Sapho (1903)/Fragments

La bibliothèque libre.
Traduction par Renée Vivien.
Sapho : Traduction nouvelle avec le texte grecAlphonse Lemerre, éditeur (p. 139-146).


TROISIÈME PARTIE

FRAGMENTS
CONSERVÉS PAR LES AUTEURS ANCIENS



Οὐ διαφθεῖρον τὰς ὄψεις…
τὸ γάνος…
ὑακινθίνω ἄνθει ὅμοιον.

La lumière… qui ne détruit point la vue… pareille à une fleur d’hyacinthe…

Attribué par Aristide à Psappha.

Nuit de pourpre, ainsi qu’une fleur d’hyacinthe,
Ta lumière éclot dans le verger des cieux.
Ton parfum est chaste, et ta douceur éteinte
Console les yeux.



Πόλυ πάκτιδος ἀδυμελεστέρα, χρύσω χρυσοτέρα.

Beaucoup plus mélodieuse que le paktis, plus dorée que l’or…

Un commentateur d’Hermogène le rhéteur dit : « De pareilles phrases flattent bassement l’oreille, comme les phrases amoureuses dont se servent Anacréon et Psappha : plus blanche que le lait, plus délicate que l’eau, plus mélodieuse que les paktis, plus vive qu’un coursier, plus tendre que les roses, plus douce qu’une robe de lin, plus précieuse que l’or. »

« Psappha est éloquente et douce lorsqu’elle chante la beauté, l’amour, le printemps et le martin-pêcheur, et

toutes les métaphores gracieuses sont tissées dans sa poésie, avec ses propres imaginations. »
Démétrius.

Le Lexicon Seguerianum cite ἄκακος, qui ignore le mal, comme employé par Psappha.

« Diotime dit que l’Amour fleurit dans la prospérité, mais qu’il s’enfuit devant l’infortune, et Psappha partage ce sentiment lorsqu’elle appelle l’Amour γλυκύπικρος, doux et amer, et ἀλγεσίδωρος, qui donne la douleur. Socrate appelle l’Amour « le magicien. » Psappha le nomme μυθοπλόκος, le tisseur de chimères. »

Maxime de Tyr.


Erôs, de tes mains prodigues de douleurs
Tu répands l’angoisse, et tes lèvres amères
Ont le goût du sel et le parfum des fleurs,
Tisseur de chimères.

« Psappha aimait la Rose, et la louait sans cesse, et la comparait à la beauté des vierges. »

Philostrate.

« Ainsi luttent [les vierges] aux bras de rose, aux regards étincelants, aux belles joues, à la voix de miel, (ῥοδοπήχεις καὶ ἑλικώπιδες καὶ καλλιπάρῃοι καὶ μελίφωνοι) : ceci est véritablement la douce salutation de Psappha. »

Idem.

« Anacréon dit que l’on se couronnait de fenouil, d’après Psappha et Alcée : ces derniers cependant disent aussi : (de persil). »

Pollux.

Libanius écrit : « S’il fut permis à Psappha de Lesbôs de demander dans ses prières « que la nuit fût doublée pour elle, » qu’à mon tour j’ose implorer une faveur pareille… »


Prolonge la nuit, Déesse qui nous brûles !
Éloigne de nous l’Aube aux sandales d’or…
Déjà, sur l’étang, les fraîches libellules
Ont pris leur essor.

Tes cheveux, flambant sous l’ombre de tes voiles,
Atthis, ont gardé le feu rouge du jour,
Et le vin des fleurs et le vin des étoiles
M’accablent d’amour.

Nous ne savons pas quelle aurore se lève
Là-bas, apportant l’inconnu dans ses mains,
Nous tremblons devant l’avenir, notre rêve
Craint les lendemains.


Je vois la clarté sous mes paupières closes,
Étreignant en vain la douceur qui me fuit…
Déesse à qui plaît la ruine des roses,
Prolonge la nuit.