Texte de Wikisource mis en vedette le 8 janvier

Marcel Remy, Les ceux de chez nous (quand j’étais p’tit) : Mal de dents 1916


LES CEUX DE CHEZ NOUS
(QUAND J’ÉTAIS P’TIT)


Marcel Remy

VII.

MAL DE DENTS


C’est un gros dent, tout au bout de ma bouche, qu’a un vilain trou au milieu, tout noir qu’on y pousserait bien une crompière, il me semble.

Et ça barloque quand je l’fais aller avec mon doigt, hare et hotte, qu’il me semble que j’ai une escarpolette dans ma bouche. Ça fait si mal, da, comme si on stroukait dans ma viande de mon menton avec un clou. Quand c’est que je tire du vent dans ma bouche en ne faisant qu’une petite crevure sur le côté, alors mon dent me fait mal comme si on frottait dessus avec une lime. Et quand je fais aller sans le faire exprès du café tout bollant de ce côté-là, waye donc ! il me semble que le trou de mon dent est agrandi avec un windai. Et quand, par hasard, je hagne un gros coup sur une coyenne de lard ou un bordon de récoulisse, waye à waye, c’est comme si on me donnerait une calotte avec un marteau.

À force que je la fais enrager avec mon doigt, il y a le rèchon qui m’coule hors de la bouche par longs filets, la pointe de mon doigt est devenue toute molle et blanc-moètte comme les mains de Trinette quand elle les laisse longtemps dans la samneure.

Djoug ! djoug ! c’est mon dent qui dogue, je ne lui ai rien fait pourtant et il attaque tout seul. C’est comme si on me donnait tout le temps des petites bouffes al g…, des coups de poing dans ma joue et que je ne pourrais pas me revenger. J’ai si mal et je suis si fâché sur tout le monde que je choule tant que je peux. Quand j’ai bien houlé longtemps, je m’arrête un petit peu, et je rattends un moment pour savoir si j’ai encore mal. Des fois je suis tellement nanti d’avoir crié tout seul que mon dent me laisse tranquille un petit temps. Et c’est après, quand c’est que je commence à me ravoir et que je voudrais jouer à quelque chose, alors il recommence à souki, djoug ! djoug ! comme en exprès ; surtout quand je veux un peu chipoter autour avec ma langue pour savoir.

Et il me faut encore une fois chouler.

Djan ! n’y tusez nin ainsi tote jou ! crie ma tante avec une méchante figure, quand elle passe près de la couleye où que je me mets toujours pour pleurer.

Tusez à aute choès ! leyiz vosse dint es paye ; fez les qwances di rin, et çoula n’n’iret comme a v’nou.

Je pense à autre chose tant que je peux, mais