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la musique hors de lui.
la musique hors de lui. Il l’admettait bien
à titre d’art sacré et pour accompagner la
prière ; mais la musique, le plus profondément
humain de tous les arts, ne pouvait vitre uniquement
de la glorification de Dieu ; la musique
nationale anglaise a perdu toute substance
et toute force vive. Il va de soi que ce n’est là
qu’hypothèses ; cependant la prédilection que la
partie la plus cultivée du public anglais a depuis
longtemps pour cette forme assez conventionnelle
de l’art musical qu’est l’oratorio de
concert, semble bien témoigner en faveur de
cette explication.

Quoi qu’il en soit, un fait est manifeste : la
musique anglaise est depuis deux cents ans
soumise à des influences étrangères. Celle de
Hændel n’a pas encore fini de se faire sentir ;
mais depuis le milieu du dix-neuvième siècle,
elle a cédé une grande part de son empire à un
autre : c’est celle de Mendelssohn que je veux
dire. L’art anglais a été et reste jusqu’à nos
jours éperdument mendelssohnien, mendelssohnien avec
une docilité et une unanimité devant
quoi l’on demeure confondu. Tous les
compositeurs de la Grande-Bretagne ont fait la
même musique pendant soixante-quinze ans.
Ils ne se distinguent les uns des autres par aucune
qualité singulière, par aucun signe particulier,
par aucun trait original. Ils se ressemblent
tous par une commune dévotion à Mendelssohn,
dont ils imitent sans merci soit la
sentimentalité élégante, soit les agréables effets
d’instrumentation. Il semble en écoutant leurs
ouvrages qu’on soit dans un conservatoire où
Mendelssohn serait professeur de composition
et qu’on assiste à une classe où seraient exécutés
des exercices de ses élèves. Et Mendelssohn
est assurément l’un des musiciens qu’il est le
plus fâcheux d’imiter avec une si aveugle soumission.
Il est assurément fort bien orné de
grâces et de talents. Il connait admirablement
son métier ; il est correct et parfait ; il plait et
rassure à la fois ; il est tout rempli d’adroites et
justes formules que comprennent et qu’approuvent
de prime abord les personnages à qui les formes
vivantes et libres d’un Mozart ou d’un {{tiret|Bee|thoven}}

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tuelle, l’a ainsi appauvrie, desséchée, privée de sa force et de sa vie ? Il est vrai que tout le peuple anglais n’a pas été à proprement parler puritain ; mais le peuple anglais a subi l’influence du puritanisme. Il a ainsi peu à peu rejeté la musique hors de lui. Il l’admettait bien à titre d’art sacré et pour accompagner la prière ; mais la musique, le plus profondément humain de tous les arts, ne pouvait vitre uniquement de la glorification de Dieu ; la musique nationale anglaise a perdu toute substance et toute force vive. Il va de soi que ce n’est là qu’hypothèses ; cependant la prédilection que la partie la plus cultivée du public anglais a depuis longtemps pour cette forme assez conventionnelle de l’art musical qu’est l’oratorio de concert, semble bien témoigner en faveur de cette explication.

Quoi qu’il en soit, un fait est manifeste : la musique anglaise est depuis deux cents ans soumise à des influences étrangères. Celle de Hændel n’a pas encore fini de se faire sentir ; mais depuis le milieu du dix-neuvième siècle, elle a cédé une grande part de son empire à un autre : c’est celle de Mendelssohn que je veux dire. L’art anglais a été et reste jusqu’à nos jours éperdument mendelssohnien, mendelssohnien avec une docilité et une unanimité devant quoi l’on demeure confondu. Tous les compositeurs de la Grande-Bretagne ont fait la même musique pendant soixante-quinze ans. Ils ne se distinguent les uns des autres par aucune qualité singulière, par aucun signe particulier, par aucun trait original. Ils se ressemblent tous par une commune dévotion à Mendelssohn, dont ils imitent sans merci soit la sentimentalité élégante, soit les agréables effets d’instrumentation. Il semble en écoutant leurs ouvrages qu’on soit dans un conservatoire où Mendelssohn serait professeur de composition et qu’on assiste à une classe où seraient exécutés des exercices de ses élèves. Et Mendelssohn est assurément l’un des musiciens qu’il est le plus fâcheux d’imiter avec une si aveugle soumission. Il est assurément fort bien orné de grâces et de talents. Il connait admirablement son métier ; il est correct et parfait ; il plait et rassure à la fois ; il est tout rempli d’adroites et justes formules que comprennent et qu’approuvent de prime abord les personnages à qui les formes vivantes et libres d’un Mozart ou d’un Bee-