Sonnets (Fuster)/Le Semeur

La bibliothèque libre.
Librairie Nouvelle ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. vol. 38) (p. 3).


LE SEMEUR



Quand le semeur s’en va, sous le ciel rude et blême,
C’est un douteux espoir qui le vient animer.
Il ne sait pas toujours si le blé va germer
Dans le sillon qu’il creuse et dans le champ qu’il aime.

Pourtant il fait sa tâche, il marche, il sue, et même,
Puisqu’un jour de repos nous pourrait affamer,
Puisque c’est son devoir d’aller et de semer,
Il va, heurtant la glèbe indifférente, et sème.

Tels, nous qui savons bien, nous qui savons trop bien
Que dans un sol ingrat il ne germera rien,
Sans croire à la moisson, semons l’idée aimée !

Nous garderons du moins, descendant au cercueil,
La suprême grandeur et l’immuable orgueil
De l’avoir prise en mains et de l’avoir semée.