Sixtine, roman de la vie cérébrale/XXXV

La bibliothèque libre.


XXXV.— L’ADORANT


V.— LA VISITATION


« Vous qui parlez d’un ton si doux

En m’annonçant de bonnes choses, Ma Dame, qui donc êtes-vous ?

VERLAINE, Sagesse. »


— Oui, Guido bien-aimé, c’est la Reine des anges, l’archangélique Vierge, l’Étoile du matin, la Tour davidique, la Maison dorée, je suis…

— Oh ! non, tu es la Novella, ne m’intimide pas, j’ai précisément besoin de toute ma présence d’esprit.

— Enfin, ce que tu voudras, mais je t’aime. Ferme les yeux, je suis l’inviolée et je me sens rougir. Que vas-tu penser de moi ? Hélas ! il est bien vrai qu’on ne m’a jamais implorée en vain. Je ne puis résister aux invocations de l’amour, et quand on m’appelle avec foi, j’ouvre la porte du ciel, et un ange m’enlève sur ses ailes.

— Madone adorée, murmura Guido en baisant les pieds purs comme de la rosée, je suis indigne de tes grâces et vois, mes baisers sont pleins de larmes. Vierge de tout amour, mon amour n’était qu’une goutte d’eau, et tu l’as recueillie dans le lys sacré né de ton cœur, sois bénie pour cette complaisance.

La Novella se baissa vers le prisonnier et de ses lèvres lui toucha le front.

Elle ôta sa couronne d’étoiles : les étoiles s’envolèrent vers le plafond et en firent un firmament.

La boucle de sa ceinture se suspendit en l’air comme un soleil et l’agrafe de son manteau devint pareille à la lune des blanches nuits.

Elle eut un grand soupir, et de ses lèvres naquit un nuage qui voila d’un charme indécis l’éclat rayonnant des astres, puis elle dit :

— Tu as douté, Guido, regarde et meurs d’amour !

Alors elle s’épanouit en une Rose mystique d’où s’exhalait un adorable parfum.

Et le cœur de Guido était rempli de suavité.

Puis elle devint un pur Miroir où flamboyait un glaive.

Et le cœur de Guido était rempli de justice.

Puis elle devint un Trône tout en cèdre où se lisaient gravées des sentences.

Et le cœur de Guido était rempli de sagesse.

Puis un Vase apparut qui fut de bronze, puis d’argent, puis d’or ; il en sortit des fumées d’encens, de cinname et de myrrhe.

Et le cœur de Guido était rempli d’adorations.

Puis surgiront une Tour d’ivoire et d’autres visions, enfin une resplendissante Porte que Guido reconnut pour être la porte du ciel, et il commença de se demander si cette aventure n’allait pas finir aussi spécieusement que sa rencontre avec Pavona.

Néanmoins son cœur était rempli de joie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Non, non, non. J’appartiens aux anges. Meurs, sois un ange, dépouille cette chair qui me souillerait, revêts la céleste incorporescence et nous verrons. Guido, voyons, souvenez-vous que je suis l’inviolée. Je le répète, j’appartiens aux anges… Tu l’as bien vu !

Et sur cette suprême ironie, la Vierge Très Prudente s’en alla, comme elle était venue, par le trou de la serrure.

Une odeur d’aromates emplissait la cellule. Guido huma avec délices ces vestiges virginaux, puis, il se dit :

« C’est juste, il faut mourir. D’ailleurs, je lui dois une visite. »