Texte de Wikisource mis en vedette le 9 avril

Aristide Bruant, À Batignolles dans Dans la rue 1889



À BATIGNOLLES

Sa maman s’appelait Flora,
A connaissait pas son papa,
Tout’jeune on la mit à l’école,
        À Batignolles.


A poussa comme un champignon,
Malgré qu’alle ait r’çu pus d’un gnon,
L’soir, en faisant la cabriole,
        À Batignolles.

Alle avait des magnièr’s très bien,
Alle était coiffée à la chien,
A chantait comme eun’ petit’ folle,
        À Batignolles.

Quand a s’balladait, sous l’ciel bleu,
Avec ses ch’veux couleur de feu,
On croyait voir eune auréole,
        À Batignolles.

Alle avait encor’ tout’s ses dents,
Son p’tit nez, oùsqu’i pleuvait d’dan,
Était rond comme eun’ croquignolle,
        À Batignolles.


A buvait pas trop, mais assez,
Et quand a vous soufflait dans l’nez
On croyait r’nifler du pétrole,
        À Batignolles.

Ses appas étaient pas ben gros,
Mais je m’disais : Quand on est dos,
On peut nager avec eun’ sole,
        À Batignolles.

A gagnait pas beaucoup d’argent,
Mais j’étais pas ben exigeant !…
On vend d’l’amour pour eune obole,
        À Batignolles.


Je l’ai aimée autant qu’j’ai pu,
Mais j’ai pus pu lorsque j’ai su
Qu’a m’trompait, avec Anatole.
        À Batignolles.

Ça d’vait arriver, tôt ou tard,
Car Anatol’ c’est