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doctrine générale et au parti-pris de l’auteur. Arthur Young appréhendait le triomphe de la petite propriété et en attendait des maux que l’expérience n’a pas réalisés. Ces prévisions sinistres paraissent aujourd’hui singulièrement divertissantes, tellement elles sont au rebours de tout le train des choses. « L’Angleterre pourra toujours se suffire, grâce à de grandes fermes, écrivait-il, tandis que la France est arrivée à la limite où la terre ne saurait nourrir plus de monde ; » elle avait alors une vingtaine de millions d’habitans, et comme « un des effets de la division du sol est l’accroissement de la population, la France se prépare la plus horrible détresse que l’on puisse imaginer ; » elle dépassera bientôt la Chine, où une populace affamée se dispute « les charognes décomposées des chiens, des chats, des rats, la vermine la plus dégoûtante. » Ce n’est pas une boutade de voyageur dans les heures sombres ; il revient souvent sur cette idée : « Disons-le bien, la petite propriété est la source de maux effroyables, et telle en est l’action en France que la loi devrait intervenir. » Ainsi, la théorie chez Arthur Young était nettement contraire à la petite propriété, dont il attendait des fléaux épouvantables, notamment un accroissement démesuré de la population. » Ce cauchemar a longtemps hanté les écrivains anglais. C’est de 1787 à 1789 qu’Arthur Young voyageait en France. Malthus, une quinzaine d’années plus tard, annonçait qu’au bout d’un siècle la France serait aussi remarquable dans le monde par son excessive indigence que par l’excessive division de son sol. Un siècle a presque passé sur les prédictions d’Arthur Young et trois quarts de siècle environ sur celles de Malthus, et aujourd’hui, bien loin de voir dans la petite propriété la source d’un accroissement indéfini de population, on lui fait le reproche opposé.

D’autres voyageurs anglais du même temps, devançant les expropriations en masse des biens nationaux, témoignent que, sous l’ancien régime, la petite propriété avait pris fortement possession d’une grande partie de la France, et ils s’extasient sur l’air de contentement et de prospérité répandu dans les villages. Lady Montagu, Horace Walpole, le docteur Rigby, dans leurs lettres ou leurs journaux de voyages, abondent en observations de ce genre.

Ce ne sont pas seulement les récits des voyageurs qui établissent cette vérité aujourd’hui incontestée que la propriété du paysan est fort antérieure chez nous aux confiscations révolutionnaires. Elle a dans notre histoire des racines bien plus lointaines et plus profondes. Les anciens livres terriers sont très significatifs à ce sujet. L’un d’eux, que l’on conserve dans les Archives du département de Seine-et-Marne, concerne la « seigneurie et prévôté de Colombes, appartenant à l’abbaye de Chelles. » II date de 1509 : la superficie