du 15 avril au 15 mai et sa culture est la même que celle du haricot. Les fanes et les cosses du soja constituent une bonne nourriture pour les moutons. La fane se rapproche beaucoup, comme valeur alimentaire, du foin et du trèfle. On ne saurait trop engager nos agriculteurs à cultiver cette légumineuse, car ils auront double profit : la graine qui donne un mets excellent, et en même temps un bon fourrage pour les moutons principalement.

M. Girard-Gory lit à la Société une note sur des calcaires de Ronzon. Notre confrère a eu l’heureuse idée de faire analyser par le laboratoire de l’École des mines de Paris cinq échantillons de calcaire provenant de la carrière qu’il possède près de la mairie d’Espaly-Saint-Marcel. Le tableau ci-dessous nous offre les résultats de cette analyse :


1 2 3 4 5
Silice 
5.8 4.6 8.6 10.0 7.6
Alumine 
3.0 2.3 4.4 5.0 3.8
Peroxyde de fer 
2.6 2.0 3.0 2.0 2.6
Chaux 
40.3 49.6 37.3 44.0 44.3
Magnésie 
7.5 1.2 7.0 1.3 2.4
Sulfate de chaux 
0.2 0.3 0.2 0.2 0.3
Perte par calcination 
40.3 39.6 39.3 37.0 38.6
99.7 99.6 99.8 99.5 99.6


Ces cinq spécimens sont éminemment hydrauliques, surtout les no  4 et 5. Un puits de 45 mètres de profondeur, creusé dans les flancs de sa carrière, a permis à M. Girard-Gory de se rendre compte de la nature, de l’épaisseur et de la disposition des couches traversées.

Le no  1, dit Pilon dur, parce que le calcaire dont il est formé affecte des formes géométriques analogues à celles des basaltes, a 0,80 d’épaisseur.

Le no  2, dit Blanchot ou Petit blanc (1 mètre 20 d’épaisseur), est ainsi nommé parce qu’il contient moins d’argile et donne une chaux plus grasse.

Le no  3, appelé Pilon noir, à cause de sa couleur gris foncé (1 mètre d’épaisseur), renferme plus d’argile que les autres.

Les nos 1, 2 et 3 appartiennent à une même couche de 3 mètres, surmontée d’un banc de 1 mètre de marne et d’un autre banc de calcaire appelé le Rocher de 6 pieds. Ce banc de 2 mètres 50 se compose du no  4 (épaisseur, 1 mètre 20) dit le Caillou à cause de sa grande dureté et de sa ressemblance avec les cailloux de rivière et du no  5 (1 mètre 30 d’épaisseur), dit les voûtures. Ce calcaire taillé au pic forme de solides plafonds ou voûtes plates qui n’ont pas besoin d’être étayées.

Enfin, au-dessus des voûtures et séparé par une couche de 7 mètres existe un autre banc calcaire également exploité appelé banc de 4 pieds. On en extrait de la chaux peu hydraulique, employée spécialement au chaulage des terres.

La carrière de M. Girard-Gory est sillonnée de galeries s’étendant du nord au sud, sous le plateau des Brus et dans la direction d’Espaly à Vals.

M. Rocher demande à parler une fois encore d’un chevalier d’industrie de haut parage, dont il a déjà entretenu la Société. Notre confrère rappelle qu’il a inséré dans notre premier volume (Année 1878, 1re série, pp. 53 et suiv.) un mémoire sur Rodrigue de Villandrando et il esquisse en traits rapides l’existence orageuse de cet aventurier castillan, qui, après avoir desolé et apatisé pour son propre compte une grande partie de la France et terrifié notamment le pays vellave, se ravisa tout à coup, se fit homme d’ordre et soldat de la bonne cause, servit le roi légitime Charles VII, devint tellement onéreux à la couronne dont il s’était constitué à beaux deniers comptants le défenseur, qu’il fut contraint en 1438, par l’ordre formel de son souverain de rencontre, de vider les lieux et de repasser les Pyrénées, et s’en alla finir sa carrière en Espagne, comblé d’honneurs et de richesses, et, ce qui est pis, entouré par ses compatriotes d’une auréole de probité et de vertu.

En somme, dit M. Rocher, ce type de forban aux mains crochues et sanglantes, eût figuré de nos jours sur les bancs de la cour d’assises et la société moderne, dans son prosaïsme, l’eût envoyé, faute de mieux, aux galères perpétuelles.

M. Rocher déclare, comme il l’a fait, du reste, dans sa première communication, que les meilleurs éléments de la biographie de Rodrigue de Villandrando ont été empruntés à l’excellente notice consacrée au même personnage, par M. Quicherat dans la Bibliothèque de l’École des Chartes, année 1845, t. I, p. 119 et suivantes. Au bout de trente ans et plus, M. Quicherat a repris son essai primitif, l’a refondu, élargi et en a tiré un volume des plus curieux qu’a publié en 1879 la librairie Hachette.

Ce livre a reçu le meilleur accueil des connaisseurs et M. Rocher se permet d’en recommander vivement la lecture tous ceux qui s’occupent d’histoire vellave. Le récit des faits et gestes du condottiere espagnol par M. Quicherat est une œuvre de grand prix, comme tout ce qui sort de cette plume modeste et vaillante. Au point de vue général et pour l’étude de la Guerre de cent ans, il y aurait beaucoup à recueillir dans le nouveau travail de l’ingénieux archéologue ; mais dans ce livre, si plein de choses, M. Rocher vise uniquement les passages qui concernent notre contrée. Rodrigue de Villandrando rôda maintes fois, lui, ses lieutenants Thuron et Valette et ses bandes de détrousseurs, autour de notre province et y pénétra même avec son cortège habituel de désordres et de rapines. Il fit sentir trop souvent sa lourde main à nos malheureuses populations, écrasées déjà par d’autres fléaux. Les documents signalent la présence du hardi flibustier en nos régions ou sur nos frontières dans les années 1430, 1431, 1432 et 1435, M. Quicherat fournit les détails les plus intéressants sur ces dangereuses visites dont Médicis et nos divers auteurs n’ont pas dit un traître mot. Quand on fera l’histoire de la guerre anglaise en Velay, il faudra, de toute nécessité, recourir à la belle publication de M. Quicherat. Vallet de Viriville, dans son Histoire de Charles VII, parle aussi des excursions de Rodrigue de Villandrando en nos montagnes ; mais il appuie moins que M. Quicherat sur les maux infligés à notre pays par le chef de routiers du XVe siècle.

M. Lascombe met sous les yeux de l’assemblée un grand placard du milieu du XVIIIe siècle, au haut duquel se trouve, entourée d’une légende, une naïve gravure sur bois représentant le pèlerinage de la Trinité situé, comme l’on sait, dans la commune de Montclard, canton de Paulhaguet. Nos historiens sont tous muets sur ce pèlerinage, pourtant jadis si célèbre et aujourd’hui encore si fréquenté, et c’est ce qui donne un réel intérêt à cette affiche assurément très rare.

M. Paul Le Blanc dit qu’il possède deux éditions de ce placard ; l’une est celle qui est sous les yeux de l’assemblée ; l’autre, d’un format plus petit, a été également éditée à Saint-Flour, très probablement vers le commencement de ce siècle. Il retrace ensuite à grands traits, l’histoire du château de Cussé et du prieuré de Sainte-Agathe-de-Cusse et de la Trinité.

L’assemblée prie M. Le Blanc de vouloir bien coordonner, pour être publiés dans les Mémoires, les documents qu’il possède sur ce pèlerinage et sur le château de Cusse. Cette publication sera accompagnée de la reproduction en fac-similé de la gravure sur bois qui orne le placard en question.


A. Lascombe.