Sonnets (Fuster)/À Don Juan

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Librairie Nouvelle ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. vol. 38) (p. 8).
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À DON JUAN



Bien des hommes t’ont plaint, ô Don Juan ! Ils ont dit
L’amère volupté qu’on trouve dans l’ivresse,
Les frissons d’épouvante auprès d’une maîtresse
Et la vague terreur de se sentir maudit.

Mais non. Jamais ton cœur ne s’étant repenti,
Tu vas, émerveillant la foule qui s’empresse ;
On adore à genoux ta grâce enchanteresse,
Et tu ne souffres pas, — et ces gens ont menti.

D’autres ont le secret de la douleur humaine.
Ah ! tu n’as jamais su ce qu’il roule de haine
Dans les cœurs torturés auxquels nul ne répond !

Et je voudrais, vois-tu, charmeur exquis des âmes,
Ô doux rêve vivant des songeurs et des femmes,
Être aimé comme toi, pour pouvoir être bon !