Sénatus-consulte du 21 mai 1870 fixant la Constitution de l’Empire

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Sénatus-consulte du 21 mai 1870 fixant la Constitution de l’Empire
Texte établi par Jean-Baptiste Duvergiers. n., 79 rue de Seine (p. 126).

Sénatus-consulte du 21 mai 1870 fixant la Constitution de l’Empire

Préambule[modifier]

NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, à tous présents et à venir, salut.

Vu notre décret du 23 avril dernier, qui convoque le Peuple français dans ses comices pour accepter ou rejeter le projet de plébiscite suivant :

« Le Peuple approuve les réformes libérales opérées dans la Constitution depuis 1860, par l'empereur, avec le concours des grands corps de l'État, et ratifie le sénatus-consulte du 20 avril 1870 » ;

Vu la déclaration du Corps législatif qui constate :

Que les opérations du vote ont été régulièrement accomplies ;

Que le recensement général des suffrages émis sur le projet de plébiscite a donné :

  • Sept millions trois cent cinquante mille cent quarante-deux (7 350 142) bulletins portant le mot oui ;
  • Quinze cent trente-huit mille huit cent vingt-cinq (1 538 825) bulletins portant le mot non ;
  • Cent douze mille neuf cent soixante-quinze (112 975) bulletins nuls.

Avons sanctionné et sanctionnons, promulgué et promulguons comme loi de l'État le sénatus-consulte adopté par le Sénat, le 20 avril 1870, et dont la teneur suit :

Texte[modifier]

Titre Ier[modifier]

Article 1er[modifier]

La Constitution reconnaît, confirme et garantit les grands principes proclamés en 1789, et qui sont la base du droit public des Français.




Titre II — De la dignité impériale et de la régence[modifier]

Article 2[modifier]

La dignité impériale, rétablie dans la personne de Napoléon III par le plébiscite des 21-22 novembre 1852, est héréditaire dans la descendance directe et légitime de Louis Napoléon Bonaparte, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

Article 3[modifier]

Napoléon III, s'il n'a pas d'enfant mâle, peut adopter les enfants et descendants légitimes dans la ligne masculine des frères de l'empereur Napoléon Ier.

Les formes de l'adoption sont réglées par une loi.

Si, postérieurement à l'adoption, il survient à Napoléon III des enfants mâles, ses fils adoptifs ne pourront être appelés à lui succéder qu'après ses descendants légitimes. L'adoption est interdite aux successeurs de Napoléon III et à leur descendance.

Article 4[modifier]

À défaut d'héritier légitime direct ou adoptif, sont appelés au trône le prince Napoléon (Joseph Charles Paul) et sa descendance directe et légitime, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

Article 5[modifier]

À défaut d'héritier légitime ou d'héritier adoptif de Napoléon III et des successeurs en ligne collatérale qui prennent leurs droits dans l'article précédent, le Peuple nomme l'empereur et règle, dans sa famille, l'ordre héréditaire, de mâle en mâle, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

Le projet de plébiscite est successivement délibéré par le Sénat et par le Corps législatif, sur la proposition des ministres formés en conseil de gouvernement.

Jusqu'au moment où l'élection du nouvel empereur est consommée, les affaires de l'État sont gouvernées par les ministres en fonctions, qui se forment en conseil de gouvernement et délibèrent à la majorité des voix.

Article 6[modifier]

Les membres de la famille de Napoléon III appelés éventuellement à l'hérédité et leur descendance des deux sexes font partie de la famille impériale.

Ils ne peuvent se marier sans l'autorisation de l'empereur. Le mariage fait sans cette autorisation emporte privation de tout droit à l'hérédité, tant pour celui qui l'a contracté que pour ses descendants.

Néanmoins, s'il n'existe pas d'enfants de ce mariage, en cas de dissolution pour cause de décès, le prince qui l'aurait contracté recouvre ses droits à l'hérédité.

L'empereur fixe les titres et les conditions des autres membres de sa famille.

Il a pleine autorité sur eux ; il règle leurs devoirs et leurs droits par des statuts qui ont force de loi.

Article 7[modifier]

La régence de l'Empire est réglée par le sénatus-consulte du 17 juillet 1856.

Article 8[modifier]

Les membres de la famille impériale appelés éventuellement à l'hérédité prennent le titre de princes français.

Le fils aîné de l'empereur porte le titre de prince impérial

Article 9[modifier]

Les princes français sont membres du Sénat et du Conseil d'État quand ils ont atteint l'âge de dix-huit ans accomplis. Ils ne peuvent y siéger qu'avec l'agrément de l'empereur.




Titre III — Formes du gouvernement de l'empereur[modifier]

Article 10[modifier]

L'empereur gouverne avec le concours des ministres, du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d'État.

Article 11[modifier]

La puissance législative s'exerce collectivement par l'empereur, le Sénat et le Corps législatif.

Article 12[modifier]

L'initiative des lois appartient à l'empereur, au Sénat et au Corps législatif.

Les projets de loi émanés de l'initiative de l'empereur peuvent, à son choix, être portés, soit au Sénat, soit au Corps législatif

Néanmoins, toute loi d'impôt doit être d'abord votée par le Corps législatif.




Titre IV — De l'empereur[modifier]

Article 13[modifier]

L'empereur est responsable devant le Peuple français, auquel il a toujours le droit de faire appel.

Article 14[modifier]

L'empereur est le chef de l'État. Il commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de commerce, nomme à tous les emplois, fait les règlements et décrets nécessaires pour l'exécution des lois.

Article 15[modifier]

La justice se rend en son nom.

L'inamovibilité de la magistrature est maintenue.

Article 16[modifier]

L'empereur a le droit de faire grâce et d'accorder des amnisties.

Article 17[modifier]

Il sanctionne et promulgue les lois.

Article 18[modifier]

Les modifications apportées à l'avenir à des tarifs de douanes ou de poste par des traités internationaux ne seront obligatoires qu'en vertu d'une loi.

Article 19[modifier]

L'empereur nomme et révoque les ministres.

Les ministres délibèrent en conseil sous la présidence de l'empereur.

Ils sont responsables.

Article 20[modifier]

Les ministres peuvent être membre du Sénat et du Corps législatif.

Ils ont entrée dans l'une et dans l'autre assemblée, et doivent être entendus toutes les fois qu'ils le demandent.

Article 21[modifier]

Les ministres, les membres du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d'État, les officiers de terre et de mer, les magistrats et les fonctionnaires publics prêtent le serment ainsi conçu : « Je jure obéissance à la Constitution et fidélité à l'empereur. »

Article 22[modifier]

Les sénatus-consultes, sur la dotation de la couronne et la liste civile, des 12 décembre 1852 et 23 avril 1856, demeurent en vigueur. Toutefois, il sera statué par une loi dans les cas prévus par les articles 8, 11 et 16 du sénatus-consulte du 12 décembre 1852.

À l'avenir, la dotation de la couronne et la liste civile seront fixées, pour toute la durée du règne, par la législature qui se réunira après l'avènement de l'empereur.




Titre V — Du Sénat[modifier]

Article 23[modifier]

Le Sénat se compose :

  1. des cardinaux, des maréchaux, des amiraux ;
  2. des citoyens que l'empereur élève à la dignité de sénateur.

Article 24[modifier]

Les décrets de nomination des sénateurs sont individuels. Ils mentionnent les services et indiquent les titres sur lesquels la nomination est fondée. Aucune autre condition ne peut être imposée au choix de l'empereur.

Article 25[modifier]

Les sénateurs sont inamovibles et à vie.

Article 26[modifier]

Le nombre des sénateurs peut être porté aux deux tiers de celui des membres du Corps législatif, y compris les sénateurs de droit. L'empereur ne peut nommer plus de 20 sénateurs par an.

Article 27[modifier]

Le président et les vice-présidents du Sénat sont nommés par l'empereur et choisis parmi les sénateurs. Ils sont nommés pour un an.

Article 28[modifier]

L'empereur convoque et proroge le Sénat. Il prononce la clôture des sessions.

Article 29[modifier]

Les séances du Sénat sont publiques. Néanmoins, le Sénat pourra se former en comité secret dans les cas et suivant les conditions déterminées par son règlement.

Article 30[modifier]

Le Sénat discute et vote les projets de lois.




Titre VI — Du Corps législatif[modifier]

Article 31[modifier]

Les députés sont élus par le suffrage universel, sans scrutin de liste.

Article 32[modifier]

Ils sont nommés pour une durée qui ne peut être moindre de six ans.

Article 33[modifier]

Le Corps législatif discute et vote les projets de lois.

Article 34[modifier]

Le Corps législatif élit, à l'ouverture de chaque session, les membres qui composent son bureau.

Article 35[modifier]

L'empereur convoque, ajourne, proroge et dissout le Corps législatif.

En cas de dissolution, l'empereur doit en convoquer un nouveau dans un délai de six mois.

L'empereur prononce la clôture des sessions du Corps législatif.

Article 36[modifier]

Les séances du Corps législatif sont publiques. Néanmoins, le Corps législatif pourra se former en comité secret dans les cas et suivant les conditions déterminées par son règlement.




Titre VII — Du Conseil d'État[modifier]

Article 37[modifier]

Le Conseil d'État est chargé, sous la direction de l'empereur, de rédiger les projets de lois et les règlements d'administration publique, et de résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière d'administration.

Article 38[modifier]

Le Conseil soutient, au nom du gouvernement, la discussion des projets de loi devant le Sénat et le Corps législatif.

Article 39[modifier]

Les conseillers d'État sont nommés par l'empereur et révocables par lui.

Article 40[modifier]

Les ministres ont rang, séance et voix délibérative au Conseil d'État.




Titre VIII — Dispositions générales[modifier]

Article 41[modifier]

Le droit de pétition s'exerce auprès du Sénat et du Corps législatif.

Article 42[modifier]

Sont abrogés les articles 19, 25, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33 de la Constitution du 14 janvier 1852 ; l'article 2 du sénatus-consulte du 25 décembre 1852 ; les articles 5 et 8 du sénatus-consulte du 8 septembre 1869, et toutes les dispositions contraires à la présente Constitution.

Article 43[modifier]

Les dispositions de la Constitution du 14 janvier 1852 et celles des sénatus-consultes promulgués depuis cette époque qui ne sont pas comprises dans la présente Constitution et qui ne sont pas abrogées par l'article précédent ont force de loi.

Article 44[modifier]

La Constitution ne peut être modifiée que par le Peuple, sur la proposition de l'empereur.

Article 45[modifier]

Les changements et additions apportés au plébiscite des 20 et 21 décembre 1851, par la présente Constitution, seront soumis à l'approbation du Peuple, dans les formes déterminées par les décrets des 2 et 4 décembre 1851 et 7 novembre 1852. Toutefois, le scrutin ne durera qu'un seul jour.