« Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/144 » : différence entre les versions

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Pour ce qui est du vote de l’armée, une partie, complice, a voté dans sa propre cause. Le reste a suivi.
Pour ce qui est du vote de l’armée, une partie, complice, a voté dans sa propre cause. Le reste a suivi.
Quant à la liberté même de ce vote des soldats, écoutons l’armée parler elle-même. Voici ce qu’écrit un soldat du 6e de ligne commandé par le colonel Degardarens de Boisse :


Quant à la liberté même de ce vote des soldats, écoutons l’armée parler elle-même. Voici ce qu’écrit un soldat du 6{{e}} de ligne commandé par le colonel Degardarens de Boisse :
« Pour la troupe, le vote fut un appel. Les sous-officiers, les caporaux, les tambours et les soldats, placés par rang de contrôle, étaient appelés par le fourrier, en présence du colonel, du lieutenant-colonel, du chef de bataillon et des officiers de la compagnie, et, au fur et à mesure que chaque homme appelé répondait : Présent, son nom était inscrit par le sergent-major. Le colonel disait, en se frottant les mains : Ma foi, messieurs, cela va comme sur des roulettes quand un caporal de la compagnie à laquelle j’appartiens s’approche de la table où était le sergent-major et le prie de lui céder la plume, afin qu’il puisse inscrire lui-même son nom sur le registre Non qui devait rester en blanc.


« Pour la troupe, le vote fut un appel. Les sous-officiers, les caporaux, les tambours et les soldats, placés par rang de contrôle, étaient appelés par le fourrier, en présence du colonel, du lieutenant-colonel, du chef de bataillon et des officiers de la compagnie, et, au fur et à mesure que chaque homme appelé répondait : ''Présent'', son nom était inscrit par le sergent-major. Le colonel disait, en se frottant les mains : Ma foi, messieurs, cela va comme sur des roulettes, quand un caporal de la compagnie à laquelle j’appartiens s’approche de la table où était le sergent-major et le prie de lui céder la plume, afin qu’il puisse inscrire lui-même son nom sur le registre Non qui devait rester en blanc.
« Comment ! s’écrie le colonel, vous qui êtes porté pour fourrier et qui allez être nommé à la première vacance, vous désobéissez formellement à votre colonel, et cela en présence de votre compagnie ! Encore si ce refus que vous faites en ce moment n’était qu’un acte d’insubordination. Mais vous ne savez donc pas, malheureux, que par votre vote vous réclamez la destruction de l’armée, l’incendie de la maison de votre père, l’anéantissement de la société tout entière ! Vous tendez la main à la crapule ! Comment ! X…, vous que je voulais pousser, vous venez aujourd’hui m’avouer tout cela ? »

« Comment ! s’écrie le colonel, vous qui êtes porté pour fourrier et qui allez être nommé à la première vacance, vous désobéissez formellement à votre colonel, et cela en présence de votre compagnie ! Encore si ce refus que vous faites en ce moment n’était qu’un acte d’insubordination. Mais vous ne savez donc pas, malheureux, que par votre vote vous réclamez la destruction de l’armée, l’incendie de la maison de votre père, l’anéantissement de la société tout entière ! Vous tendez la main à la crapule ! Comment ! X…, vous que je voulais pousser, vous venez aujourd’hui m’avouer tout cela ? »


« Le pauvre diable, on le pense bien, se laissa inscrire comme tous les autres. »
« Le pauvre diable, on le pense bien, se laissa inscrire comme tous les autres. »


Multipliez ce colonel par six cent mille, vous avez la pression des fonctionnaires de tout ordre, militaires, politiques, civils, administratifs, ecclésiastiques, judiciaires, douaniers, municipaux, scolaires, commerciaux, consulaires, par toute la France, sur le soldat, le bourgeois et le paysan. Ajoutez, comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, la fausse jacquerie communiste et le réel terrorisme bonapartiste, le gouvernement pesant par la fantasmagorie sur les faibles et par la dictature sur les récalcitrants, et agitant deux épouvantes à la fois. Il faudrait un volume spécial pour raconter, exposer et approfondir les innombrables détails de cette immense extorsion de signatures qu’on appelle le vote du 20 décembre.
Multipliez ce colonel par six cent mille, vous avez la pression des fonctionnaires de tout ordre, militaires, politiques, civils, administratifs, ecclésiastiques, judiciaires, douaniers, municipaux, scolaires, commerciaux, consulaires, par toute la France, sur le soldat, le bourgeois et le paysan. Ajoutez, comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, la fausse jacquerie communiste et le réel terrorisme bonapartiste, le gouvernement pesant par la fantasmagorie sur les faibles et par la dictature sur les récalcitrants, et agitant deux épouvantes à la fois. Il faudrait un volume spécial pour raconter, exposer et approfondir les innombrables détails de cette immense extorsion de signatures qu’on appelle le vote du 20 décembre.

Le vote du 20 décembre a terrassé l’honneur, l’initiative, l’intelligence et la vie morale de la nation. La France a été à ce vote comme le troupeau va à l’abattoir.
Le vote du 20 décembre a terrassé l’honneur, l’initiative, l’intelligence et la vie morale de la nation. La France a été à ce vote comme le troupeau va à l’abattoir.

Passons.
Passons.


Deuxièmement. Que le vote soit éclairé.
Deuxièmement. ''Que le vote soit éclairé''.

Dernière version du 26 juin 2020 à 14:07

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Pour ce qui est du vote de l’armée, une partie, complice, a voté dans sa propre cause. Le reste a suivi.

Quant à la liberté même de ce vote des soldats, écoutons l’armée parler elle-même. Voici ce qu’écrit un soldat du 6e de ligne commandé par le colonel Degardarens de Boisse :

« Pour la troupe, le vote fut un appel. Les sous-officiers, les caporaux, les tambours et les soldats, placés par rang de contrôle, étaient appelés par le fourrier, en présence du colonel, du lieutenant-colonel, du chef de bataillon et des officiers de la compagnie, et, au fur et à mesure que chaque homme appelé répondait : Présent, son nom était inscrit par le sergent-major. Le colonel disait, en se frottant les mains : — Ma foi, messieurs, cela va comme sur des roulettes, — quand un caporal de la compagnie à laquelle j’appartiens s’approche de la table où était le sergent-major et le prie de lui céder la plume, afin qu’il puisse inscrire lui-même son nom sur le registre Non qui devait rester en blanc.

« — Comment ! s’écrie le colonel, vous qui êtes porté pour fourrier et qui allez être nommé à la première vacance, vous désobéissez formellement à votre colonel, et cela en présence de votre compagnie ! Encore si ce refus que vous faites en ce moment n’était qu’un acte d’insubordination. Mais vous ne savez donc pas, malheureux, que par votre vote vous réclamez la destruction de l’armée, l’incendie de la maison de votre père, l’anéantissement de la société tout entière ! Vous tendez la main à la crapule ! Comment ! X…, vous que je voulais pousser, vous venez aujourd’hui m’avouer tout cela ? »

« Le pauvre diable, on le pense bien, se laissa inscrire comme tous les autres. »

Multipliez ce colonel par six cent mille, vous avez la pression des fonctionnaires de tout ordre, militaires, politiques, civils, administratifs, ecclésiastiques, judiciaires, douaniers, municipaux, scolaires, commerciaux, consulaires, par toute la France, sur le soldat, le bourgeois et le paysan. Ajoutez, comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, la fausse jacquerie communiste et le réel terrorisme bonapartiste, le gouvernement pesant par la fantasmagorie sur les faibles et par la dictature sur les récalcitrants, et agitant deux épouvantes à la fois. Il faudrait un volume spécial pour raconter, exposer et approfondir les innombrables détails de cette immense extorsion de signatures qu’on appelle le vote du 20 décembre.

Le vote du 20 décembre a terrassé l’honneur, l’initiative, l’intelligence et la vie morale de la nation. La France a été à ce vote comme le troupeau va à l’abattoir.

Passons.

Deuxièmement. Que le vote soit éclairé.