Société française pour l’abolition de l’esclavage

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SOCIÉTÉ FRANÇAISE
POUR L’ABOLITION
DE L’ESCLAVAGE.

Dans une de ses dernières séances, la Société française pour l’Abolition de l’esclavage a décidé qu’elle publierait périodiquement un bulletin de ses travaux.

Rappelons en peu de mots le but et la composition de cette société.

L’abolition de l’esclavage ne peut plus, dans aucun pays civilisé, donner lieu à une discussion de principes : la seule question dont les esprits éclairés aient à s’occuper aujourd’hui, est celle des moyens par lesquels cette abolition pourrait être réalisée, sans perturbation, dans les colonies. Une société principalement philosophique, comme le fut, à l’aurore de notre révolution, celle des Amis des Noirs, se proposant pour objet de combattre les préjugés de la couleur, et d’établir les droits de la race africaine à prendre place dans la famille humaine, une société de ce genre n’est heureusement plus nécessaire, au moins en France ; mais il reste une grande tâche à accomplir.

Ramener fréquemment l’attention de nos compatriotes sur tant de milliers d’hommes, qui souffrent d’horribles maux, et que nous oublions parce qu’ils sont loin de nos yeux ; intéresser l’opinion publique à leur sort, afin que l’opinion publique impose au législateur le devoir de mettre un terme à un état de choses intolérable ; éclairer le gouvernement et les colonies elles-mêmes sur les dangers d’un retard que la politique et l’humanité condamnent également, et rechercher, par de sérieuses méditations et une connaissance approfondie des circonstances locales, le mode qui doit être préféré pour l’affranchissement complet des nègres esclaves ; telle est l’œuvre de pratique et de publicité à laquelle s’est vouée la Société française pour l’abolition de l’esclavage.

Elle fut fondée en 1834. L’article premier de ses statuts porte : « L’objet des travaux de la société est de réclamer l’application de toutes les mesures qui tendent à l’émancipation des esclaves, dans nos colonies, et en même temps de rechercher les moyens les plus prompts et les plus efficaces d’améliorer le sort de la race noire, d’éclairer son intelligence et de lui préparer une liberté qui soit utile et profitable à tous les habitans des colonies. »

Elle a, pour président, le duc de Broglie ; pour vice-présidens, MM. Passy et Odilon Barrot ; pour secrétaires, MM. Delaborde et Isambert. Ses membres fondateurs sont : MM. Berenger, Berville, Carnot, Degérando, Desjobert, Dutrône, de Golbéry, Lafayette, Lamartine, Lainé de Villévêque, Lacrosse, La Rochefoucauld-Liancourt, Lutteroth, Montrol, de Rémusat, Roger, de Sade, Salverte, de Sainte-Croix, de Tracy, l’amiral Verhuell. — Un grand nombre de nouveaux membres s’y sont associés, parmi lesquels MM. de Beaumont, de Tocqueville, Billiard, Dufau, de Corcelle, Teste, Dugabé, Ganneron, Bureaux de Puzy, Montalembert, de Saint-Anthoine, etc. — Elle admet aussi des membres correspondans dans les départemens.

La société a fait imprimer et distribuer le compte-rendu de ses travaux, pendant les années 1834, 1835 et 1836, ainsi que l’analyse des séances des deux chambres, où la question de l’esclavage colonial a été agitée.

Sa session de 1837 a commencé le 19 décembre dernier. Ont pris, depuis cette époque, une part active à ses réunions : MM. Odilon Barrot, Passy, Roger, de Tracy, de Beaumont, Isambert, Carnot, Delaborde, Lainé de Villévêque, Dufau, Montrol, Saint-Anthoine, Billiard, Lutteroth, Baillehache, Dutrône, Thayer, de La Rochefoucauld, Appert, de Sade, de Tocqueville, Desjobert, d’Harcourt, Delespaul, Ch. Lucas, Bureaux de Puzy, G. Lafayette, Pinet, etc.

Extraits des procès-verbaux de la société.

Divers membres font les communications suivantes :

Huit conseils généraux de départemens ont émis un vœu favorable à l’émancipation des esclaves : ceux de l’Allier, Ariège, Eure-et-Loir, Haute-Garonne, Loiret, Aisne, Creuse et Nord. Ce sont d’ailleurs les seuls à qui la proposition d’un pareil vœu ait été faite.

Les conseils des quatre colonies ont été consultés par le ministre de la marine, pendant leur dernière session, sur des projets d’ordonnances relatives au pécule des esclaves et à leur rachat.

Ces projets ont été repoussés à l’unanimité dans les trois conseils de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Martinique, bien que ce dernier eût lui-même précédemment pris l’initiative pour signaler le pécule comme une amélioration désirable. Les nouvelles de Bourbon annoncent que ces propositions y ont également été fort mal accueillies. Voici les principaux motifs allégués par les conseils à l’appui de leur refus :

L’institution légale du pécule renverserait tous les principes sur lesquels repose la société dans les colonies ; elle donnerait à l’esclave une existence civile. C’est établir la propriété dans la propriété : l’esclave étant la chose du maître, son pécule ne peut être qu’une tolérance, jamais un droit. Ce serait d’ailleurs une excitation permanente au vol.

Quant à la faculté de se racheter sans le consentement du maître, outre qu’elle blesse les droits acquis, c’est la destruction de tous les établissemens coloniaux, qui seraient ruinés faute de bras. La loi doit être conçue dans l’intérêt de tous ; celle-ci ne profiterait qu’à l’esclave. Pour le maître, c’est une expropriation sans cause d’utilité publique, une expropriation sans équitable indemnité ; car le rachat ne serait qu’un remboursement du prix d’acquisition, tandis que l’indemnité doit comprendre celui de la propriété matérielle, terres et bâtimens, rendus sans valeur par la libération des travailleurs.

La plupart des membres des conseils soutiennent d’ailleurs que de telles ordonnances dépassent les pouvoirs de la couronne et même ceux de la législature ; que tout changement dans le sort des esclaves est une question de régime intérieur, qui rentre essentiellement dans les attributions des conseils coloniaux.

À Bourbon, des journaux ayant discuté des questions relatives à l’émancipation des noirs, on a proposé d’abolir la liberté de la presse, introduite dans la colonie depuis 1830, et cette motion a été adoptée à la majorité de treize voix contre cinq.

Des lettres de la Martinique annoncent que si la métropole retardait l’émancipation des esclaves, les colons seraient obligés de la solliciter « Nos esclaves, y est-il dit, que la consolante idée d’une liberté prochaine rendait paisibles, ont perdu tout espoir ; ils désertent par masses, quelques mesures que l’on prenne pour les en empêcher, et se réfugient dans les colonies anglaises. On a déjoué, dans la commune du François, une tentative de plus de cent cinquante noirs de diverses habitations, qui avaient le projet d’enlever un bâtiment et de gagner Sainte-Lucie. Des évasions ont eu lieu sur de simples radeaux : ni les dangers de la mer, ni la perspective de la misère, chez les Anglais, n’arrêtent les fugitifs. Le désir de l’émigration est permanent, universel. Quinze esclaves ont été arrêtés, fuyant vers la Dominique : deux ont péri dans les flots, lors de la capture ; les treize autres ont été renvoyés aux assises. Un d’entre eux s’est laissé mourir de chagrin. Le recours en cassation est fermé aux esclaves. »

« De tout ceci il résulte que les esclaves n’ont plus de valeur vénale à la Martinique. Les plus beaux n’atteignent pas 600 fr. (300 fr. de France). On en vend, dans les successions et aux enchères, 10, 20, 40, 50, 100 fr., valeur coloniale. »

Il est donné lecture d’une proclamation du marquis de Sligo, publiée lors de la clôture de la session de la Jamaïque, le 15 juin 1836. Cette proclamation apprend que, si la récolte a été moins productive qu’à l’ordinaire, c’est par des causes accidentelles qui n’ont rien d’alarmant. Le travail est en progrès dans la colonie, et chaque jour accroît la bonne intelligence entre les affranchis et les propriétaires ; les capitaux sont abondans, et le prix des terres a beaucoup augmenté.

M. de Saint-Anthoine annonce que, malgré les obstacles et les dangers auxquels sont exposés, aux États-Unis d’Amérique, ceux qui se déclarent partisans de l’émancipation des nègres, le nombre des sociétés abolitionnistes s’y élève, en ce moment, à quatre cent quarante.

Il est fait hommage à la société des premiers numéros d’un nouveau journal littéraire et scientifique, le Républicain, rédigé par de jeunes Haïtiens et publié au Port-au-Prince. La société reçoit avec plaisir ce témoignage d’un progrès dans la civilisation des hommes de couleur.

Séance du 23 janvier 1837.

On examine, quant à ses résultats probables, la question du rachat des esclaves par leur propre pécule.

Parmi les objections que font les conseils coloniaux contre ce système, dit M. Roger, il en est qui ne sont point dénuées de fondement, quoique présentées avec exagération. On craint surtout qu’il ne tende à désorganiser le travail, parce que les chefs d’ateliers et les ouvriers les plus intelligens seraient les premiers et presque les seuls affranchis. D’un autre côté, les noirs des villes, dont la condition est supportable, profiteraient surtout d’une émancipation que l’on doit principalement désirer pour les masses qui souffrent le plus.

M. Passy pense, avec M. Roger, que c’est l’inconvénient de tout affranchissement partiel. Il faudrait, selon lui, une émancipation générale, mais avec des combinaisons dont l’initiative devrait être imposée au gouvernement.

M. de Tracy signale la brochure de M. André de la Charrière, président de la cour royale de la Guadeloupe, comme l’expression de l’opinion des colons ; quant aux conclusions, c’est l’ajournement indéfini de la question ; quant aux principes, c’est le plaidoyer le plus subversif des droits de l’humanité ; l’apparente modération de sa forme ne la rend que plus dangereuse.

Les renseignemens qui viennent de nos colonies prouvent qu’on y rencontrera une résistance opiniâtre contre tout mode d’émancipation. Il en a été de même dans les colonies anglaises, où les planteurs s’efforcent de la faire échouer. Le gouverneur de la Jamaïque ne s’est jamais plaint des noirs, mais des blancs.

M. Appert annonce que la reine et madame Adélaïde l’ont chargé d’offrir à la société un don de 400 francs.

Séance du 13 février.

M. Isambert donne à la société connaissance d’une proposition faite par M. Lepelletier Duclary, président de la cour royale à la Martinique, et dont l’objet est de substituer une peine afflictive et infamante aux peines de police établies par le Code contre le vagabondage. — Cette proposition a pour but de faire ressortir, pour la métropole, les inconvéniens résultant des libérations nombreuses qui ont été régularisées depuis 1831, et qui s’élèvent à 30,000 environ.

D’après la correspondance de la Martinique, tous les bâtimens de la marine sont employés à croiser entre les îles anglaises et françaises, afin d’empêcher les nombreuses évasions d’esclaves.

Une pétition des hommes de couleur de la Martinique a été déposée à la chambre des députés par M. Isambert, à la chambre des pairs par M. le duc de Broglie.

Séance du 20 février.

La question à l’ordre du jour est celle de savoir si une proposition formelle d’affranchissement pour les esclaves doit être faite cette année aux chambres.

On est d’avis qu’au milieu des préoccupations actuelles des chambres, cette proposition aurait peu de chances de succès, et que le ministère, appréhendant de se créer un nouvel embarras, trouverait des prétextes d’ajournement, en disant qu’il veut attendre le résultat de l’expérience tentée dans les colonies anglaises. — Mais, dit M. de Tocqueville, à quelle époque sera-t-il permis d’affirmer que cette expérience est concluante ? En 1840, il est vrai, l’état d’apprentissage fera place à une émancipation complète ; mais bien des embarras subsisteront encore ; l’esclavage est une plaie qui sera longue à cicatriser. — D’ailleurs les colons, dès ce moment, commencent à déclarer que l’expérience anglaise ne prouverait rien, eût-elle un plein succès.

M. Passy pense que les colons sont beaucoup moins inquiets des perturbations qui résulteraient, disent-ils, de l’affranchissement, qu’ils ne le sont de la lésion de leurs intérêts. Il s’agit au fond d’une question d’indemnité pécuniaire. Quant aux noirs, avec quelques réglemens très simples, mais sévères, on les disciplinerait aisément au travail. Du jour où l’on aura dit : à telle époque les esclaves seront libres, les conseils coloniaux, aujourd’hui si fertiles en objections, trouveront d’excellens moyens pour arriver sans secousse à l’affranchissement. Toutefois la proposition d’une mesure aussi décisive n’offrirait aucun espoir de réussite, ni auprès du gouvernement ni auprès de l’opinion publique trop peu éclairée sur cette question. Il ne faut donc point négliger les moyens transitoires qui peuvent conduire au but par un chemin plus long ; tels seraient l’affranchissement des enfans à leur naissance ; propre à saper l’esclavage dans sa base, la constitution d’un pécule avec subvention du trésor public, la faculté de rachat, etc.

Après discussion, il est convenu que ceux des membres de la société qui font partie de la chambre des députés, saisiront la plus prochaine occasion pour provoquer de la part du gouvernement des explications précises sur ses intentions. M. Vitalis, propriétaire à la Martinique, vient d’adresser aux chambres une pétition ayant pour objet l’affranchissement des nègres ; le rapport de cette pétition devant être présenté incessamment, pourra servir de texte aux interpellations que désire la société : on en demandera le renvoi au président du conseil des ministres, sans approuver les moyens proposés par M. Vitalis, et qui semblent offrir des inconvéniens assez graves, mais afin d’encourager l’exemple donné pour la première fois par un colon de réclamer en faveur des esclaves.

Au nom d’une commission, M. Carnot fait un rapport-verbal sur les moyens d’étendre la publicité des travaux de la société : il propose la rédaction d’un Bulletin périodique et la tenue d’une assemblée générale. — Ces deux propositions sont adoptées. Le premier numéro du bulletin sera rédigé par M. Carnot.

Séances des 27 février et 6 mars.

M. Passy dépose sur le bureau l’autorisation accordée par le ministre de l’intérieur, pour assurer l’existence légale de la société.

L’assemblée générale aura lieu, à l’Hôtel-de-Ville, le jeudi 4 mai. Le programme en est réglé ainsi qu’il suit

Après le discours d’ouverture du président, M. le duc de Broglie, prendront successivement la parole, MM. Isambert, Passy, Odilon Barrot et Delaborde, sur les travaux de la société, sur l’état de l’esclavage, sur la nécessité et les conséquences morales, politiques et économiques de l’émancipation des nègres.

M. Isambert donne à la société communication de lettres écrites de la Martinique, où l’on trace un tableau très sombre des colonies. L’adresse du conseil colonial au gouverneur n’est qu’un cri impuissant contre un mal sans remède.

M. Passy croit en effet que la loi sur les sucres ne saurait empêcher le malaise des colonies, attendu l’accroissement considérable des fabriques indigènes.

The Emancipator, journal de New-York, contient un document curieux sur Haïty. Les colons tirent sans cesse argument de l’état mal connu de cette république nègre, pour prédire que les esclaves affranchis s’abandonneraient à la paresse. Un démenti formel leur est donné d’avance par le tableau des exportations et importations des États-Unis avec les différens pays du monde ; il en résulte que, sous ce double rapport, Haïty se trouve en première ligne. (The Emancipator, 26 janvier 1837.)

Séance du 13 mars.

M. Isambert communique un relevé de la population des colonies françaises au 31 décembre 1835. À la Martinique, les habitans libres s’élèvent au nombre de trente-sept mille neuf cent cinquante-cinq, les esclaves à celui de soixante-dix-huit mille soixante-seize. À la Guadeloupe, on compte quatre-vingt-seize mille trois cent vingt-deux esclaves pour trente-un mille deux cent cinquante-deux hommes libres. On n’a pas encore reçu les états de Bourbon et de la Guyane.

Il résulte des renseignemens de M. Isambert que la population esclave va sans cesse en décroissant ; il en résulte aussi ce contraste de chiffres, qui révèle à tous les yeux la condition des nègres :

À la Martinique, parmi les hommes libres, il y a un mariage sur cent quatre-vingt-six habitans ; parmi les esclaves un sur cinq mille deux cent cinq ; quinze en tout.

À la Guadeloupe, parmi les hommes libres, un mariage sur cent cinquante-huit habitans. Dans la population de quatre-vingt-seize mille trois cent vingt-deux esclaves, il ne s’est fait qu’un seul mariage.

Il est rendu compte à la société des séances du 9 mars à la chambre des pairs, et du 11 mars à la chambre des députés, où la question de l’affranchissement des nègres a été abordée.

Sur un rapport favorable de M. de Fréville, la pétition des hommes de couleur de la Martinique a été renvoyée par la chambre des pairs au président du conseil des ministres.

À la chambre des députés, M. Moreau, rapporteur de la pétition Vitalis, en ayant proposé le dépôt au bureau des renseignemens, M. Dufaure a demandé qu’elle fût renvoyée au ministre de la marine ; et M. Passy, sans entrer dans la discussion des moyens proposés par le pétitionnaire, a demandé en outre, attendu l’importance du sujet, le renvoi de cette pièce au président du conseil. Ce renvoi a été ordonné après une discussion dans laquelle M. Guizot, ministre de l’instruction publique, répondant à quelques questions de M. Passy sur les mesures dont le gouvernement pourrait s’occuper pour préparer l’abolition de l’esclavage, s’est expliqué en ces termes :

« Messieurs, je remercie l’honorable préopinant de la réserve, de la prudence avec lesquelles il vient de s’exprimer. C’est ici une de ces questions dans lesquelles les paroles sont aussi délicates, aussi périlleuses, je dirais volontiers plus délicates, plus périlleuses que les actions mêmes.

« Il y a certainement, quant à l’ordre social dans les colonies, une œuvre grande et belle à accomplir. (Très bien ! très bien !) Le gouvernement a à cœur de l’accomplir… (Nouvelle adhésion.) il n’a point cessé, il ne cessera point de s’en occuper. D’importantes améliorations ont déjà été introduites dans le régime des colonies, et pour les colons eux-mêmes et pour les esclaves. À la suite de ces améliorations, de grandes et plus épineuses questions s’élèvent. Non-seulement le gouvernement les étudie de concert avec les autorités coloniales, soit les gouvernemens, soit les conseils coloniaux, de concert avec les délégués des colonies à Paris ; non seulement, dis-je, il les étudie, mais il prépare des mesures qui, il l’espère, amèneront un bon résultat. Mais ces mesures doivent être préparées avec beaucoup de temps, de lenteur, et une discussion publique prématurée, une discussion qui précéderait de beaucoup l’action, nuirait à l’efficacité paisible des mesures plutôt qu’elle ne les servirait. Je prie donc la chambre de permettre que je m’en tienne à cette assertion générale, et de ne pas me demander d’entrer dans le détail des mesures. »

M. Isambert rapporte qu’ayant abordé M. Guizot après les paroles prononcées par lui à la tribune, ce ministre lui dit qu’il ne pouvait fixer l’époque où les mesures annoncées par le gouvernement seraient promulguées, mais que certainement on ne les attendrait pas jusqu’à la session prochaine.

M. Billiard fait connaître que les esclaves ont repris une valeur à Bourbon, et qu’ils s’y vendent encore de 200 à 260 piastres, tant on est persuadé que le gouvernement français apportera tous les retards possibles à l’émancipation des nègres.

M. Odilon Barrot demande s’il est permis de supposer que les conseils coloniaux s’occuperont spontanément de quelques améliorations réelles.

On n’a jamais rien obtenu de favorable à cette cause des habitans des colonies anglaises, dit M. Passy, et si le gouvernement anglais avait attendu leur bon vouloir, le bill de 1833 n’eût point été porté.

Sur l’observation d’un autre membre que l’on redoute toute initiative de la métropole, parce qu’on a sans cesse devant les yeux l’exemple de Saint-Domingue, M. Passy répond encore : Les faits de Saint-Domingue sont mal connus : c’est l’initiative prise en ce pays par l’aristocratie coloniale pour réprimer les prétentions des hommes de couleur libres, c’est l’appel qu’elle a fait aux noirs contre les mulâtres, et non point les mesures de la métropole, qui ont été cause des massacres.