« Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/Texte entier » : différence entre les versions

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Version du 13 avril 2022 à 12:49

Avertissement.

Nous avons une foule de dictionnaires portatifs ſur toutes les ſciences, ſur les arts, & même ſur des objets frivoles. Dans le ſiecle où nous vivons l’on a travaillé de toutes parts à ſimplifier les connoisſances, à les rendre plus faciles & plus compendieuſes, à les mettre à la portée de tout le monde ; cependant juſqu’à préſent on n’avoit point encore tenté de faire la même choſe pour la Théologie ; quoiqu’on l’ait préſentée quelque-fois au public ſous une forme très-abrégée, elle n’en étoit pas devenue beaucoup plus claire pour cela ; au contraire cette ſcience divine n’en a ſouvent paru que plus embrouillée, & malgré ces ſecours les perſonnes qui s’en occupoient les plus ſérieuſement, qui en parloient le plus, qui ſe montroient les plus zêlées pour elle, n’en ont pas toujours eû des idées bien claires & bien diſtinctes.

C’eſt pour remédier à ces inconvéniens que l’on publie cet Ouvrage, qui peut être regardé comme un Manuel, un Vade mecum Théologique, ou, ſi l’on veut, comme une Théologie de poche, dans laquelle chacun trouvera très-promtement la ſolution de toutes les difficultés qui pourroient s’élever ſur cette importante matiere. A l’aide de ce petit dictionnaire les grands & les petits, les perſonnes éclairées ainſi que les plus ſimples, les femmes mêmes, ſeront en état de parler pertinemment d’un grand nombre de queſtions, qui juſqu’ici ne s’ètoient montré qu’environnées de nuages.

On eſpere donc que ce travail, qui n’eſt qu’une tentative, ſera reçu favorablement du public, & méritera ſur-tout l’approbation du Clergé, qui y trouvera tous ſes droits établis ſur une baze inébranlable. En effet ſi ce dictionnaire ſe diſtingue par quelqu’endroit, c’eſt par ſon enchaînement & par la liaiſon des matieres ; au premier coup d’œil chacun demeurera convaincu que toutes les vérités Théologiques ſont liées ; il verra qu’elles partent du Clergé comme d’un centre commun, dans lequel elles finiſſent toujours par rentrer necéſſairement. On ſentira que toutes les parties de la Religion ſe prêtent des ſecours mutuels, d’où réſulte un enchaînement complet de vérités qui ſe donnent un appui réciproque. En un mot on s’appercevra ſans peine que les Théologiens font la Religion & que la Religion n’a jamais que les Théologiens pour objet. Syſtême vraiment céleſte & dont jamais rien ſur la terre ne peut altérer la ſolidité ! Ce principe ſécond & lumineux ſe trouvera ſur-tout établi dans le diſcours préliminaire, & tous les articles du dictionnaire ne feront que le développer.


⋅⋅⋅⋅⋅⋅tantum ſeries juncturaque pollet.

Discours préliminaire.

Conſtitues eos principes ſuper omnem terram.


Vous les établirez pour commander à toute la terre.
Pſeaume 44. ℣. 17.

Toute peine vaut ſalaire. Les loix de l’équité demandent que dans une nation les citoyens ſoient récompenſés ou punis à proportion des avantages qu’ils procurent ou des maux qu’ils font à leurs concitoyens. L’intérêt général exige que les hommes les plus utiles ſoyent les plus conſidérés, que ceux qui ſont inutiles ſoyent honnis & mépriſés, que ceux qui ſont dangereux ſoyent déteſtés & châtiés. C’eſt ſur ces principes évidens que nous devons régler nos jugemens. Les rangs, les prérogatives, les honneurs, les richeſſes ſont des récompenſes que la Société, ou ceux qui la repréſentent, décernent aux perſonnes qui lui rendent les plus importans ſervices, ou dont elle a le plus de beſoin : ſi la Société ſe trompoit là-deſſus, ſi elle accumuloit les marques de ſa reconnoiſſance ſur des perſonnes indignes, inutiles ou dangereuſes, elle ſe nuiroit à elle-même, & ſa conduite extravagante viendroit infailliblement de quelqu’opinion fauſſe ou de quelque préjugé.

Ces principes ſont de nature à n’être conteſtés par perſonne. Ils ſont ſuivis dans toutes les nations, qui par les avantages qu’elles accordent ſemblent reconnoître toujours les avantages qu’elles recoivent elles-mêmes, ou du moins qu’elles attendent. Elles rendent leurs hommages aux Souverains, elles leur confient un pouvoir plus ou moins étendu, elles leur accordent des revenus & des ſubſides, parce qu’elles les regardent comme les ſources du bonheur national, parce qu’elles veulent les dédommager des ſoins pénibles du gouvernement. Elles honorent les nobles & les grands parce qu’elles les regardent comme les défenſeurs de l’Etat, comme des citoyens plus éclairés que les autres & capables de les guider en aidant le Souverain dans les travaux de l’adminiſtration. Enfin ces nations montrent la vénération la plus profonde aux Prêtres, parce qu’elles les regardent, avec raiſon, comme un ordre d’hommes choiſis par la Divinité même pour guider les autres dans la voye du ſalut, qui doit être l’objet des plus ardens deſirs des peuples, lorſqu’ils ſont aſſez ſages pour ſentir la préférence que méritent les biens éternels & durables ſur les biens temporels & périſſables de ce monde, qui n’eſt qu’un paſſage pour arriver à une vie beaucoup meilleure.

La Religion eſt un des plus grands mobiles des hommes. Les fauſſes Religions, qui ſont l’ouvrage de l’impoſture, partagent avec la vraye, qui eſt l’ouvrage de la Divinité, le droit de faire des impreſſions vives & profondes ſur l’eſprit des nations. Pénétrés de reſpect pour une Divinité toujours incompréhenſible, agités de craintes & d’eſpérances, en un mot religieux, tous les peuples de la terre ont regardé les Prêtres comme les plus utiles des hommes, comme ceux dont les lumières & les ſecours leur étoient les plus néceſſaires ; en conſéquence dans tout pays le Clergé conſtitua toujours le premier ordre de l’Etat ; il fut en droit de commander à tous les autres, il jouit des plus grands honneurs, il fut comblé de richeſſes, il eut un pouvoir ſupérieur même à celui des Souverains, qui furent en tout tems obligés de fléchir le genou devant les Miniſtres des Puiſſances inconnues qui recevoient les adorations des peuples.

Preſqu’en tout tems & par-tout les Prêtres ont été les maîtres des Rois ; loin que le pouvoir ſouverain s’étendît ſur les Miniſtres du Ciel, il fut obligé de lui céder ; les Prêtres jouîrent de la grandeur, de la conſidération, de l’impunité. Souvent ils juſtifierent leurs excès par les volontés des Dieux, qui furent eux-mêmes à leurs ordres ; en un mot le Ciel & la Terre furent forcés de leur obéir, & les Souverains ne trouverent d’autre moyen d’exercer l’autorité qui leur avoit été confiée, qu’en ſe ſoumettant eux-mêmes à l’autorité plus redoutable des Miniſtres des Dieux.

Les Prêtres des Religions fauſſes que nous voyons répandues ſur la terre jouiſſent donc, ainſi que les Prêtres de la vraye Religion, du pouvoir le plus illimité. Tout eſt bien reçu par les peuples, quand il eſt merveilleux ou lorſqu’il vient de la Divinité ; ils n’examinent jamais rien d’après leurs Prêtres, qui ſont partout accoutumés à commander à leur raiſon & à ſubjuguer leur entendement. Ne ſoyons donc point ſurpris ſi nous voyons par-tout le Sacerdoce jouir de privileges immenſes, de richeſſes inépuiſables, d’une autorité toujours reſpectée, enfin du pouvoir même de mal faire ſans en être puni. Nous le voyons en tout pays préſcrire des rites, des uſages, des cérémonies quelquefois bizarres, inhumaines, déraiſonnables : nous le voyons tirer parti d’une foule d’inventions que ſur ſa parole l’on regarde toujours comme divines. Les Prêtres ont ſacrifié des hommes preſqu’en tout pays. Il falloit rendre les Dieux terribles pour que leurs Miniſtres fuſſent & plus reſpectés & mieux récompenſés. Ils ont introduit des uſages religieux utiles à leurs plaiſirs, à leur avarice & à leurs paſſions ; enfin ils ont commis des crimes aux yeux des peuples, qui ſous le charme où ils étoient, bien loin de les punir, leur ont ſû gré de leur excès & ſe ſont imaginé que le ciel leur deviendroit plus propice à meſure que leurs Prêtres ſeroient plus criminels.

Chez les Phéniciens Moloch demandoit qu’on lui ſacrifiât des enfans. On lui faiſoit des ſacrifices ſemblables chez les Carthaginois ; la Déeſſe de la Tauride vouloit qu’on lui immolât les étrangers ; le Dieu des Mexicains exigeoit des milliers de victimes humaines ; les Druïdes chez les Celtes ſacrifioient les priſonniers de guerre. Le Dieu de Mahomet vouloit qu’on étendît ſa Religion par le fer & par le feu, & par conſéquent exigeoit qu’on lui ſacrifiât des nations entieres. Enfin les Prêtres du Dieu vivant ont, comme de raiſon, plus fait périr d’hommes pour l’appaiſer, que les Prêtres de toutes les nations enſemble n’en ont jamais immolé.

En effet, ce qui eſt abus & crime dans les fauſſes Religions devient légitime & ſaint dans la vraye Religion. Le Dieu que nous adorons eſt, ſans doute, plus grand & ne doit pas être moins redoutable que les faux Dieux des Payens ; ſes Prêtres ne doivent être ni moins reſpectés ni moins récompenſés que les leurs. En conſéquence nous voyons que les Miniſtres de Jéhovah, ſans s’amuſer à fouiller dans les entrailles de quelques victimes, ſoit d’hommes ſoit d’animaux, ont tout d’un coup fait égorger des villes, des Armées, des nations, en l’honneur de la vraye Divinité ; ce fut, ſans doute, pour prouver ſa ſupériorité & pour nous pénétrer du ſaint reſpect qui eſt dû à ſes Miniſtres. Ainſi loin de leur faire un crime de ces ſacrifices nombreux qu’ils ont faits ou cauſés ſur la terre, ils doivent nous inſpirer de hautes idées de notre Dieu : loin de les blâmer de ces ſaintes perſécutions, de ces ſaintes boucheries, de ces ſupplices inouis, qui paroiſſent des atrocités & des crimes à des yeux prévenus, nous devons leur en ſavoir gré, nous devons admirer les notions merveilleuſes & ſublimes qu’ils nous donnent de notre Dieu ; nous devons redoubler de ſoumiſſion pour ſes Miniſtres qui nous apprennent ſa grandeur & qui font de ſi grandes choſes pour lui plaire. Il eſt vrai que l’humanité rebelle peut quelquefois ſe révolter contre des pratiques que la nature & la raiſon déſapprouvent, mais nous ſavons que la nature eſt corrompue & que la raiſon nous trompe ; la foi ſeule nous ſuffit, & avec de la foi nos Prêtres n’ont jamais tort.

C’eſt donc par les yeux de la foi que nous devons conſidérer les actions de nos Prêtres & alors nous trouverons toujours que leur conduite eſt juſte, & que celle qui paroît criminelle ou déraiſonnable eſt ſouvent l’effet d’une ſageſſe profonde, d’une politique prudente, & doit être approuvée par la Divinité, qui ne juge point des choſes comme les foibles mortels. En un mot avec beaucoup de foi nous ne verrons jamais dans les actions du Clergé rien qui puiſſe nous ſcandaliſer. Celà poſé, il nous ſera facile de juſtifier nos Prêtres & nos Evêques des prétendus excès que leur reprochent des hommes profanes & ſuperficiels, ou des impies qui manquent de foi. On les accuſe ſouvent d’une ambition démeſurée ; on parle avec indignation des entrepriſes du Sacerdoce contre la puiſſance civile ; on eſt révolté de l’orgueil de ces Pontifes qui s’arrogent le droit de commander aux Souverains eux-mêmes, de les dépoſer, de les priver de la Couronne. Mais au fond eſt-il rien de plus légitime ? Les Princes ainſi que leurs Sujets ne ſont-ils pas ſoumis à l’Egliſe ? Les repréſentans des nations ne doivent-ils point céder aux repréſentans de la divinité ? Eſt-il quelqu’un ſur la terre qui puiſſe le diſputer à ceux qui ſont les dépoſitaires de la puiſſance du Très-Haut ?

Rien n’eſt donc mieux fondé aux yeux d’un Chrétien rempli de foi que les prétentions du Sacerdoce. Rien n’eſt plus criminel que de réſiſter aux miniſtres du Seigneur ; rien n’eſt plus préſomptueux que de vouloir ſe placer ſur la même ligne qu’eux ; rien de plus téméraire que de prétendre les juger ou ſoumettre des hommes tout divins à des loix humaines. Les Prêtres ſont ſous la juriſdiction de Dieu, & comme ce ſont eux qui ſont chargés de l’exercer, il s’enſuit que les Prêtres ne peuvent être ſoumis qu’aux Prêtres.

Les relations de quelques voyageurs nous apprennent que ſur la Côte de Guinée les Rois ſont obligés de ſubir une cérémonie ſacerdotale néceſſaire à leur inauguration, & ſans laquelle les peuples ne reconnoîtroient pas leur autorité. Le Prince ſe met à terre, tandis que le Pontife lui marche ſur le ventre & lui met le pied ſur la gorge, en lui faiſant jurer qu’il ſera toujours obéiſſant au Clergé.

Si le Pontife d’un miſérable Fétiche exerce un droit ſi honorable, à plus forte raiſon quel doit être le pouvoir du Souverain Pontife des Chrétiens, qui eſt le Vicaire de Jéſus-Chriſt en terre, le repréſentant du Dieu de l’univers, le Vice-gérent du Roi des Rois.

Tout homme bien pénétré de la grandeur de ſon Dieu, doit être pénétré de la grandeur de ſes Prêtres ; autant vaudroit-il nier l’exiſtence de ce Dieu que de refuſer les hommages qui ſont dus à ſes Miniſtres ; celui qui déſobéit aux Miniſtres, chargés par un Monarque d’exercer ſon autorité, eſt, ſans doute, un rebelle qui réſiſte au Monarque lui-même. L’on voit donc que rien ne doit être plus grand ſur la terre qu’un Prêtre, qu’un Moine, qu’un Capucin, & que les Princes des Prêtres ſont les plus grands des mortels. Le Curé eſt toujours le premier homme de ſon village, & le Pape eſt, ſans contredit, le premier homme du monde.

Le ſalut eſt la ſeule choſe nécéſſaire ; nous ne ſommes en ce monde que pour l’opérer avec crainte & tremblement, nous devons craindre Dieu & trembler devant ſes Prêtres ; ils ſont les maîtres du Ciel, ils en poſſèdent les clefs, ils ſavent ſeuls le chemin qui y mene ; d’où il ſuit évidemment que nous devons leur obéir préférablement à ces Rois de la terre, dont le pouvoir ne s’étend que ſur les corps, tandis que celui des Prêtres s’étend bien au-delà des bornes de cette vie. Que dis-je ! Si les Rois eux-mêmes ont, comme ils doivent, le deſir de ſe ſauver, il faut qu’ils ſe laiſſent aveuglément conduire par les guides & les Pilotes ſpirituels, qui ſeuls ſont en état de procurer le bonheur éternel à ceux qui ſe montrent dociles à leurs leçons. Il ſuit de là que les Princes qui manquent de docilité à leurs Prêtres manquent indubitablement de foi, & peuvent par leur exemple anéantir la foi dans l’eſprit de leurs ſujets. Mais comme ſans foi il eſt impoſſible de ſe ſauver, & comme la plus importante des choſes eſt de ſe ſauver, on doit en conclure que c’eſt au Clergé à voir ce qu’il faut faire des Princes qui ſont indociles ou ſans foi ; ſouvent il trouve qu’oportet unum mori pro populo, doctrine très-déplaiſante pour les Rois, très-nuiſible à la Société, mais dont les Jéſuites aſſûrent que l’Egliſe doit très-bien ſe trouver, & que le très-Saint Pere n’a jamais eu le courage de condamner.

On voit donc que les Princes ſont en conſcience & par intérêt obligés d’être toujours ſoumis au Clergé ; les Souverains n’ont de l’autorité dans ce monde que pour que l’Egliſe proſpere : l’Etat ne pourroit être heureux ſi les Prêtres n’étoient contens ; c’eſt, comme on ſait, de ces Prêtres que dépend le bonheur éternel, qui doit bien plus intéreſſer les Princes eux-mêmes que celui d’ici bas. Ainſi leur autorité doit être ſubordonnée à celle des Prêtres qui ſavent ſeuls ce qu’il faut faire pour arriver à la gloire. Le Souverain ne doit donc être que l’exécuteur des volontés du Clergé, qui n’eſt lui-même que l’organe des volontés divines. Cela poſé, le Prince ne remplit ſon devoir & ne doit être obéi que quand il obéit à Dieu, c’eſt-à-dire, à ſes Prêtres ; dès que ceux-ci le jugent néceſſaire au bien de la Religion il eſt de ſon devoir de tourmenter, de perſécuter, de bannir, de brûler ceux de ſes ſujets qui ne travaillent point à leur ſalut, qui ſont hors du chemin qui y conduit, ou qui peuvent contribuer à égarer les autres.

En effet tout eſt permis pour le ſalut des hommes ; rien de plus légitime que de faire périr le corps pour rendre l’ame heureuſe ; rien de plus avantageux à la politique Chrétienne que d’exterminer de vils mortels qui mettent obſtacle aux ſaintes vues des Prêtres. Ainſi loin de reprocher à ceux-ci les cruautés ſalutaires qu’ils ont ſouvent employées pour ramener les eſprits, on auroit dû leur permettre de redoubler, s’il eſt poſſible, ou du moins de rendre plus durables les rigueurs qu’ils font éprouver aux Mécréans ; cela leur rendroit, ſans doute, plus aimable la Religion qu’on veut leur faire embraſſer. Celui qui découvriroit un moyen de rendre les ſupplices des hérétiques plus longs & plus douloureux, feroit, ſans doute un grand bien à leurs ames, & mériteroit très-bien de l’Egliſe & de ſes Miniſtres. Ainſi loin de blâmer la ſévérité que les Miniſtres de la Religion exercent ou font exercer par le bras ſéculier, c’eſt-à-dire, par les Princes, les Magiſtrats & les Bourreaux ſur ceux qu’ils ont deſſein de ramener au giron de l’Egliſe, un bon Chrétien devroit ſeconder leur zêle charitable & imaginer de nouveaux moyens, plus efficaces que les anciens, pour déraciner les erreurs & pour ſauver les ames.

Que l’on ceſſe donc de reprocher à l’Egliſe ſes perſécutions, ſes exils, ſes priſons, ſes Lettres de cachet, ſes tortures, ſes bûchers. Plaignons-nous au contraire en voyant que toutes ces ſaintes rigueurs, employées dans tous les ſiecles, n’ont point eu l’effet deſiré. Tâchons de découvrir quelques moyens plus ſûrs d’extirper les héréſies, & ſur-tout ne recourons jamais à la douceur ni à une lâche Tolérance, qui, ſi elle eſt conforme à l’humanité, ſeroit incompatible avec l’eſprit de l’Egliſe ou avec le zêle dont un Chrétien doit brûler ; avec l’humeur d’un Dieu terrible ; avec le caractere de ſes Prêtres, qui pour obtenir nos reſpects & nos hommages doivent être encore plus terribles & plus inexorables que lui.

C’eſt avec auſſi peu de fondement que les impies reprochent aux Miniſtres du Seigneur ces querelles auſſi intéreſſantes que ſacrées, qui ſont les cauſes les plus fréquentes des troubles, des diviſions, des perſécutions, des guerres de religion, des révolutions que l’on voit arriver ici bas. Ces aveugles ne voyent-ils pas qu’il eſt de l’eſſence d’une Egliſe militante de combattre toujours ? S’ils avoient de la foi ils verroient, ſans doute, que la Providence pleine de bonté pour ſes créatures, veut les ſauver ; que les ſouffrances & les malheurs ſont les vrayes routes du ſalut ; que le bonheur & la tranquillité engourdiroient les nations dans une indifférence dangereuſe pour l’Egliſe & ſes Miniſtres ; qu’il eſt de l’intérêt des Chrétiens de vivre dans la miſere, l’indigence & les larmes ; qu’il eſt de l’intérêt de la Religion que ſes Prêtres ſe diſputent, que leurs ſectateurs ſe battent, que les peuples ſoient malheureux en ce monde pour être heureux dans l’autre. Toutes ces vues importantes ſe découvrent à ceux qui ont le bonheur d’avoir une foi bien vive ; rien n’eſt plus propre à remplir ces mêmes vues que les diſputes opiniâtres des Théologiens, qui, pour accomplir les projets favorables de la Providence, nous donnent lieu d’eſpérer qu’ils ſe querelleront & qu’ils mettront leurs ſectateurs aux priſes juſqu’à la conſommation des ſiecles.

Loin de reprocher, comme on fait, l’avarice & la cupidité aux Miniſtres de l’Egliſe, ne devroit-on pas montrer la reconnaiſſance la plus ſincere à des hommes qui ſe dévouent pour nous, qui ſe chargent de nos poſſeſſions, ſouvent acquiſes par des voyes iniques, qui nous débaraſſent des richeſſes qui mettroient des obſtacles infinis à notre ſalut ? C’eſt pour que les nations ſe ſauvent que le Clergé les dépouille ; il ne les plonge dans la pauvreté que pour les détacher de la Terre & de ſes biens périſſables, afin de s’attacher uniquement aux biens durables qui les attendent en Paradis, s’ils ſont bien dociles à leurs Prêtres & bien généreux à leur égard.

Quant à l’inimitié pour la ſcience dont on fait un crime au Clergé, elle eſt formellement preſcrite par l’Ecriture Sainte ; la ſcience enfleroit les laïques, c’eſt-à-dire, les rendroit inſolens & peu dociles à leurs guides ſpirituels ; les Chrétiens doivent demeurer dans une enfance perpétuelle ; ils doivent reſter toute leur vie ſous la tutelle de leurs Prêtres, qui ne voudront jamais que leur bien. La ſcience du ſalut eſt la ſeule qui ſoit vraiment néceſſaire ; pour l’apprendre il ſuffit de ſe laiſſer mener. Que deviendroit l’Egliſe ſi les hommes s’aviſoient de raiſonner ?

Que dirons-nous des avantages ineſtimables qui réſultent pour les hommes de la Théologie ! De ſaints Prêtres ſont perpétuellement occupés à méditer pour les autres les éternelles vérités. A force de rêver & de ſe creuſer le cerveau, ils parviennent à découvrir les idées ſans leſquelles les nations vivroient dans les ténebres de l’erreur. A force de ſyllogiſmes ils viennent à bout d’éteindre pour toujours l’affreux bon ſens, de dérouter la logique mondaine, de fermer la bouche à la raiſon, qui jamais ne doit ſe mêler des affaires de l’Egliſe. A l’aide de cette Théologie les femmes mêmes ſont à portée d’entrer dans les querelles de Religion, & le peuple eſt au fait des vérités néceſſaires au ſalut.

A l’égard de la morale qu’on accuſe les Prêtres de pervertir, de changer en pratiques & en cérémonies, de mépriſer eux-mêmes ou de ne point enſeigner aux hommes ; ceux-ci n’ont aucunement beſoin d’une morale humaine, qui ſeroit trop ſouvent incompatible avec la morale divine & ſurnaturelle. Les vertus Chrétiennes que nos Prêtres nous enſeignent ſont-elles donc faites pour être comparées avec ces vertus chétives & mépriſables qui n’ont pour objet que le bonheur de la Société ? Cette Société eſt-elle donc deſtinée à être heureuſe ici bas ? Ne lui vaut-il pas mieux d’avoir la foi qui la ſoumet aux Prêtres, l’eſpérance qui la ſoutient dans les maux qu’on lui fait, la charité ſi utile au Clergé ? N’eſt-ce donc pas aſſez pour ſe ſauver d’être humble, c’eſt-à-dire, bien ſoumis ; d’être dévôt, c’eſt-à-dire, bien dévoué à tous les ſaints caprices de l’Egliſe, de ſe conformer aux pratiques qu’elle ordonne ; enfin d’être, ſans y rien comprendre, bien zêlé pour ſes déciſions ? Les vertus ſociales ne ſont bonnes que pour des payens, elles deviendroient inutiles ou même nuiſibles à des Chrétiens ; pour ſe ſauver ils n’ont beſoin que de la morale de leurs Prêtres ou de leurs caſuiſtes, qui bien mieux que des Philoſophes ſavent ce qu’il faut faire pour cela. Les vertus Chrétiennes, la morale Evangélique, les pratiques de dévotion, les cérémonies ſont d’un grand produit pour l’Egliſe ; les vertus humaines ou profanes ne lui donnent aucun profit & ſont ſouvent très-contraires à ſes vues.

Cela poſé, quel eſt l’homme aſſez ingrat ou aſſez aveugle pour refuſer de reconnoître les fruits que la Société retire de ces prédications continuelles, de ces inſtructions réitérées que nous font des Docteurs zêlés, dont la fonction pénible eſt de nous répéter ſans ceſſe les mêmes vérités Evangéliques, que le peu de foi des hommes les empêche de comprendre ? Depuis près de dix huit ſiecles les nations ſont prêchées & nous avons lieu de croire qu’elles le ſeront encore longtems. Si l’on nous dit que malgré les efforts incroyables de nos Prêtres & de nos ſaints Moines on ne voit gueres d’amendement, nous dirons que c’eſt un effet ſenſible de la Providence qui veille toujours ſur ſes Prêtres, & qui ſent bien que ſi les hommes ſe corrigeaient, s’ils avoient des loix plus ſenſées, une éducation plus honnête, une morale plus intelligible, une politique plus ſage, les Prêtres ne nous ſeroient plus bons à rien. Il eſt, ſans doute, entré dans les vues de la Providence, que les hommes fuſſent toujours méchans pour que leurs guides ſpirituels euſſent toujours le plaiſir de les prêcher & d’être éternellement payés de leurs inſtructions éternelles.

La politique mondaine & la morale profane ſont, graces à notre ſainte Religion, entièrement négligées : la première conſiſte à s’entendre avec les Prêtres, la ſeconde à ſe conformer exactement aux pratiques qu’ils ordonnent ; c’en eſt, ſans doute, aſſez pour que la Religion fleuriſſe & que l’Egliſe proſpere. Aujourd’hui toute la politique conſiſte à ſe lier d’intérêts avec le Clergé, & toute la morale conſiſte à l’écouter.

Si les hommes s’aviſoient un jour de ſonger ſérieuſement à la politique ou à la morale humaine, ils pourroient bien ſe paſſer de la Religion & de ſes Miniſtres. Mais ſans Religion & ſans Prêtres que deviendroient les nations ? Elles ſeroient aſſurément damnées ; il n’y auroit plus chez elles ni ſacrifices, ni couvents, ni expiations, ni pénitences, ni confeſſions, ni Sacremens, ni aucunes de ces pratiques importantes ou de ces cérémonies intéreſſantes, dont depuis tant de ſiecles nous éprouvons les bons effets, ou qui font que les Sociétés humaines ſont ſi ſoumiſes au ſacerdoce. Si les hommes alloient ſe perſuader qu’il faut être doux, humains, indulgens, équitables, on ne verroit plus de diſcordes, d’intolérance, de haines Religieuſes, de perſécutions, de criailleries, ſi néceſſaires au ſoutien du pouvoir de l’Egliſe. Si les Princes ſentoient qu’il eſt utile que leurs ſujets vivent dans l’union, que le bon ſens & la juſtice exigent que l’on ſouffre que chacun penſe comme il voudra pourvû qu’il agiſſe en honnête homme & en bon citoyen ; ſi ces Princes au lieu du Catéchiſme alloient faire enſeigner une morale intelligible, que ſeroit-il beſoin de diſputes Théologiques, de Conciles, de Canons, de formulaires, de profeſſion de foi, de Bulles, &c. qui ſont pourtant ſi néceſſaires au bien de la Religion, & ſi propres à exciter de ſaints tumultes dans les Etats ? Enfin ſi des êtres raiſonnables s’aviſoient jamais de conſulter leur raiſon, que le Sacerdoce a ſi ſagement proſcrite, que deviendroit la foi, ſans laquelle nous ſavons que l’on ne peut être ſauvé ?

Tout cela nous prouve évidemment que l’Egliſe n’a nul beſoin de cette morale humaine & raiſonnable que l’on a la témérité d’oppoſer à la morale divine Evangélique, & qui pourroit cauſer à la fois la ruine de la Religion & du Sacerdoce, dont on ne peut point ſe paſſer. Si les Souverains conſultaient la raiſon, l’équité, les intérêts futiles d’une politique terreſtre, ils veilleroient à l’inſtruction des peuples, ils feroient des loix ſages, ils rendroient leurs ſujets raiſonnables, ils ſeroient adorés chez eux : ſur le pied où ſont les choſes, les Princes, ennemis de l’idolâtrie, n’ont pas tant de peines à prendre ; il leur ſuffit d’être dévôts ou bien ſoumis aux Prêtres, qui ſeuls doivent être adorés, pour que tout aille le mieux du monde ; l’autorité temporelle n’eſt en danger que quand l’Egliſe eſt mécontente, & dès lors, comme on ſait, cette autorité ne peut plus être légitime.

Quant aux mœurs religieuſes des ſujets, les ſeules qui ſoient néceſſaires à l’Egliſe, les Prêtres y pourvoiront toujours ; ils les confeſſeront, ils les abſolveront, ils leur diront des meſſes, ils leur adminiſtreront des Sacremens, & quand ils ſeront à la mort ils leur remettront facilement tous les crimes de leur vie, pourvu qu’ils ſoient bien généreux à l’endroit du Clergé. Que peut-on deſirer de plus que d’aller en Paradis ? Les Prêtres en ont les clefs, ainſi la morale des Prêtres ſuffit, toute autre morale eſt inutile ou dangereuſe ; elle anéantiroit les abſolutions, les indulgences, les expiations, les ſcrupules, les donations à l’Egliſe, en un mot toutes les choſes qui contribuent à la puiſſance du Sacerdoce, & à la gloire du Dieu.

On nous dira peut-être, que les Prêtres montrent ſouvent beaucoup de mépris pour les vertus mêmes qu’ils prêchent aux autres ; que l’on voit quelquefois des Pontifes, des Eccléſiaſtiques, des Moines vivre dans le libertinage, & ſe livrer ouvertement à des vices que la morale Chrétienne condamne ; en un mot tenir une conduite oppoſée à leurs leçons. Je réponds 1°. que ce n’eſt point aux laïques à juger leurs Prêtres, qui ne ſont comptables de leurs actions qu’à eux-mêmes. Je réponds 2°. que la charité veut que lorſqu’un Prêtre commet le mal nous ne nous en apercevions jamais. Je réponds 3°. qu’un Prêtre en commettant quelque action qui nous paroît criminelle peut ſouvent faire du bien, & nous le ſentirions ſi nous avions plus de foi. Si, par exemple, un Moine laiſſe ſes ſandales à la porte d’une femme, (comme il arrive en Eſpagne) ſon mari doit ſuppoſer qu’il travaille au ſalut de ſa femme ; s’il les ſurprend en flagrant délit, il doit remercier Dieu qui veut ainſi l’éprouver ou l’affliger par l’entremiſe de l’un de ſes Serviteurs, qui ſe trouve par là lui rendre un très-grand ſervice à lui-même. D’ailleurs, ſi, par impoſſible, des Prêtres manquoient de mœurs, il faut toujours ſe ſouvenir de faire ce qu’ils diſent & non pas de qu’ils font. Il faut avoir de l’indulgence pour des hommes qui ſont de chair & d’os comme les autres ; Dieu leur permet de tomber quelquefois pour apprendre aux laïques à ſe défier de leurs propres forces, puiſque les Prêtres eux-mêmes ſont ſujets à tomber[1].

En un mot le bandeau de la foi doit toujours nous empêcher d’apercevoir les déréglemens du Clergé ; le manteau de la charité eſt fait pour les couvrir. Tout Chrétien qui ſera pourvu de ces deux pièces importantes ne trouvera rien de choquant, ou qu’on ne puiſſe juſtifier, dans la conduite des Miniſtres de l’Egliſe. Celui qui n’a pas bonne opinion des Prêtres du Seigneur devient bientôt un impie ; mépriſer le Clergé, c’eſt mépriſer l’Egliſe ; mépriſer l’Egliſe, c’eſt mépriſer la Religion ; mépriſer la Religion, c’eſt mépriſer le Dieu qui en eſt l’Auteur. D’où je conclus que mépriſer les Prêtres c’eſt être un incrédule, un Athée, ou, ce qui eſt encore pis, c’eſt être un Philoſophe.

Il eſt évident qu’un homme qui penſe ainſi ſur le compte du Clergé ne peut avoir ni foi, ni loi, ne peut être vertueux, ne peut être bon citoyen, bon Pere, bon Mari, bon ami, bon Soldat, bon Magiſtrat, bon Médecin &c. en un mot il n’eſt bon qu’à brûler, afin d’empêcher les autres d’imiter ſa façon de penſer.

Ces réflexions ſommaires doivent ſuffire pour nous faire ſentir les obligations immenſes que nous avons au Clergé ; je les récapitule en peu de mots. C’eſt à l’ambition ſi légitime des Prêtres que nous devons les combats continuels du Sacerdoce & de l’Empire, qui, pour le bien de nos ames, ont depuis tant de ſiecles déſolé les Etats, dérouté la politique humaine, & rendu les gouvernemens foibles & chancelans. C’eſt à la ligue du Sacerdoce & de l’Empire que les peuples en pluſieurs pays ſont redevables du deſpotiſme, des perſécutions, des ſaintes tyrannies qui ont dévaſté pour la plus grande gloire de Dieu les plus floriſſantes contrées. C’eſt aux ſaintes querelles des Prêtres entre eux que nous devons les héréſies & les perſécutions des hérétiques ; c’eſt aux héréſies que nous devons la très-ſainte Inquiſition, ſes bûchers & ſes tortures, ainſi que les exils, les empriſonnemens, les formulaires, les Bulles &c. qui, comme on ſait, remédient parfaitement aux erreurs & les empêchent de s’étendre. C’eſt au zêle du Sacerdoce que nous devons les révolutions, les ſéditions, les guerres de Religion, les régicides & les autres ſpectacles édifians que la Religion depuis dix-huit ſiecles procure à ſes enfans chéris. C’eſt à la ſainte avidité du Sacerdoce que les peuples ſont redevables de l’indigence heureuſe, de ce découragement ſalutaire, qui étouffent l’induſtrie par-tout où les Prêtres ſont puiſſans. C’eſt à leur louable inimitié pour la ſcience que nous devons le peu de progrès des eſprits dans les connoiſſances mondaines & leurs progrès immenſes dans la Théologie. C’eſt à leur morale toute divine que nous devons l’heureuſe ignorance où nous ſommes de la morale humaine, qu’il ſeroit bon d’oublier : c’eſt à leurs Caſuiſtes que nous devons cette morale merveilleuſe & calculée qui nous rend à peu de fraix les amis de Dieu : enfin c’eſt à leurs vices mêmes, à leurs ſaintes tracaſſeries que nous devons les épreuves qui nous conduiront au ſalut.

Joignez à tout cela les prières ferventes, les inſtructions charitables, l’éducation merveilleuſe dont depuis tant de ſiecles les nations recueillent viſiblement les fruits, & vous reconnoîtrez, mes freres, que vous ne ſauriez trop faire pour des hommes qui ſe dévouent pour notre bien en ce monde & à qui, ſuivant toute apparence, nous devrons un jour le bonheur éternel en échange de celui dont ils nous privent ici bas.

Ainſi que tout bon Chrétien ſe pénètre d’un reſpect profond pour les Prêtres du Seigneur ; qu’il ſente les obligations immenſes qu’il leur a ; que les Princes les placent ſur le trône à leurs côtés, ou plutôt qu’ils leur cedent une place qui ne peut être plus dignement occupée ; qu’ils commandent également aux Souverains & aux ſujets ; que revêtus d’un pouvoir illimité, toutes leurs volontés ſoient reçues ſans murmure par les nations dociles ; ils ne peuvent jamais abuſer de leur puiſſance ; elle tendra toujours néceſſairement au bien-être de l’Egliſe, qui ne ſera jamais qu’une ſeule & même choſe avec le Clergé.

En effet ne nous y trompons pas, mes chers freres, l’Egliſe, la Religion, la Divinité même ſont des mots qui ne déſignent que le Sacerdoce, enviſagé ſous différens points de vue. L’Egliſe eſt un nom collectif pour déſigner le corps de nos guides ſpirituels ; la Religion eſt le Syſtème d’opinions & de conduite imaginé par ces guides pour vous mener plus ſûrement. A force de Théologie la Divinité s’eſt elle-même identifiée avec vos Prêtres, elle ne réſide plus que dans leur cerveau, elle ne parle que par leur bouche, elle les inſpire ſans ceſſe, elle ne les dément jamais.

D’où vous voyez que vos Prêtres ſont ce que vous connoiſſez de plus ſacré dans l’univers. Ces Prêtres forment l’Egliſe ; l’Egliſe décide du culte & de la Religion ; la Religion eſt l’ouvrage de l’Egliſe dans laquelle Dieu ou l’eſprit de Dieu ne peut ſe diſpenſer de réſider. D’après ces vérités ſi frappantes, auxquelles l’incrédulité la plus audacieuſe ne peut point ſe refuſer, vous voyez que les droits du Clergé ſont vraiment des droits divins puiſqu’ils ne ſont que les droits de la Divinité même. Les intérêts du Clergé ſont les intérêts de Dieu lui-même. Les droits, les intérêts, la cauſe du Clergé ne peuvent ſe ſéparer de ceux de la Divinité, qui réſide en eux, de même que l’ame réſide dans le corps, & s’affecte de tout ce qui fait impreſſion ſur ce corps. En un mot Dieu, la Religion, l’Egliſe ſont la même choſe que les Prêtres. C’eſt de cette Trinité que réſulte l’être unique que l’on nomme le Clergé.

En fixant ou ſimplifiant ainſi vos idées, mes très-chers Freres, tout le Syſtême de la Religion ſe découvrira ſans nuages à vos yeux. Vous comprendrez que le Culte divin eſt l’hommage que le Clergé juge néceſſaire d’impoſer aux nations ; vous ſentirez que nos dogmes ſont les opinions de ce même Clergé ; vous verrez que la Théologie eſt l’enchaînement de ces mêmes opinions ; vous concevrez que les diſputes du Clergé ſur les dogmes viennent du peu d’harmonie qui ſubſiſte quelquefois entre Dieu, qui eſt l’ame de l’Egliſe, & les Prêtres qui en ſont le corps. Vous reconnoîtrez que Dieu, la Religion & l’Egliſe doivent changer d’avis quelquefois puiſque le Clergé eſt forcé d’en changer. Vous comprendrez qu’obéir à Dieu, à la Religion, à l’Egliſe, c’eſt obéir au Clergé, & par conſéquent que regimber contre le Clergé c’eſt ſe révolter contre le ciel ; en médire c’eſt blaſphémer : le mépriſer c’eſt être impie ; l’attaquer c’eſt s’en prendre à Dieu lui-même ; toucher à ce qui lui appartient c’eſt commettre un ſacrilège ; enfin vous ſentirez que ne point croire au Clergé c’eſt être Athée, c’eſt ne point croire en Dieu lui-même.

Monarques ! Grands de la terre ! Nations ! Tombez donc en tremblant dans la pouſſière aux pieds de vos Prêtres divins ; baiſez les traces de leurs pas ; pénétrez-vous d’une ſainte frayeur. Profanes ! qui que vous ſoyez, rampez comme des inſectes devant les Miniſtres du Très-Haut ; ne levez jamais un front audacieux devant les maîtres de votre ſort ; ne portez jamais un œil curieux dans le ſanctuaire redoutable, ni ſur les importans myſteres de vos guides ſacrés ; tout ce qu’ils diſent eſt vérité ; tout ce qu’ils ordonnent eſt utile & ſage ; tout ce qu’ils exigent eſt juſte, tout ce qu’ils enſeignent ſont des arrêts du ciel, ce ſeroit un crime affreux de les examiner. Souverains ! montrez l’exemple de l’obéiſſance, de la crainte, du reſpect le plus ſervile : Sujets ! quand vos prêtres l’exigent, forcez vos Souverains à plier ſous le joug. Princes de la Terre, votre pouvoir dépend de votre ſoumiſſion aux Miniſtres du Ciel ; tirez donc l’épée pour eux, exterminez pour eux, appauvriſſez vos peuples pour les faire vivre dans la ſplendeur & l’abondance. Nations ! dépouillez-vous vous-mêmes pour accumuler vos richeſſes périſſables ſur des hommes tout divins, à qui ſeuls la Terre appartient ; ſinon, redoutez la vengeance des Miniſtres courroucés du Dieu de la vengeance ; ſongez qu’il eſt en colere contre la race humaine ; ſongez que ſes bienfaits ne ſont dûs qu’aux prieres de ſes favoris, devant leſquels jamais vous ne pouvez trop vous abaiſſer. Enfin ſouvenez-vous toujours que ce n’eſt que par leurs recommandations & leur crédit que vous pourrez entrer dans le ſéjour de la gloire, & mériter l’éternelle félicité, qui ſeule eſt digne d’occuper vos penſées ; vous ne l’obtiendrez qu’en vous rendant malheureux ici-bas, qu’en y rendant vos Prêtres heureux, qu’en vous ſoumettant ſans examen à toutes leurs volontés : voilà le chemin du bonheur, que je vous ſouhaite, au nom du Pere, du Fils & du Saint Eſprit.

Ainſi ſoit-il.

A

Aaron. Grand Prêtre des Hébreux, digne frere de Moyſe, & le parfait modele de nos Prêtres modernes. Il fit adorer, & adora lui-même, le veau d’or, en quoi il eſt aſſez bien imité par ſes Succeſſeurs dans le Sacerdoce ; le peuple d’Iſraël fut puni de la ſotiſe de ſon Prêtre, qui ne fut point châtié lui-même, à cauſe des immunités du Clergé. Aaron pour avoir manqué de foi fut exclus de la terre promiſe, & c’eſt pour l’imiter que nos Prêtres ne croyent point toujours aux belles choſes qu’ils nous diſent. Malgré ces bagatelles Dieu, qui connoît tout ce que vaut un grand Prêtre, s’intéreſſoit ſi fort à lui, qu’il a compté juſqu’aux grelots qu’il devoit porter à ſa jaquette ; cela doit nous faire ſentir que rien de ce qui touche les Prêtres n’eſt indifférent à Dieu.

Abbayes. Aziles ſacrés contre la corruption du ſiecle, qui dans des tems de foi vive, furent fondés & dotés par de ſaints brigands, & deſtinés à recevoir un certain nombre de citoyens ou de citoyennes très-utiles, qui ſe conſacrent à chanter, à manger, à dormir, le tout pour que leurs concitoyens travaillent avec ſuccès.

Abbé. C’eſt un Pere ſpirituel qui jouit des revenus temporels attachés à une Abbaye, à condition de dire ſon bréviaire, de tourmenter ſes moines & de plaider contre eux. Tous les Abbés de ce monde ne jouiſſent point d’une Abbaye, quoiqu’ils en ayent bonne envie ; pluſieurs ne jouiſſent que du droit d’aller vêtus de noir, de porter un rabat, & de colporter des Nouvelles.

Abnégation. Vertu Chrétienne qui eſt l’effet d’une grace ſurnaturelle ; elle conſiſte à ſe haïr ſoi-même, à déteſter le plaiſir, à craindre comme la peſte tout ce qui nous eſt agréable ; ce qui devient très-facile pour peu qu’on ait une doſe de grace efficace ou ſuffiſante pour entrer en démence.

Abraham. C’eſt le père des croyans. Il mentit, il fut cocu, il ſe rogna le prépuce & montra tant de foi que, ſi un ange n’y eût mis la main, il coupoit la jugulaire à ſon fils, que le bon Dieu, pour badiner, lui avoit dit d’immoler : en conſéquence Dieu fit une alliance éternelle avec lui & ſa poſtérité, mais le fils de Dieu a depuis anéanti ce traité, pour de bonnes raiſons que ſon Papa n’avoit point preſſenties.

Abſolution. C’eſt la rémiſſion des péchés que l’on a commis contre Dieu : les Prêtres de l’Egliſe Romaine l’accordent aux pécheurs, en vertu d’un blanc-ſeing de la Divinité : invention très-commode pour mettre bien à l’aiſe des fripons timorés, qui pourroient bien conſerver des remors ſi l’Egliſe n’avoit point l’attention de les raſſurer.

Abſtinences. Pratiques très-ſaintes ordonnées par l’Egliſe ; elles conſiſtent à ſe priver des bienfaits de la Providence, qui n’a créé les bonnes choſes que pour que ſes cheres créatures n’en fiſſent aucun uſage ; l’on voit qu’en ordonnant des abſtinences la Religion remédie ſagement à la trop grande bonté de Dieu.

Abſurdités. Il ne peut y en avoir dans la Religion ; elle eſt l’ouvrage du Verbe ou de la raiſon divine, qui, comme on ſait, n’a rien de commun avec la raiſon humaine. C’eſt faute de foi que les incrédules croyent trouver des abſurdités dans le Chriſtianiſme ; or, manquer de foi, eſt, ſans doute, le comble de

l’abſurdité. Pour faire diſparoître du Chriſtianiſme toutes les abſurdités il ne faut qu’y être habitué dès l’enfance & ne les jamais examiner. Plus une choſe eſt abſurde aux yeux de la raiſon humaine plus elle eſt convenable à la raiſon divine ou à la Religion.

Abus. Il s’en gliſſe par fois dans l’Egliſe, malgré les ſoins vigilans de la Divinité ; on en eſt quitte pour réformer ces abus lorſqu’ils font trop crier. D’ailleurs ce ne ſont que des gens ſans foi qui s’apperçoivent de ces abus, ceux qui en ont aſſez n’en remarquent jamais.

Adam. C’eſt le premier homme. Dieu en fit un grand nigaud, qui pour complaire à ſa femme, eut la bêtiſe de mordre dans une pomme, que ſes deſcendans n’ont point encore pû digérer.

Agneau de Dieu. C’eſt Jéſus-Chriſt. L’Ecriture nous dit de craindre la colere de l’agneau qui, ſuivant l’Apocalypſe, eſt plus méchant qu’un Loup, & plus colere qu’un Dindon. V. Enfer.

Agnus-Dei. Petits gâteaux de cire, bénis par le Pape lui-même, & qui par conſéquent ont reçu de la premiere main la vertu miraculeuſe d’écarter les preſtiges, les enchantemens, les orages. Voilà pourquoi le tonnerre ne tombe jamais dans les pays qui ſont pourvus de cette ſainte marchandiſe.

Aliénation. Les biens Eccléſiaſtiques ne peuvent point s’aliéner ; les Prêtres n’en ſont que les gardiens ; c’eſt Dieu qui en eſt le propriétaire ; mais il eſt toujours mineur & ſous la tutelle de l’Egliſe. Il n’eſt permis aux Prêtres que d’aliéner leur eſprit, ou bien celui des dévotes qui écoutent leurs ſaintes leçons.

Alimens. Rien n’eſt plus important au ſalut que de mettre du choix dans ſes alimens : l’Egliſe Romaine, en bonne mere, s’intéreſſe à la ſanté de ſes enfans, elle leur preſcrit un régime & les met fréquemment à la diète. Voyez jeûne & maigre.

Alliances. Dieu, qui eſt immuable, a fait deux Alliances avec les hommes ; la premiere qu’il avoit juré devoir être éternelle, ne ſubſiſte plus depuis longtems ; la ſeconde durera ſuivant les apparences tant qu’il plaira à Dieu ou à ſes Prêtres, ou à la Cour.

Ame. Subſtance inconnue, qui agit d’une façon inconnue ſur notre corps que nous ne conoiſſons gueres ; nous devons en conclure que l’ame eſt ſpirituelle. Or perſonne n’ignore ce que c’eſt que d’être ſpirituel. L’Ame eſt la partie la plus noble de l’homme, attendu que c’eſt celle que nous connoiſſons le moins. Les animaux n’ont point d’ames, ou n’en ont que de matérielles ; les Prêtres & les Moines ont des ames ſpirituelles, mais quelques-uns d’entre eux ont la malice de ne point les montrer, ce qu’ils font, ſans doute, par pure humilité.

Amour. Paſſion maudite que la nature inſpire à un ſexe pour l’autre, depuis qu’elle s’eſt corrompue. Le Dieu des Chrétiens n’eſt point galant, il n’entend point raillerie ſur le fait de l’amour ; ſans le péché originel les hommes ſe ſeraient multipliés ſans amour, & les femmes ſeroient accouchées par l’oreille.

Amour divin. C’eſt l’attachement ſincère que tout bon Chrétien, ſous peine d’être damné, doit avoir pour un être inconnu, que les Théologiens ont rendu le plus méchant qu’ils ont pu, pour exercer ſa foi. L’amour de Dieu eſt une dette, nous lui devons ſur-tout beaucoup pour nous avoir donné de la Théologie.

Amour propre. Diſpoſition fatale par laquelle l’homme corrompu a la folie de s’aimer lui-même, de vouloir ſe conſerver, de deſirer ſon bien-être. Sans la chûte d’Adam nous aurions eu l’avantage de nous déteſter nous-mêmes, de haïr le plaiſir, de ne point ſonger à notre conſervation propre.

Anachoretes. Hommes très-ſaints, juſtement eſtimés dans l’Egliſe, qui pour être plus parfaits, ſe ſont éloignés du commerce des humains, dans la crainte d’avoir le malheur de leur être bons à quelque choſe.

Anathêmes. Imprécations charitables que les Miniſtres du Dieu de paix lancent contre ceux qui leur déplaiſent, en les dévouant, pour le bien de leurs ames, à des ſupplices éternels, quand ils ne peuvent point faire ſubir à leurs corps des ſupplices temporels.

Anes. Animaux à longues oreilles qui ſont patiens & malins. Ils ſont les vrais modeles des Chrétiens, qui doivent ſe laiſſer bâter & porter la croix comme eux. Jéſus monta un âne, qui ne lui appartenoit point, lorſqu’il fit ſon entrée glorieuſe dans Jéruſalem, action par laquelle il voulût annoncer que ſes Prêtres auroient le droit de monter & de bâter les Chrétiens & les Chrétiennes juſqu’à la conſommation des ſiecles. Cet article eſt de M. Fréron.

Anges. Courriers du Cabinet céleſte, que Dieu dépêche à ſes favoris. Sans les Anges Dieu ſeroit réduit à faire ſes commiſſions lui-même. Chaque Chrétien a l’avantage d’avoir un Ange Gardien, qui l’empêcheroit de faire bien des ſotiſes, ſi cela ne nuiſoit point au libre arbitre ; les Archanges ſont aux Anges ce que nos Archevêques ſont aux Evêques ; la Divinité s’en ſert dans les Ambaſſades importantes.

Annates. Les Souverains Catholiques permettent très-ſagement à un Prêtre étranger de rançonner les Prêtres de leurs Etats ; ſans cela ceux-ci ne pourroient légitimement exercer le droit divin de rançonner leurs concitoyens.

Annonciation. Viſite de cérémonie d’un pur Eſprit lorſqu’il trouſſa ſon compliment à une Vierge de Judée : il en réſulta un marmot auſſi grand que ſon Papa, qui n’a pas laiſſé de faire un certain bruit dans le monde, ſans celui que nous avons lieu d’eſpérer qu’il y pourra faire encore, ſi les hommes ſont toujours auſſi ſages qu’ils l’ont été.

Antilogies. Terme Théologique pour déſigner les contradictions qui ſe trouvent, par fois, dans la parole de Dieu. Ces contradictions ne ſont jamais qu’apparentes, elles ne ſautent jamais qu’aux yeux des aveugles ; ceux qui ſont éclairés par la foi voyent ſur le champ que Dieu ne ſauroit ſe contredire lui-même, à moins que ſes Miniſtres ne lui faſſent changer d’avis.

Antipodes. C’eſt une héréſie que d’y croire. Dieu, qui a fait le monde, a dû ſavoir ce qui en étoit ; or il n’y a point cru lui-même, comme on le voit par ſes Livres.

Antiquité. Elle n’a jamais pu ſe tromper ; l’ancienneté eſt toujours une preuve indubitable de la bonté d’une opinion, d’un uſage, d’une cérémonie, &c. Il eſt très-important de ne rien innover, les vieux ſouliers ſont plus commodes que les neufs, les pieds n’y ſont point gênés. Le Clergé ne doit jamais démordre de ce qu’il a toujours pratiqué. L’Egliſe la plus vieille eſt la moins ſujette à radoter.

Anthropologie. Maniere de s’exprimer des écrivains ſacrés ; elle conſiſte à ſuppoſer des yeux, des mains, des paſſions, des noirceurs, des malices, au pur Eſprit qui gouverne l’univers dans ſa bonté. Dieu a fait les hommes à ſon image, & les Prêtres ont fait Dieu à l’image des Prêtres, voilà pourquoi nous le trouvons ſi charmant.

Apocalypſe. Livre très-reſpectable & très-curieux de l’Ecriture-Sainte, que Newton a commenté. Il contient de ſaints contes inventés par St. Jean, qui ſont un peu moins joyeux que ceux de La Fontaine, mais bien plus propres à faire trotter la cervelle des grands enfans qui les liſent. Pendant trois ſiècles l’Egliſe Grecque, dont étoit l’Apôtre St. Jean, a regardé l’Apocalypſe comme un Livre Apocryphe, mais les Peres latins, qui étoient bien plus au fait, l’ont tenu pour ſacré, ce qui paroît déciſif pour ſa canonicité.

Apôtres. Ce ſont douze gredins fort ignorans, & gueux comme des rats d’Egliſe, qui compoſoient la cour du fils de Dieu ſur la terre, & qu’il chargea du ſoin d’inſtruire tout l’univers. Leurs Succeſſeurs ont fait depuis une fortune aſſez brillante, à l’aide de la Théologie, que leurs devanciers, les Apôtres, n’avoient point étudiée. D’ailleurs le Clergé, comme la Nobleſſe, eſt fait pour acquérir plus de luſtre à meſure qu’il s’éloigne de ſa premiere origine, ou qu’il reſſemble moins à ſes devanciers.

Apparitions. Viſions merveilleuſes qu’ont l’avantage d’avoir ceux ou celles à qui Dieu fait la grace ſpéciale d’avoir le cerveau timbré, des vapeurs hyſtériques, de mauvaiſes digeſtions, & de mentir effrontément.

Appel comme d’abus. Uſage impie & injurieux à l’Egliſe ; il eſt méchamment établi dans quelques pays, où l’on a la témérité d’en appeller à des juges profanes des déciſions des juges ſacrés, qui ſont, comme on ſait, incapables d’abuſer de leur miniſtere ou de mal décider.

Appelans. Ce ſont en France des Janſéniſtes qui ont ſagement appelé de la Bulle Unigenitus au futur Concile général, qui décidera définitivement les diſputes ſur la grace : ſuivant les dernieres nouvelles on eſt ſûr que ce Concile ſe tiendra ſans faute la veille du Jugement dernier.

Arche Sainte. C’eſt la caiſſe du Clergé. Dieu n’entend point raillerie ſur la caſſette de ſa femme ; elle contient, comme on ſait, les biens & les joyaux de la communauté. Les Princes, qui ſont ſouvent aſſez près de leurs pieces, ſans la foi qui les retient, ſeroient quelquefois bien tentés d’y toucher ; néanmoins, en s’y prenant comme il faut, ils pourroient ſans danger tenter l’aventure ; Dieu, qui par fois ſommeille, leur laiſſeroit emporter le coffre-fort ſans mot dire.

Archevêque. Titre inconnu dans les premiers ſiècles de l’Egliſe, mais inventé depuis par l’humilité des Paſteurs, qui, après s’être élevés ſur le dos des profanes, ont cherché à s’élever peu à peu ſur le dos les uns des autres, pour mieux voir ce qui ſe paſſe dans le bercail de Jéſus-Chriſt.

Argent. Il eſt une ſource de crimes dans la Société ; les Prêtres doivent faire tous leurs efforts pour en ſoulager les fideles, afin qu’ils marchent plus leſtement dans la voye du ſalut. Jéſus-Chriſt ne vouloit pas que ſes Apôtres prîſſent de l’argent, mais l’Egliſe a depuis bien changé tout cela ; aujourd’hui ſans argent point de Prêtres. Le tout pour accomplir cet ordre du Lévitique Chap. XXVII. ℣. 18. Supputabit Sacerdos pecuniam. Le prêtre comptera ſon argent.

Armes. Les Clercs ne peuvent point en porter ; mais ils peuvent les mettre en cas de beſoin entre les mains des laïques, pour ſe livrer des combats que le Clergé s’amuſe à voir du mont Pagnot, où il éleve au Ciel ſes mains ſacrées, afin d’implorer ſon ſecours en faveur de ceux qui combattent pour ſes droits divins ou ſes ſaintes fantaiſies.

Aſile (droit d’.) Dans pluſieurs Etats vraiment Chrétiens les Egliſes & les Monaſteres jouiſſent du droit de fournir une retraite ſûre aux voleurs, aux filous, aux aſſaſſins, pour les ſouſtraire à la rigueur des loix : uſage très-avantageux à la Société, & qui doit rendre les Miniſtres de l’Egliſe très-chers à tous les vauriens.

Aſſaſſinat. Cas prévôtal pour les laïques, mais privilégié pour les Clercs ; ceux-ci, dans quelques contrées, jouiſſent du droit de voler & d’aſſaſſiner, ſans pouvoir être repris par la juſtice ordinaire. D’ailleurs on ſait que l’Egliſe jouit de droit divin du droit d’aſſaſſiner les hérétiques, les tyrans & les mécréans, ou du moins de celui de les faire aſſaſſiner par les laïques, vû qu’elle abhorre le ſang.

Athées. Noms que les Théologiens donnent aſſez libéralement à quiconque ne penſe pas comme eux ſur la Divinité, ou ne la croit pas telle qu’ils l’ont arrangée dans le creux de leurs infaillibles cerveaux. En général un Athée c’eſt tout homme qui ne croit pas au Dieu des Prêtres. Voyez DIEU.

Attributs divins. Qualités inconcevables qu’à force d’y rêver les Théologiens ont décidé devoir néceſſairement appartenir à un être dont ils n’ont point d’idées. Ces qualités paroiſſent incompatibles à ceux qui manquent de foi, mais elles ſont faciles à concilier quand on n’y réfléchit point. Les attributs négatifs dont la Théologie gratifie la Divinité nous apprennent qu’elle n’eſt rien de tout ce que nous pouvons connoître, ce qui eſt très propre à fixer idées.

Attrition. Terme Théologique qui déſigne le regret qu’un Chrétien a de ſes fautes, en vue des châtimens dont elles peuvent être ſuivies. Ce regret ſuffit pour appaiſer Dieu, ſuivant les Jéſuites, mais il ne ſuffit point ſuivant les Janſéniſtes : Dieu nous apprendra, ſans doute, un jour qui des deux a rencontré.

Avarice. Péché capital dans les Laïques, qui doivent toujours ſe montrer généreux à l’endroit de l’Egliſe ; quant à l’Egliſe, elle ne doit point ſe piquer de généroſité ; ſes biens ſont à ſon mari, qui gronderoit ſi ſa femme faiſoit trop bien les choſes envers des coquins de Laïques, qu’elle ne doit point gâter.

Ave Maria. Compliment élégant & bien trouſſé, que l’Ange Gabriel fit de la part de Dieu le Pere à la Vierge Marie, qu’il alloit obombrer ou couvrir. Cette Vierge depuis ſa mort ou ſon aſſomption, eſt très-flattée toutes les fois qu’on lui rappelle cette gaillarde aventure, qui lui fait beaucoup d’honneur.

Avenir. C’eſt un pays connu des Géographes ſpirituels, où Dieu payera, ſans faute, à leur échéance toutes les Lettres de change que ſes facteurs ou courtiers auront tirées ſur lui : on n’a point appris juſqu’ici qu’il ait laiſſé proteſter les Lettres de ſes gens d’affaires ; elles ſont, comme on ſait, toujours payables à vue.

Avent. Tems de jeûnes, de mortifications & de triſteſſe, pendant lequel les bons Chrétiens ſe déſolent de l’arrivee prochaine de leur libérateur.

Augures. Nos augures modernes doivent bien rire toutes les fois qu’ils ſe rencontrent, ou, quand le verre à la main, ils raiſonnent de la ſotiſe de ceux qui ne ſont point du college des augures.

Aumône. C’eſt toute diſtribution de ſon propre bien ou de celui des autres faite en vue de perpétuer la ſainte oiſiveté des Prêtres, des Moines, des Fainéans, ou de tous ceux qui trouvent qu’il eſt bien plus commode de prier que de travailler.

Auſtérités. Moyens ingénieux que les Chrétiens parfaits ont imaginés pour ſe tourmenter eux-mêmes, afin de faire un grand plaiſir au Dieu de la bonté : il eſt toujours charmé de l’eſprit que ſes chers enfans montrent dans ces ſortes d’inventions ; les auſtérités ont de plus l’avantage de faire ouvrir de grands yeux à ceux qui ſont témoins de ces merveilleuſes folies ; elles paroiſſent très-ſages à tous ceux qui ont la ſimplicité de la foi.

Autels. Ce ſont les Tables de Dieu, qui dégoûté de tous les mets dont on le régaloit autrefois, veut aujourd’hui que ſes Sacrificateurs lui ſervent ſon propre fils, qu’ils mangent enſuite eux-mêmes ou font manger à d’autres, en ſe réſervant, comme de raiſon, la ſauce. A la vue de ce repas friand la colere du Pere éternel eſt déſarmée, il eſt l’ami de cœur de tous ceux qui lui viennent croquer ſon cher fils à ſa barbe.

L’autel dans un ſens figuré eſt toujours oppoſé au trône ; ce qui ſignifie que les Prêtres donnent ſouvent de la tablature aux Souverains. Néanmoins quand l’Egliſe eſt attaquée, il eſt bon de crier que l’on ſappe & le trône & l’autel ; cela rend l’Egliſe intéreſſante, cela fait que le Souverain ſe croit en conſcience obligé d’entrer dans ſa querelle & de s’intéreſſer pour elle, même contre ſes propres intérêts. Quand les Princes ont bien de la foi, il eſt aiſé de leur faire entendre que quand on en veut aux Prêtres, c’eſt à eux-mêmes que l’on en veut.

Auto da Fé. Acte de foi, régal appétiſſant que l’on donne de tems à autres à la Divinité. Il conſiſte à faire cuire en cérémonie des hérétiques ou des Juifs, pour le plus grand bien de leurs ames & pour l’édification des Spectateurs. On ſait que le Pere des miſéricordes eut toujours un goût décidé pour la grillade.

Autorité Eccléſiaſtique. C’eſt la faculté dont jouiſſent les Miniſtres du Seigneur de convaincre de la bonté de leurs déciſions, de l’authenticité de leurs droits, de la ſageſſe de leurs opinions, à l’aide des priſons, des Soldats, des fagots & des Lettres de Cachet.

Azyme (pain.) Il s’eſt élévé jadis une importante diſpute dans l’Egliſe, pour ſavoir ſi Dieu aimoit mieux être changé en pain levé qu’en pain azyme ou ſans levain. Cette grande queſtion, après avoir longtems partagé l’univers, eſt heureuſement décidée ; une portion des Chrétiens fait uſage du pain levé, & l’autre ſe ſert du pain azyme ou ſans levain.

B

Babel (tour de). Parabole ou allégorie ſous laquelle la Bible a ſelon toute apparence voulu déſigner prophétiquement la Théologie, & faire entendre que tout ceux qui voudroient s’élever juſqu’à Dieu & raiſonner de ſon eſſence ne s’entendroient pas plus qu’un Hottentot & un François, qu’un bas-Breton & un Suiſſe, qu’un Curé & ſon ſeigneur, qu’un Moliniſte & un Janſéniſte.

Balaam. Faux Prophête, dont l’âneſſe avoit, dit-on, la faculté de parler ; ce qui eſt regardé par les eſprits-forts comme un conte à dormir de bout ; cependant ce miracle ſe perpétue dans l’Egliſe, où rien n’eſt plus ordinaire que de voir des ânes & des âneſſes parler, & même raiſonner ſur la Théologie.

Bancs. Sieges de bois ſur leſquels les Théologiens placent leurs derrières ſacrés, & que ſouvent ils ſe jettent à la tête dans les conférences amicales & polies qu’ils ont ſur la Religion.

Bâtards. Ce ſont des vauriens dont les parens n’ont point payé l’Egliſe pour acquérir le droit de coucher enſemble. En conſéquence de la ſage juriſprudence introduite par le péché originel, les bâtards doivent être punis de la faute de leurs Peres ; on les prive des avantages dont jouiſſent les enfans de ceux qui ont payé pour coucher.

Batême. Sacrement indiſpenſablement néceſſaire au ſalut. Dieu n’admettra perſonne dans ſa gloire à moins qu’une fois en ſa vie il n’ait reçu de l’eau froide ſur l’occiput. Cette eau a la vertu de laver un enfant d’un péché énorme, expié par le fils de Dieu, & qui ne s’étoit commis que quelques milliers d’années avant que les parens de l’enfant ſongeaſſent à le fabriquer.

Béatification. Acte ſolemnel par lequel le Pontife Romain, qui a des nouvelles ſûres de l’autre monde, déclare à l’univers qu’un Moine, qu’il n’a point connu, jouit de l’éternelle félicité & peut être complimenté à ce ſujet.

Bedeaux. Ce ſont des gens d’Egliſe qui vivent de l’autel, auſſi bien que les prêtres ; on aſſûre qu’ils font leur ſoupe avec le pain bénit.

Bégueules. Voyez dévotes, couvent, religieuſes.

Bénédictions. Charmes, enchantemens, cérémonies magiques par leſquelles les Miniſtres du Seigneur, en levant deux doigts en l’air & en marmotant de ſaintes conjurations, évoquent le Tout-Puiſſant & le forcent à lâcher le robinet de ſes graces ſur les hommes & ſur les choſes ; ce qui leur fait ſur le champ changer de nature, & ce qui remplit ſur-tout le gouſſet du Clergé. Quand une choſe eſt bénite elle eſt Sacrée, elle ceſſe d’être profane, on ne peut plus y toucher ſans ſacrilége, ſans profanation, ſans mériter d’être brûlé.

Bénéfices. Revenus attachés à un office Eccléſiaſtique, & perçus au nom de Dieu par un membre du Clergé, qui dès qu’il en eſt pourvû le poſſede de droit divin, & n’en a par conſéquent obligation à perſonne. Il n’eſt permis à un Prêtre de poſſéder qu’un ſeul bénéfice, c’eſt une des règles de l’Egliſe que nous voyons le plus fidélement obſervée.

Bible. Livre très-ſaint, inſpiré par l’eſprit de Dieu, qui contient tout ce qu’un Chrétien doit ſavoir & pratiquer. Il eſt à propos que les laïques ne le liſent jamais ; la parole de Dieu ne manqueroit pas de leur nuire, il vaut bien mieux que les Prêtres liſent la Bible pour eux ; ils ont ſeuls l’eſtomac aſſez fort pour la bien digérer, les laïques doivent ſe contenter des produits de la digeſtion Sacerdotale.

Biens Eccléſiaſtiques. Ce ſont les biens appartenans à l’Egliſe par conſéquent à Dieu qui eſt ſon mari ; elle ne l’a épouſé qu’à condition de la communauté des biens, ſans cela elle n’eût point conſenti à prendre un vieux barbon, dont elle n’a pas de douaire à eſpérer.

Blaſphêmes. Paroles ou diſcours qui attachent à des objets inconnus des idées qui ne leur conviennent point, ou bien qui leur ôtent celles que les Prêtres ont décidé leur convenir. D’où l’on voit que blaſphémer c’eſt n’être pas de l’avis du Clergé, ce qui eſt évidemment le plus affreux des crimes.

Bonnes ames. Ce ſont celles qui font du bien à l’Egliſe ou qui ont ſoin de faire bouillir la timbale des Sacrificateurs ou la marmite ſacrée.

Bonnet quarré. C’eſt, dit-on, l’éteignoir du bon ſens. On affuble le péricrâne d’un Docteur d’un bonnet quarré pour lui faire ſentir que ſa fonction déſormais ſera d’éteindre dans les autres la raiſon, qu’à force d’étudier il eſt heureuſement parvenu à éteindre en lui-même.

Bonté. Perfection divine. Dieu eſt parfaitement bon, ſans aucun mélange de méchanceté ; il eſt vrai que malgré ſa bonté il nous fait, ou permet que l’on nous faſſe du mal, mais cela ne prouve rien, il eſt toujours bon pour ſes Prêtres, cela doit nous ſuffire.

Bourreau. C’eſt toujours le meilleur Chrétien d’un Etat & le citoyen le plus Orthodoxe. Il eſt l’ami du Clergé, le défenſeur de la foi, l’homme le plus utile aux Prêtres ou à la cauſe de Dieu.

Bras Séculier. Ce ſont les Souverains, les Magiſtrats, les archers & les bourreaux, auxquels l’Egliſe, pour le bien de ſes enfans, livre en mere tendre tous ceux qu’elle n’a pas la cruauté de maſſacrer elle-même.

Bréviaire. Recueil de prieres en beau Latin que les Eccléſiaſtiques poſſeſſeurs de bénéfices, afin de gagner leur argent, ſont obligés de réciter tous les jours, ſous peine d’être inutiles à la Société.

Bulles. Lambeaux de parchemin, revêtus d’un ſceau de plomb, que le Serviteur des Serviteurs de Dieu expédie, quand il s’agit ſoit de tirer de l’argent, ſoit d’exciter quelque ſainte fermentation dans les pays qui ont beſoin d’exercice. Sans la Bulle Unigenitus la France eût été depuis cinquante ans dans le plus affreux engourdiſſement.


C

Calamités. Toutes celles dont la Providence permet que le genre humain ſoit affligé n’ont pour objet que l’avantage du Sacerdoce. Jamais les peuples ne ſont plus dévots que quand ils ont bien peur ou quand ils ſont bien malheureux. Pour que le Clergé eût lieu d’être content il faudroit que les calamités, & ſur-tout les contagions & les peſtes, fuſſent un peu plus fréquentes ; les Prêtres pourroient alors recueillir des héritages ou du moins ils auraient le plaiſir d’enterrer bien du monde.

Calomnie. Moyen très-légitimement & très-ſaintement employé par les Prêtres, par les dévots, & ſur-tout par les dévotes, contre les ennemis de leurs confeſſeurs & de l’Egliſe ; le tout pour la plus grande gloire du Dieu de vérité.

Calendes Grecques. Epoque ſûre à laquelle les Prêtres renvoyent les fideles pour vérifier l’efficacité de leur bréviaire, l’authenticité de leurs droits & l’utilité de leurs leçons. Voyez avenir & Paradis.

Canoniques (livres). On nomme ainſi les livres de l’Ecriture Sainte contenus dans la Bible, avoués par l’Egliſe & que ſes Prêtres ont vû de leurs propres yeux écrire & compoſer au Saint-Eſprit lui-même.

Canoniſation. Cérémonie ſolemnelle par laquelle le très-Saint Pere, forcé par les miracles d’un ſaint homme trépaſſé depuis cent ans, ou par l’argent de ceux qui s’intéreſſent à ſa réputation, notifie que cet homme eſt en Paradis, qu’on peut en ſûreté de conſcience brûler des cierges en ſon honneur, & donner pour boire aux moines ſes confreres.

Canons. Regles & déciſions par leſquelles des Evêques aſſemblés en Concile fixent, juſqu’à nouvel ordre, les dogmes invariables de la foi, la Diſcipline de l’Egliſe, expliquent & corrigent la parole de Dieu, ſe font des titres & des droits inconteſtables, anathématiſent tous ceux qui oſeroient en douter, & ſe font obéir avec ſuccès quand les Canons des Princes viennent à l’appui des Canons de l’Egliſe.

Cantique des Cantiques. Livre ſaintement graveleux qui contient les amours de Dieu avec ſon Egliſe. Ils ſont décrits ſi décemment que les Juifs n’oſoient le lire avant trente ans ; les Chrétiens, à force de foi, y trouvent de quoi s’édifier & s’inſtruire.

Capuchon. Morceau d’étoffe de laine, deſtiné à couvrir la nuque & la ſcience renfermée dans une caboche monacale. La forme de ce ſaint chiffon a cauſé, comme on ſait, de grands débats dans l’Egliſe, & a fait brûler pluſieurs centaines de moines encapuchonnés.

Capucin. C’eſt un bouc à deux pieds, chargé de craſſe, d’ignorance & de poux, qui chante du nez dans ſon couvent, & qui ſe montre dans les rues pour édifier les bonnes femmes & faire peur aux petits enfans.

Carcasse. voyez Sorbonne.

Cardinal. C’eſt un Prêtre tout rouge qui, en vertu d’un Bref du Pape, devient égal aux Rois, & ſe ſouſtrait de leur obéiſſance, hors le cas où il s’agit d’en recevoir des graces, qu’il a la bonté d’accepter par complaiſance pure. Les Cardinaux ſont vêtus de rouge ou de couleur de feu pour qu’ils ne perdent jamais de vue le ſang qu’il faut répandre pour le bien de l’Egliſe, & les fagots qu’il faut allumer pour ſoutenir la foi.

Carême. Tems de mortifications & de jeûne par lequel les Chrétiens plus dévots que les autres préparent leur eſtomac à manger l’agneau Paſcal, dont la chair ſeroit très-indigeſte ſi l’on ne faiſoit diète & ſi l’on ne ſe purgeoit comme il faut avant de la manger.

Carmes. Moines, qui par une grace ſpéciale attachée à leur Ordre, ont des talens cachés, qu’ils mettroient plus ſouvent en évidence ſi la foi n’étoit pas diminuée ſur la terre.

Caſuiſtes. Algébriſtes ſpirituels, qui ont ſû calculer & réduire en équations les ſotiſes qu’un bon Chrétien peut faire ſans trop fâcher la Divinité.

Catéchiſme. Recueil d’inſtructions pieuſes, inintelligibles & néceſſaires que les Prêtres ont ſoin d’inculquer aux petits Chrétiens pour les accoutumer de bonne heure à déraiſonner toute leur vie.

Catholique. Signifie univerſel. L’Egliſe Catholique ou univerſelle eſt celle dont les trois quarts & demi du genre humain n’ont jamais entendu parler, & dont les Prêtres par une faveur ſpéciale ne ſont preſque jamais d’accord entre eux ; ce qui prouve clairement que les vérités qu’ils annoncent ne ſont point concertées.

Cauſe de Dieu. C’eſt la cauſe des Prêtres, qui comme on ſait, ſont ſes Avocats, ſes Intendans, ſes Procureurs, mais qui ont rarement reçu de lui des pleins pouvoirs pour accommoder ſes affaires par la voye de la douceur.

Cauſes finales. Les Théologiens ſont les confidens de la Divinité ; ils connoiſſent les motifs ſecrets de toutes ſes actions, & trouvent que c’eſt pour le plus grand bien de l’eſpece humaine qu’il y a des peſtes, des guerres, des famines, des punaiſes, des couſins & des querelles Théologiques ſur la Terre. Il eſt au moins certain que tout ce qui arrive dans le monde tourne toujours au profit du Sacerdoce ; la Divinité n’a jamais que ſon Clergé en vue dans tout ce qu’elle fait ici-bas.

Célibat. Correction ſagement faite par l’Egliſe Romaine à l’ordre de ſe multiplier que Dieu lui-même avoit donné dans la Bible. Un bon chrétien ne devroit point ſe marier ; quant aux Prêtres, ils n’ont pas beſoin de femmes, les laïques en ont aſſez pour eux ; un Prêtre marié courroit riſque de s’unir d’intérêts à ſes concitoyens, ce qui ne convient nullement aux vues ſaintes & profondes de l’Egliſe Catholique Apoſtolique & Romaine.

Cénobites. Moines qui ne vivent en commun, afin d’être à portée de ſe faire plus efficacement enrager les uns les autres, & par là de mériter le Ciel, qui ne s’obtient que par ceux qui enragent ici-bas.

Cenſures. Qualifications infamantes données par les Théologiens à des perſonnes ou à des Livres qui n’ont pas le bonheur de leur plaire ou de s’accorder avec leurs infaillibles idées. Nous ne préſumons point que notre petit dictionnaire ſoit ſuſceptible de cenſure.

Cérémonies. Ce ſont des mouvemens du corps ſagement ordonnés par les Prêtres dans la vue de plaire à Dieu ; elles ſont d’une telle importance qu’il vaudroit mieux qu’une nation pérît par le fer & par le feu que d’en omettre ou d’en changer une ſeule. Voyez Rites.

Certitude. Dans la Religion elle conſiſte dans l’évidence que les oints du Seigneur ne peuvent jamais ni ſe tromper eux-mêmes ni nous tromper. D’où l’on voit que la certitude Théologique eſt mieux fondée que la certitude Phyſique, qui n’a pour garans que nos ſens, qui ſont ſujets à nous tromper.

Cervelle. Pour être bon Chrétien il eſt très-important de n’avoir point de cervelle, ou de l’avoir bien rétrécie. On peut à l’aide d’un confeſſeur, d’un précépteur ou d’un Couvent la rendre telle à ſes Enfans. Voyez Education. Catéchiſme. Couvent. Univerſités.

Chair (la). Elle eſt toujours oppoſée à l’eſprit ; il faut la mortifier, c’eſt une recette infaillible pour tenir l’eſprit en gayeté. L’œuvre de la chair c’eſt comme qui diroit la fornication. L’aiguillon de la chair.   .   .   .   .   .   .  c’eſt .   .   .   .   .    Voyez, Carmes.

Chaîre. C’eſt la boëte à Pandore des Chrétiens ; c’eſt la Tribune aux harangues d’où les Orateurs ſacrés débitent leurs utiles leçons ; il en ſort quelquefois des héréſies, des révoltes, des ligues, des guerres très-néceſſaires pour égayer les peuples & ranimer la foi.

Chaiſe Stercoraire. Chaiſe percée, ſur laquelle le Pape nouvellement élu place ſon derriere ſacré, afin que l’on ſoit à portée de vérifier ſon ſexe, pour ne plus tomber dans l’inconvénient d’une Papeſſe.

Chanoines. Ce ſont des Prêtres communément plus changés de cuiſine que de ſcience ; ils ſe rendent très-utiles à l’Etat pour le bien duquel ils chantent ſouvent en dormant un beau Latin qu’ils n’entendroient pas même s’ils étoient éveillés.

Chant. La Divinité a un goût décidé pour le chant, pourvû qu’il ſoit bien lugubre & bien triſte. Voilà pourquoi les Chrétiens dépenſent tant d’argent pour lui faire brailler nuit & jour des pſalmodies ennuyeuſes pour les oreilles ſans foi.

Charité. C’eſt la plus importante de toutes les vertus ; elle conſiſte à aimer par deſſus toutes choſes un Dieu que nous ne connoiſſons gueres, ou ſes Prêtres que nous connoiſſons très-bien. De plus elle veut que nous aimions comme nous-mêmes notre prochain, pourvû néanmoins qu’il aime Dieu ou ſes Prêtres & qu’il en ſoit aimé ; ſans cela il eſt convenable de le tuer par charité. Mais la vraie charité & la plus eſſentielle conſiſte à graiſſer la patte aux Prêtres ; cette vertu ſeule ſuffit pour couvrir tous les péchés.

Charlatans. Ce ſont des amis ſinceres du genre humain, qui ne cherchent jamais que ſon bien. Il y en a de ſacrés & de profanes ; ceux-ci ſont des coquins. Les autres ſont d’honnêtes gens, qui débitent avec privilége du Roi & du premier Médecin des ames, l’Orviétan ſpirituel ; ils ont communément l’attention de nous rendre bien malades, afin de nous prouver la bonté de leur remede. Voyez Prêtres.

Charnel. C’eſt ce qui n’eſt point ſpirituel : les hommes Charnels ſont ceux qui n’ont point aſſez d’eſprit pour ſentir le mérite des biens ſpirituels, pour leſquels on leur dit de renoncer au bonheur. En général les hommes charnels ſont ceux qui ont le malheur d’être compoſés de chair & d’os, ou d’avoir du bon ſens.

Chaſteté. Vertu religieuſement obſervée par les Prêtres, les Moines & les Moineſſes d’Italie, de Portugal & d’Eſpagne, en qui leurs vœux éteignent pour toujours les démangeaiſons auxquelles les profanes ſont ſujets.

Chrême (Saint). Mélange de baume & d’huile, enchanté par un Evêque ; il devient propre à faire deſcendre les graces d’en-haut & à graiſſer les Chrétiens dont la peau eſt trop aride.

Chrétien. C’eſt un bon homme, une brebis du bon Dieu, qui dans la ſimplicité de ſon cœur ſe perſuade qu’il croit fermement des choſes incroyables, que ſes Prêtres lui ont dit de croire, ſur-tout quand il n’y a jamais rêvé : en conſéquence il eſt perſuadé que trois ne font qu’un, que Dieu s’eſt fait homme, qu’il a été pendu, qu’il eſt reſſuſcité, que les Prêtres ne peuvent jamais mentir, & que ceux qui ne croyent point aux Prêtres ſeront damnés ſans rémiſſion.

Chriſtianiſme. Syſtême religieux attribué à Jéſus-Chriſt mais réellement inventé par Platon & par St. Paul, perfectionné par les Peres, les Conciles, les interprêtes, & ſuivant les occaſions corrigé par l’Egliſe pour le ſalut des hommes. Depuis la fondation de cette Religion ſublime, les peuples ſont devenus bien plus ſages, plus éclairés, plus heureux qu’auparavant ; à compter de cette heureuſe époque on n’a vu ni diſſenſions, ni troubles, ni maſſacres, ni déréglemens, ni vices : ce qui prouve invinciblement que le Chriſtianiſme eſt divin, qu’il faut avoir le diable au corps pour oſer le combattre, & qu’il faut être fou pour oſer en douter.

Chronologie. L’Eſprit-Saint a fixé dans la Bible l’époque préciſe de la création du monde ; mais l’Eſprit-Saint n’eſt pas d’accord avec lui-même ſur cette époque quand il parle en Hébreu, en Grec ou en Latin ; il l’a fait tout exprès pour exercer notre foi & pour amuſer Meſſieurs Souciet & Newton.

Ciboire (Saint). Vaſe ſacré, dans lequel, pour les garantir des rats, les Prêtres Catholiques renferment pour le beſoin un magaſin de petits Dieux, qu’ils font manger aux Chrétiens quand ils ont été bien ſages.

Ciel. Pays fort éloigné, où réſide le Dieu qui remplit l’univers de ſon immenſité. C’eſt de ce Pays que nos Prêtres font venir à peu de fraix, les dogmes, les argumens & les autres denrées ſpirituelles & aëriennes qu’ils débitent aux Chrétiens ; c’eſt là, qu’aſſiſe ſur les nuées la Divinité par leurs ordres, répand ſur nos climats les roſées ou les déluges, les pluyes douces ou les orages, les calamités ou les proſpérités, & ſurtout les querelles Religieuſes, ſi utiles au maintien de la foi. Il y a trois ciels, comme chacun ſait ; St. Paul a vu le troiſieme, mais il ne nous a point donné la carte du pays, ce qui embarraſſe beaucoup les Géographes de l’Académie.

Cimetieres. Terreins bénits & découvers, où juſqu’à la réſurrection des morts, l’Egliſe permet à ſes enfans trépaſſés de pourrir en plein air, quand ils n’ont point aſſez d’argent pour acquérir le droit de pourrir dans un temple & d’infecter les vivans. Comme les riches n’entrent gueres en Paradis, il eſt honnête de les bien loger pour leur argent en attendant le jugement.

Circonciſion. Le Pere éternel, qui, comme on ſait, a par fois des fantaiſies, vouloit jadis que ſes amis ſe rognaſſent le prépuce ; ſon fils lui-même s’eſt ſoumis à cette belle cérémonie ; mais depuis ſon Papa s’eſt radouci ; il n’en veut plus aux prépuces de ſes amis, il eſt content pourvû que jamais ils n’en faſſent uſage. V. Amour.

Clefs (pouvoir des). Ce ſont les paſſe-par-touts du ciel : Jéſus-Chriſt les a lui-même remis à ſon Egliſe ; elle ſeule a droit d’ouvrir & de fermer le Paradis ; le Pape eſt ſon Suiſſe ; ſans argent point de Suiſſe.

Clerc. Nom générique ſous lequel on déſigne tout Chrétien qui s’eſt conſacré au ſervice divin, ou qui ſe ſent appellé à vivre ſans travailler, aux dépens des coquins qui travaillent pour vivre.

Clergé. C’eſt le premier des corps dans tout Etat bien policé ; Dieu le deſtina lui-même à remplir les plus nobles & les plus importantes fonctions ; elles conſiſtent à chanter, à débiter des chanſons, & à ſe faire bien payer de la céleſte muſique. Clergé ſignifie héritage ou portion. Le Clergé n’eſt ſi riche que par ce qu’il poſſede l’héritage de Jéſus-Chriſt qui, comme on ſait, a laiſſé une très-bonne ſucceſſion.

Cloches. Inſtrumens Théologiques ou bruyans, deſtinés, comme les Prêtres, à étourdir les vivans, & à inviter les morts à bien payer l’Egliſe. Les cloches ſont très-Chrétiennes vû qu’elles ſont baptiſées ; nous devons même préſumer qu’elles conſervent toujours l’innocence baptiſmale, avantage que n’ont point la plûpart des Chrétiens.

Coactif. Se dit d’un pouvoir qui a le droit de contraindre ; l’Egliſe n’a point ce droit, elle le laiſſe aux Souverains à condition qu’ils ne manqueront point de s’en ſervir toutes les fois que le Clergé leur donnera ſes ordres.

Coadjuteurs. Quand un Evêque, qui paroît aux mécréans n’avoir pas de très-grandes affaires, ne peut plus remplir les fonctions pénibles de ſon ſaint miniſtere, on lui donne un coadjuteur pour l’aider, & alors le troupeau poſſede deux bergers au-lieu d’un, ce qui fait qu’il eſt très-bien gardé ; le diable n’oſe plus alors roder autour du bercail.

Colere. Péché capital pour tout Chrétien laïque, qui ne doit ſe fâcher que lorſque l’Egliſe ſe fâche, par ce qu’alors c’eſt Dieu qui ſe met en colere : en effet le Dieu de la bonté eſt très-colere ; ſes enfans bien-aimés ſont nés dans ſa colere ; il eſt donc à propos de ſe mettre en colere quand il eſt lui-même en colere. Car il ſe fâcheroit à coup ſûr ſi l’on étoit moins colere que lui. Les Prêtres ont le vrai Thermometre de la colere divine.

Comédiens. Gens qui exercent une profeſſion abominable & qui déplaiſent très-juſtement aux Miniſtres du Seigneur ; ils ſont proſcrits & excommuniés en France, qui eſt un Royaume très-Chrétien, où l’on ſait que les Prêtres poſſedent de droit divin le privilège excluſif de jouer la Comédie.

Commentateurs. Savans Docteurs, qui à force de ſe mettre l’eſprit à la torture parviennent quelquefois à mettre la parole de Dieu d’accord avec le bon ſens, ou à rencontrer des tournures pour alléger le fardeau de la foi.

Commerce. Le commerce eſt interdit aux Prêtres & aux Moines ; ils peuvent néanmoins très-légitimement faire quelques petits profits ſur les marchandiſes rares qu’ils font venir de l’autre monde ; ils n’y gagnent gueres en France que cent millions pour zéro. C’eſt aſſez bien placer ſon argent. Jéſus-Chriſt, comme on ſait, chaſſa les vendeurs du Temple, c’étoient ſelon toute apparence des marauts de laïques, à qui il voulut apprendre qu’il ne convient qu’aux Prêtres de faire une boutique de la maiſon du Seigneur.

Communion. Banquet ſpirituel où l’on ſert une viande aſſez légere, qui eſt propre à nourrir les ames des bons Chrétiens, mais très-indigeſte pour ceux qui n’ont point aſſez de foi.

Compagnie de Jéſus. C’eſt une Compagnie de grenadiers ſpirituels dont Jéſus-Chriſt eſt le Capitaine. Elle fait rage par-tout où on la met en quartier ; cependant communément elle n’en veut point aux femmes, les petits garçons ne s’en tirent pas à ſi bon marché.

Compulſions. Politeſſes très-preſſantes que le Chriſtianiſme a miſes à la mode pour inviter à la foi ceux qui peuvent en manquer. Elles conſiſtent à faire entrer ou rentrer dans la voye du ſalut à force de Lettres de cachet, de priſons, de tortures ou même à coups de canon, quand on a de l’Artillerie à ſes ordres.

Conciles. Aſſemblées ſolemnelles d’Evêques, réunis pour ſe concerter avec le St. Eſprit (qui eſt toujours de l’avis du plus fort) ſur les dogmes & les arrangemens néceſſaires à l’Egliſe. Les Conciles ſont utiles pour corriger, expliquer, altérer la parole divine & la doctrine reçue, & pour fixer juſqu’à nouvel ordre les articles de la foi ſans laquelle le genre humain ne peut être ſauvé.

Conclave. Lieux où s’aſſemblent les Cardinaux de la très-Sainte Egliſe Romaine, quand il s’agit d’élire un vicaire infaillible à Jéſus-Chriſt. Le St. Eſprit ne manque jamais d’aſſiſter à ces ſortes d’Aſſemblées, voilà pourquoi le conclave ne fait jamais un choix douteux.

Concordat. Convention faite entre un Pape & un Roi très-Chrétien, par laquelle l’un & l’autre ont diſpoſé de choſes ſur leſquelles ils n’avoient aucuns droits.

Concorde. Elle regne toujours parmi les Chrétiens & ſur-tout entre leurs Théologiens ; la preuve la plus indubitable de la Divinité du Chriſtianiſme ſe tire de la concorde inaltérable qui ſubſiſte entre ſes Diſciples. C’eſt un miracle perpétué qui confond la raiſon humaine !

Concupiſcence. Ce mot, qui peut paroître mal ſonnant & déshonnête à des oreilles délicates, eſt Théologique & partant n’a rien d’indécent. Il ſignifie le penchant maudit que les hommes, depuis le péché d’Adam, ont pour tout ce qui eſt capable de leur donner du plaiſir.

Confeſſeur. Prêtre qui a reçu des pouvoirs de ſon Evêque ; c’eſt-à-dire, à qui Dieu lui-même a paſſé procuration en bonne forme pour écouter les ſotiſes que malgré ſon omni-ſcience Dieu a beſoin qu’on lui découvre, ſans cela il ne pourroit ſavoir à quoi s’en tenir ſur la conſcience de celui qui ſe confeſſe à ſon Prêtre.

Confeſſion auriculaire. Invention très utile aux fideles & ſur-tout très-commode aux Prêtres de l’Egliſe Romaine ; par ſon moyen ils ſont au fait des ſecrets des familles, à portée de ſoutirer l’argent des poltrons, de brouiller les ménages, d’exciter au beſoin de ſaintes révolutions. L’Egliſe eſt privée d’une partie de ces avantages dans les pays où l’on ne veut point ſe confeſſer.

Confirmation. Sacrement ou cérémonie ſacrée, qui conſiſte à graiſſer le front & appliquer un ſoufflet ſur la joue d’un poliſſon, ce qui le rend pour toujours inébranlable dans ſa foi.

Conſcience. C’eſt le jugement que nous portons au dedans de nous-mêmes ſur nos actions ; dans les profanes il eſt guidé par la raiſon, dans les Chrétiens il eſt réglé par la foi, par le zêle, par la ſoumiſſion que nous devons à nos ſaints Prêtres. En conſéquence la conſcience d’un dévot l’oblige ſouvent d’être méchant, & même de bouleverſer la Société par un motif de conſcience.

Conſécration. Paroles magiques, à l’aide deſquelles un Prêtre de l’Egliſe Romaine a le pouvoir de forcer le Dieu de l’univers à quitter ſon déjeuner pour venir ſe changer en pain & ſe faire croquer lui-même.

Conſolations. La Religion Chrétienne fournit des conſolations infinies aux dévots : elle les conſole des maux & des tribulations de cette vie en leur apprenant qu’ils ont affaire à un Dieu bon, qui les châtie pour leur bien dans ce monde périſſable, & qui, par un effet de ſa tendreſſe divine, pourroit avoir la fantaiſie de les cuire éternellement, ce qui eſt très-conſolant pour les frilleux.

Contemplation. Occupation très-utile ſur-tout quand on n’a pas de grandes affaires. On ſent que rien ne peut être plus agréable à Dieu que de s’occuper du ſoin de rêver à la Suiſſe ; la Société d’ailleurs retire de très-grands fruits de ces rêves ſacrés.

Controverſes. Importantes diſputes ſur les objets conteſtés entre des Théologiens de ſectes différentes. Aux yeux des hommes charnels ce ſont des vétilles, indignes d’occuper des animaux raiſonnables, mais au fond ces diſputes ſont très-utiles à l’Egliſe militante, qui par là ſe tient en haleine, & nourrit dans les eſprits de ſaintes animoſités très-avantageuſes au Clergé.

Converſions. Changemens miraculeux & rares, qui ſont dus à la grace du Très-Haut, & dont la Société recueille communément les plus grands fruits. Ils font qu’une coquette ſurannée quitte le rouge ; qu’une femme aimable ſe change en piegrièche ; qu’un homme du monde devient un chat-huant ; enfin qu’un financier en mourant, déſeſpéré de ne pouvoir emporter avec lui le fruit de ſes rapines, laiſſe ſon bien à l’Egliſe ou à des hôpitaux pour l’acquit de ſa conſcience, pour le repos de ſon âme, & pour le ſalut de ceux qu’il a dépouillés.

Convulſionnaires. Prophéteſſes Janſéniſtes qui prophétiſent, qui font des ſauts, qui ſe font crucifier, échiner, tourmenter pour prouver que les Jéſuites ſont des coquins, que M l’Archevêque a tort, que le Pere Queſnel a raiſon, que la grace efficace par elle-même fait faire de belles gambades quand elle a de quoi payer. Voyez Secours.

Cordeliers. Moines mendians, qui depuis cinq cens ans édifient l’Egliſe de Dieu par leur tempérance, leur chaſteté & leurs beaux argumens. Ils ne poſſedent rien en propre, leur ſoupe, comme on ſait, appartient au Saint Pere.

Correction fraternelle. Dans la Religion Chrétienne chacun doit ſe mêler de la conſcience de ſon voiſin & s’intéreſſer vivement à ſon ſalut. Il faut le reprendre de ſes fautes & ſur-tout tâcher de le faire revenir de ſes erreurs. Quand il n’eſt point docile il faut le fuir & le haïr, ou bien le tourmenter & le tuer quand on eſt le plus fort.

Cour. Sans la cour l’Egliſe ne peut gueres proſpérer, le St. Eſprit ne bat que d’une aîle : c’eſt là que l’Orthodoxie ſe décide en dernier reſſort ; les hérétiques ſont toujours ceux qui ne penſent pas comme la cour. Les Divinités d’ici-bas reglent communément le ſort des Divinités de là-haut. Sans Conſtantin Jéſus-Chriſt n’eût jamais fait une grande figure ſur la terre.

Couvent. Lieu ſaint où l’on renferme ſous la clef une couvée de Moines ou de Moineſſes, afin de les ſéqueſtrer de la Société. On les lâche néanmoins dans le public quand il s’agit de lever ſur les peuples les impôts ſpirituels qui ſe payent argent comptant. Les Couvens de filles ſont très-utiles pour débaraſſer les Familles, & ſur-tout les Fils aînés, des ſœurs qui les incommodent. Ces ſaintes maiſons ſervent d’ailleurs à l’éducation du Beau-ſexe, c’eſt-à-dire à former des Citoyennes bien crédules, bien peureuſes, bien ignorantes, bien dévotes, en un mot de ſaintes Bégueules très-utiles au Clergé.

Crainte. C’eſt le commencement de la ſageſſe ; jamais on ne raiſonne mieux que quand on a bien peur ; les poltrons ſont les gens les plus utiles à l’Egliſe ; ſi jamais les hommes reprenoient du courage les Prêtres ſeroient infailliblement découragés.

Création. Acte incompréhenſible de la toute-puiſſance divine qui de rien a fait tout ce que nous voyons. Les Athées nient la poſſibilité du fait, mais ils manquent de foi ; les Théologiens leur prouveront que des riens ſuffiſent pour mettre l’univers en combuſtion ; l’Egliſe leur fera voir qu’avec rien on peut faire de l’or & de l’argent. D’où l’on voit que les Prêtres du Très-Haut partagent avec lui le pouvoir de créer ; perſonne n’ignore que le Prêtre Needham ſait créer des Anguilles.

Crédibilité. L’on appelle motifs de crédibilité les raiſons convaincantes ou les preuves évidentes qui nous forcent à croire une choſe. Dans la Religion les motifs qui nous font croire, c’eſt la parole de Monſieur le Curé, c’eſt l’ignorance, c’eſt l’habitude, & ſur-tout c’eſt la crainte de ſe faire des affaires.

Crédulité. Tout bon Chrétien doit être dans cette heureuſe ſimplicité qui diſpoſe à croire ſans examen les choſes les moins croyables ſur la parole de ſes guides ſpirituels ; ceux-ci ſont évidemment incapables de ſe tromper eux-mêmes & encore moins de tromper les autres, ce qui ne ſeroit pas bien.

Crimes. Dans la Religion ce ne ſont point les actions les plus nuiſibles à la Société, ce ſont celles qui ſont les plus nuiſibles au Clergé ; le plus grand de tous les crimes eſt de manquer de foi, ou de confiance en lui, c’eſt d’examiner ſes opinions ; c’eſt de voler une Sacriſtie, c’eſt de montrer du mépris pour les choſes ſacrées ; tous ces crimes ſont punis par le feu, ſoit dans ce monde ſoit dans l’autre.

Croire. C’eſt avoir une confiance ſans bornes dans les Prêtres. Un bon Chrétien ne peut ſe diſpenſer de croire tout ce qu’on lui dit de croire, ſans cela il n’eſt bon qu’à brûler ; s’il nous dit que la grace lui manque, qu’on le brûle toujours ; la Divinité en lui refuſant ſa grace annonce qu’elle ne le juge bon qu’à brûler, pour réchauffer la foi de ſes élus.

Cruauté. Diſpoſition fâcheuſe dans le commerce de la vie ordinaire, mais très-néceſſaire au ſoutien de la Religion. L’humanité n’eſt point de ſaiſon quand il s’agit de la Divinité, ou de ſes divins Miniſtres.

Croiſades. Expéditions ſaintes, ordonnées par les Papes, pour débaraſſer l’Europe d’une foule de Vauriens dévots, qui pour obtenir du ciel la rémiſſion des crimes qu’ils avoient commis chez eux, en allaient bravement commettre de nouveaux chez les autres.

Croix. C’eſt le ſigne & l’étendard du ſalut. Ce ſont des bâtons croiſés, qui repréſentent la potence à laquelle la Divinité fut pendue. Les Miniſtres du Seigneur, comme frere Jean des Antomures, s’en ſervent avec ſuccès pour aſſommer les coquins qui viennent piller leur clos. Porter ſa croix c’eſt ſe chagriner ſaintement, ſe tourmenter ſoi-même ; quand on ne peut mieux faire, il eſt bon de tourmenter les autres, afin de les aider à gagner le Paradis.

Croſſe. C’eſt le Lituus, le bâton augural des Romains, que dans les cérémonies de l’Egliſe portent les Evêques ou les Abbés croſſés. Il eſt fait pour annoncer aux Chrétiens qu’ils ſont de vrayes Brébis, qui n’ont rien de mieux à faire que de ſe laiſſer bien tondre par leurs ſacrés Bergers.

Culte. Suite de cérémonies ou de mouvemens du corps & des lévres, qui ſont d’une néceſſité abſolue pour plaire au ſouverain de l’univers ; il n’a beſoin de perſonne, mais il prendroit en mauvaiſe part ſi l’on négligeoit l’étiquette imaginée par ſes gens, & ſi l’on omettoit les complimens qui flattent ſa vanité ou celle de ſes Prêtres. Le vrai culte eſt toujours celui dont le cérémonial eſt réglé par ceux qui ont le droit de nous faire griller ſi nous refuſions de nous y conformer.

Curé. Prêtre établi dans chaque paroiſſe pour répéter du Latin & de la Théologie à des manans, pour les faire enrager afin d’en tirer la dixme, & pour intenter des procés à ſon Seigneur.

Curioſité. C’eſt un très-grand péché. Dieu condamna jadis le genre humain à la mort pour la curioſité d’une femme qui voulut connoître & le bien & le mal ; ce qui prouve qu’on riſque de lui déplaire ſouverainement quand on a le bon ſens, ou quand on veut en ſavoir plus que nos Prêtres ne veulent que nous en ſachions.


D

Damnation. Nous devons croire, ſous peine d’être damnés, que le Dieu des miſéricordes pour apprendre à vivre aux pécheurs après leur mort, & pour corriger les vivans qui n’en pourront rien voir, damne éternellement le plus grand nombre des hommes pour des fautes paſſageres ; par un miracle éclatant de ſa bonté divine il les fera durer toujours, afin d’avoir le plaiſir de les brûler toujours. L’Egliſe a, comme Dieu, le droit de damner ; il y a même des gens qui croyent que ſans elle Dieu ne damneroit perſonne, il ne le fait jamais que pour égayer ſa femme.

Daterie. Nom que l’on donne à Rome à un bureau ſacré, où, moyennant des eſpeces, on diſtribue des bénéfices, des diſpenſes, des graces du Saint Eſprit & même le droit de commettre des péchés.

David. C’eſt l’un des plus grands ſaints du Paradis, le vrai modele des Rois. Il fut rebelle, paillard, adultere, aſſaſſin &c. Il couchoit avec les femmes & faiſoit tuer les maris, mais il fut bien dévôt & bien ſoumis aux Prêtres, ce qui lui valut d’être appellé homme ſelon le cœur de Dieu ; Dieu même juſqu’à ce jour n’eſt jamais de plus belle humeur que lorſqu’on lui répete les vaudevilles que ce ſaint homme a compoſés.

Débrouilleur. Saint homme dont la fonction auprès des femmes riches & dévotes eſt de les aider à débrouiller leur petite conſcience, à éclaircir leurs petits doutes, à calmer leurs petits ſcrupules, à évaluer leurs petits péchés, afin de les mettre en état de faire une bonne petite confeſſion ; le débrouilleur ſe charge auſſi quelquefois du ſoin de brouiller le ménage.

Déicide. Crime commis par les Juifs en faiſant mourir un Dieu, qu’ils n’eurent point l’eſprit de démêler dans un Juif à cheveux roux, qui les attrapa pour les punir enſuite d’avoir été attrapés.

Déiſme. Syſtême impie, vû qu’il ſuppoſe un Dieu trop raiſonnable, qui n’exige rien des hommes que d’être bons & honnêtes, & qui ne leur demande ni foi, ni culte, ni cérémonies. On ſent que ce Syſtême eſt abſurde & ne convient nullement au Clergé ; une telle Religion n’auroit pas beſoin de Prêtres ; ce qui ſeroit fâcheux pour la Théologie.

Délations. La Religion Chrétienne eſt, comme on ſait, l’appui de la Société & le ſoutien des mœurs. Voilà pourquoi ſur-tout dans les pays où la ſainte inquiſition eſt établie, l’Egliſe a des eſpions & force à la délation les parens, les amis, les valets ; ce qui rend la Société très-ſûre, les mœurs très-honnêtes, & le commerce de la vie infiniment agréable.

Déluge. Correction paternelle, infligée au genre humain par la providence divine, qui, faute d’avoir prévu la malice des hommes, ſe repentit de les avoir faits ſi malins, & les noya une bonne fois pour les rendre meilleurs ; ce qui eut, comme on ſait, un merveilleux ſuccès.

Dépoſition. Les Evêques ſeuls ont droit de juger & de dépoſer un Evêque ; les Souverains, ſans ſacrilége, ne peuvent exercer ce droit ; depuis que Samuël dépoſa le Roi Saül, les Evêques ont acquis le droit de dépoſer les Rois ; d’où l’on voit que c’eſt très-légitimement que Louis le Débonnaire fut dépoſé par des Evêques au Concile de Soiſſons, & que le Pape a le droit inconteſtable de dépoſer les Rois.

Devoirs. Dans la Religion ce ſont ceux qui ſont fondés ſur les rapports qui ſubſiſtent entre les hommes & leurs Prêtres. D’où l’on voit que c’eſt aux Prêtres ſeuls à fixer les devoirs d’un bon chrétien. Ils conſiſtent à bien prier, à bien écouter ce qu’ils n’entendent point, & ſur-tout à bien payer les Miniſtres du Seigneur.

Dévotion. C’eſt un ſaint dévouement aux Prêtres, ou une pieuſe exactitude à remplir les pratiques qu’ils recommandent. Les dévots, c’eſt-à-dire, les Chrétiens, duement pénétrés de ces grands ſentimens, ont l’avantage d’être plats, ennuyeux, inſociables & par conſéquent très-dignes d’aller bien vîte en Paradis. Les dévotes ſont de ſaintes Bégueules qui travaillent efficacement au ſalut de tous ceux qui les approchent, en leur donnant un ſaint dégoût pour les choſes de ce monde ; le mari d’une dévote doit être au moins ſouvent tenté de ſe ſauver de chez lui.

Diable. C’eſt le Panurge de la cour céleſte ; la cheville ouvriere de l’Egliſe. Dieu pourroit d’un ſeul mot le replonger dans le néant, mais il s’en garde bien, il en a trop beſoin, pour mettre ſur ſon compte toutes les ſotiſes dont on pourroit l’accuſer ; il le laiſſe donc faire & ſupporte patiemment les tours de page qu’il joue ſans ceſſe à ſa femme, à ſes enfans, à lui-même. Dieu ne peut ſe paſſer du Diable ; la crainte de Dieu n’eſt ſouvent que la crainte du Diable ; c’eſt la Religion de beaucoup de bons dévots, qui ſans le Diable pourroient bien ne pas trop ſonger ni à Dieu ni à ſes Prêtres.

Dieu. Mot ſynonyme de Prêtres ; ou, ſi l’on veut, c’eſt le factotum des Théologiens, le premier agent du Clergé ; le chargé d’affaires, le pourvoyeur, l’intendant de l’Armée divine. La parole de Dieu c’eſt la parole des Prêtres ; la gloire de Dieu c’eſt la morgue des Prêtres ; la volonté de Dieu c’eſt la volonté des Prêtres. Offenſer Dieu c’eſt offenſer les Prêtres. Croire en Dieu c’eſt croire ce qu’en diſent les Prêtres. Quand on dit que Dieu eſt en colere, cela ſignifie que les Prêtres ont de l’humeur. En ſubſtituant le mot Prêtres à celui de Dieu la Théologie devient la plus ſimple des ſciences. Cela poſé, l’on doit conclure qu’il n’exiſte point de vrais Athées, vû qu’à moins d’être imbécille, on ne peut nier l’exiſtence du Clergé, qui ſe fait très-bien ſentir. Il y auroit bien un autre Dieu, mais les Prêtres ne s’en ſoucient point ; c’eſt au leur qu’il faut s’en tenir, ſi l’on ne veut ſe faire griller. Voyez Déiſme.

Dignités. Ce ſont des diſtinctions mondaines que dans la Religion d’un Dieu humble l’on accorde à ſes humbles miniſtres, à qui il ne convient plus d’être auſſi miſérables qu’il l’étoit lui-même pendant ſon ſéjour en ce monde.

Dimanche. Jour conſacré au Seigneur, c’eſt-à-dire deſtiné à rendre hommage à ſes Prêtres, en écoutant leurs beaux ſermons, en aſſiſtant à leurs cérémonies, en ſe joignant à leurs divins concerts, & en s’enyvrant enſuite à la Courtille.

Directeur. C’eſt un ſaint homme à col tors, communément très-friand ; dont la fonction eſt de venir dans les familles faire naître des ſcrupules, brouiller les Epoux, faire gronder les enfans & les gens, mettre à l’envers les cervelles des dévotes pour les guider plus ſûrement dans le chemin du ſalut.

Diſcipline. Ce ſont les arrangemens ou réglemens ſalutaires que les Miniſtres du Seigneur jugent convenables à leurs intérêts, & qu’ils changent, à volonté, pour ſe conformer aux intentions immuables de la Divinité.

Ce mot déſigne encore un inſtrument de corde ou de fil de fer, qui fait grand bien à l’ame quand on l’applique ſur le corps.

Diſpenſes. Permiſſions de mal faire que le Pape ou les Evêques accordent moyennant finance ; en vertu de ces diſpenſes ce qui étoit illicite & criminel devient légitime & permis, vû que le produit des diſpenſes augmente les fonds de la caiſſe du pere éternel & compagnie.

Diſputes. Débats édifians & intéreſſans que l’on voit aſſez ſouvent s’élever entre les interpretes infaillibles de la parole de Dieu, qui, pour le plus grand bien de ſon Egliſe, n’a point voulu parler trop clairement, de peur que ſes chers Prêtres n’euſſent point à ſe chamailler.

Divorce. Il eſt abſolument interdit aux Chrétiens, chez qui le mariage eſt indiſſoluble. Il en réſulte, ſans doute, les plus grands biens pour les Epoux, qui très-ſouvent ne peuvent s’accorder, car alors ils ſe tourmentent efficacement pendant toute leur vie, ce qui ne peut manquer de les conduire tout droit en Paradis. Le divorce n’eſt permis qu’aux Evêques, qui peuvent, quand ils veulent, troquer une femme pauvre pour en prendre une plus riche & plus coſſue.

Dixmes. Elles appartiennent de droit divin aux Miniſtres de l’Egliſe. Les Apôtres, comme chacun ſait, avoient les dixmes à Jéruſalem. La loi ancienne, abrogée par Jéſus-Chriſt, adjugeoit les dixmes aux Prêtres Juifs, d’où il ſuit que la dixme de tous les biens, doit, ſous la loi nouvelle, appartenir au Clergé. D’ailleurs rien n’eſt plus légitime que de faire travailler les laboureurs pour ce pauvre Clergé, qui fait de la Théologie pour eux, leurs femmes & leurs enfans.

Doctrine. C’eſt ce que tout bon Chrétien doit croire, ſous peine d’être brûlé, ſoit dans ce monde ſoit dans l’autre. Les dogmes de la Religion ſont des décrets immuables de Dieu qui ne peut changer d’avis que quand l’Egliſe en change.

Doigt de Dieu. Toutes les fois qu’un grand événement, ou une révolution, ou une calamité tournent au profit du Clergé, ces choſes indiquent le doigt de Dieu, qui a toujours en vue ſes bons amis les Prêtres, excepté quand la griffe de Satan donne au bon Dieu ſur les doigts.

Dominante. On appelle Religion dominante celle du Prince, qui à l’aide des ſabres, des bayonnettes & des mouſquets prouve invinciblement aux autres Religions de ſon pays qu’elles ont tort, que ſon confeſſeur a raiſon, & que c’eſt ſon Conſeil qui doit régler la croyance ou la foi.

Domination (eſprit de). L’ambition ou le deſir de dominer ſont des paſſions heureuſement inconnues des Miniſtres de l’Evangile ; leur Empire n’eſt point de ce monde, il eſt tout ſpirituel ; contens de dominer ſur les eſprits, ils ne craignent point que les corps, ou les étuis des eſprits, manquent jamais d’être ſouples à leurs ſaintes volontés.

Donations. Ce ſont les préſens que l’Egliſe, par bonté pour ſes enfans, conſent à recevoir de leurs mains profanes ; le Clergé reſſemble à Meſſer Aldobrandin qui homme à préſens étoit ; non qu’il en fît, mais il en recevoit. Tout ce qu’on donne à Dieu appartient au Clergé. Dabunt Domino & erit Sacerdotis. Voyez NOMBRES chap. v. ℣. 8.

Dons gratuits. De droit divin le Clergé ne doit rien à l’Etat ; s’il contribue à ſes beſoins c’eſt par condeſcendance pure ; il ne vit dans l’Etat que pour être protégé, reſpecté, payé ; il lui fait aſſez d’honneur en l’honorant de ſa préſence, en l’aidant de ſes prieres, en l’éclairant de ſes lumières, en le ſoulageant de ſes écus.

Douceur Evangélique. Elle conſiſte à inculquer la foi à force d’injures, de menaces & de ſupplices ; c’eſt à l’aide de ces bonbons que l’Egliſe fait avaler à ſes enfans la pillule de la foi.

Dragons. Miſſionnaires très-Orthodoxes que la Cour de Verſailles envoya aux Huguenots pour argumenter contre eux ſur la Transſubſtanciation, les ramener au giron de l’Egliſe, & leur prouver que le Pape & le Confeſſeur du Roi ne peuvent jamais ſe tromper.

Droit canonique. C’eſt le recueil des loix, des ordonnances, des conſtitutions, des déciſions, des Bulles &c. que les Miniſtres du Seigneur ont imaginé pour former la juriſprudence ſacrée qu’ils ſe ſont faite à eux-mêmes. Elle eſt quelquefois contraire à la raiſon, à la juriſprudence civile, aux droits des Souverains, & même au droit naturel, mais tous ces droits ſont faits pour céder à des droits divins.

Droits divins. Ce ſont les droits dont jouiſſent inconteſtablement tous ceux qui ſont aſſez forts pour empêcher les autres de conteſter leurs droits, ou qui ne ſont point curieux de les voir diſcuter. Dieu, comme on ſait, eſt la même choſe que ſes Prêtres, d’où il ſuit que les droits des Prêtres ſont toujours des droits divins. L’Egliſe jouit de droit divin du droit inconteſtable de ſe faire des droits divins, d’empêcher que jamais l’on ne doute de ſes droits divins.

Dureté. On reproche communément la dureté aux gens d’Egliſe ; c’eſt en eux un effet de la plus ſublime vertu ; un bon Chrétien doit être parfaitement inſenſible. Il eſt un parfait Prêtre quand Dieu lui fait la grace de joindre une tête de fer à un cœur d’airain ; lorſqu’il a bien dîné, le monde entier doit lui être indifférent. C’eſt près du lit des moribonds que l’on voit ſur-tout briller le Stoïciſme Sacerdotal. Voyez Mourans.


E

Eau bénite. On l’appelloit Eau luſtrale chez les payens, mais nos Prêtres la rendent très-ſainte & très-Chrétienne, & très-efficace, à l’aide de quelques enchantemens, que l’on trouve dans les grimoires ſacrés que l’on nomme rituels.

Eccléſiaſtiques. Ou gens d’Egliſe. Nom générique ſous lequel on déſigne tous ceux qui compoſent l’Armée que la Divinité, pour le bien de nos ames, fait vivre à diſcrétion ici-bas.

Ecole. C’eſt l’arêne ou deſcendent nos gladiateurs ſacrés, pour s’eſcrimer & diſputer ſans fin ſur les vérités évidentes que Dieu lui-même a révélées. Ce ſont ordinairement les peuples qui ſont bleſſés des puiſſans coups que les Théologiens ſe portent ce qui eſt, ſans doute, un miracle étonnant.

Ecriture Sainte. C’eſt la même choſe que la Bible. C’eſt un Recueil deſcendu du Ciel tout exprès pour que les Prêtres y trouvaſſent tout ce qu’ils avoient beſoin d’y trouver. L’Ecriture Sainte renferme tout ce qu’un Chrétien doit faire & croire, pour peu qu’il y joigne ſeulement un million de volumes de Commentaires, de Syllogiſmes, de Caſuiſtes & de Théologiens.

Edification. Edifier quelqu’un c’eſt fortifier en lui par ſa conduite & ſon exemple le ſaint reſpect qu’il doit avoir pour la Religion ou pour les volontés des Prêtres ; quant aux Prêtres ils ſont toujours édifians, ſur-tout en Eſpagne & en Italie, auſſi voit-on qu’ils y ſont fort conſidérés.

Education Chrétienne. Elle conſiſte à faire contracter dès l’enfance aux petits Chrétiens l’habitude ſalutaire de déraiſonner, de croire tout ce qu’on leur dit, de haïr tous ceux qui ne croient pas ce qu’ils croyent ; le tout pour former à l’Etat des citoyens bien ſenſés, bien raiſonnables, bien tranquiles & ſur-tout bien ſoumis au Clergé.

Egliſe. C’eſt comme qui diroit le Clergé : or ce Clergé c’eſt la femme de Jéſus-Chriſt ; c’eſt elle qui porte les culottes ; ſon mari eſt un bon homme qui ne ſe mêle de rien & qui ne la contredit jamais pour avoir la paix chez lui. En effet la bonne Dame n’eſt point aiſée ; quelquefois elle traite ſes enfans qui regimbent avec une dureté que leur Papa n’approuveroit point s’il oſoit ſe mêler du ménage.

Elus. Ce ſont ceux que Dieu dans ſa miſéricorde choiſit pour leur donner les petites entrées chez lui ; il y aura bien dans chaque ſiecle une demi-douzaine d’Elus, qui auront le plaiſir ineffable de voir griller le reſte du genre humain.

Encenſoir. Caſſolette ſacrée dans laquelle on fait brûler des parfums pour régaler les narines de la Divinité ; les Prêtres ſont ſes parfumeurs privilégiés ; mettre la main à l’encenſoir ſe dit donc par métaphore pour déſigner le crime déteſtable de tout Prince ou Magiſtrat qui auroient l’impertinence de mettre le nez dans les affaires des Prêtres, ſans en être priés.

Enfance. Etat de foibleſſe, d’ignorance & d’imbécillité, dans lequel il eſt néceſſaire d’entretenir & de plonger les Chrétiens, afin que les Prêtres puiſſent les conduire plus aiſément en Paradis, dont ils ſeroient exclus s’ils devenaient aſſez grands pour ſe conduire eux-mêmes, ou pour marcher ſans lizieres.

Enfer. C’eſt le foyer de la cuiſine qui fait bouillir en ce monde la marmite Sacerdotale. Elle fut fondée en faveur de nos Prêtres ; c’eſt pour qu’ils faſſent bonne chere, que le Pere éternel, qui eſt leur premier cuiſinier, met en broche ceux de ſes enfans qui n’auront point eu pour leurs leçons la déférence qui leur eſt due. Au feſtin de l’agneau les Elus mangeront des incrédules grillés, des riches en fricaſſée, des financiers à la ſauce Robert, &c. &c. &c.

Enterremens. Cérémonies que les Prêtres du Seigneur rendent plus ou moins lugubres par leurs ſaints hurlemens, ſuivant qu’ils ſont payés plus ou moins graſſement.

Enthouſiaſme. Sainte yvreſſe qui grimpe au cerveau de ceux à qui Dieu fait la grace de boire en large doſe le bon vin que les Prêtres débitent dans leurs ſaints Cabarets. Voyez Fanatiſme & zêle.

Epreuves. Ce ſont des pièges ingénieux & ſubtils que pour s’amuſer la Divinité, qui ſait tout & qui lit dans les cœurs, tend aux hommes qu’elle favoriſe, afin de découvrir leurs diſpoſitions cachées, & pour ſavoir à quoi s’en tenir ſur leur compte.

Erreur. C’eſt toute façon de penſer en matiere de Religion qui differe de celle des Prêtres à qui nous devons notre confiance. Il n’eſt point chez les Chrétiens de crime plus impardonnable que de ſe tromper, c’eſt celui qu’avec raiſon l’on punit avec le plus de rigueur ; il n’y a gueres que le feu qui puiſſe éclairer efficacement & remettre dans le bon chemin celui qui eſt aſſez bête pour errer.

Eſpérance. Vertu Chrétienne qui conſiſte à mépriſer tout ce que nous connoiſſons de bon ici-bas, pour attendre dans un pays inconnu les biens inconnus que nos Prêtres, pour notre argent, nous apprennent que nous connoîtrons quelque jour.

Eſprit. Chacun ſait ce que c’eſt qu’un eſprit ; c’eſt ce qui n’eſt point matière. Toutes les fois que vous ne ſaurez pas comment une cauſe agit, vous n’aurez qu’à dire que cette cauſe eſt un eſprit, & vous ſerez très-pleinement éclairci.

Eſprit (Saint). C’eſt le troiſieme des Dieux qui compoſent le ſeul Dieu des Chrétiens. La fonction de celui-ci eſt d’inſpirer les Prêtres, & de ſe trouver au milieu d’eux toutes les fois qu’il en eſt requis. Aux yeux des hommes charnels le Saint-Eſprit ne montre point toujours infiniment d’eſprit.

Eſprits forts. Ce ſont ceux qui n’ont pas l’eſprit foible ; ou qui n’ont point reçu de Dieu une échine aſſez ſouple pour ſe laiſſer bâter par les Miniſtres du Seigneur.

Eternité. C’eſt ce qui n’a ni commencement ni fin. Comme la choſe eſt plus facile à dire qu’à comprendre, il eſt bon que tout Chrétien la médite à l’aide de ſon confeſſeur, qui ne manquera pas de lui en faciliter l’intelligence ; en attendant, ſous peine d’être éternellement rôtis, nous devons, en dépit du Prédicant Petit Pierre, nous tenir pour certains que les peines de l’enfer ſeront éternelles ; Jéſus-Chriſt avoit oublié de le dire, mais l’Egliſe, qui en ſait plus long que lui, l’a dit & le répete ſans ceſſe, pour la conſolation de ſes très-chers enfans, dont au moins les 99 centiemes ſeront damnés. Voyez Conſolations.

Etudes. Pour un Théologien profond, c’eſt travailler toute ſa vie à embrouiller ſes idées, & à remplir ſa caboche de ſaints mots, auxquels ni lui-même ni tous ceux qui n’auront point reçu des graces ſurnaturelles ne pourront jamais attacher aucun ſens raiſonnable. Les études pour les laïques conſiſtent à apprendre du Latin & ſur-tout la ſoumiſſion qui eſt due au Clergé.

Euchariſtie. Sacrement merveilleux dans lequel le Dieu de l’univers a la bonté de ſe donner lui-même à manger à ſes Prêtres, & aux Chrétiens dont l’eſtomac eſt aſſez fort pour pouvoir le digérer.

Eunuques. Il ſeroit à propos pour le bien de la Religion que tous les Chrétiens fuſſent eunuques & les femmes bouclées ; par ce moyen le monde finiroit plutôt, & Dieu par conſéquent n’y ſeroit plus offenſé.

Evangile. Signifie bonne nouvelle. La bonne nouvelle que l’Evangile des Chrétiens eſt venu leur annoncer, c’eſt que leur Dieu eſt très-colere, qu’il deſtine le plus grand nombre d’entre eux à des flammes éternelles, que leur bonheur dépend de leur ſainte bêtiſe, de leur ſainte crédulité, de leur ſainte déraiſon, du mal qu’ils ſe feront, de leur haîne pour eux-mêmes, de leurs opinions inintelligibles, de leur zêle, de leur antipathie pour tous ceux qui ne penſeront ou qui ne feront pas comme eux. Telles ſont les nouvelles intéreſſantes que la Divinité, par une tendreſſe ſpéciale, eſt venue annoncer à la terre ; elles ont tellement égayé le genre humain que depuis l’arrivée du courrier qui eſt venu les apporter de là-haut, il n’a fait que trembler, que pleurer, que ſe quereller & ſe battre.

Evêque. Signifie inſpecteur. C’eſt un Prêtre qui, ſans femme, a, comme quelques inſectes, la faculté de ſe reproduire & de multiplier ſon eſpece. Voyez ordre. L’Epiſcopat eſt un fardeau ſi pénible que c’eſt toujours à ſon corps défendant qu’un Abbé de cour s’en charge ; on eſt obligé de vaincre par trois fois ſa répugnance ſincere pour un Evêché qu’il a ſollicité dix ans.

Examen. Quand on eſt bon Catholique, ce ſeroit un grand péché que de prétendre examiner ce que dit le Clergé, qui ſe dit infaillible ; quand on eſt Proteſtant il eſt légitime & permis d’examiner par ſoi-même ce que dit le Clergé, qui ne ſe dit point infaillible, pourvu néanmoins que l’on trouve par cet examen que le Clergé proteſtant ne ſe trompe jamais.

Excommunications. Ce ſont des peines ſpirituelles que les Paſteurs de l’Egliſe infligent à celles de leur Brébis qui ont la clavelée : autrefois elles faiſoient ſécher ſur pied, & quelquefois mourir les Princes d’apoplexie ; aujourd’hui les excommunications ne produiſent point des effets ſi marqués, ce qui vient de ce que la foi devient plus rare ſur la terre.

Exercices de piété. Ce ſont de petites occupations ſpirituelles imaginées par les Prêtres pour empêcher les ames dévotes de s’engourdir. Sans ces petits exercices les bonnes femmes & les gens déſœuvrés courroient riſque de s’ennuyer, ou ſeroient en danger de s’occuper de choſes utiles à leurs familles & au monde pervers.

Exorciſmes. Actes d’autorité ſur les Démons, excluſivement exercés par les Miniſtres de l’Egliſe Romaine. A force d’eau-bénite, de paroles & de cérémonies, on oblige l’eſprit malin de ſortir des corps où il n’étoit jamais entré, ou bien où il étoit entré pour de l’argent.

Expiations. Expier c’eſt éteindre des dettes contractées avec Dieu ; les expiations ſont des cérémonies inventées par les Prêtres qui ſont les gens d’affaire de la Divinité ; celle-ci en paſſe toujours par tout ce que ſes Prêtres veulent ; elle remet les dettes aux hommes toutes les fois que ſes gens d’affaire ont été bien payés.

Extaſes. Syncopes ſacrées, durant leſquelles les ſaints, & ſur-tout les ſaintes, ont le bonheur de rêver & de voir des bluettes. Les perſonnes ſujettes à avoir des extaſes ſont communément celles à qui la Providence fait la grace d’être bien folles ou bien frippones. Voyez viſions.

Extrême-Onction. Sacrement reſpectable de l’Egliſe Romaine ; il eſt trèsutile pour effrayer les mourans. Il conſiſte à graiſſer les bottes de ceux qui ſont prêts a entreprendre le voyage de l’autre monde.

Ezéchiel. Grand Prophête de Judée & ſur-tout homme à belles viſions. Il eſt fameux par ſes bons déjeunés, auxquels nos Prophêtes modernes ne portent point envie. Ezéchiel eſt aſſûrément, après le Jéſuite Sanchez & le portier des Chartreux, l’Eccléſiaſtique le plus ordurier que je connoiſſe.


F

Fables. Les Hiſtoires que débitent toutes les Religions de la terre ſont des Fables ou des contes à dormir debout ; il n’y a que les contes de la Bible qui ſoient des vérités. Quiconque n’eſt pas curieux d’être jetté dans la chaudiere éternelle doit les prendre pour des Hiſtoires véritables.

Fagots. Conter des Fagots c’eſt raconter des Fables ; l’Egliſe a des Fagots dont elle ſe ſert pour répondre aux difficultés que les mécréans oppoſent aux Fagots qu’elle leur conte.

Familiers. Nom que l’on donne en Eſpagne & en Portugal à des Seigneurs diſtingués, qui, par humilité, ſe font les eſpions, les délateurs, les alguazils de la très-ſainte Inquiſition.

Fanatiſme. Rage ſainte ou contagion ſacrée, propre au Chriſtianiſme ſur-tout, dont ſe trouvent ſaiſis les bons Chrétiens qui ont le ſang très-brouillant & le crâne bien fêlé : cette maladie ſe gagne par les oreilles ; elle réſiſte également au bon ſens & aux remedes violens ; les bouillons, les bains, ou les petites maiſons en ſont les ſpécifiques aſſûrés.

Fardeau. Le Fardeau du Seigneur eſt leger. Ce ſont les Prêtres qui nous le font porter pour eux, ce qui les empêche d’en être fatigués : ou plutôt ce ſont les Prêtres qui, ſuivant Jérémie, ſont le Fardeau du Seigneur.

Fataliſme. Syſtême affreux qui ſoumet tout à la néceſſité, dans un monde réglé par les décrets immuables de la Divinité, ſans la volonté de laquelle rien ne peut arriver. Si tout étoit néceſſaire, adieu le libre arbitre de l’homme, dont les Prêtres ont ſi grand beſoin pour pouvoir le damner.

Femmes. Le Chriſtianiſme n’eſt rien moins que poli envers les jolies femmes, il n’en fait cas que quand elles ſont laides ou ſurannées. Celles qui n’ont pas de quoi plaire au monde ſont très-agréables à Dieu & très-bonnes pour ſes Prêtres ; les Bégueules ſervent grandement la Religion, leur Confeſſeur & leur Curé, par leurs ſaints caquets, leurs ſaintes cabales, leurs ſaintes criailleries, & ſurtout par un ſaint entêtement pour ce qu’elles n’entendent pas.

Fêtes. Jours ſagement deſtinés par l’Egliſe à une ſainte oiſiveté, qui eſt toujours favorable à la dévotion. Pendant les fêtes un artiſan ne peut ſans crime travailler à gagner du pain, mais il ne tient qu’à lui de s’enyvrer à la Courtille, quand il en a le moyen ; ce qui fait un grand bien à ſon ame ou à la Ferme des Aides ; cependant le parti le plus ſûr eſt de paſſer la journée à bailler aux corneilles.

Feu. La Religion Chrétienne eſt une Religion de feu. Les bons Chrétiens doivent brûler ſans ceſſe de l’amour divin, les Prêtres doivent brûler de zêle, les Princes & les Magiſtrats doivent paſſer tout leur tems à brûler des hérétiques ou des mécréans, enfin les bourreaux devroient ſans ceſſe brûler des livres au pied du grand eſcalier du May.

Feuille des Bénéfices. C’eſt le Barometre de la foi du Clergé de France. Il eſt ſujet à varier depuis quelque tems ; à l’égard du Thermometre de la foi il eſt preſque toujours à la Cour au terme de la glace.

Fideles. Ce ſont les bons Chrétiens fidélement attachés à Dieu, c’eſt-à-dire à ſes Prêtres, envers & contre tous. Les fideles, comme on ſait, ne doivent être fideles à leurs Princes que quand les Princes eux-mêmes ſont fideles à l’Egliſe, c’eſt-à-dire, bien ſoumis à leurs Prêtres.

Figures. Types, allégories, façons obſcures de s’exprimer, très-familieres à l’Eſprit-Saint, qui n’a jamais voulu parler trop bon François à ceux qu’il vouloit illuminer ; le tout pour fournir aux docteurs de l’Egliſe l’occaſion de nous montrer leur étonnante ſagacité.

Filiale. La crainte filiale eſt mêlée d’amour, c’eſt celle que tout Chrétien doit avoir pour un Dieu d’aſſez méchante humeur, qui eſt ſon très-cher Pere, & pour la Sainte Egliſe ſa Maman, qui n’eſt point la Commere la plus aiſée de ce monde.

Fils de Dieu. C’eſt la même choſe que le fils de l’homme ; le fils de l’homme c’eſt la même choſe que le Dieu ſon Pere, & Dieu ſon Pere eſt la même choſe que ſon fils & que ſon Saint-Eſprit. Ce langage peut paroître du galimathias à ceux qui n’ont point de foi, mais la Sorbonne n’y voit rien de fort embarraſſant.

Financiers. Ce ſont les Publicains du Nouveau Teſtament ; à l’exception du Tréſorier du Clergé, ils ſeront tous damnés, à moins que des Prêtres charitables ne les débarraſſent d’une portion du Mammon d’iniquité.

Flagellations. Saintes & ſalutaires feſſées que ſe donnent les Chrétiens les plus parfaits dans la vue de mortifier la chair, de rendre l’eſprit gaillard, & de mettre en goguettes le Pere des miſéricordes, qui rit dans ſa barbe divine toutes les fois qu’on lui montre un derriere ou un dos bien & duement étrillés.

Foi. C’eſt une ſainte confiance dans les Prêtres, qui nous fait croire tout ce qu’ils diſent, même ſans y rien comprendre. C’eſt la premiere des vertus Chrétiennes ; elle eſt Théologale, c’eſt-à-dire utile aux Théologiens ; ſans elle point de Religion, & partant point de ſalut. Ses effets ſont de plonger dans un ſaint abrutiſſement accompagné d’un pieux entêtement, & ſuivi d’un profond mépris pour la raiſon profane. On ſent que cette vertu eſt très-avantageuſe à l’Egliſe ; elle eſt la ſuite d’une grace ſurnaturelle que procure l’habitude de déraiſonner ou la crainte de ſe faire de méchantes affaires. D’où il ſuit que ceux qui n’ont point reçu cette grâce ou qui n’ont point eu l’occaſion de contracter cette ſainte habitude ne ſont d’aucune utilité pour les Prêtres & par conſéquent ne ſont bons qu’à jetter à la voirie.

La foi du charbonnier c’eſt celle que profeſſent tous les Chrétiens ſinceres : elle conſiſte à croire tout ce que croit Mr. le Curé ; & ce que croit Mr. le Curé, c’eſt ce que ſes paroiſſiens s’imaginent de croire ſur la périlleuſe parole de Mr. le Curé.

Folie. Les bons Chrétiens ſe glorifient de la folie de la Croix. Rien n’eſt plus contraire à la Religion & au Clergé qu’une tête ſenſée & raiſonnable ; elle n’eſt jamais bien propre à la foi, ni aſſez ſuſceptible de ferveur ou de zêle. Les Muſulmans ont du reſpect pour les fous, & parmi les Chrétiens les plus grands Saints ſont évidemment ceux qui ont eu la cervelle la plus dérangée.

Fondations. Revenus accordés à des Prêtres & à des Moines pour les faire bien boire, bien manger, bien chanter & bien végéter ; le tout pour que les vignes de ceux qui n’ont pas le loiſir de chanter ne fuſſent point grêlées : ce ſont les Prêtres, comme on voit, qui font la pluye & le beau tems ſur la terre.

Force. Vertu très-néceſſaire au ſoutien de la foi & à la proſpérité de l’Egliſe. Elle conſiſte dans le Clergé à forcer par toutes ſortes de moyens ceux qui ſont opiniâtres, à penſer comme lui. Dans les laïques elle conſiſte à réſiſter avec rigueur aux ſuggeſtions du bon ſens, qui pourroit les damner, & à porter avec conſtance le joug des Prêtres du Seigneur.

Foudres de l’Egliſe. C’eſt l’artillerie ſpirituelle ; elle eſt compoſée de mortiers & de Canons intellectuels, que les chefs de l’Egliſe ont le droit de pointer contre les ames de ceux qui ont la témérité de leur déplaire. Cette artillerie métaphyſique ne laiſſe pas de bleſſer les corps, quand elle eſt ſoutenue par l’artillerie phyſique qui ſe conſerve dans les arſenaux des Princes ſéculiers.

Fraudes pieuſes. Ce ſont de ſaintes friponneries, des menſonges religieux, des impoſtures dévotes dont le Clergé ſe ſert très-légitimement pour nourrir la piété du vulgaire, pour faire valoir la bonne cauſe, pour nuire à ſes ennemis, contre leſquels, comme on ſait, tout eſt permis.

Frélons. Inſectes malfaiſans & pareſſeux, qui ôtent aux abeilles leur miel & qui portent le trouble dans la ruche où l’on travaille. V. Dixmes. Prêtres. Moines. Vampires.

Freres. Tous les Chrétiens ſont Freres ; c’eſt-à-dire, ſont en querelle pour la ſucceſſion de Monſieur leur Pere, dont le Teſtament eſt devenu fort obſcur, graces aux freres Théologiens. Rara eſt concordia fratrum.

Fripons. Voyez Prêtres. Jongleurs. Voleurs. Comédiens, &c.

Froc. Habit ſacré, réſervé pour les Moines, qui ſont des hommes de Dieu. Par un miracle étonnant le Froc leur communique le don de continence dès qu’ils l’ont endoſſé. Nous en avons la preuve dans le chien de Mr. De Maulevrier, dont parle l’ami Rabelais.


G

Glaive. Jéſus-Chriſt, pour le bien du genre humain, eſt venu apporter le Glaive ; l’Egliſe de Dieu, qui eſt fort ſujette à ſe fâcher, poſſede dans ſon arſenal deux Glaives, l’un eſt le Glaive ſpirituel, qui vous expédie les ames ; l’autre eſt le Glaive temporel, qui vous expédie les corps ; c’eſt le moyen de mettre les gens à la raiſon. Au défaut de ces deux Glaives, l’Egliſe eſt encore en poſſeſſion d’un petit coutelet, mais elle le cache avec ſoin de peur qu’on ne le lui prenne ; elle ne s’en ſert jamais que dans les grandes occaſions. Voyez Régicide.

Gloire de Dieu. Nous ne pouvons douter que Dieu ne ſoit fier comme un Ecoſſois ; ſes Miniſtres nous le diſent à chaque inſtant ; c’eſt pour la plus grande gloire de Dieu qu’ils culbutent l’univers ; ce qui eſt très-légitime vû que Dieu n’a créé l’univers que pour ſa gloire, qui ſe confond toujours avec celle de ſes Prêtres.

Grace. Dont gratuit, que Dieu donne à qui bon lui ſemble, en ſe réſervant, comme de raiſon, le droit de punir tous ceux à qui il n’a point voulu la donner. Il n’eſt point encore bien décidé ſi pour produire ſon effet la grace doit être efficace ou ſuffiſante ; il faut attendre que Dieu nous donne ſa grace pour ſavoir à quoi nous en tenir ſur la nature de ſa grace.

Grandeurs. L’Egliſe de Dieu mépriſe les grandeurs de ce monde ; ſes Miniſtres n’en ſont aucunement curieux ; les Evêques ont une averſion marquée pour les titres, les cordons-bleus, les équipages &c. ils ſont ſur-tout très offenſés quand on leur donne le titre de grandeur.

Guerres de Religion. Saignées ſalutaires & copieuſes que les Médecins de nos ames ordonnent aux corps des nations, que Dieu veut favoriſer d’une doctrine bien pure. Ces ſaignées ont été fréquentes depuis la fondation de l’Egliſe ; elles ſont devenus très-nécéſſaires pour empêcher les Chrétiens de crever de la plénitude des graces que le ciel répand ſur eux.


H

Haine. Sentiment louable & néceſſaire à tout bon Chrétien, quand ſes Prêtres jugent à propos de l’exciter pour la cauſe de Dieu, dont les intérêts leur ſont connus, vu qu’ils y ſont communément pour quelque choſe ; ainſi, ſur leur parole & ſans bleſſer la charité, un dévot peut haïr en conſcience quiconque déplaît à ſon cher confeſſeur.

Héréſies. Elles ſont nécéſſaires à l’Egliſe pour exercer les talens & dérouiller les rapieres de nos gladiateurs ſacrés. Toute opinion contraire à celle des Théologiens en qui nous avons confiance, ou qui ont aſſez de crédit pour faire prévaloir la leur, eſt viſiblement une héréſie. D’où l’on voit que les hérétiques ſont toujours ceux d’entre les Théologiens qui n’ont point aſſez de bataillons pour ſe rendre Orthodoxes.

Hétérodoxes. Ce ſont tous ceux qui ne penſent pas comme les Orthodoxes ; ou qui n’ont pas la force de ſe rendre Orthodoxes.

Hiérarchie. C’eſt l’ordre des rangs divers qu’occupent les Miniſtres de Jéſus-Chriſt dans la maiſon de ſon Pere, où il a dit lui-même qu’il n’y auroit ni premiers ni derniers. Mais la femme de Jéſus-Chriſt qui s’entend bien mieux que lui en affaires, en a décidé tout autrement. Il y a maintenant dans la famille divine autant de diſtance d’un Evêque à un Curé, que du bon Dieu à Saint Crépin, qui n’étoit qu’un cordonnier de Soiſſons.

Hiſtoire Eccléſiaſtique. Etude très-nécéſſaire aux gens d’Egliſe, mais très-nuiſible aux Laïques, qui pourroient bien ne pas avoir toujours une foi aſſez robuſte pour n’être point ſcandaliſés des pieux déportemens des Miniſtres du Seigneur.

Holocauſtes. Victimes rôties ou brûlées en ſacrifice. La Divinité eut de tout tems un goût marqué pour la chair grillée, vû que ſes Prêtres en tiroient bon parti ; depuis le Chriſtianiſme ſes Prêtres plus déſintéreſſés lui font bien griller des victimes, mais ils s’abſtiennent de les manger, leur cuiſine eſt aſſez bien pourvue ſans cela.

Homme. L’homme ordinaire ſe définit un animal compoſé de chair & d’os, qui marche à deux pattes, qui ſent, qui penſe, qui raiſonne : ſelon l’Evangile & Jean Jacques, l’homme ne doit ni ſentir, ni penſer, ni raiſonner ; il devroit même, pour bien faire, marcher à quatre pattes, afin que ſes Prêtres puiſſent avec plus de facilité lui monter ſur le dos.

Le vieil homme. C’eſt l’homme dans ſon état naturel, c’eſt-à-dire, corrompu, aſſez dépravé pour aimer ſon bien-être, & aſſez foible pour le chercher. Le fils de Dieu a fait de ſon mieux pour anéantir le vieil homme, mais ainſi que ſes Prêtres il y a perdu juſqu’ici ſon latin, il faudra voir ſi par la ſuite ils s’en tireront à leur honneur.

Honnête-homme. Il eſt impoſſible de l’être ſi l’on n’eſt intimement convaincu que l’Egliſe eſt infaillible, que ſes Prêtres ne peuvent ni mentir ni avoir la berlue ; il eſt évident qu’un homme qui ne craint pas d’être damné dans l’autre monde ne ſentira jamais qu’il faut être eſtimable en celui-ci, & ne craindra point les châtimens ou les mépris de la Société.

Hôpitaux. Fondations pieuſes en faveur des pauvres, c’eſt-à-dire de ceux qui adminiſtrent leurs biens. Dieu récompenſe communément dès cette vie les ſoins charitables qu’ils accordent aux pauvres, il n’eſt gueres d’adminiſtrateur qui ne faſſe très-bonne chère, & qui ne ſe trouve très-bien à l’hôpital.

Humanité. Vertu de la morale profane, qu’il eſt néceſſaire d’étouffer quand on veut être bon Chrétien ; elle ne s’accorde preſque jamais avec les intérêts de la Divinité, dont, avec de l’humanité, les Prêtres feroient trop maigre chere. D’ailleurs ils ſont ſi occupés des intérêts du Ciel qu’ils n’ont gueres le tems de ſonger à ceux du genre humain.

Si les Prêtres n’ont point d’humanité en revanche ils nous font faire de bonnes Humanités, qui conſiſtent à nous apprendre un peu de mauvais latin & beaucoup de Catéchiſme. V. Education, Univerſités.

Humilité. Vertu Chrétienne qui prépare à la foi ; elle eſt ſur-tout très-utile aux Miniſtres de l’Evangile, aux lumieres desquels il eſt très-important de déférer par préférence aux ſiennes. Elle conſiſte à ſe mépriſer ſoi-même & à craindre l’eſtime des autres ; on ſent combien cette vertu eſt propre à former des grands hommes. Dans l’Egliſe de Dieu tout reſpire l’humilité. Les Evêques ſont humbles, les Jéſuites ſont humbles ; un Cardinal ne s’eſtime pas plus qu’un Gardien des Capucins ; le Pape ſe met humblement au deſſus de tous les Rois, & les Rois ſont fort humbles envers le Suiſſe du Paradis.

Hypocriſie. Moyen facile de parvenir en mettant le Clergé dans ſes intérêts. Les Hypocrites ſont d’un grand ſecours à la cauſe de Dieu ; ils la défendent communément avec bien plus de zêle que les dévots ſinceres qui ſont ſouvent trop ſimples. Cet article eſt de M. le Marquis de Pompignan.


I

Janſéniſtes. Catholiques bâtards, qui en dépit du très-Saint Pere, du Clergé & de la Cour, veulent à toute force paſſer pour très-orthodoxes. La grace efficace n’a pu encore juſqu’ici ſe faire goûter à la Cour ; en récompenſe elle a pour elle la rue S. Honoré, le Marais & les Halles, ſans compter pluſieurs de Noſſeigneurs du Parlement. Les Janſéniſtes ſont aſſez doux quand ils ne ſont point les plus forts ; leur charité s’aigrit un peu quand ils ont la force en main. Malgré l’auſtérité de leurs mœurs, leurs fronts ſe dérident quelquefois à la vue des miracles éclatans que Dieu opere chaque jour à la ſourdine en leur faveur : c’eſt ſur-tout en Carême que leur gayeté ſe déploie ; pour l’édification des gens de bien Sœur Françoiſe donnoit ci-devant un bal prié, le jour du Vendredi-Saint, rue Saint Denis, dans une allée vis-à-vis de St. Leu & St. Gilles. On dit qu’elle eſt morte à force d’y faire les beaux bras. V. Convulſionnaires & Secours. Cet Article eſt de Mr. Abraham Chaumeix.

Idées innées C’eſt ainſi que l’on nomme des notions que les nourrices & les Prêtres ont inſpirées de ſi bonne heure, & qu’ils ont ſi ſouvent répétées, que, devenu grand, l’on croit les avoir eu toujours, ou les avoir reçues dès le ventre de ſa mere. Toutes les idées du Catéchiſme ſont évidemment des idées innées.

Idolâtrie. Culte Religieux que l’on rend à des objets matériels & inanimés ; il n’eſt dû qu’au vrai Dieu & ne peut ſans crime ſe transférer aux créatures, à moins qu’il ne prît fantaiſie au vrai Dieu de ſe changer en gauffre, ou de changer la gauffre en lui, ce qui change la Thèſe.

Jéruſalem. Il y a deux villes de ce nom, l’une ſituéé en Judée, & l’autre au cinquantieme dégré des eſpaces imaginaires. Cette derniere eſt, ſelon St. Jean, une belle ville toute de diamans, d’émeraudes & de rubis ; les Chrétiens, qui ſe ſeront bien macérés ici-bas, iront y faire bombance un jour.

Jésuites. Moines très-noirs & très-guerriers, qui depuis deux ſiecles ſont venus ranimer la foi mourante. Ce ſont les Janiſſaires du Pape, à qui ſouvent ils font d’aſſez méchantes affaires. Ils ſont les dépoſitaires du Coutelet de l’Egliſe, dont le manche eſt à Rome chez l’Aga des Janiſſaires : depuis peu le P. Malagrida en a perdu la lame en Portugal, & ſes confreres en ont été dangereuſement bleſſés. Cet Article eſt du R. P. Crouſte.

Jéſus-Chriſt. Nom que prit autreſois la Divinité, lorsqu’elle vint incognito faire un tour en Judée, où, faute de décliner ſon vrai nom, elle fut pendue comme un eſpion. Sans cet heureux quiproquo le genre humain étoit perdu ; il n’auroit eu ni Théologie ni Clergé, & la France n’eût jamais entendu parler de la Bulle Unigenitus.

Jeûne. Abſtinence de nourriture. C’eſt une pratique très-agréable à la Divinité, qui ne nous donne des eſtomacs & des alimens que pour nous inviter à nous laiſſer périr d’inanition. Quand on ne peut jeûner ſoi-même il eſt bon de faire jeûner ſes gens. Un des grands avantages du jeûne c’eſt de nous diſpoſer à voir ce que les Prêtres veulent nous montrer ; quand l’eſtomac eſt vuide la tête eſt diſpoſée à battre la campagne. S. Bernard nous apprend que quand le corps jeûne notre ame fait bonne chere & devient graſſe à lard.

Ignorance. C’eſt le contraire de la ſcience, & la premiere diſpoſition à la foi. On en ſent toute l’importance pour l’Egliſe. Depuis que les Laïques ne ſont plus duement ignorans, la foi diminue, la charité ſe refroidit, & les actions du Clergé ſont bien tombées ſur la place.

Imitation. La Religion Chrétienne nous ordonne d’imiter le Dieu que nous adorons. D’où l’on voit que nous devons tendre des piéges aux hommes, les punir d’y avoir donné, exterminer les infideles, noyer ou brûler les pécheurs, enfin nous faire prendre afin de reſſembler à notre divin modele.

Immatériel. C’eſt ce qui n’eſt point matériel, ou ce qui eſt ſpirituel. Si vous voulez quelque choſe de plus, adreſſez-vous à votre Curé, qui vous prouvera que Dieu eſt immatériel, que votre ame eſt immatérielle, qu’un ange eſt immatériel, que l’argent de l’Egliſe eſt immatériel : ſi votre eſprit trop matériel n’y comprend rien, attendez que la foi vous vienne, ou craignez que votre eſprit bouché ne ſoit un jour matériellement ou ſpirituellement grillé pour avoir été trop matériel.

Immenſe. Dieu eſt immenſe, il eſt par-tout, il remplit tout. Il eſt donc dans moi quand je fais une ſotiſe ? Eh ! point du tout, grand Nigaud ! Il eſt par-tout, ſans néanmoins être dans vous ; ah ! j’entends, c’eſt un myſtere.

Immortalité. Qualité propre à notre ame, qui, comme on ſait, eſt un eſprit ; or un eſprit eſt une ſubſtance que nous ne connoiſſons pas ; donc il eſt démontré qu’elle ne peut ſe détruire comme les ſubſtances que nous connoiſſons. Il eſt eſſentiel pour l’Egliſe que nos ames ſoient immortelles, ſans cela nous pourrions bien n’avoir pas beſoin des Miniſtres de l’Egliſe, ce qui forceroit le Clergé de faire banqueroute.

Immuable. Dieu eſt immuable, c’eſt-à-dire n’eſt point ſuſceptible de changer ; cependant nous trouvons dans ſes papiers que ſouvent il a changé de projets, d’amis & même de Religion : mais tous ces changemens ne peuvent nuire à ſon immutabilité, ni à celle de ſes Prêtres immuables, qui jamais ne changent d’avis ſur le deſſein de mener les laïques par le nez.

Immunités. Privilèges très-prudemment accordes par les Princes ou plutôt par la Divinité même à ſes valets-de-pied ; en vertu des immunités ils peuvent être très-inſolens ici-bas, & ſont exemts de contribuer comme les autres aux beſoins de la Société. Dieu n’eſt jamais de plus méchante humeur que quand on touche aux immunités de ſes gens ; il s’en venge communément ſoit de vive force ſoit en traître.

Impénitence. C’eſt un endurciſſement dans le péché ; quand on perſévère juſqu’à la mort dans ſa rebellion à l’Egliſe, l’impénitence s’appelle finale, c’eſt le plus horrible des péchés, aux yeux du clergé qui ne peut conſentir que jamais Dieu le pardonne.

Impies. Ce ſont des gens qui ne ſont pas pieux, ou qui manquant de foi ont l’impertinence de rire des choſes que les dévots & les prêtres ſont convenus de regarder comme ſérieuſes & ſaintes. Une femme impie eſt celle qui n’eſt pas une pie comme ſa commere la dévote, ou ſa voiſine la Janſéniſte, ou ſa Tante la bégueule.

Impiété. C’eſt tout ce qui porte atteinte à l’honneur de Dieu, c’eſt-à-dire du Clergé.

Implicite. C’eſt le caractère que doit avoir la foi quand elle eſt bien conditionnée ; cette foi eſt la même choſe que la foi du charbonnier ; elle conſiſte à ne jamais douter de ce que dit M. le Curé, quand on eſt Catholique ; de ce que dit le Profeſſeur Vernet quand on eſt Genevois ; de ce que dit le Muphti, quand on eſt un Bourgeois de Conſtantinople.

Important. Il n’y a rien de plus important au monde que ce qu’il importe aux Prêtres de faire regarder comme important. Le monde Chrétien a eu depuis pluſieurs ſiecles le bonheur d’être troublé pour des mots importans, des argumens importans, des époques importantes, des Cérémonies importantes, des Capuchons importans, des Bulles très-importantes &c.

Impoſition des mains. Cérémonie ſacrée requiſe pour faire des Prêtres, et non des impoſteurs comme ſon nom ſembleroit l’indiquer. Par cette ſainte magie, qui s’appelle chirotonie, le Saint-Eſprit deſcend ſur le crâne d’un Prêtre, qui dès lors ne peut plus dire que des vérités, pourvû néanmoins que ce qu’il dit ſoit approuvé de ſon Evêque ; qui tient toujours, comme on ſait, la foi de la première main.

Imprimerie. Invention diabolique & digne de l’Ante-Chriſt ; elle devroit être proſcrite de tout pays Chrétien. Les fideles n’ont pas beſoin de livres, un chapelet leur ſuffit. Pour bien faire on ne devroit imprimer que le bréviaire & le Pédagogue Chrétien.

Incarnation. Tout Chrétien eſt obligé de croire que l’eſprit, qui remplit l’univers de ſon immenſité, s’eſt autrefois rapetiſſé de maniere à tenir dans la peau d’un Juif ; mais il ne s’eſt pas bien trouvé de la métamorphoſe, on aſſûre qu’il n’y reviendra plus. Ceux qui voudront ſe faire une idée claire de ce myſtere ineffable, trouveront de quoi ſe ſatisfaire dans ce cantique de M. Simon Le-Franc.

CANTIQUE.

Le péché de notre premier Pere
Le perdit & tous ſes deſcendans :
Mais le courroux d’un Dieu tout débonnaire
Loin d’être éternel, ne dura guere
Que quatre mille ans.

***

Quand il eut donné ce peu d’années
Aux tranſports d’un premier mouvement,
La grace vint changer les deſtinées
Des ames qui ſe trouvoient damnées
Sans ſavoir comment.

* * *

Pour réparer le mal de la Pomme
Voici donc ce qu’à ſon fils il dit :
Allez vous faire, courez vous faire homme ;
Souffrez, mourez : à cela voici comme
Le fils répondit.

* * *

J’obéis, mais je ne puis vous taire
Un fait que vous ne pouvez nier ;
Je ſuis Dieu comme vous, mon cher Pere,
Devenir homme, n’eſt-ce pas me faire
D’Evêque meûnier ?

* * *

Alte-là, mon fils, c’eſt un Myſtere
Qu’il faut croire avec ſoumiſſion.
Vous naîtrez d’une vierge Mere,
J’ai mon Saint-Eſprit prêt à lui faire
L’opération.

* * *

N’ai-je pas là, pourſuit-il, quelque Ange
Prêt à faire une commiſſion ?
Où ſont-ils donc ? Il faudra que j’en change.
Hé, Gabriel, ſur ce plan qu’on m’arrange
L’incarnation.

* * *

L’Ange part, vole ſur l’Hémiſphere,
Va chez la femme d’un charpentier,
C’eſt un drôle, on n’a qu’à le laiſſer faire,
Nul n’entend mieux à nouer une affaire,
C’eſt-là ſon métier.

***

Il fait ſon compliment dès qu’il entre,
Et comme un ange il a de l’eſprit ;
Des grâces, dit-il, vous êtes le centre,
Bénit-ſoit le fruit de votre ventre :
Le compliment prit.

FIN :

Inceſte. Crime contre nature qui étoit permis du tems d’Adam & que ſouvent le pape permet encore quand il eſt bien payé. C’eſt un péché impardonnable que de coucher avec ſa maraine, l’on commet alors un inceſte ſpirituel, ce qui eſt auſſi terrible qu’un inceſte corporel.

Incompréhenſible. Dieu eſt incompréhenſible ainſi que les myſtères de la religion : il n’y a que les Prêtres qui y comprennent quelque choſe, ce qui fait voir la profondeur de leur caboche ſacrée.

Incrédules. Ce ſont des coquins qui ne ſont point crédules ; ils ont l’impertinence de ſuppoſer que Dieu pourroit bien n’avoir pas dit tout ce qu’on lui fait dire, & que ſes Prêtres pourroient bien vouloir en donner à garder. On voit évidemment que des gens de cette trempe ſont inutiles au Clergé & par conſéquent à la Société, qui ne peut ſe paſſer du Clergé. D’ailleurs S. Auguſtin, qui y avoit bien rêvé, nous aſſure que l’incrédulité eſt le péché des péchés.

Indéfectibilité. Dieu lui-même a promis à ſon Egliſe qu’elle ſeroit toujours aimable, qu’elle ne vieilliroit point, qu’elle ne radoteroit jamais, que les portes de l’enfer ne prévaudroient point contre elle. Malgré ces aſſurances elle fait le diable à quatre auſſitôt qu’on lui dit un mot de travers, ce qui ne vient pas de ce qu’elle manque de foi, mais de ce qu’elle craint de manquer d’argent & de crédit, qui lui ſont très-néceſſaires pour alimenter ſa foi.

Indulgences. Grâces ſpirituelles que l’Egliſe ou le Pape accordent aux fideles, dont l’effet eſt de remettre les péchés paſſés, préſens & futurs. Ces indulgences ne doivent point ſe confondre avec ce que les profanes nomment de l’indulgence, c’eſt une diſpoſition dont le Clergé ne doit jamais ſe piquer.

Ineffable. Toutes les qualités divines ſont ineffables, c’eſt-à-dire au deſſus de toute expreſſion, au deſſus de l’intelligence humaine. Mais comme les Prêtres en raiſonnent ſans ceſſe, les bons Chrétiens doivent pieuſement ſuppoſer qu’ils ſavent très bien ce qu’ils diſent, lorſqu’ils parlent de choſes ineffables auxquelles le vulgaire ne comprend rien.

Infaillibilité. Privilège excluſif accordé à l’Egliſe par la Divinité même. Ses Evêques aſſemblés en corps ne peuvent errer ſur la foi, toutes les fois qu’ils ne décident rien, ou toutes les fois qu’ils ſont aſſez forts pour faire paſſer leurs déciſions. Suivant quelques Chrétiens le pape eſt infaillible, mais beaucoup d’autres ont le courage de douter de cette vérité. En général on peut dire que tout Prêtre, tout Curé, tout Prédicant, tout Rabbin, tout Iman, &c. jouiſſent de l’infaillibilité toutes les fois qu’il y a du danger à les contredire ; tout Prêtre qui a du pouvoir eſt évidemment infaillible.

Infini. C’eſt ce qui n’eſt point fini ou ce dont on ne connoît point le terme. Dieu eſt infini, c’eſt-à-dire que les Théologiens ne ſavent point au juſte juſqu’où ſes qualités s’étendent. Le Clergé partage avec Dieu l’infinité ; comme lui il eſt infiniment ſage, infiniment puiſſant, infiniment reſpecté par les Chrétiens qui ſont d’une infinie ſimplicité.

Ingratitude. Diſpoſition odieuſe dans les laïques, qui ne doivent jamais perdre de vue les obligations infinies qu’ils ont à leur Clergé ; celui-ci peut être ingrat, c’eſt-à-dire il ne doit avoir obligation à perſonne ici-bas des revenus, des privileges, des bénéfices qu’on leur donne ; ceux qui les leur donnent ne ſont jamais que des inſtrumens dont Dieu ſe ſert pour obliger ſes amis du Clergé. Les Prêtres ſont en conſcience obligés d’être ingrats, ne fût-ce que pour accomplir la Prophétie de Michée qui dit d’eux que ſi on leur donne quelque choſe à manger, auſſitôt ils vous déclarent la guerre. Nos Prêtres ſont trop polis pour démentir un Prophête.

Injures. Expreſſions polies & charitables, dont les Théologiens ſe ſervent entre eux, ou contre leurs adverſaires, quand ils veulent concilier les choſes, ou bien quand il s’agit de répondre aux difficultés qu’on leur propoſe ; les injures ſont des argumens très-convainquans, cependant il eſt encore plus ſûr de répondre par des fagots.

Inquiſition. Tribunal ſacré, c’eſt-àdire, compoſé de Prêtres & de Moines, indépendans de la puiſſance civile, qui ont, comme de raiſon, reçu le droit de juger ſans appel dans leur propre cauſe & de faire brûler ceux qui plaident contre eux. A l’aide de ce ſaint Tribunal les Princes qui l’autoriſent ont l’avantage d’avoir des ſujets bien orthodoxes, bien dévots, bien gueux & toujours bien diſpoſés à prendre parti pour le Clergé contre la puiſſance temporelle. C’eſt bien dommage que juſqu’ici l’on n’ait point encore ſenti en France l’utilité d’un ſi ſaint Tribunal.

Inſpirations. Ce ſont des vents ſpirituels partis ſoit du croupion ſoit du bec du Saint-Eſprit, qui ſoufflent dans les oreilles de quelques hommes choiſis, dont Dieu ſe ſert comme d’une ſarbacane pour faire connoître ſes volontés au vulgaire étonné des belles choſes qu’on lui annonce.

Inſtructions Chrétiennes. Elles conſiſtent à conter des fables ſacrées & à combattre la raiſon des fideles qu’on veut inſtruire. Ces fonctions ſublimes appartiennent excluſivement au Clergé, qui jouit du droit divin de rendre les peuples auſſi imbéciles & auſſi fous que leurs intérêts le demandent.

Interdit. Châtiment épouvantable que les chefs de l’Egliſe infligent quelquefois aux ſujets des Princes qu’ils veulent mettre à la raiſon. Il conſiſte à priver les peuples du culte, des cérémonies & des graces ſpirituelles ſans leſquelles les bleds ne leveroient point & les vignes ſeroient infailliblement gelées. Les Papes employoient autrefois ce remede avec ſuccès contre l’indocilité des Souverains, ils en ſont plus chiches depuis que la foi s’eſt morfondue ſur la terre.

Intérêt. Les Miniſtres de l’Egliſe ſont de tous les hommes les plus déſintéreſſés pour eux-mêmes ; ils n’ont jamais en vue que les intérêts de Dieu, qui, comme on ſait, eſt très-intéréſſé, ainſi que ſon Epouſe qui ne l’eſt pas moins que lui ; l’Egliſe a beſoin d’argent pour faire aller le ménage. On ſait que les Prêtres prennent un grand intérêt aux ames, quand ces ames ſur-tout s’intéreſſent au Clergé.

Interpretes. Ce ſont de ſaints chicanneurs que l’Egliſe charge de ſes affaires lorſqu’elles ſont bien embrouillées ; à force de rêver ils parviennent communément à faire perdre le procès au bon ſens.

Jonas. Prophête hargneux & colere ; il fut trois jours dans le ventre d’une baleine, qui fut à la fin obligée de le vomir, tant un Prophête eſt un morceau difficile à digérer. Dieu le chargea de mentir de ſa part aux Ninivites, ce qui lui donna de l’humeur ; un Prophête communément ne cherche que playe & boſſe.

Jongleurs. Faiſeurs de tours de gibeciere, qui par leurs tours merveilleux en impoſent au vulgaire dans toutes les nations. Les Prêtres des religions fauſſes ſont de faux jongleurs ou des fripons ; les Prêtres de la vraye religion ſont les jongleurs véritables que l’on doit reſpecter, ſur-tout quand ils ſont à portée de jouer de mauvais tours.

Joſeph (S.) C’eſt le Pere putatif de Dieu le fils ; le modele des bons maris, le Patron des Cocus. Il étoit ſujet à avoir des viſions cornues tandis que ſa chere moitié ſe divertiſſoit avec Dieu ou ſes Anges, ou bien avec Pantere.

Joug. Le Joug du Seigneur eſt doux, ſon fardeau eſt léger. Pour les porter plus leſtement il s’agit ſeulement d’avoir des épaules bien fortes, une échine bien ſouple, & de donner ſa bourſe à porter aux voituriers qui nous attelent.

Jubilé. Tems de récréation & de gayeté que le Pape accorde à ſes Brébis pour s’ébaudir dans le pré ſpirituel par mille pratiques amuſantes, qui contribuent toujours à fumer le terrein de l’Egliſe.

Judée. Pays pierreux & ſtérile, à peu près auſſi vaſte que le Royaume d’Ivetot, qui, par un miracle ſurprenant, produiſoit à ſes Rois autant de revenus que l’Europe entiere, les fraix de la tribu de Levi déduits.

Jugement dernier. Quand le Pere Eternel en aura aſſez des ſotiſes qu’il fait faire, qu’il laiſſe faire, ou qu’il permet de faire à ſes créatures, qu’il a fait ſi ſottes, il les raſſemblera toutes dans la petite vallée de Joſaphat, pour leur faire rendre compte de leurs ſotiſes, comme s’il n’en eût point connoiſſance ; après quoi l’on aſſure qu’il fermera boutique pour toujours, & l’univers n’aura plus ni Théologiens ni Théologie, pour le punir de n’en avoir pas mieux ſû profiter. Le jugement dernier ſera précédé d’un jugement particulier, dans lequel chaque homme après ſa mort rendra compte à Dieu, qui ſait tout, des actions qu’il pourroit ignorer.

Jugemens téméraires. Ils ſont défendus par l’Evangile, ſur-tout aux laïques qui ne doivent jamais juger la conduite de leurs guides ſpirituels. S’ils trouvoient un Evêque ou un Abbé en mauvais lieu, ils devroient préſumer que c’eſt pour le bien des ames, & pour la plus grande gloire de la Divinité, qui ne peut-être fâchée que ſes gens ſe réjouiſſent.

Juifs. Nation remplie d’aménité, compoſée de ladres, de galleux, de rogneux, d’uſuriers, de filoux, dont le Dieu de l’univers, épris de ſes belles qualités, eſt jadis tombé amoureux, ce qui lui a fait dire & faire bien des ſotiſes : il en eſt bien revenu aujourd’hui depuis que les Juifs lui ont pendu ſon fils, il ne veut plus que des Juifs grillés ; l’inquiſition eſt chargée d’en fournir ſa cuiſine.

Juſtes. Ce ſont ceux des Chrétiens qui ont l’avantage excluſif de plaire à la Divinité. La terre leur appartient de droit, ils peuvent s’en emparer quand ils ſont les plus forts.

Juſtice divine. Elle ne reſſemble aucunement à la juſtice humaine : cependant les Théologiens ſavent très-bien ce que c’eſt. C’eſt par un effet de la juſtice Théologique que Dieu fait porter à tous les hommes la peine d’une faute commiſe par un ſeul ; c’eſt par juſtice qu’il a fait mourir ſon cher fils innocent pour appaiſer ſa propre juſtice ; c’eſt par juſtice qu’il cuit éternellement tous ceux à qui il refuſe ſa grace ; c’eſt par juſtice que les Prêtres font brûler ceux qui n’ont pas reçu la grace de penſer tout comme eux. D’où l’on voit que la juſtice Théologique ou divine n’a rien de commun avec ce que les hommes ont appellé juſtice.


L

Laïques. Animaux profanes ou immondes qui n’ont pas l’honneur de manger au ratelier ſacré : ce ſont les bêtes de ſomme ou les montures du Clergé, avec cette différence que c’eſt communément le Cavalier qui nourrit ſa monture, au-lieu que dans l’Egliſe de Dieu l’uſage veut que la monture nourriſſe le Cavalier. Voyez Ânes, ſots, etc.

Latine (Egliſe). C’eſt celle où le peuple qui ne ſait plus le latin, continue pourtant à chanter en latin ; cet uſage eſt très-ſenſé, vû qu’il convient au Clergé que les Chrétiens, ſemblables aux Perroquets, n’entendent jamais ce qu’ils diſent, & ne ſoient pas ſcandaliſés des belles choſes qu’on leur fait chanter dans le pſeautier diſtribué.

Légendes. Hiſtoires édifiantes & merveilleuſes que l’on ne lit plus aſſez depuis que des critiques eſprits forts ont refroidi la crédulité des fidèles.

Lettres. Elles ſont inutiles à l’Egliſe, dont les ſaints fondateurs furent ignares & non lettrés ; les ſeules Lettres dont l’Egliſe ait beſoin ſont les Lettres de Cachet.

Lévites. Ce ſont les enfans de Lévi à qui, pour les récompenſer de leur pieuſe férocité, le doux Moyſe confia les fonctions du ſacré Miniſtere. La tribu de Lévi avoit égorgé par ſon ordre ſes chers concitoyens, que le grand Prêtre Aaron avoit fait prévariquer. D’où l’on voit que nos Prêtres, qui ont ſuccédé aux droits & au zêle des Lévites, ont raiſon de faire égorger les coquins que des Prêtres ont induits en erreur.

Libertés de l’Egliſe Gallicane. Les François qui ſont légers, traitent ſouvent très-légérement le Saint Pere ; nos Magiſtrats ſont des eſprits-forts qui nient ſon infaillibilité, qui le croyent lui-même ſoumis à toute l’Egliſe, qui prétendent qu’il n’a pas, comme Samuël, le droit de dépoſer les Rois, ni même de fourrer ſon ſaint nez dans leurs affaires temporelles. Ces maximes ſentent furieuſement l’héréſie pour un nez à la Romaine.

Liberté de penſer. Elle doit être réprimée avec la plus grande rigueur ; les Prêtres ſont payés pour penſer, les fideles n’ont rien à faire que de payer graſſement ceux qui penſent pour eux.

Liberté politique. Elle n’eſt pas trop du goût de l’Egliſe. Le Deſpotiſme eſt plus avantageux aux Miniſtres du Seigneur ; quand le Prince eſt ſellé, toute la nation eſt bridée ou forcée de plier ſous le joug du Seigneur, qui, comme on ſait, eſt toujours on ne peut pas plus léger.

Libertins. L’on doit appeller Libertins tous ceux qui ne croyent point à la Religion. Il eſt impoſſible d’avoir des mœurs quand on raiſonne ; il n’y a que des Libertins & des crapuleux qui puiſſent raiſonner & douter des droits divins ou de l’infaillibilité des Prêtres. D’ailleurs il eſt évident que parmi les vrais croyans jamais on ne voit de libertinage ou de mauvaiſes mœurs.

Libre arbitre. L’homme eſt libre, ſans cela ſes Prêtres ne pourroient point le damner. Le libre arbitre eſt un petit préſent dont par une faveur diſtinguée Dieu gratifie l’eſpece humaine ; à l’aide de ce libre arbitre nous jouiſſons par deſſus les autres animaux & les plantes de la faculté de pouvoir nous perdre pour toujours, quand notre libre arbitre n’eſt point d’accord avec les volontés du Tout-Puiſſant ; celui-ci a pour lors le plaiſir de punir ceux qu’il a laiſſés libres de le faire enrager.

Ligue. Aſſociation ſainte formée dans le 16e. ſiecle par l’Egliſe de Dieu, dont l’effet ſalutaire fut de maſſacrer un Roi de France, de déchirer le Royaume & de faire entendre la Meſſe à un Prince hérétique qui s’en trouva très-bien.

Livres. Il n’y a que les Livres de plein-chant qui ſoient utiles à l’Egliſe. On peut encore permettre aux Chrétiens de lire l’imitation de Jéſus-Chriſt, la légende dorée & les heures ; tous les autres Livres ne ſont bons qu’à brûler ou à placer dans une Bibliotheque de Moines où ils ne ſont pas dans le cas de nuire à perſonne.

Livre de vie. C’eſt un petit Regiſtre fort court, où Dieu, pour aider ſa mémoire, écrit ou fait écrire par ſon premier Secrétaire les noms de cinq ou ſix dévots, qui pendant chaque ſiecle ont le bonheur de lui plaire & de faire honneur au Clergé.

Logique. Chez les profanes c’eſt l’art de raiſonner, chez les Théologiens c’eſt l’art de déraiſonner ſoi-même ou de dérouter la raiſon des autres. La logique Théologique devient très-convaincante quand elle eſt appuyée par des fuſils & des bûchers.

Logogriphes. Voyez Bible, Oracles, Théologie.

Loup-garou. Il devroit être de foi d’y croire ; il eſt toujours utile d’accoutumer les hommes à avoir peur ; l’Egliſe ne peut qu’y gagner. Le Diable eſt le loup-garou des enfans de quarante ans.

Lune. Planete où l’on aſſure que vont ſe rendre toutes les choſes qui ſe perdent ici-bas. Les Chrétiens y retrouveront quelque jour leur eſprit, leur bon ſens, & ſur-tout les écus qu’ils donnent à leurs Prêtres. En attendant, la lune influe grandement ſur les Chrétiens, ſur les Chrétiennes, & ſur l’Egliſe de Dieu, qui eſt aſſez quinteuſe.

Luxe. L’Egliſe, ainſi que toutes les femmes, a, malgré ſon mari, du goût pour le luxe & la parure ; la Vierge, ſa belle-mere, n’en eſt pas moins curieuſe que ſa Bru, elle n’eſt jamais plus contente que quand on lui met une robe bien pomponée.

Luxure. Péché capital ſur lequel le bon Dieu n’entend jamais raiſon. Par une grace ſpéciale les Prêtres & les Moines en ſont exempts ; la Grace, à point nommé, leur vient nouer l’aiguillette. Un Moine paillard eſt un être de raiſon. L’on ſait d’ailleurs que pour les Prêtres la fornication eſt un cas réſervé.


M

Macérations. Ce ſont des moyens ingénieux de ſe rendre bien maigre. Dieu n’aime point les gros ventres à moins qu’un Bernardin n’en ſoit porteur. Il faut que les laïques ſoient bien dégraiſſés s’ils veulent ſe fourrer par le guichet du Paradis.

Magie. Il y en a de deux ſortes, la blanche & la noire. La premiere eſt très-ſainte & ſe pratique journellement dans l’Egliſe ; ſes Miniſtres ſont des ſorciers qui forcent & Dieu & Diable de faire tous les tours qu’ils leur demandent. La Magie noire eſt illicite pour les laïques, il n’eſt permis qu’aux Prêtres d’avoir affaire avec le Diable.

Mahométiſme. Religion ſanguinaire dont l’odieux fondateur voulut que ſa loi fût établie par le fer & par le feu ; on ſent la différence de cette religion de ſang & de celle du Chriſt qui ne prêcha que la douceur, & dont en conſéquence le Clergé établit ſes ſaint dogmes par le fer & par le feu.

Maigre. Les Chrétiens Grecs & Latins ſont convaincus que le Très-Haut, ſemblable à un Commis de barriere, examine avec attention du haut de ſa lucarne éternelle, les marchandiſes qui paſſent dans l’eſtomac des fideles ; il ne peut ſupporter que pendant le Carême on y faſſe entrer des dindons, des poulardes, du mouton ; mais il eſt très-content quand il y voit entrer des harangs, de la morue, des anguilles à la Needham, & même des œufs, pourvû que Monſeigneur l’Archevêque y conſente.

Mal. C’eſt par le péché d’Adam que le mal eſt entré dans le monde ; ſi le ſot n’eût péché nous n’aurions eu ni la galle, ni la teigne, ni la rogne, ni la Théologie, ni la foi, qui eſt le remede ſouverain à tous nos maux.

Mal ſonnante. On appelle ainſi toute propoſition qui ne ſonne pas bien aux oreilles des Prêtres. C’eſt, par exemple, une propoſition mal ſonnante que de dire que les Prêtres ne devroient pas être payés en eſpeces ſonnantes des denrées ſpirituelles ou des ſons qu’ils nous vendent.

Manichéiſme. Héréſie juſtement condamnée & déteſtée par les Chrétiens. Les Manichéens admettent dans l’univers deux principes égaux en puiſſance, ce qui eſt abominable ; les Chrétiens admettent un Dieu tout-puiſſant dont le Diable à chaque inſtant peut renverſer les projets, ce qui eſt très-orthodoxe.

Mariage. Etat d’imperfection, dont l’Egliſe a pourtant fait un Sacrement ; il n’a qu’une choſe de bonne, c’eſt de valoir de l’argent aux Prêtres, qui ont ſagement inventé des empêchemens afin d’avoir le plaiſir d’en diſpenſer pour de l’argent.

Martyrs. Ce ſont de ſaints entêtés qui ſe font empriſonner, fuſtiger, déchirer & brûler pour prouver à l’univers que leurs Prêtres n’ont point tort. Toutes les Religions ont des Martyrs ; mais les Martyrs véritables ſont ceux qui ſont morts pour la Religion véritable ; la Religion véritable eſt celle qui n’eſt pas fauſſe, ou dont les Prêtres ont raiſon.

Maſſacres. Boucheries ſacrées, que pour le bien des nations la ſainte Théologie a fondées ſur la terre, pour l’édification des élus & pour le maintien de la foi. Les bons Catholiques ſe rappellent avec joye les maſſacres des Albigeois, les maſſacres d’Irlande, & ſur-tout le ſaint maſſacre de la Saint-Barthélemi, dont le ſaint Abbé de Caveyrac vient de faire l’apologie.

Matérialiſme. Opinion abſurde, c’eſt-à-dire contraire à la Théologie, que ſoutiennent des impies qui n’ont point aſſez d’eſprit pour ſavoir ce que c’eſt qu’un eſprit, ou une ſubſtance qui n’a aucune des qualités que nous pouvons connoître. Les premiers docteurs de l’Egliſe étoient un peu matérialiſtes ; les grivois croyoient Dieu & l’ame matérielle ; mais la Théologie a changé tout cela, & ſi les Peres de l’Egliſe revenoient aujourd’hui, la Sorbonne pourroit bien les faire cuire pour leur apprendre le dogme de la ſpiritualité.

Matines. Prieres que l’on chante pendant la nuit dans l’Egliſe Romaine, pour empêcher le Pere éternel, qui eſt ſujet à roupiller, de s’endormir ſur les beſoins de ſes enfans chéris.

Méchant. Dieu eſt infiniment bon, mais il eſt très-eſſentiel de le faire, ſans en rien dire, plus méchant que le Diable ; il en revient toujours quelque choſe à ceux qui ſavent le ſecret de l’appaiſer ; avec un Dieu trop bon le Clergé feroit très-mal ſes affaires.

Médecins. On ſait que les Prêtres ſont les médecins des ames : ils ont ſoin de nous rendre bien galleux afin de nous procurer le plaiſir de nous gratter longtems. Quant aux remedes qu’ils employent, ils ont volontiers recours à la purgation, aux ſaignées & ſur-tout aux cauſtiques. Leurs pillules ſont ameres, elles ne ſont jamais bien dorées que pour eux.

Méditation. Un bon Chrétien n’a rien de mieux à faire en ce monde que de méditer ſans relâche les myſteres de ſa Religion : c’eſt une beſogne qui peut l’amuſer quelque tems, ſur-tout s’il ſe propoſe d’y comprendre quelque choſe.

Melchiſedech. Prêtre qui n’avoit ni pere ni mere ; il étoit la figure ou le modele de nos Prêtres Chrétiens qui ſe détachent par piété de tous les liens du ſang pour s’attacher à l’Egliſe. Un Prêtre ne doit tenir ni à ſa patrie ni à ſa famille quand il s’agit de la banniere ſacrée.

Per calcatum perge Patrem,
Per calcatam perge matrem,
Et ad crucis fignum evola.

Mendians. Moines qui ont juré à Dieu de ne rien poſſéder en propre, & de vivre aux dépens de ceux qui poſſedent quelque choſe. On ne ſauroit en avoir trop dans un Etat : les gueux ſont les amis de Dieu ; ils ont au moins pour les autres un crédit qu’ils n’employent point pour eux-mêmes.

Mercénaires. Ce ſont des gens qui ne font rien pour rien : les Prêtres du Seigneur ne ſont point des mercénaires ; ils nous font peur gratuitement, ils ſe diſputent gratuitement, ils perſécutent gratuitement, ils troublent gratuitement la Société, & n’attendent que de Dieu ſeul la récompenſe de leurs peines ; pourvu néanmoins que les peuples ſe rendent caution pour lui ou les payent d’avance.

Merveilleux. C’eſt la baſe de toute Religion ; c’eſt tout ce que l’on ne peut comprendre ; c’eſt tout ce qui fait ouvrir de grands yeux & de grandes oreilles aux bons hommes & aux bonnes femmes ; les malins qui manquent de foi ne voyent rien de merveilleux en ce monde que la docilité du genre humain & l’intrépidité des Prêtres, qui ſont de grandes merveilles annoncées par Jérémie, qui prétend que les Prêtres ne rougiſſent jamais ; facies Sacerdotum non erubuerunt. voyez lament. ch iv.

Meſſe. C’eſt dans l’Egliſe Romaine une ſuite de cérémonies magiques, de prieres en beau latin, de tours de gobelet qu’un Prêtre a ſeul droit de faire. La Meſſe ſert à rappeller à Dieu la mort de ſon cher fils ; trait qui fait autant d’honneur à ſa bonté qu’à ſa juſtice divine.

Meſſie. C’eſt le libérateur du peuple d’Iſraël ; celui-ci n’eut point l’eſprit de le reconnoître dans un garçon charpentier, qui n’a pu ſe délivrer lui-même de la potence ; en récompenſe il a délivré de la mort & du péché les Chrétiens, qui depuis ſon aventure ne meurent & ne pechent plus, comme chacun peut s’en aſſurer pour peu qu’il veuille fermer les yeux.

Métaphyſique. Science très-importante & très-ſublime, à l’aide de laquelle chacun peut ſe mettre à portée de connoître à fond de belles choſes dont ſes ſens ne lui fourniſſent aucune idée. Tous les Chrétiens ſont de profonds métaphyſiciens ; il n’eſt point de ravaudeuſe qui ne ſache imperturbablement ce que c’eſt qu’un pur eſprit, une ame immatérielle, un ange, & ce qu’on doit penſer de la grace efficace par elle-même.

Militante. Epithete qui convient à l’Egliſe ; tant qu’elle eſt ſur la terre, elle eſt aux priſes avec la raiſon ; ſes Miniſtres ſont des guerriers qui n’ont rien de mieux à faire que de s’eſcrimer les uns contre les autres pour gagner l’argent de ceux qui s’amuſent de leurs combats, ou de faire faire des exécutions militaires contre ceux qui refuſent de payer.

Miracles. Oeuvres ſurnaturelles, c’eſt-à-dire contraires aux lois ſages que la Divinité immuable a preſcrites à la nature. Avec de la foi on fait des miracles tant qu’on veut, & avec de la foi on les croit tant qu’on peut. Quand la foi diminue on ne voit plus de miracles, & la nature pour lors va tout bonnement ſon petit train.

Miſéricorde. Attribut diſtinctif du Dieu des Chrétiens, mais non pas de ſes Prêtres, qui brûlent ſans miſéricorde en ce monde & dans l’autre ceux qui n’ont pas l’avantage de leur plaire. Cependant les Evêques montrent de la miſéricorde dans leurs mandemens ; c’eſt de la miſéricorde divine qu’ils tiennent les Evêchés que les Rois ont accordés à leurs ſollicitations preſſantes.

Miſſionnaires. Ce ſont de ſaints enrôleurs, qui au riſque d’être fuſtigés ou pendus, vont dans des pays lointains recrûter des ames à Dieu, des martyrs à l’Egliſe & des richeſſes à leurs couvents. A l’aide de l’eau-de-vie & des mouſquets, les Miſſions ont aſſez de ſuccès.

Moines. Prêtres réguliers, c’eſt-à-dire enrégimentés ; ils ſont vêtus de blanc, de gris, de brun, de noir ; avec des barbes ou ſans barbes ; ayant piece ſans barbe ou barbe ſans piece, ou barbe & piece : en un mot ce ſont des hommes infiniment utiles à la Société, ſur laquelle en conſéquence ils ont le droit de lever des impôts journaliers quand ils n’ont point de biens-fonds. Les Moines ſont les ſoutiens & les lumieres de l’Egliſe Romaine ; les Nations qui ſont privées de cette utile denrée, ſont riches, & par conſéquent ſeront à coup ſûr damnées. Cet Article eſt du R. P Hayer, Récollet.

Moliniſtes. Ce ſont des gens qui ont ſur la Grace un Syſtême oppoſé à celui des Janſéniſtes. La Cour, qui s’entend parfaitement en Théologie, a toujours un peu panché pour le Syſtême de Molina, qu’elle a mûrement examiné ; quant au Clergé, il eſt communément de l’avis de celui qui tient la feuille des bénéfices : celui-ci n’eſt contredit que par quelques poiloux qui n’ont point de part à eſpérer dans le gâteau ſacré.

Monde. Dans l’eſprit d’un Chrétien bien dévot le monde eſt la choſe la plus haïſſable du monde ; il doit s’en détacher pour ne penſer qu’à l’autre monde, & pour bien faire il doit commencer par donner tout ſon bien aux Prêtres, dont le Royaume n’eſt pas de ce monde.

Morale Chrétienne. Elle eſt bien plus excellente que la morale humaine ou Philoſophique, qui lui eſt très-oppoſée. Elle conſiſte à être bien dévot, à bien prier, à bien croire, à être bien zêlé, bien triſte, bien malfaiſant, bien oiſif ; tandis que la morale profane preſcrit d’être juſte, actif, indulgent et bienfaiſant. D’où l’on peut conclure que ſans la religion chrétienne il ne pourroit y avoir de morale ſur la terre.

Mort. La mort eſt la ſolde du péché ; ſans le péché d’Adam les hommes ne ſeroient point morts ; les arbres ne ſeroient point morts, les chiens ne ſeroient point morts. Tous les arbres ont péché en la perſonne de l’arbre qui porta le fruit défendu ; tous les animaux ont péché en la perſonne du ſerpent ſéducteur ; tous les hommes ont péché en la perſonne d’Adam, & voilà pourquoi les hommes, les animaux & les plantes ſont ſujets à la mort. Conſolons-nous pourtant ; la mort pour les Chrétiens eſt l’entrée de la vie, & fait bien vivre nos ſacrificateurs, qui tirent un auſſi grand parti des morts que des vivans : les ſacrés corbeaux & les ſaints cormorans ſont fortement attirés par l’odeur d’un cadavre.

Mortifications. Ce ſont mille petites inventions curieuſes que les bons Chrétiens ont imaginées pour ſe faire périr à petit feu, ou pour ſe rendre la vie inſupportable. Il eſt clair que le Dieu de la bonté ne nous a donné la vie & la ſanté que pour que nous euſſions la gloire de les détruire peu à peu ; il n’eſt point permis de ſe tuer tout d’un coup, cela pourroit empêcher le plaiſir que le bon Dieu prend à nos ſouffrances de durer aſſez longtems.

Mots. Dans l’uſage ordinaire les mots ſont deſtinés à peindre des objets réels, exiſtans & connus ; dans la Théologie les mots ſont deſtinés à ne peindre que des mots.

Mourans. Si les malades & les mourans ne ſont plus d’une grande reſſource pour la Société, l’Egliſe en récompenſe en fait bien ſes choux gras ; elle ſait qu’on eſt aſſez généreux de ce qu’on eſt obligé de laiſſer en arriere. C’eſt près du lit des mourans que le Clergé triomphe ; ſouvent alors les incrédules eux-mêmes reconnoiſſent leurs erreurs ; ils ſe rendent à des argumens que la peur, ou que l’affoibliſſement du corps et & l’eſprit font trouver invincibles. Les vérités de la Religion ne ſont jamais mieux ſenties que par ceux qui ſont incapables de raiſonner.

Moutarde. Denrée très-précieuſe & très-rare dans la Religion. On ſait que gros de foi comme un grain de moutarde ſuffit pour tranſporter des montagnes. Le Pape en a pour ſa part une ſi grande proviſion qu’il lui faut un homme tout exprès pour la porter ; c’eſt lui que l’on déſigne ſous le nom de premier moutardier du Pape.

Moyſe. Prophête inſpiré de Dieu, qui lui donna une loi divine & ſainte, que Dieu fut obligé de changer par la ſuite, vû qu’elle ne valoit plus rien. Moyſe cauſoit familiérement avec le derriere de Dieu. Il étoit le plus doux des hommes, comme il l’a dit lui-même ; cependant il fit par fois égorger quelques milliers d’Iſraëlites ; il fut en cela la figure de l’Egliſe qui, comme on ſait, eſt la plus tendre & la plus douce des Meres, quoique de tems en tems elle joue des tours ſanglans à ſes enfans bien-aimés.

Myſteres. Ce ſont des choſes qu’on ne comprend pas, mais qu’on doit croire ſans les comprendre, ce qui devient très-facile quand on a de la foi. Dieu dans ſa miſéricorde, ennuyé de l’ignorance des hommes, eſt venu les éclairer lui-même ; il eſt deſcendu de ſon trône tout exprès pour leur apprendre qu’ils devoient ne rien entendre à ce qu’il venoit leur apprendre. Toutes les fois que dans la Religion vous trouverez quelque choſe d’embaraſſant pour les Prêtres, qu’ils ne peuvent expliquer, de bien contraire au bon ſens, dites que c’eſt un myſtere ; c’eſt le ſecret de l’Egliſe.

Mystique (Sens). C’eſt un ſens auquel perſonne ne comprend rien, ou qui rend la choſe expliquée plus obſcure qu’auparavant. Toutes les fois qu’un Théologien rencontre dans la parole divine quelque choſe d’oppoſé au ſens commun, il doit y chercher un ſens myſtique ; la foi vous ordonne de trouver qu’il a raiſon, quoique ni vous ni lui ne ſachiez ce que veut dire ni la choſe qu’il explique, ni l’explication qu’il en donne.


N

Nature. C’eſt l’Ouvrage merveilleux d’un Dieu ſage, tout-puiſſant & parfait ; cependant la nature s’eſt corrompue. Dieu le voulut ainſi pour avoir de quoi s’amuſer & ſe fâcher ; il a beſoin qu’on lui remue la bile, & s’il n’avoit ſans ceſſe à raccommoder ſa machine, ſes Théologiens & lui n’auroient pas grande choſe à faire.

Néant. De l’aveu de tout le monde le néant eſt ce dont nous ne pouvons rien affirmer, ou ce qui n’a aucune des qualités dont nous pouvons juger. Dans ce cas, M. le Curé, qu’eſt-ce qu’un être ſpirituel ? Qu’eſt-ce qu’une ſubſtance immatérielle ou privée d’étendue, de couleur, de figure ? Qu’eſt-ce qu’un Ange ? Qu’eſt-ce qu’un Diable ? Qu’eſt-ce que…… Halte-là, Monſieur Gros-Jean ! ce ſont-là des myſteres auxquels ni vous ni moi ne devons rien comprendre.

Novateurs. Ce ſont tous ceux qui, ſans l’aveu des Théologiens les plus accrédités, ſe donnent les airs d’enſeigner quelque doctrine, à laquelle ces grands perſonnages n’avoient point encore penſé ; eux ſeuls ont le droit de corriger, d’altérer, d’expliquer les décrets éternels de la Divinité, & de faire au beſoin des dogmes à la mode, pour l’uſage des femmes, qui comme on ſait ſe plaiſent au changement, ſur-tout en fait de Doctrine.

Nuées. On y voit tout ce qu’on veut, & ſur-tout des armées quand les Prêtres ſont mécontens. Les nuées ſont comme les Saintes Ecritures où les Théologiens font voir tout ce qui leur plaît, à ceux qui ont la foi ou la berlue.


O

Obéiſſance. Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes : or obéir à Dieu c’eſt obéir au Clergé ; d’où il ſuit qu’un bon Chrétien ne doit obéir à ſon Prince qu’autant que les volontés du Prince ſont approuvées du Clergé.

Obſcurités. On rencontre parfois des obſcurités dans la Bible & dans la religion ſainte que Dieu lui-même a révélée. Les gens ſans foi en ſont choqués, les dévots adorent en ſilence tout ce qu’ils n’entendent point. Une religion qui ſeroit claire ſeroit bientôt flambée, nos interpretes ſacrés n’auroient rien à nous dire ſi Dieu eût parlé trop clairement.

Odeur de Sainteté. Les ſaints ne ſont pas communément des Seigneurs bien muſqués ; mais l’odeur qui s’exhale d’un Capucin, ſur-tout après ſa mort, eſt pour les nez dévots un parfum plus délectable que l’eau des Sultanes ne peut l’être pour le nez d’un mondain.

Oeuvres pies. C’eſt ainſi que l’on nomme en général toutes les gratifications, les legs, les préſens, les fondations &c. faits en faveur de l’Egliſe, c’eſt-à-dire qui ont pour objet de réjouir les Miniſtres du Seigneur aux dépens des familles & des parens.

Offenſes. La Divinité, toute-puiſſante qu’elle eſt, & quoiqu’elle jouiſſe d’un bien-être inaltérable, par complaiſance pour ſon Clergé, permet que l’on trouble ſans ceſſe ſa propre félicité ; elle s’offenſe à tout moment des penſées, des paroles, des actions de ſes créatures, le tout pour que ſes Prêtres, dont le métier eſt d’expier les offenſes qu’on lui fait, puiſſent avoir de quoi s’occuper. Si Dieu ne s’offenſoit point adieu la caiſſe du Clergé, & Mr. de St. Julien ſeroit forcé de plier boutique.

Offrandes. Le Dieu de l’univers n’a beſoin de rien ; un pur Eſprit doit faire aſſez maigre chere & ſe contenter d’offrandes ſpirituelles ; cependant comme ſes Prêtres ne ſont point de purs eſprits, Dieu exige qu’on leur donne des offrandes bien graſſes ; ce n’eſt que pour qu’on ait l’occaſion de leur offrir quelque choſe que la Divinité répand ſes bienfaits ſur la Terre ; Dieu s’eſt formellement expliqué là-deſſus dans le Deutéronome où il dit : ſacrificia Domini & oblationes ejus comedent.

Oints du Seigneur. Ce ſont des hommes bien gras, ou à qui l’on eſt obligé de bien graiſſer la patte. Les Prêtres ont eu de tout tems un goût marqué pour la graiſſe ; ils ſe nourriſſent partout de la graiſſe que leurs prieres font tomber ſur la Terre. Dieu par la bouche de Jérémie promet à ſes chers Prêtres de les enyvrer de graiſſe, ce qui rendra ſon peuple bien plus gras. Inebriabo animam Sacerdotum pinguedine, & populus meus implebitur bonis. voyez Jerem. ch. xxxiv. ℣. 14. Dans l’Egliſe Romaine on frotte les doigts des Prêtres avec un onguent divin pour les mettre à portée de guérir les playes des ames de ceux qu’ils ont bien dégraiſſés.

Oiſiveté. C’eſt la mere de tous les vices. S’il n’y avoit point de Prêtres dans le monde les peuples ne travailleroient point aſſez & deviendroient des vauriens ; les Moines & les Prêtres ne ſe vouent à l’oiſiveté que pour diminuer le nombre des vices des Laïques qui par là ſont forcés de travailler pour eux-mêmes & pour la nombreuſe armée des pareſſeux du Seigneur.

Omni-ſcience. Qualité qui convient excluſivement à Dieu ; cependant il fait ſemblant d’ignorer ce que nous devons faire, vû que nous ſommes libres dans nos actions. La Divinité communique à ſes Prêtres ſon omni-ſcience ; un Théologien ſait tout & ne doute jamais de rien. C’eſt ſur-tout dans les choſes où perſonne ne voit goute qu’on voit briller la ſcience & le ſavoir faire des Théologiens.

Oracles. Réponſes obſcures & ambigues que le Diable, qui eſt le pere du menſonge, rendoit autrefois par l’organe des Prêtres payens, qui étoient de grands fripons. Ces Oracles trompeurs ont ceſſé depuis la venue de Jéſus-Chriſt ; depuis ce tems nous n’avons plus que des Oracles clairs, intelligibles, & ſur le ſens deſquels l’on ne peut point diſputer.

Oraiſon. Voyez prières.

Oraiſons funebres. Ce ſont des diſcours en l’honneur des grands, qui ſont toujours, comme on ſait, des hommes merveilleux quand ils ſont morts ; les faiſeurs d’oraiſons funebres ne peuvent jamais mentir, vû qu’ils ſont aſſis dans la chaîre de vérité.

Ordre. De tous les Sacremens c’eſt le plus utile à l’Egliſe ; c’eſt lui qui fait ſans effort provigner la tribu de Lévi ſi néceſſaire à nos ames. Dans les Egliſes Romaine & Anglicane un Evêque a ſeul droit de conférer ce précieux Sacrement ; en impoſant ſes pattes ſacrées ſur le crâne d’un profane, il y fait deſcendre perpendiculairement les dons du Saint-Eſprit, & ſur-tout le droit excluſif d’en impoſer aux autres.

Ordre de l’univers. C’eſt l’arrangement merveilleux qu’ont le bonheur de voir dans la nature ceux qui la regardent avec les beſicles de la foi ; elles ont la vertu d’empêcher ceux qui les portent d’apercevoir aucun déſordre dans le monde. Ils n’y voyent ni maladies, ni crimes, ni guerres, ni tremblemens de terre, ni Théologiens intolérans. Tout eſt dans l’ordre quand nos Sacrificateurs ont bien dîné : quiconque trouble leur digeſtion eſt un perturbateur de l’ordre public ; Dieu, pour s’en venger, eſt en conſcience obligé de troubler l’ordre de la nature & les Souverains l’ordre de la Société.

Ordres Monaſtiques. Ce ſont différens Régimens de Moines, qui ſervent comme Volontaires dans l’armée divine ; ils ſont matériellement ſoudoyés par les peuples pour les protéger ſpirituellement contre les attaques ſpirituelles des eſprits malins, & pour faire ſpirituellement pleuvoir ſur les ames des graces ſpirituelles, dont les corps des Moines ſe trouvent aſſez bien.

Oreilles. Organes dont il eſt très-néceſſaire qu’un Chrétien ſoit bien pourvu ; attendu que la foi nous vient par les oreilles, fides ex auditu comme a dit S. Paul. Voyez Anes, Education, Perroquets.

Orgueil. Haute opinion que nous avons de nous-mêmes ; les Miniſtres de l’Egliſe en ſont totalement exempts. Le Pape, qui a ſouvent traité les Rois en petits garçons, n’eſt que le Serviteur des Serviteurs de Dieu, ce qui prouve qu’il n’a point d’orgueil, ou qu’il n’oſe le montrer.

Originel (péché). C’eſt une fraſque commiſe il y a ſix ou ſept mille ans, qui a cauſé du charivari dans le Ciel & ſur la Terre. Tout homme avant de naître a malgré lui pris part à ce péché ; c’eſt en conſéquence de ce péché que les hommes meurent & commettent des péchés. Le fils de Dieu eſt venu mourir lui-même pour expier ce péché, mais malgré ſes efforts & tous ceux de ſon Pere la tache originelle ſubſiſtera toujours.

Orthodoxes. Ce ſont les opinions de ceux qui ont raiſon, qui ne ſont point hérétiques, qui ont pour eux les Princes, les archers & les bourreaux. L’Orthodoxie, comme les Barometres, eſt ſujette à varier dans les Etats Chrétiens ; elle dépend toujours du tems qu’il fait à la cour.

Oubli des injures. Conduite très-louable dans les laïques & qui leur eſt preſcrite dans l’Evangile ; les Prêtres en ſont néanmoins diſpenſés ; ils ne peuvent jamais pardonner, vû que ce n’eſt point eux mais c’eſt Dieu qu’on offenſe ; le Dieu des miſéricordes ne leur pardonneroit jamais d’avoir pardonné à ceux qui l’ont offenſé ; ſur-tout dans la perſonne du Clergé, c’eſt-là l’endroit ſenſible de la Divinité ; c’eſt le péché contre le Saint-Eſprit qui ne ſera remis ni dans ce monde ni dans l’autre. Cependant le Clergé, ſans bleſſer la Divinité, peut pardonner à ceux qu’il a fait exterminer, à moins qu’ils n’euſſent laiſſé des enfans, des parens, des amis que l’on pût encore maltraiter, d’après la juriſprudence de la Bible.

Oye. On appelle de certains contes ; des contes de ma mere l’oye. Les contes que l’Egliſe nous conte ſont des contes de ma mere l’oye, vû que nous ſommes des oyſons & que l’Egliſe eſt notre mere.


P

Paix. Le Dieu des Chrétiens s’appelle indifféremment & le Dieu de Paix et le Dieu des armées. Cette contradiction n’eſt qu’apparente ; Dieu eſt très pacifique, mais ſa femme n’eſt pas auſſi tranquille que lui ; c’eſt pour la tenir en bonne humeur qu’il eſt ſouvent forcé de mettre des armées en campagne & les Chrétiens aux priſes ; il faut bien faire la guerre au dehors pour avoir la paix au dedans. L’Egliſe n’eſt en paix que quand elle fait tout ce qu’elle veut ou quand elle peut ſans obſtacle troubler la tranquillité des autres.

Pape. C’eſt communément un vieux Prêtre, choiſi par le Saint-Eſprit pour être ſur la Terre le Vicaire de Monſieur ſon frere ; voilà pourquoi le Pape a tant d’eſprit & ne radote jamais, quoi qu’en diſent les Janſéniſtes & ces marauts de Proteſtans, qui pouſſent aſſurément trop loin la liberté de penſer.

Papiſtes. Les Proteſtans appellent ainſi par dériſion les Chrétiens dociles qui reconnoiſſent le Pape pour un Vice-Dieu ſur la Terre, & qui n’ont point comme eux aſſez de force d’eſprit pour ne ſoumettre leur intellect qu’à un Prédicant de Genève, à un Miniſtre Presbytérien, à un Docteur d’Oxford. Les Chrétiens de diverſes Sectes ont, ſans doute, le droit de ſe moquer les uns des autres, ſur-tout quand ils n’ont point le nez vis-à-vis d’un miroir.

Pâque. Fête ſolennelle que les Chrétiens célebrent en mémoire de la réſurrection clandeſtine d’un Dieu pendu publiquement. Pour célébrer dignement ce grand jour les Catholiques ſont dans l’uſage d’y manger leur Dieu ; c’eſt, ſans doute, pour voir ſi, comme le Phénix, il reſſuſcitera de ſes cendres. Voyez Stercoraniſtes. Il y eut autrefois une diſpute très-chaude dans l’Egliſe de Dieu pour ſavoir au juſte le tems de la célébration de la Pâque ; un grave Concile a décidé que la lune de l’Equinoxe du printems devoit régler cette affaire importante. Ce qui nous montre que l’Egliſe eſt, comme les femmes, ſous l’influence de la lune. Voyez Lune.

Paraboles. Apologues ou façons détournées de s’expliquer, dont la Divinité ſe ſert ſouvent dans l’Ecriture, par la crainte qu’elle a de parler intelligiblement aux amis qu’elle veut inſtruire.

Paradis. Lieu de délices, placé dans les terres auſtrales inconnues, ſuivant les uns, & dans l’Empyrée, ſuivant d’autres ; les élus y auront pendant l’éternité le plaiſir ineffable de chanter Sanctus en faux bourdon. Bien des gens ne ſont pas trop curieux de ſe rendre à ce concert, dans la crainte de s’ennuyer ou d’y trouver trop mauvaiſe compagnie ; une femme de la cour auroit, ſans doute, des vapeurs ſi on la plaçoit à côté, de St. François d’Aſſiſe, d’un Picpus, ou d’un Minime.

Pareſſe. Péché capital qui conſiſte à négliger les pratiques intéreſſantes auxquelles nos Prêtres ont attaché le ſalut. Un laïque doit être actif afin d’avoir dequoi payer ſes Prêtres & ſe battre pour eux. Un Prêtre n’a rien à faire en ce monde que de prier, de chanter, & de quereller quand il en a la capacité.

Parole de Dieu. Ce ſont les oracles infaillibles que dans chaque Religion les Prêtres du Très-Haut débitent en ſon nom. La Divinité a l’attention de ne jamais les démentir ; qui ne dit mot conſent, ainſi Dieu conſent toujours à ce que diſent ſes Prêtres. La parole de Dieu eſt ſuivant les Chrétiens un glaive à deux tranchans, c’eſt-à-dire un couteau de tripieres ; de quelque côté qu’on le prenne on riſque de ſe couper.

Parti (eſprit de). En matiere de Religion il met à portée de juger ſainement des choſes. Il n’eſt pas douteux que le parti qu’on a pris ou que notre confeſſeur a pris pour nous ne peut être que le meilleur.

Paſſion de J. C. Hiſtoire lamentable d’un Dieu, qui eut la bonté de ſe laiſſer fuſtiger & clouer pour racheter le genre humain : toutes les fois qu’on la raconte aux bonnes femmes & aux dévôts le Vendredi-Saint, ils ſe déſolent d’avoir été rachetés.

Paſſions. Mouvemens néceſſaires à la conſervation de l’homme & inhérens à ſa nature, depuis qu’elle s’eſt corrompue par le péché originel. Sans cette ſotiſe mémorable nous euſſions été comme des bûches ou des pierres ; nous euſſions joui par conſéquent du plus parfait bonheur. Un Chrétien ne doit avoir de paſſions que celles que ſes Prêtres lui inſpirent.

Paſteurs. Ce ſont ceux qui ſont chargés du ſoin de mener paître les moutons du bon Dieu ; ils s’en chargent par pure charité, ne ſe réſervant que le droit de tondre leurs ouailles & de les envoyer à la boucherie quand ils ne ſont point aſſez contens de leurs toiſons. Les Princes ſont les chiens de ces bergers des ames, qui leur font mordre bien ſerré les brébis qui s’égarent ou qui ne veulent pas ſe laiſſer tondre.

Patience. Vertu morale & Chrétienne qui conſiſte à ſupporter les maux que l’on ne peut ou que l’on n’oſe point empêcher. Dieu a chargé ſpécialement le Clergé d’exercer la patience des Princes, qui d’ordinaire ſont volontaires & fort ſujets à s’impatienter.

Patrie. Les vrais Chrétiens n’en ont pas ſur la Terre, ce ſont des hommes de l’autre monde, leur patrie eſt là-haut ; ils ne ſont ici-bas que pour s’ennuyer eux-mêmes et pour réjouir leurs prêtres ; il leur eſt néanmoins permis d’ennuyer ſaintement les autres ou de les faire pieuſement enrager pour les dégoûter d’un ſéjour paſſager. C’eſt pour être meilleurs citoyens de la cité d’en-haut, que les Prêtres & les dévots ſont de ſi mauvais citoyens de la cité d’en-bas.

Patrons. Ce ſont les Dieux Pénates ou tutélaires des Chrétiens ; ils s’intéreſſent vivement à tous ceux qui portent leurs ſaints noms. Saint Jean eſt le protecteur né de tous les Jeans du monde : les animaux, les maladies, les calamités ont auſſi leurs Patrons. St Roch a la peſte dans ſon département ; St. Antoine a dans le ſien les cochons & la rogne ; St. Joſeph, comme on ſait, eſt le Patron des Cocus ou des bêtes à cornes.

Pauvres d’eſprit. Dans le langage profane les pauvres d’eſprit ſont des ſots ; dans le langage des Chrétiens ce ſont des gens d’eſprit, qui font les ſots en ce monde pour briller un jour en Paradis, où ils réjouiront l’Eternel par leurs ſaillies & leurs bons mots. L’Egliſe aime de préférence ſes enfans les plus ſots ; elle ne fait preſque aucun cas de ceux qui ont de l’eſprit. Voyez Sots.

Pauvreté. Dans la Religion Chrétienne on ne voit par-tout que pauvreté. Jéſus-Chriſt eſt un Dieu pauvre & même un pauvre Dieu ; ſes Apôtres étoient de pauvres Diables ; les Evêques ſont de pauvres ſaints ; les Moines font vœu de pauvreté ; le Clergé débite des pauvretés ; elles ſont crues par de pauvres gens, qui les payent très-richement. Les biens du Clergé appartiennent aux pauvres ; d’où il ſuit que rien n’eſt plus naturel & plus juſte que de dépouiller les pauvres pour enrichir le Clergé. Voyez Dixmes.

Peccavi. Un bon peccavi ſuffit à l’article de la mort pour faire entrer un coquin en Paradis ; ſi cette opinion & ces regrets tardifs ſont inutiles à ce monde, il en réſulte de grands biens pour ceux qui expédient les paſſeports pour l’autre monde.

Péchés. Penſées, paroles ou actions qui ont le pouvoir d’impatienter la Divinité, de déranger ſes projets, de troubler l’ordre qu’elle chérit. D’où l’on voit que l’homme eſt très-puiſſant ; Dieu en lui donnant le libre arbitre eſt obligé de le laiſſer faire, il ne peut point l’empêcher de lui donner des nazardes à lui-même.

Pêcheurs. Jéſus-Chriſt a promis à ſes Apôtres d’en faire des Pêcheurs d’hommes : voilà pourquoi nos Prêtres ſont ſans ceſſe occupés à troubler l’eau pour mieux tendre leurs filets, & pêcher avec plus de ſuccès. Ils pêchent auſſi à la ligne, l’eſpérance eſt l’appas dont ils ſe ſervent pour nous faire mordre à l’hameçon.

Pélerinage. Pratiques pieuſes fort uſitées dans les pays bien dévots. Elles conſiſtent à battre la campagne pour rendre viſite & pour payer bouteille à quelque Saint étranger ou à ſes ayans cauſe ; en faveur de cette politeſſe, le Saint que l’on viſite accorde communément aux hommes la grace de s’enyvrer, & aux filles celle de faire des enfans neuf mois après la viſite.

Pénitence. Suivant l’Egliſe Romaine c’eſt un Sacrement qui conſiſte à s’accuſer de ſes péchés à un Prêtre, & à lui montrer le regret ſincere que l’on a d’avoir été bien aiſe. Dans toutes les Religions du monde on fait des Pénitences ; c’eſt-à-dire, on ſe fait bien du mal, pour faire du bien à la Divinité.

Penſées. Dieu s’offenſe très-griévement des mouvemens involontaires qui s’excitent dans le cerveau des hommes, ſur-tout, quand lesdits mouvemens ne ſont point dirigés par le Clergé. La Divinité damnera inmanquablement ceux qui n’auront pas penſé comme ſes Prêtres, vû qu’ils ont le droit excluſif de penſer pour les autres. Voilà pourquoi les Miniſtres de l’Egliſe ont ſoin de fouiller la conſcience des fideles, de peur qu’il n’entre dans leur tête des penſées de contrebande.

Pentecôte. Fête ſolennelle que l’Egliſe célebre en mémoire de la deſcente miraculeuſe du Saint Eſprit en langues de feu, qui s’arrêterent ſur les têtes des Apôtres, des Diſciples & des Saintes femmelettes, ce qui les fit jaſer comme des yvrognes & des Pies. En conſéquence de cet événement les Succeſſeurs des Apôtres ont indubitablement acquis le droit de jaſer & de mettre avec leurs caquets & leurs langues l’univers en combuſtion.

Père éternel. C’eſt le chef de la famille divine. Il doit être bien vieux s’il eſt vrai, comme on n’en peut douter, qu’il ait dit tout ce que ſes livres lui font dire.

Peres de l’Egliſe. Ce ſont de ſaints rêveurs, qui ont fourni aux fideles une foule de beaux raiſonnemens, de beaux dogmes, de ſavantes interprétations, dont il n’eſt point permis d’appeller au bon ſens.

Perfection. Dans la Religion Chrétienne elle conſiſte à prier, à jeûner, à rêver creux, à vivre comme un ſaint hibou. Un Chrétien parfait ſe pique de n’être bon à rien dans ce monde qui n’eſt que l’antichambre de l’autre ; un laïque eſt fait pour y croquer le marmot, pendant que ſes Prêtres font bonne chere à ſes dépens.

Perroquets. Animaux fort utiles à l’Egliſe, & qui, ſans y entendre fineſſe, répetent aſſez fidélement tout ce qu’on veut bien leur apprendre. Voyez Catéchiſme, Chrétiens, Education.

Perſécutions. Moyens ſûrs & charitables que l’Egliſe met en uſage pour rappeller ceux qui s’égarent, & pour ſe rendre plus aimable à leurs yeux. L’Egliſe fut ſouvent elle-même perſécutée, mais ce fut toujours à tort ; les perſécutions qu’elle fait éprouver aux autres ſont légitimes & ſaintes ; pour avoir droit de perſécuter il faut avoir raiſon, & pour avoir raiſon il ſuffit de n’avoir point tort ; l’Egliſe n’a jamais tort ſur-tout quand elle a la force de prouver qu’elle a raison.

Peuple. C’eſt l’appui de l’Egliſe, ſa conſolation dans ſes peines, le ſoutien de ſon pouvoir. Le peuple, comme on ſait, eſt un profond Théologien ; c’eſt auſſi pour lui que l’Egliſe fait ſes dogmes, ceux qu’il approuve ne peuvent manquer d’être fort bons ; la voix du peuple eſt la voix de Dieu ; en effet Dieu ne peut guere s’empêcher de ratifier ce que le peuple veut bien fort ; mais il ne veut bien fort que ce que les Prêtres lui diſent de vouloir bien fort.

Philoſophes. Ce ſont les prétendus amis de la ſageſſe & du bon ſens ; d’où l’on voit que ce ſont des marauts, des voleurs, des fripons, des pendarts, des impies, des gens déteſtables pour l’Egliſe, à qui la ſociété ne doit que des fagots & des bûchers. Les coquins ont l’inſolence d’avertir les hommes qu’on leur coupe la bourſe ici-bas tandis qu’on les oblige à regarder là-haut. Cet article eſt de Mr. Paliſſot, & de l’Avocat Moreau.

Pierre (S.). Pauvre pêcheur fort bête, qui fit une très-belle fortune. Il devint le Prince des Apôtres à cauſe de ſon beau nom, qui fournit à ſon maître l’occaſion de déployer ſon eſprit en faiſant un calambour, ſur lequel eſt fondée la cuiſine du très-Saint Pere.

Plaider. Un Chrétien ne doit jamais plaider ; il doit céder ſa veſte & ſes culottes quand on en veut à ſon pourpoint ; les gens d’Egliſe ne plaident point, ce ſont de tous les hommes les plus faciles en affaires.

Platon. Philoſophe Athénien & Pere de l’Egliſe Chrétienne, qui auroit dû, ſans rien dire, le placer dans ſon calendrier ; c’eſt à lui qu’elle doit un grand nombre de dogmes & d’articles de foi, ſans compter ſes beaux myſteres. Voyez Purgatoire, Trinité, Verbe.

Politique. La Religion Chrétienne en eſt l’appui. Elle maintient dans les Etats la tranquillité, l’obéiſſance aux Souverains, la population, l’agriculture ; elle preſcrit la ſoumiſſion aux ſujets, pourvu que les Princes lui ſoient bien ſoumis ; enfin ſes prêtres font un corps dans l’Etat, dont les intérêts ſont toujours ceux de l’Etat, pourvu que l’Etat lui-même ne ſonge qu’aux intérêts des prêtres.

Pompes de Satan. Tout Chrétien y renonce au baptême, c’eſt-à-dire le jour même qu’il eſt né ; il eſt vrai que ſouvent il oublie ſes engagemens, il n’y a que les Prêtres qui jamais ne les perdent de vue.

Pontifes. Ce mot vient de Pontifex, faiſeur de pont ; nos pontifes ſont des architectes ſpirituels qui font un pont intellectuel, à l’aide duquel les bons Chrétiens arrivent en Paradis, en franchiſſant les abîmes du bon ſens & de la raiſon.

Population. Elle eſt nuiſible aux nations Chrétiennes où, pour bien faire, tout le monde devroit garder le célibat. Le nombre des élus eſt très-petit, celui des réprouvés eſt très-grand ; plus une nation contient d’habitans, plus elle contient de réprouvés ; donc la population eſt très-nuiſible au bonheur d’un Etat.

Portion congrue. Les chefs de l’Egliſe Chrétienne ont ſagement réglé que la canaille Sacerdotale, qui travaille à la vigne du Seigneur ne devoit point avoir de quoi vivre. En conſéquence il eſt réglé qu’un grand nombre de Curés n’auront que trois cens livres tournois par chacun an ; d’où l’on voit que les Evêques, qui ſont les marchands en gros de la foi, ne mettent point eux-mêmes un prix exorbitant à la denrée qu’ils font débiter aux fideles en détail par leurs courtiers ou regratiers ſpirituels.

Poſſeſſions. Autrefois les démons prenoient ſouvent poſſeſſion des hommes. Nous voyons dans l’Ecriture des cochons même devenir poſſédés. Aujourd’hui l’on ne voit gueres de poſſédés qu’en Province, ou dans les ſaints greniers des Convulſionaires ; encore faut-il payer le Diable pour qu’il entre dans les corps.

Pratiques de piété. Ce ſont de petits mouvemens des lévres, des oreilles & du corps, ſagement inventés par l’Egliſe, ſans leſquels il eſt évident qu’un homme ne peut être agréable à Dieu ou à ſes Prêtres. Les pratiques de dévotion, qui paroiſſent ſouvent bizarres & ridicules aux gens ſans foi, ſont fort utiles au Clergé à qui elles valent de l’argent ; d’ailleurs elles habituent les fideles à obéir ſans raiſonner.

Prédeſtination. Un Dieu bon qui prévoit tout, a réſolu dans ſes décrets éternels que parmi ſes créatures les unes ſeroient ſauvées & les autres, en plus grand nombre, ſeroient damnées pour toujours. Si vous ne comprenez rien à cette conduite bizarre conſultez votre Confeſſeur : s’il eſt Janſéniſte il vous dira pour éclaircir vos doutes que la Prédeſtination eſt gratuite & ſans préviſion des mérites : s’il eſt Moliniſte il vous dira le contraire. Mais tous deux s’accorderont à vous dire que c’eſt un myſtere auquel il eſt très-bon que vous ne compreniez rien.

Prédicateurs. Orateurs ſacrés, que les nations ſoudoyent pour leur répéter de mille façons différentes des choſes auxquelles jamais elles n’ont rien compris, mais qu’elles eſperent comprendre mieux à force de ſe les faire répéter. La Prédication eſt très-utile on ne peut en douter : Dieu lui-même, comme on ſait, prêcha Adam & Eve, & au ſortir du ſermon ils n’eurent rien de plus preſſé que d’aller faire une ſotiſe.

Prémotion Phyſique. C’eſt une impulſion prévenante par laquelle, ſuivant M. Bourſier, avant que l’homme agiſſe, Dieu le diſpoſe à agir de la façon qu’il conviendra au libre arbitre, auquel il n’eſt point permis à la Divinité de toucher, de peur que l’homme n’eût point le mérite de bien faire.

Préſcience. Attribut divin par le moyen du quel la Divinité a le plaiſir de ſavoir les ſotiſes que l’homme fera ſans vouloir ni pouvoir l’en empêcher.

Préſence réelle. Myſtere inventé dans le neuvieme ſiecle par un Moine de Corbie, & qui s’eſt depuis changé en un Article de foi pour l’Egliſe Catholique, Apoſtolique & Romaine ; elle croit trèsfermement que le Dieu de l’univers, toute autre affaire ceſſante, ſur la ſommation d’un Prêtre, à qui l’on donne douze ſols, vient ſe nicher dans un morceau de pâte, afin d’être croqué. Les Proteſtans font les dégoûtés ſur ce myſtere, après en avoir pourtant digéré beaucoup d’autres.

Préſomption. C’eſt le crime de ceux qui ont l’impertinence de s’en rapporter plutôt à leurs propres lumieres qu’à celles du Clergé. Le comble de la préſomption eſt de penſer que Dieu pourroit bien n’être pas ſi méchant que ſes Prêtres le font.

Preſſéance. Il s’éléve fréquemment des diſputes de preſſéance entre les humbles Evêques. Dieu s’intéreſſe très-fort à ces ſortes de querelles ; il ſeroit très-piqué ſi ſon Miniſtre dans un Diocèſe cédoit le pas au Miniſtre qu’il a dans un autre Diocèſe.

Prêtres. Dans toutes les Religions du monde ce ſont des hommes divins, que Dieu a lui-même placés ſur la Terre pour y exercer un métier très-utile ; il conſiſte à diſtribuer gratuitement des craintes afin d’avoir le plaiſir de diſtribuer enſuite des eſpérances pour de l’argent. C’eſt un point fondamental ſur lequel tous les Prêtres du monde ont toujours été parfaitement d’accord.

Prieres. Formules de requêtes inventées par les Prêtres, pour obtenir d’un Dieu bon qui ſait tout ce dont ſes enfans ont grand beſoin, ou pour engager un Dieu ſage à changer de volontés. Sans prieres Dieu ne devineroit point ce qui manque à ſes créatures. Les prieres des Prêtres ſont les plus efficaces de toutes ; ils en font un trafic aſſez avantageux ; dans la cour de là-haut comme dans celles d’ici-bas, l’argent applanit bien les affaires.

Probabiliſme. Quand il vous prendra fantaiſie de faire quelque péché qui vous tente bien fort, cherchez dans quelque Jéſuite ſi vous ne pourriez pas le faire ſans pécher ; appuyée de cette autorité votre conſcience peut ſe tenir en repos.

Prochain. Un Chrétien doit aimer ſon prochain comme lui-même ; or un bon Chrétien doit ſe haïr lui-même, d’où il ſuit qu’un bon Chrétien doit faire enrager ſon prochain pour gagner à fraix communs le Paradis.

Profanation. Crime horrible qui conſiſte à faire des choſes que les Prêtres nomment ſacrées, un uſage qu’ils appellent profane, c’eſt-à-dire qui n’eſt point ſacré. D’après cela vous voyez clairement que tout profanateur doit être brûlé : il commet un crime dont on n’a point d’idée, & qui par conſéquent ne peut être que très-grand.

Profeſſion de foi. Formules ingénieuſement fabriquées par les Théologiens pour ſe tendre des pieges, pour ſe tourmenter ſaintement les uns les autres & pour allarmer les conſciences des femmes, qui doivent avoir des ſentimens bien purs ſur les queſtions de la Théologie.

Profeſſion Religieuſe. Cérémonie ſolemnelle par laquelle un poliſſon ou une jeune fille de quinze ans promettent à Dieu d’être toute leur vie inutiles à la Société, & de perſévérer juſqu’à la mort dans la ſainte réſolution de ſe bien tourmenter.

Prophêtes. Juifs choiſis par la Divinité même & inſpirés par elle quand il lui prenoit fantaiſie de converſer avec ſon peuple, pour lui annoncer de grands malheurs. Les Prophêtes étoient d’ailleurs les Bohémiens, les devins, les diſeurs de bonne avanture de la Judée. Ils faiſoient retrouver aux filles de Sion & aux ſervantes de Jéruſalem des chiens perdus & des cuilleres égarées ; les Chrétiens, munis d’une foi bien vigoureuſe, ont l’avantage de trouver dans leurs écrits tout ce qui convient à l’Egliſe. Il eſt important de ne point parler clairement, on finit tôt ou tard par paſſer pour Prophête.

Proteſtans. Il y en a de bien des couleurs. Ce ſont en général des eſprits forts, qui ont le courage de proteſter contre le Pape & contre celles de ſes opinions qui déplaiſent à des Prêtres Proteſtans. Ces Chrétiens Amphibies ſont d’ailleurs de fort bonnes gens ; quoiqu’ils aient pris le très-Saint Pere en grippe, ils n’en ſont pas moins ſoumis au Clergé Proteſtant, qui ſans ſe croire infaillible, feroit un mauvais parti à quiconque douteroit de ſes lumieres, ou ne verroit point comme lui. Les Proteſtans ſont à Rome des hérétiques à brûler, mais ils ont la conſolation d’être très-orthodoxes chez eux, & même de brûler les autres quand leurs Prêtres ont du crédit. Si les Proteſtans déplaiſent à Dieu ce doit être indubitablement par ce qu’ils ne payent point le Clergé auſſi graſſement qu’il le mérite ; ce qui ſent furieuſement l’héréſie.

Providence. L’on déſigne ſous ce nom la bonté vigilante de la Divinité, qui pourvoit aux beſoins de ſes Prêtres. A l’aide de la Providence ceux-ci n’ont jamais à craindre de manquer. Ils peuvent même reſter les bras croiſés, ils n’en ſeront pas moins vêtus, logés, nourris, désaltérés, fêtés. C’eſt à la Providence qu’ils doivent tout cela ; quel que ſoit le ſort du reſte des humains, elle a toujours grand ſoin que ſes Prêtres ſoient bien.

Prudence. Vertu morale & profane qui n’eſt bonne à rien dans la religion. La prudence Chrétienne conſiſte à ſe laiſſer mener, ce qui eſt un ſûr moyen pour arriver au but où le Clergé veut nous mener.

Pſeaumes. Vieilles Chanſons Hébraïques auſſi ſublimes qu’édifiantes. L’Egliſe les a fait traduire en latin de cuiſine, à l’uſage des cuiſinieres, qui les chantent à Vêpres avec grande componction. M Le-Franc, comme chacun ſait, les a traduits en vers François, que ſon compere trouve merveilleux & divins.

Puiſſance Spirituelle. C’eſt une puiſſance qui, comme ſon nom le porte, ſembleroit ne devoir agir que ſur les eſprits, mais qui par un miracle inconcevable agit auſſi ſur les corps, & même fait éprouver aux corps politiques des ſecouſſes dont ils ſe ſouviennent quelquefois aſſez longtems.

Dans tout Etat Chrétien il y a deux puiſſances qui ſont ſouvent aux priſes, pour le plus grand bien des peuples, qui ne ſavent pas trop à qui entendre ; cependant quand les ſujets ſont bien dévots la puiſſance civile eſt, comme de raiſon, la très-humble ſervante de la puiſſance ſpirituelle, qui, ſans cela, lui montreroit beau jeu.

Purgatoire. Fourneau de réverbere où, pour les menus plaiſirs du Clergé Catholique Apoſtolique & Romain, Dieu fait cuire pendant un tems, limité par ſa juſtice, les ames de ceux qu’il veut radicalement purger. Cependant ſon Clergé lui fait changer d’avis, il le force à relâcher promptement les ames de ceux dont il a bien purgé la bourſe.

Pyrrhoniſme. Syſtême odieux de Philoſophie qui pouſſe la témérité juſqu’à douter de tout, & même de la bonne foi des Prêtres & des lumieres ſurnaturelles des Théologiens, qui jamais ne doutent de rien.


Q

Quakers ou Trembleurs. Ce ſont les partiſans d’une ſecte abominable qui eſt d’un exemple fort dangereux : ils ont trouvé le ſecret de ſe paſſer de Prêtres, ce qui eſt très-contraire aux intérêts du Seigneur. D’où l’on voit que les Trembleurs ne ſont pas ſi poltrons que ceux qui ne ſont pas trembleurs.

Querelles Théologiques. Démêlés importans, qui, pour la plus grande gloire de Dieu & pour l’amuſement de ſa femme, s’élevent par fois entre les organes infaillibles des volontés divines ; comme ils ſont infaillibles de part & d’autre, ils ne peuvent pas toujours convenir de leurs faits. Ces querelles ſont très-utiles à l’Egliſe ; quand on diſpute ſur la forme on ne diſpute point ſur le fond. Il eſt très-important que les Princes ſe mêlent des querelles Théologiques ; cela leur donne un grand poids, & ſur-tout cela les empêche de finir trop promptement.

Queſtions Théologiques. Elles ſont de la derniere importance. C’eſt, par exemple, une queſtion de ſavoir ſi Adam avoit un nombril ? Si la pomme qu’il a mangée étoit de Calleville ou de Reinette ? S’il eſt néceſſaire de croire que le chien de Tobie ait remué la queue ? Si la Conſtitution Unigenitus eſt une régle de foi ? Si le fils de Dieu auroit pu ſe métamorphoſer en vache ? &c. &c. &c.

On peut encore mettre au nombre des queſtions Théologiques les tortures que l’Inquiſition fait éprouver aux hérétiques, pour les forcer à s’accuſer eux-mêmes des crimes qu’ils ignorent.


R

Rabbi. Mot Hébreu qui ſignifie maître. Jéſus Chriſt défendit à ſes Apôtres de ſe faire appeller maîtres ; voilà pourquoi leurs Succeſſeurs ſe font appeller Monſeigneur, votre grandeur, votre éminence, votre ſainteté ; il n’y a pas le mot à dire.

Raca. Il eſt défendu dans l’Evangile d’appeler ſon frere Raca ; mais le Clergé nous conſeille de le tuer quand il n’a pas raiſon, c’eſt-à-dire, quand il n’eſt point de notre avis, quand nous avons un avis ; ou de celui du Clergé, quand nous n’en avons point un nous-mêmes.

Raiſon. C’eſt de toutes les choſes de ce monde la plus nuiſible à un être raiſonnable : Dieu ne laiſſe la raiſon qu’à tous ceux qu’il veut damner, il l’ôte dans ſa bonté à ceux qu’il veut ſauver ou rendre utiles à ſon Egliſe. Point de raiſon, voilà la baſe de la Religion ; ſi elle étoit raiſonnable il n’y auroit plus de mérite à la croire, & alors que deviendroit la foi ? Cependant il eſt bon d’écouter la raiſon, toutes les fois que par hazard elle s’accorde avec les intérêts du Clergé.

Rédemption. Tout Chrétien eſt obligé de croire que le Dieu de l’univers, en conſentant à mourir, a racheté les hommes de l’eſclavage du péché ; cependant ils vont toujours péchant, comme ſi de rien n’étoit. L’on ſent d’après cela que la rédemption eſt un myſtere très-utile au genre humain.

Réforme. Depuis la fondation du Chriſtianiſme, qui, comme on ſait, eſt le chef d’œuvre de la ſageſſe divine : ſes Prêtres ont été perpétuellement occupés à le réformer. Le Diable eſt ſans ceſſe aux trouſſes de l’Egliſe, & dérange la belle machine inventée par Jéſus-Chriſt ; l’on ne voit pas que juſqu’ici le Saint-Eſprit ſoit parvenu à raccommoder ſolidement l’ouvrage merveilleux de la Divinité.

Réfugiés. Hérétiques dont la France s’eſt ſagement débaraſſée & qu’elle a forcés de chercher un azile chez ſes voiſins. Il n’y a pas de mal à tout cela ; la foi pure lui reſte ; cette foi ſuffira toujours pour la garantir des efforts des nations hérétiques que Dieu, qui eſt orthodoxe, ſe gardera bien de favoriſer.

Refus de Sacremens. Comme le chien de Jean De Nivelle les Prêtres ne vont point toujours où ils ſont appellés ; vers le 48e. dégré de latitude ſeptentrionale on refuſe, ſouvent aſſez durement, les graces ſpirituelles à ceux qui les demandent avec ardeur en mourant ; en récompenſe on tâche de les entonner de vive force à ceux qui ne ſe ſentent point d’appétit pour ces ragoûts ſpirituels ; conduite, ſans doute, dictée par la ſageſſe profonde qui caractériſera toujours les Paſteurs de l’Egliſe.

Régicides. Corrections maternelles que l’Egliſe fait donner quelquefois aux Princes, qui n’ont point pour ſes Miniſtres la déférence qui leur eſt due. Ahod, Saint Thomas & le Pere Buſenbaum ont prouvé que rien n’étoit plus légitime que de tuer les Tyrans. Voyez Tyrans. Les profanes ſe récrient contre les régicides ordonnés par l’Egliſe ; les ignorans ne ſavent-ils point que chez les anciens Romains les parens avoient droit de faire mourir leurs enfans ?

Religieuſes. Saintes filles deſtinées aux ſerrails que Jéſus-Chriſt tient dans ce bas monde ; chacune d’elles à force de petits ſoins eſpere un jour mériter le mouchoir. En attendant elles ſont gardées par des Moines & des Prêtres, qui n’étant point des Eunuques, font quelquefois le Sultan cocu, pour ſe faire trop attendre.

Religion. Syſtême de doctrine et de conduite inventé par Dieu lui-même pour le bien de ſes Prêtres & le ſalut de nos ames. Il y a pluſieurs religions ſur la terre, mais la ſeule véritable eſt toujours celle de nos Peres, qui étoient trop ſenſés pour ſe laiſſer tromper ; toutes les autres religions ſont des ſuperſtitions ridicules qu’il faudroit abolir ſi l’on étoit aſſez fort. La vraye religion eſt celle que nous croyons vraye, à laquelle nous ſommes accoutumés, ou contre laquelle il ſeroit dangereux de diſputer. La religion du Prince porte toujours des caracteres indubitables de vérité.

Reliques. Les ames dévotes & Catholiques ſont pénétrées d’un ſaint reſpect pour les reſtes de quelques ſaintes charognes, qui, comme on ſait, ont le pouvoir d’opérer de très-grands miracles en faveur de ceux qui ont bien de la foi. La culotte de ſaint Pâris a plus guéri de maladies que toute la Faculté de Paris.

Réparations. On eſt obligé de réparer le mal que l’on a fait ; le moyen le plus court c’eſt de donner aux Prêtres ou à des hôpitaux l’argent qu’on a volé à ſes concitoyens ; tout eſt bien réparé quand l’Egliſe eſt contente.

Repentir. Pour obtenir la rémiſſion de ſes péchés un Chrétien doit éprouver un repentir très-ſincere d’avoir commis des actions qui lui ont fait un grand plaiſir : un acte de contrition ſuffit pour le remettre bien avec Dieu, ce qui eſt infiniment commode pour tous ceux qui n’ont point deſſein de changer de conduite.

Réponſes. Répondre en Théologie c’eſt répliquer des injures, c’eſt crier, c’eſt implorer le ſecours du bras ſéculier contre ceux qui combattent les ſentimens du Clergé. Ces réponſes ne ſont pas ſatisfaiſantes & ne réſolvent pas pleinement les difficultés, mais ceux qui ont de la foi les trouvent ſans réplique, & ceux qui n’en ont point ſont obligés de s’en contenter.

Réprouvés. Ce ſont tous ceux qu’un Dieu bon deſtine à l’amuſer éternellement par les grimaces & les hurlemens qu’ils feront dans l’éternelle chaudiere que ſa juſtice leur prépare. Un Dieu juſte, comme on ſait, ne doit rien à perſonne ; il fait trop d’honneur aux réprouvés de vouloir bien s’en amuſer, quand ce ne ſeroit que pour leur montrer qu’il eſt le maître, vérité dont, ſans cela, ils auroient peut-être douté.

Réſidence. Les Paſteurs de l’Egliſe ſont tenus de réſider au milieu de leurs moutons reſpectifs, afin de les mener paître. Il eſt pourtant des Evêques qui aiment mieux réſider à la cour ; les ouailles ne manquent de rien quand le Paſteur fait bonne chere ou obtient des Abbayes. Le ſalut des courtiſans & des dévotes en crédit eſt, ſans contredit, bien plus intéreſſant pour l’Egliſe que celui de la canaille Chrétienne qui demeure en Province.

Réſurrection. Jéſus-Chriſt eſt reſſuſcité, nous en avons pour garants quelques Apôtres éclairés & quelques ſaintes commères qui n’ont pas pû s’y tromper ; ſans compter tout Jéruſalem, qui n’en a jamais rien vu. Les Chrétiens croient fermement qu’ils reſſuſciteront un jour, c’eſt-à-dire que leurs ames ſpirituelles ſe rejoindront à leurs corps, & que dans le fouillis de la nature entiere chacun retrouvera les pieces qui appartenoient à ſon ancien individu.

Retraite. Il eſt utile aux bons Chrétiens de vivre dans la retraite ; la choſe eſt très-propre à les rendre hargneux, inſociables & ſur-tout à leur echauffer le cerveau. La Société nous gâte, elle nuit à notre ſalut, elle nous empêche de bien rêver aux vérités ſaintes, que jamais nous ne pourrons comprendre.

Révélation. Manifeſtation des volontés divines, faite par le Tout-Puiſſant en perſonne à des hommes incapables de nous en donner à garder. Révélation vient de rêver ; la Divinité s’eſt révélée dans chaque contrée de la terre, mais la véritable révélation ne peut être viſiblement que celle des rêveurs qui ont rêvé pour nous ; le plus ſûr eſt de les croire, ſur-tout quand on court riſque d’être pendu en doutant de la vérité de leurs ſaintes rêveries.

Revenans. Les eſprits-forts n’y croyent point, mais tout bon Chrétien eſt obligé d’y croire. Le Saint Eſprit y a cru dans l’Ancien Teſtament, c’eſt donc une héréſie de n’y point croire aujourd’hui. D’ailleurs les revenans font peur, & tout ce qui fait peur eſt toujours très-utile au Clergé.

Révoltes. Petites tracaſſeries que le Clergé fait quelquefois aux Princes. Il eſt très-légitime de ſe révolter contre ſon Souverain quand le Pape le conſeille ou quand la choſe eſt avantageuſe au Clergé ; c’eſt alors la faute du Souverain qui s’eſt révolté contre le Pape ou contre le Clergé, c’eſt-à-dire contre Dieu même.

Richeſſes. Elles ſont des obſtacles invincibles au ſalut. Un riche a communément le ventre trop gros pour enfiler la voye étroite qui conduit en Paradis ; s’il y prétend il doit jeûner ou ſe faire dégraiſſer par ſes Prêtres, qui le rendront aſſez mince pour ſe gliſſer par la lucarne du ſalut.

Rire. Un Chrétien bien dévot doit être ſérieux comme un âne qu’on étrille. Jéſus-Chriſt n’a jamais ri ; il s’agit bien de rire tandis qu’à chaque inſtant un Chrétien eſt en danger de tomber dans la chaudiere, que la Divinité prépare à ceux aux dépends de qui elle voudra rire éternellement. Il n’eſt permis qu’aux Prêtres de rire dans leurs barbes de ceux dont ils tiennent l’argent.

Rites. Uſages ſacrés & formules reſpectables obſervés par nos ſaints Jongleurs, & contenus dans de ſaints grimoires que l’on nomme Rituels. Les gens ſans foi mépriſent les rites, les pratiques & les cérémonies de l’Egliſe ; mais elle y tient, avec raiſon, vû que ces belles choſes font venir l’eau au moulin du Clergé qui, s’il ceſſoit de moudre, feroit que la Religion mourroit de faim.

Rois. Ce ſont les chefs des nations & les Serviteurs des Prêtres, qui dans un pays bien Chrétien ne doivent être ſoumis à perſonne & commander à tout le monde. Les Rois ne ſont faits que pour défendre le Clergé, pour faire valoir ſes argument & ſes droits et ſur-tout pour exterminer ſes ennemis.

Romains. Peuple fameux qui par droit de conquête s’eſt rendu maître du monde, & aux droits duquel a ſuccédé de droit divin un Prêtre, qui a conquis l’Europe à force d’argumens. Ceux des Chrétiens qui ſont ſoumis à ce Prêtre ſe nomment Catholiques Romains ; ſes légions ſont compoſées de Capucins, de Récolets, de Cordeliers, de Jacobins ; les Jéſuites forment la cohorte prétorienne ; les Evêques ſont leurs Tribuns militaires, & les Rois ſeront leurs pourvoyeurs tant qu’ils auront aſſez de foi.

Royaume de Dieu. Il n’eſt point de ce monde ; Jéſus-Chriſt l’a dit lui-même ; mais ce n’eſt point ce qu’il a dit de mieux. Les Prêtres, pour bien faire, devroient ſeuls commander ici-bas ; mais hélas ! Le peu de foi des Princes s’oppoſe ſouvent à leurs ſaintes entrepriſes. Si nous avions de la foi en doſe ſuffiſante les Rois ſeroient eux-mêmes aux ordres du Clergé.


S

Sacerdoce. Nom générique ſous lequel on déſigne un ordre d’hommes, qui après s’être rendus ſacrés, ſe ſont répandus dans toutes les nations pour le bien de leurs ames. Leur fonction en ce monde eſt de nous parler de l’autre monde, d’anéantir par-tout la raiſon, d’inventer & débiter de belles hiſtoires, de faire bien enrager ceux qui refuſent de les croire, & de ſe faire bien payer de ces ſervices importans. Les religions ſont très-variées en ce monde, mais le Sacerdoce eſt par-tout le même, ce qui prouve évidemment qu’il eſt d’inſtitution divine.

Sacré. C’eſt ce qui n’eſt point profane. L’on nomme Sacré tout ce qu’il convient aux Prêtres de faire reſpecter aux laïques. La perſonne des Prêtres, leurs biens, leurs droits, leurs Oracles & leurs déciſions ſont évidemment des choſes ſacrées ; Dieu punit inmanquablement quiconque oſe y toucher.

Sacremens. Signes & cérémonies ſacrées, à l’aide desquels les Miniſtres du Seigneur font à volonté deſcendre de là-haut une ample cargaiſon de graces ſpirituelles ſur les ames des fideles, & font que l’argent des laïques paſſe de leurs poches profanes dans celle du Clergé. Suivant quelques Chrétiens il y a ſept Sacremens, d’autres n’en veulent pas tant : ils ont tort, ſans doute : en fait de graces divines on n’en ſauroit trop prendre.

Sacrifices. Autrefois Dieu faiſoit aſſez bonne chere ; on le régaloit d’hommes, d’enfans, de bœufs, de moutons & d’agneaux ; aujourd’hui ſa femme l’a mis au régime ; on ne lui ſert plus que ſon fils, encore ſont-ce les Prêtres qui le mangent. Pour lui il périroit d’inanition ſi l’inquiſition ne lui faiſoit des grillades, & ſi les Princes dévots & zêlés ne garniſſoient de tems en tems le garde-manger céleſte, quand le Clergé leur fait entendre que Dieu s’ennuye de la diette & qu’il ſe fâchera ſi on ne lui donne à manger. Voyez maſſacres, perſécutions, Guerres &c.

Sacrilege. Mot terrible inventé par les Prêtres pour déſigner le crime affreux que commettent ceux qui touchent aux objets qu’ils ont nommés Sacrés. Tout ce qui nuit aux Prêtres nuit à Dieu, qui n’entend point raillerie. D’où l’on voit que voler Dieu, qui n’a beſoin de rien, eſt un crime bien plus noir que de voler un pauvre. Plus celui qu’on vole eſt riche, plus le voleur eſt criminel. En conſéquence celui qui vole Dieu ou ſes Prêtres eſt brûlé, celui qui vole un homme riche eſt pendu ; celui qui vole les pauvres n’a communément rien à craindre. Voyez hôpitaux.

Saints. Ce ſont des héros très-utiles aux nations, qui pour avoir bien prié, bien jeûné, s’être bien feſſés, avoir bien clabaudé, avoir été bien rebelles & bien turbulens, ſe ſont immortaliſés dans la mémoire des fideles & ſont placés en rang d’oignons dans le Martyrologe Romain. Pour devenir un ſaint il faut être bien inutile ou bien incommode à ſoi même & aux autres.

Salomon. Il fut le plus ſage des Rois : Dieu lui accorda lui-même la ſageſſe ; en conſéquence il fut encore plus paillard que Monſieur ſon cher Pere, qui ne l’étoit pourtant pas mal : au milieu de cinq cens femmes ce ſage Roi s’écrioit très-ſagement, que tout eſt vanité.

Samüel. Prophête hargneux & Juif ; qui n’avoit pas trop étudié le droit des gens dans Grotius ou Puffendorf : il mettoit en hachis les Rois des autres pays ; il faiſoit & défaiſoit les Rois du ſien. Au demeurant il étoit bon homme quand on étoit de ſon avis.

Sang. L’Egliſe abhorre le ſang ; elle a le cœur ſi tendre qu’elle tomberoit en pâmoiſon ſi elle en voyoit répandre ; conſéquemment elle ne fait point ſes opérations par elle-même ; ſemblables aux Médecins, les Prêtres ordonnent la ſaignée, elle ſe fait par les Princes, les Magiſtrats & les bourreaux qui ſont les Chirurgiens ordinaires de Monſeigneur le Clergé.

Satisfaction. Jéſus-Chriſt en mourant a ſatisfait ſon Pere ; en faveur de ſa mort les hommes ſont libérés de leurs dettes ; cependant le cher Pere veut encore qu’on le paye. D’où l’on voit que la juſtice divine exige que l’on paye encore les dettes dont elle a donné quittance.

Scandale. C’eſt toute action qui eſt pour d’autres une occaſion de pécher ; les Miniſtres du Seigneur ne donnent jamais de ſcandale, & rien ne ſeroit plus ſcandaleux que de dire qu’ils ſcandaliſent : il n’y a que ceux qui n’ont point de foi qui ſoient ſcandaliſés de la conduite des Prêtres ſcandaleux. C’eſt quand nous voyons un Prêtre ſcandaleux qu’il eſt à propos de nous arracher les yeux, ſuivant le conſeil du fils de Dieu.

Schiſmatiques. Relativement aux Catholiques Romains, ce ſont des Chrétiens qui refuſent de reconnoître le Pape pour le chef de l’Egliſe ; les imbéciles ne voyent pas que Saint Pierre, qui étoit Pape, & qui depuis s’eſt fait le portier du Paradis, ne manquera pas de leur fermer la porte au nez quand ils s’y préſenteront ; il ne faut point ſe brouiller avec le portier ou le Suiſſe d’une maiſon où l’on veut entrer.

Science. Choſe très-pernicieuſe & qui devroit être bannie de tout pays Chrétien. La ſcience enfle, par conſéquent elle empêche qu’on ne ſoit aſſez mince pour entrer en Paradis. La ſcience du ſalut eſt la ſeule néceſſaire, elle n’eſt point difficile à acquérir, pour l’avoir il ſuffit de laiſſer faire le Clergé.

Scolaſtique. Partie très-importante de la Théologie ; c’eſt l’art d’argumenter ſur des mots, ſagement inventés pour obſcurcir les choſes, & pour nous empêcher de voir trop clair dans la ſcience du ſalut.

Scrupules. Saintes & petites inquiétudes d’eſprit, que pour occuper les dévots & les dévotes, leurs guides ſpirituels ont ſoin de jetter dans leurs grandes ames, afin d’avoir enſuite la ſatisfaction de les diſſiper. Les ſcrupules doivent avoir pour objet les pratiques ordonnées par le Clergé, ils ne doivent point tomber ſur les actions nuiſibles à la Société, qui n’intéreſſe jamais que faiblement les dévots.

Secours. Ce ſont des coups de bûche, des coups d’épée, des coups de bâton que les partiſans de la grace efficace donnent aux ſaintes femmes du parti, qui en ont une telle proviſion qu’elles en ſont étouffées ; le tout pour prouver l’efficacité de la grace & de la boëte à Perrette. Voyez Convulſionnaire & Janſéniſtes.

Sectes. Ce ſont les branches & les rameaux divers qui partent du tronc d’une même Religion. Le tronc s’appelle Religion dominante ; ce tronc eſt perpétuellement occupé à ſecouer ſes branches, ce qui fait que ſouvent il chancelle lui-même ; d’ailleurs il eſt planté ſur un terrein de ſable, ſi les Princes n’y mettoient la main il tomberoit infailliblement.

Séculariſation. Opération ſacrilege de la politique profane par laquelle les biens de l’Egliſe ſont enlevés au Clergé pour être livrés aux mains des Princes hérétiques ; ce qui déplaît très-fort à l’Egliſe Catholique ou à la politique ſacrée du Saint Pere.

Séculiers. Mot Synonime de profanes, de Laïques, de canailles ; ce ſont des hommes qui ne ſont bons à rien dans ce monde qu’à payer les Prêtres & leur ſervir de monture pour aller l’un portant l’autre en Paradis.

Séditieux. De droit divin il eſt permis aux Miniſtres du Seigneur d’être ſéditieux ; le Souverain eſt un Tyran dès qu’il veut les en empêcher ou dès qu’il a l’inſolence de vouloir les réprimer, les punir, &, ce qui eſt encore bien pis, les ramener à la raiſon, qui jamais ne fut faite pour le Clergé ; il a ſes raiſons pour nous dire qu’il faut mépriſer la raiſon.

Séminaires. Maiſons ſacrées, où, ſous les yeux d’un Evêque, l’on fait pulluler la race des Prêtres du Seigneur, & où ils apprennent de bonne heure à connoître le prix des marchandiſes céleſtes qu’ils auront un jour à débiter.

Sens. Un bon Chrétien ne doit point s’en rapporter au témoignage de ſes propres ſens qui pourroient bien le tromper ; c’eſt aux ſens de ſes Prêtres qu’il doit uniquement s’en rapporter ; ils en ont de bien plus fins que les autres, ſur-tout dans les choſes ſpirituelles, auxquelles les Laïques n’entendront jamais rien.

Sens anagogique. Dans le langage de la Théologie c’eſt un ſens détourné, myſtérieux, inconcevable que l’on peut trouver à certains paſſages de l’Ecriture, qui paroiſſent totalement inintelligibles à tous ceux qui n’ont point aſſez de foi pour s’aliéner l’eſprit au point de s’élever juſqu’aux choſes divines.

Sens commun. C’eſt la choſe la plus rare & la plus inutile dans la Religion Chrétienne ; dictée par Dieu lui-même elle n’eſt point ſoumiſe aux régles humaines & vulgaires du bon ſens. Un bon Chrétien doit captiver ſon entendement pour le ſoumettre à la foi, & ſi ſon Curé lui dit que trois ne font qu’un, ou que Dieu eſt du pain, il eſt obligé de l’en croire en dépit du ſens commun.

Septante (les.). Ce ſont ſoixante-douze Juifs inſpirés qui ont fait parler le Saint Eſprit en Grec, d’une façon qui ne s’accorde point toujours avec le Saint Eſprit parlant Hébreu ou Latin : le tout pour exercer notre foi & la critique des Docteurs de l’Egliſe.

Serpent. Les Serpens parloient autrefois ; c’eſt un Serpent qui ſéduiſit la grande mere du genre humain. Ce ſont des Serpens qui tentent & ſéduiſent ſes petites filles, mais ceux-ci ne parlent point. Les Prêtres du Seigneur doivent être prudens comme des Serpens, mais les laïques doivent être à leur égard ſimples comme des colombes & doux comme des moutons.

Silence. C’eſt le plus grand des attentats dans un Souverain que d’impoſer ſilence aux Prêtres. L’Egliſe eſt une commere qui veut parler, qui doit parler, qui périroit infailliblement ſi on l’empêchoit de parler.

Simonie. Trafic illicite des dons du Saint Eſprit. Les Prêtres du Seigneur n’ont garde de les vendre, comme Mr. Jourdain ils les donnent pour de l’argent ; il n’y a dans l’Egliſe Romaine que des cendres & des fagots que l’on donne gratis.

Songes. La religion Chrétienne nous défend d’ajouter foi aux ſonges, qui cependant étoient d’un très-grand poids dans l’Ancien Teſtament ; en récompenſe elle nous permet d’ajouter foi aux rêves, & même la Sainte Egliſe ſe fâcheroit bien fort ſi l’on refuſoit d’ajouter foi aux rêves de ſes Prêtres.

Sorbonne. Manufacture royale de Docteurs de l’Egliſe, dont la France s’enrichit annuellement : ils en ſortent armés de toutes pieces, il ne leur faut tout au plus que dix ans pour être au fait des choſes néceſſaires au ſalut des peuples qu’ils doivent endoctriner.

Sorciers. L’Eſprit Saint y croyoit autrefois, comme on le voit dans la Bible ; nos Peres y ont cru fort longtems, on n’y croit plus maintenant, ſi cela continue on ne croira bientôt plus rien.

Sots. Voyez Chrétiens, Ignorance, Crédulité, Foi &c. Les incrédules, qui ſont des ſots, ne voient par leurs yeux profanes que des ſotiſes & des ſots dans notre ſainte religion. Ils y trouvent un ſot Dieu, qui ſe fait pendre ſottement, de ſots Apôtres, de ſots myſteres, de ſottes opinions, de ſottes querelles, de ſottes pratiques, qui occupent de ſottes gens & qui font vivre des Prêtres qui ne ſont point ſi ſots.

Soufflet. Quand quelqu’un vous appliquera un ſoufflet ſur une joue il faut bien vite lui tendre l’autre ; c’eſt un ſecret ſûr pour être admis en Paradis & pour être chaſſé de votre Régiment.

Souverains. Il y en a deux dans tout pays Chrétien. 1° Monſeigneur le Clergé, 2° le Prince, qui doit être, pour bien faire, le Serviteur de Monſeigneur.

Spiritualité. Qualité occulte, inventée par Platon, perfectionnée par Deſcartes & changée en Article de foi par les Théologiens. Elle convient évidemment à tous les êtres dont nous ne ſavons point la façon d’être & d’agir ; Dieu eſt ſpirituel, notre ame eſt ſpirituelle, la puiſſance de l’Egliſe eſt ſpirituelle, cela ſignifie, en bon François, que nous ne ſommes pas trop au fait ni de ce qu’ils ſont ni de leur façon d’agir.

Splendeur. Dans les tems malheureux où nous vivons l’Egliſe a beſoin de ſe montrer avec ſplendeur. Si ſes miniſtres étoient auſſi gueux que les Apôtres, les Cent-Suiſſes les chaſſeroient des appartemens de Verſailles. Les équipages, les bijoux, les livrées ſont aujourd’hui très-néceſſaires aux chefs de l’Egliſe, ſans cela la Religion d’un Dieu pauvre ſeroit infailliblement mépriſée.

Stercoraniſtes. Opinion abſurde de ceux qui ſuppoſeroient que le pain conſacré dans l’Euchariſtie, c’eſt-à-dire changé en Dieu, puiſſe être rendu par la ſelle. Les Théologiens ont longtems diſputé pour ſavoir ce que devenoit le Dieu que l’on a reçu dans l’Euchariſtie, maintenant il eſt enfin décidé qu’il n’y a que Dieu ſeul qui ſache ce qui arrive à l’Euchariſtie quand nous l’avons reçue.

Suicide. Il eſt bien défendu à tout Chrétien d’attenter à ſes jours ou de ſe tuer tout d’un coup, mais il lui eſt trèspermis de ſe tuer en détail ou peu-à-peu ; pour lors il n’y a rien à dire, ſa conduite devient même ſi édifiante & ſi méritoire, qu’il peut eſpérer de mourir en odeur de ſainteté, & d’être un jour placé dans l’Almanach pour peu qu’il faſſe une douzaine de miracles.

Suiſſe. Homme d’Egliſe aſſez bruſque, qui dans les cérémonies précede M. le Curé, lui fait faire place, écarte les importuns qui pourraient le troubler dans ſes fonctions ſacrées. Les Souverains ne ſont ſouvent que les Suiſſes du Clergé.

Superſtition. C’eſt toute Religion ou toute pratique Religieuſe auxquelles on n’eſt point accoutumé. Tout culte qui ne s’adreſſe point au vrai Dieu eſt faux & ſuperſtitieux ; le vrai Dieu eſt celui de nos Prêtres, le vrai culte eſt celui qui leur convient le mieux, & auquel ils nous ont de bonne heure accoutumés ; tout autre culte eſt évidemment ſuperſtitieux, faux & même ridicule.

Surnaturel. C’eſt ce qui eſt au-deſſus de la nature ; comme nous connoiſſons parfaitement la nature, ſes reſſources & ſes loix, dès qu’il ſe préſente quelque choſe que nous ne comprenons plus, nous devons crier au miracle & dire que la choſe eſt ſurnaturelle & divine ; en un mot le ſurnaturel eſt tout ce que nous n’entendons pas, ou à quoi nos yeux ne ſont point habitués : cela poſé, nous diſons que la révélation, que la Théologie, que les myſteres ſont des choſes ſurnaturelles, c’eſt comme ſi nous diſions que nous n’y comprenons rien. Les miracles ſont des œuvres ſurnaturelles, vû que nous ne ſavons pas comment ont fait des miracles. Ce qui eſt ſurnaturel pour les laïques eſt très-naturel pour les Prêtres, qui ſavent très-bien comment il faut s’y prendre pour faire des choſes ſurnaturelles, ſur-tout quand les laïques ont la ſimplicité requiſe pour croire ou pour voir des choſes ſurnaturelles.

Suſpendre. Quand un Prêtre de l’Egliſe Romaine a, par extraordinaire, commis un crime ou fait quelque ſotiſe éclatante, on ne le pend point comme un coquin de laïque, on le ſuſpend, c’eſt-à-dire, on le prive du droit d’exercer les fonctions pénibles du ſacré Miniſtere, ce qui eſt, ſans doute un châtiment bien rigoureux.

Symbole. C’eſt le Sommaire ou l’abrégé des choſes incroyables qu’un Chrétien eſt obligé de croire ſous peine d’être damné. Pour peu qu’il croye fermement ſon Symbole & les déciſions contenues dans les Conciles, les Peres & dans un million de commentateurs, il ne pourra manquer de ſavoir à quoi s’en tenir ſur ſa foi.

Synagogue. C’eſt la première femme du Pere éternel ; il l’avoit épouſée dans le tems qu’il étoit Juif, mais elle l’a tant fait enrager qu’il s’eſt fait Chrétien de dépit, & pour lui faire piece, il a épouſé l’Egliſe en ſecondes nôces : on aſſûre qu’il n’a pas trop gagné au changement.


T

Te Deum. Cantique que les Princes Chrétiens font chanter toutes les fois qu’ils ont eu l’avantage de tuer bien des Chrétiens ; le tout pour remercier Dieu de leur avoir accordé cette grace, & d’avoir eux-mêmes perdu un grand nombre de ſujets.

Témoins. Dans les affaires ordinaires de la vie pour s’en rapporter à des témoins on exige qu’ils ſoient éclairés, ſenſés, déſintéreſſés. Dans la Religion les témoins ſur la parole deſquels nous ſommes obligés de croire des choſes incroyables ſont de ſaints ignorans, des Prophêtes un peu fous, des martyrs fanatiques, des Prêtres qui vivent à gogo des belles choſes qu’ils nous atteſtent ; cependant nous les croyons, & c’eſt un beau miracle.

Temporel. C’eſt ce qui n’eſt point éternel. La puiſſance temporelle n’étant que pour un tems doit être ſubordonnée à la puiſſance ſpirituelle qui doit durer toujours. Le temporel du Clergé eſt une choſe ſacrée, parce que ce temporel dans ſes mains devient ſpirituel, éternel & divin ; les miniſtres de l’Egliſe ne le défendent avec tant de chaleur que par ce qu’il appartient à Dieu qui eſt un pur eſprit, mais qui tient fortement aux biens temporels de ce monde, ſans leſquels ſes miniſtres ſpirituels ne pourroient point ſubſiſter.

Tems. Le tems ſi précieux pour les profanes n’eſt compté pour rien dans la Religion. Ses ſaints miniſtres font un devoir de le perdre ſaintement. Qu’eſt ce en effet que le tems comparé à l’éternité ! Voyez contemplation, méditation, Exercices de piété, Fêtes.

Tentations. Dieu tente quelquefois les hommes pour avoir le plaiſir de les punir quand ils ſont aſſez bêtes pour donner dans le panneau ; cependant pour l’ordinaire il les fait tenter par le Diable, qui n’a d’autres fonctions ſur la Terre que de faire la nique à Dieu & de lui débaucher ſes Serviteurs. On voit par cette conduite myſterieuſe que la Divinité dans ſes décrets impénétrables ſe divertit à ſe jouer des mauvais tours à elle-même.

Testamens. Dieu, qui eſt immuable, en a fait deux en ſa vie ; l’un s’appelle l’Ancien & l’autre le Nouveau Teſtament. L’Egliſe n’adopte le premier que par bénéfice d’inventaire, elle s’en tient au ſecond, en l’arrangeant à ſa façon : celui-ci eſt ſi précis que jamais il ne s’eſt élevé de chicannes entre les héritiers appellés à la ſucceſſion.

Dans les ſiecles d’ignorance, c’eſt-à-dire de foi vive, les Teſtament des Laïques étoient nuls quand ils ne laiſſoient point à l’Egliſe une portion de leur bien, dont elle eût lieu d’être contente.

Théocratie. Belle forme de gouvernement, inventée par Moyſe pour la commodité de la tribu de Lévi, dans laquelle Dieu ſeul eſt le Souverain, & par conſéquent ſes chers Prêtres ſont les maîtres des corps & des ames des hommes. Ce gouvernement divin devroit ſubſiſter par-tout, & ſur-tout dans les pays Chrétiens, où les Princes ne doivent être que les valets du Clergé.

Théologie. Science profonde, ſurnaturelle, divine, qui nous apprend à raiſonner de tout ce que nous n’entendons point, & à brouiller nos idées ſur les choſes que nous entendons ; d’où l’on voit que c’eſt la plus noble & la plus utile des Sciences ; toutes les autres ſe bornent à des objets connus, & partant mépriſables. Sans la Théologie les Empires ne pourroient ſubſiſter, l’Egliſe ſeroit perdue, & le peuple ne ſauroit à quoi s’en tenir ſur la Grace, ſur la Prédeſtination gratuite, ſur la Bulle Unigenitus, dont il eſt très-eſſentiel qu’il ait des idées préciſes.

Théſes. L’on nomme ainſi en Thologie des diſputes publiques & ſolennelles, dans leſquelles les jeunes Théologiens montrent leur ſavoir-faire en ſe faiſant des bleſſures à la tête, le tout pour avoir occaſion de montrer la bonté de leur onguent qui n’eſt autre que la foi. Les Thèſes chez les Chrétiens ont dignement remplacé les Jeux Olympiques des Grecs, les exercices des Romains, les conférences des Philoſophes qui n’étoient que des payens & des ignorans en Théologie.

Thiare. Triple couronne que le Pape a ſeul droit de porter pour indiquer la plénitude de ſa puiſſance dans le Ciel, ſur la Terre & dans le Purgatoire.

Tiédeur. Indifférence très-condamnable pour les importans objets dont un Chrétien doit s’occuper, & qui pourroit bien conduire à la tolérance. Un Chrétien doit être brûlant, Dieu vomit les tiédes, ils donnent des vapeurs à ſa femme, qui n’aime point les amoureux tranſis.

Tyran. C’eſt dans le langage ordinaire un Prince qui opprime la Société au-lieu de la gouverner : dans le langage de la Religion un Tyran eſt un Prince qui ne penſe point comme les Prêtres, qui ne fait pas tout ce qu’ils veulent ou qui a l’impertinence de mettre obſtacle à leurs ſaintes volontés, quand il les croit nuiſibles au bonheur de l’Etat, qui ne doit jamais balancer les droits ſacrés du Clergé.

Tolérance. Syſtême impie & contraire aux vues du Clergé ; il ne peut être adopté que par quelques Chrétiens peu zêlés, qui trahiſſant les intérêts de l’Egliſe prétendent qu’il ſeroit bon de laiſſer chacun rêver à ſa maniere ſur des choſes ſur-tout que perſonne n’entend. L’Egliſe connoît ſes intérêts mieux que perſonne, jamais elle ne s’eſt prêtée à une tolérance parfaite ; les ſectes ſe ſont par-tout haïes, perſécutées, exterminées, & nous avons lieu d’eſpérer que cela continuera de même juſqu’à la fin des ſiecles, ſi l’Egliſe va-juſque-là.

Tonſure. Opération ſacrée qui ſe fait ſur le poil d’un Laïque qui veut ſe faire aggréger au Clergé, c’eſt-à-dire commencer à vivre aux dépens des autres. Cette cérémonie préliminaire eſt faite pour lui apprendre que ſa fonction déſormais ſera de tondre ſes concitoyens, ſi la grace de Dieu lui fournit de bons ciſeaux.

Toute-puiſſance. C’eſt le pouvoir de tout faire réſervé à Dieu tout ſeul, ſans que rien dans la nature puiſſe réſiſter à ſa volonté. Cependant nous voyons que la puiſſance divine n’eſt point encore parvenue juſqu’ici à rendre ſes créatures telles que le Clergé les deſire, il ne peut ni les faire agir ni les faire penſer d’une maniere conforme à ſes volontés. Le Diable, que Dieu a créé très-malin, prend ſouvent la liberté de mettre ſa puiſſance en défaut ; mais tout cela ne prouve rien, Dieu a créé le Diable, Dieu veut que le Diable dérange ſes projets, Dieu ne veut point anéantir le Diable, de peur de n’avoir plus rien à faire & ſur-tout dans la crainte que ſon Clergé ne devînt inutile ici-bas.

Les Prêtres de l’Egliſe Romaine ſont plus puiſſans que Dieu, il ne peut ſe faire lui-même tandis que ces Prêtres le font à volonté. Voyez Transſubſtanciation.

Tradition. C’eſt la parole de Jéſus-Chriſt, recueillie par les hommes éclairés, qui l’ont transmiſe ſans aucune altération aux Chrétiens d’aujourd’hui. L’on voit que la tradition s’eſt conſervée par miracle ; les hommes ordinaires ajoutent ou retranchent communément aux choſes qu’ils voyent ou qu’ils entendent ; les Apôtres ne furent point dans ce cas, & nos Prêtres ſont trop honnêtes pour altérer la tradition.

Transſubſtanciation. Voyez Préſence réelle. Suivant les Catholiques, Dieu a la politeſſe de ſe changer en pain quand cela convient à ſon Prêtre, qui, par un tour de main, ſait eſcamoter le pain pour mettre Dieu en ſa place. C’eſt le plus étonnant tour de gobelet que le Sacerdoce ait juſqu’ici inventé.

Travail. Les Prêtres ne ſont point ici-bas pour travailler comme les laïques ; leur travail eſt ſpirituel & par conſéquent très-pénible. Il conſiſte à rêver, à parler, à diſputer, à chanter pour le plus grand bien de ceux dont les bras ſe remuent ; comme ce travail eſt très-utile il eſt communément très-bien payé. Le Clergé ne ſeroit pas content ſi l’on payoit en eſprit ſon travail ſpirituel : voyez Frêlons. Vampires. Moines. Prêtres.

Trinité. Myſtere ineffable adopté par les Chrétiens qui l’ont reçu du divin Platon ; il fait un Article fondamental de notre ſainte religion. A l’aide de ce myſtère un Dieu fait trois, & trois Dieux ne font qu’un Dieu unique. Le dogme de la Trinité ne peut paroître abſurde qu’à ceux qui n’entendent point Platon. Ce Pere de l’Egliſe imagina trois manieres d’enviſager la Divinité ; de ſa puiſſance nos ſaints Docteurs ont fait un Pere à barbe vénérable ; de ſa raiſon ils ont fait un Fils émané de ce Pere & pendu pour l’appaiſer ; de ſa bonté ils ont fait un Saint Eſprit, transformé en pigeon. Voilà tout le myſtere.


V & U

Vanité. Tout en ce monde eſt vanité hors la Théologie ; ce n’eſt que dans l’autre monde que l’on trouvera du ſolide ; c’eſt là que nous verrons la ſolidité des édifices élevés par nos Prêtres ; en attendant leur cuiſine en ce monde me paroît très-ſolidement fondée.

Vampires. Ce ſont des morts qui s'amuſent à ſuçer le ſang des vivans. Les Eſprits-forts douteront, peut-être, de cette merveille ; mais qu'ils ouvrent les yeux, & ils verront un corps mort ſuçer le corps vivant de la Société. Voyez Moines. Prêtres. Clergé &c.

Vases. Tous les hommes ſont des pots comme l’a dit élégamment St. Paul ; mais les uns ſont des pots que Dieu place ſur ſa cheminée pour égayer ſon appartement, les autres ſont des pots de chambre qu’il fait recuire éternellement afin de les nettoyer après les avoir ſalis lui-même.

Vengeance. Suivant la Bible le Dieu de l’univers eſt vindicatif & rancunier ; ſes miniſtres ne peuvent donc ſe diſpenſer de l’imiter & d’entrer dans ſes vues ; le Dieu des vengeances leur ſauroit très-mauvais gré s’ils négligeoient de le venger. La Divinité eſt toujours vengée quand ſes Prêtres le ſont.

Vent. Marchandiſe très-précieuſe, que nos ſorciers ſacrés vendent, comme de raiſon, fort cher aux Chrétiens, pour les aider à voguer dans la barque de S. Pierre. Le vent que le Clergé débite produit ſouvent des tempêtes, conformément à ces paroles de l’Ecriture : ils ſemeront du Vent. Et ils recueilleront des Orages.

Verbe. C’eſt le Logos de Platon, la ſageſſe divine, la raiſon éternelle, dont nos Théologiens ont fait un Dieu, ou ſi l’on veut un homme. Nous croyons donc très-fermement que la raiſon de Dieu s’eſt faite homme, pour éclairer les hommes, & ſur-tout pour leur apprendre que la raiſon divine n’entendoit nullement qu’ils euſſent de la raiſon, & que leurs Prêtres avoient toujours raiſon.

Vérité. Il y en a de deux eſpeces l’une eſt humaine & l’autre eſt Théologique ou divine. La premiere ne convient point au Clergé, par conſéquent elle eſt fauſſe ; la ſeconde lui eſt utile, par conſéquent elle eſt vraye. La vérité utile & vraye eſt toujours celle qui convient à nos Prêtres.

Vertus morales. Elles ne ſont utiles qu’à la Société, mais ne ſont d’aucun rapport pour l’Egliſe ; ce ſont donc de fauſſes vertus ; cependant elles peuvent avoir du bon pourvu qu’elles ſoient jointes aux vertus Evangéliques ou à celles que l’on nomme vertus Théologales.

Vertus Théologales. C’eſt-à-dire néceſſaires aux Théologiens, ou qui ont pour objet l’utilité du Clergé. C’eſt la Foi, l’Eſpérance & la Charité. Si ces vertus n’ont rien de bien utile à la Société elles ſont au moins avantageuſes au Sacerdoce ; la foi lui livre des peuples que l’eſpérance amuſe, & dont la charité le met dans l’abondance & le fait vivre à pot & à rôt dans la Société.

Viatique. Lorſqu’un bon Catholique eſt prêt à faire le grand voyage, l’Egliſe en bonne mere lui fait ſa petite proviſion pour le chemin ; de peur que ſon ame ne meure de faim ſur la route elle lui garnit le jabot d’une gauffre ; nourriture aſſez légere, mais qui ſuffit de reſte pour une ame qui voyage.

Vierge (Sainte). C’eſt la mere du fils de Dieu & la belle-mere de l’Egliſe ; elle fut ſpirituellement obombrée par Dieu le Pere, qui n’étant qu’un pur eſprit, ne conſomma point le mariage, car il eſt évident qu’il faut un corps pour cette cérémonie.

Viſibilité. Caractere de la véritable Egliſe, qui doit être viſible & qui ſouvent ſe rend palpable, ſur-tout quand elle monte ſur ſes grands chevaux ; c’eſt alors que toutes les autres Egliſes ſe cachent & ſe rendent inviſibles.

Viſion béatifique. Ceux qui dans ce monde auront eu ſoin de bien fermer les yeux, au riſque de ſe caſſer le nez, jouiront dans l’autre monde d’une vue ſi perçante & ſi forte qu’ils pourront, ſans être éblouis, contempler face à face la ſplendeur de l’eſprit qui remplit l’univers.

Viſions. Lanternes magiques que de tout tems le Pere éternel s’eſt amuſé à montrer aux Saints, aux Prophêtes, à ſes favoris de l’un & de l’autre ſexe. Les fous, les fripons & les femmes à vapeurs ſont communément ceux que la Divinité préfere pour leur montrer ſa curioſité.

Ultramontains. Ce ſont tous ceux qui habitent par-delà les monts ; les Janſéniſtes prétendent qu’il faut les envoyer par-delà les ponts ; ce qui ne ſeroit pas trop fâcheux pour des Italiens.

Unigenitus. Mot par où commence un Bulle intéreſſante du très-Saint Pere, qui depuis plus de cinquante ans a mis la France en gayeté ; elle a ſur-tout fait fleurir le commerce du papier ; elle a fait diſtribuer deux cens mille Lettres de Cachet, ſans compter un million de mandemens & de beaux écrits qu’elle fait éclorre pour l’inſtruction des harangeres & pour exercer les ſaint caquets des dévotes de la Cour.

Unité. Tout Chrétien doit croire fermement qu’il n’y a qu’un ſeul Dieu, ſans la révélation divine nous n’aurions jamais pû deviner cette vérité, cependant, tout Chrétien eſt en conſcience obligé d’adorer trois Dieux qui jouiſſent, par indivis, de la Divinité. D’après les équations algébriques de nos Théologiens, un eſt égal à trois & trois eſt égal à un. Quiconque ne ſe rend point à l’évidence de ce calcul manque aſſurément de foi & mérite d’être brûlé.

Unité de l’Egliſe. De même que Dieu eſt un, l’Egliſe de Dieu eſt une. Il n’eſt pas permis d’en douter à la vue de l’unité de dogmes, de ſentimens, d'opinions que l’on voit ſubſiſter depuis tant de ſiecles entre tous les Chrétiens ; cette unité prouve aſſurément le doigt de Dieu.

Univerſités. Etabliſſemens très-utiles au Clergé, & ſagement confiés aux ſoins de ſes membres, qui travaillent efficacement à former des citoyens bien dévots, bien zêlés, bien pauvres d’eſprit, bien inutiles à la Société profane, mais bien utiles au Clergé.

Vocation. Voix intérieure & irréſiſtible de la Divinité, qui invite un garçon ou une fille de quinze ans à s’enfermer pour avoir le plaiſir de s’ennuyer toute leur vie. La vocation à l’état Eccléſiaſtique eſt un ſaint déſir d’obtenir des bénéfices & des revenus, que Dieu lui-même inſpire aux cadets de famille, qui n’ont rien, ou à tous ceux qui ſe ſentent un penchant invincible à ne rien faire pour la Société.

Vœux monaſtiques. Promeſſes ſolennelles faites à Dieu d’être inutile à ſoi-même & aux autres, de paſſer ſa vie dans une ſainte pauvreté, dans de ſaintes démangeaiſons, dans une ſainte ſoumiſſion aux volontés d’un ſaint Moine ou d’une ſainte Bégueule, qui pour ſe désennuyer font enrager tous ceux qui ſe rangent ſous leurs ordres.

Voler. C’eſt prendre pour rien ce qui appartient aux autres. Il n’eſt point permis de voler, cependant la tribu de Lévi jouit du droit divin de prendre l’argent des Chrétiens pour les denrées aériennes qu’elle fait venir de là-haut.

Volontés. Il eſt de foi de croire que Jéſus-Chriſt a deux volontés & deux natures ; la premiere eſt la ſienne, la ſeconde evt celle du Clergé, qui n’eſt pas toujours la ſienne, mais à laquelle, ainſi que nous, il eſt bien forcé de ſe plier.

Uſure. Dieu l’avoit permiſe aux Juifs auſſi bien que le vol ; mais l’un & l’autre ſont interdits aux Chrétiens laïques, il n’y a que le Clergé qui ait le privilege de faire ici-bas un commerce uſuraire, & même de tirer un gros intérêt des fonds qu’il n’a point fournis.

Uſurpations Eccléſiaſtiques. Les gens qui manquent de foi prétendent que l’Egliſe a ſouvent exercé des droits qui ne lui appartenoient pas ; s’ils avoient de la foi ils ſentiroient que l’Egliſe ne peut jamais uſurper, vû qu’elle exerce les droits de ſon mari qui ſont illimités. Ce ſont les Souverains qui ſont des uſurpateurs quand ils empêchent le Clergé d’uſurper du pouvoir ou des droits dont les laïques ne peuvent jamais qu’abuſer.

Vulgate. Traduction Latine des Saintes Ecritures, inſpirée par le Saint Eſprit qui ſavoit ſans doute mieux l’Hébreu que le Latin : en effet ſa lecture nous prouve que Dieu ne parle pas ſi bon latin que ce coquin de Cicéron.

Yeux. Organes très-inutiles à tout bon Chrétien, qui doit fermer les yeux pour marcher plus ſurement dans la voie du ſalut ; ou même les arracher quand le Clergé le ſcandaliſe.

Zêle. Fievre ſacrée, accompagnée ſouvent de redoublemens & de tranſports au cerveau, à laquelle les dévots & les dévotes ſont fort ſujets : c’eſt une maladie Endémique & contagieuſe dont le Chriſtianiſme a gratifié le genre humain. Depuis dix-huit ſiecles les Chrétiens ont beaucoup à ſe louer des avantages qu’ils retirent des criſes ſalutaires que le fils de Dieu & ſon Clergé ont cauſées ſur la terre, & qui, ſi Dieu ou les Princes n’y mettent la main, dureront infailliblement juſqu’à la conſommation des ſiecles.

Fin.
  1. De tout tems & en tout pays les Prêtres ont joui, de droit divin & de droit naturel, du droit d’être paillard. Les Prêtres chrétiens l’exercent très-ouvertement en Eſpagne, en Portugal, en Italie & par-tout où l’Egliſe eſt duement reſpectée, c’eſt-à-dire, où l’on a beaucoup de foi. Ce droit leur eſt, ſans doute, bien plus acquis qu’aux Prêtres idolâtres, qui en ont ſouvent joui. Les femmes de Babylone étoient forcées de venir une fois dans la vie ſe proſtituer dans le temple de la Vénus Aſſyrienne. Le grand Prêtre de Calicut a les prémices de la femme de ſon Souverain. Pour ſanctifier le mariage nos Prêtres devroient avoir les prémices des femmes les Laïques, ou du moins les Curés devroient avoir la dixme des filles de leurs paroiſſiens.