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à Nekhludov.
à Nekhludov.


— Voilà qui est parfait ! — répondit le vieillard, mais
— Voilà qui est parfait ! — répondit le vieillard, mais sans pouvoir s’empêcher d’accorder toute son attention à la scène qui se passait de l’autre côté du couloir. L’ouvrier, après avoir bu, avait passé la bouteille à sa
femme qui, tout heureuse, s’était, à son tour, mise à boire de l’eau-de-vie. Et soudain le mari, voyant fixée
sans pouvoir s’empêcher d’accorder toute son attention
sur lui l’attention de Nekhludov et du vieillard, se tourna vers eux :
à la scène qui se passait de l’autre côté du couloir.
L’ouvrier, après avoir bu, avait passé la bouteille à sa
femme qui, tout heureuse, s’était, à son tour, mise à
boire de l’eau-de-vie. Et soudain le mari, voyant fixée
sur lui l’attention de Nekhludov et du vieillard, se
tourna vers eux :


— Eh bien ! quoi ! messieurs ? C’est parce que nous buvons ? Comment nous travaillons, personne ne le voit : mais quand nous buvons, tout le monde nous voit ! J’ai travaillé mon compte, et maintenant je bois, et ma femme fait comme moi. Et ce que pensent les autres de cela, je ne m’en soucie pas !
— Eh bien ! quoi ! messieurs ? C’est parce que nous
buvons ? Comment nous travaillons, personne ne le
voit : mais quand nous buvons, tout le monde nous voit !
J’ai travaillé mon compte, et maintenant je bois, et ma
femme fait comme moi. Et ce que pensent les autres de
cela, je ne m’en soucie pas !


— Oui, oui, sans doute, — disait Nekhludov, ne
— Oui, oui, sans doute, — disait Nekhludov, ne
sachant que répondre.
sachant que répondre.


— C’est comme je le dis ! Ma femme est une forte tête !
— C’est comme je le dis ! Ma femme est une forte tête ! Je suis content d’elle, et elle aussi de moi. Est-ce vrai, ce que je dis, Marie ?
Je suis content d’elle, et elle aussi de moi. Est-ce vrai,
ce que je dis, Marie ?


— Tiens, reprends la bouteille, j’ai assez bu ! —
— Tiens, reprends la bouteille, j’ai assez bu ! — répliqua la femme. — Tu es encore là à dire des sottises !
répliqua la femme. — Tu es encore là à dire des sottises !


— Voyez-vous comment elle est ? — reprit l’ouvrier.
— Voyez-vous comment elle est ? — reprit l’ouvrier. — Une forte tête, mais quand elle commence à geindre, elle grince comme une charrette dont on a oublié de graisser les roues ! Marie, est-ce vrai ce que je dis ?
— Une forte tête, mais quand elle commence à geindre,
elle grince comme une charrette dont on a oublié de
graisser les roues ! Marie, est-ce vrai ce que je dis ?


La femme haussa les épaules, avec un gros rire.
La femme haussa les épaules, avec un gros rire.


— Tenez, voilà comment elle est ! Une tête sans pareille ! Mais quand une puce la mord, impossible de la retenir ! C’est vrai, ce que je dis ! Vous, monsieur, je vois bien que vous me prenez pour un ivrogne ! Eh bien ! quoi ? — j’ai bu un coup de trop, que voulez-vous que j’y fasse ?
— Tenez, voilà comment elle est ! Une tête sans
pareille ! Mais quand une puce la mord, impossible de
la retenir ! C’est vrai, ce que je dis ! Vous, monsieur,
je vois bien que vous me prenez pour un ivrogne ! Eh
bien ! quoi ? — j’ai bu un coup de trop, que voulez-vous
que j’y fasse ?


Sur quoi l’ouvrier allongea ses jambes, mit sa tête
Sur quoi l’ouvrier allongea ses jambes, mit sa tête

Version du 25 novembre 2009 à 18:15

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RÉSURRECTION

petit père, la terre n’en produit pas beaucoup ! Si vous saviez comme il est bon ! — dit-elle encore, en s’adressant à Nekhludov.

— Voilà qui est parfait ! — répondit le vieillard, mais sans pouvoir s’empêcher d’accorder toute son attention à la scène qui se passait de l’autre côté du couloir. L’ouvrier, après avoir bu, avait passé la bouteille à sa femme qui, tout heureuse, s’était, à son tour, mise à boire de l’eau-de-vie. Et soudain le mari, voyant fixée sur lui l’attention de Nekhludov et du vieillard, se tourna vers eux :

— Eh bien ! quoi ! messieurs ? C’est parce que nous buvons ? Comment nous travaillons, personne ne le voit : mais quand nous buvons, tout le monde nous voit ! J’ai travaillé mon compte, et maintenant je bois, et ma femme fait comme moi. Et ce que pensent les autres de cela, je ne m’en soucie pas !

— Oui, oui, sans doute, — disait Nekhludov, ne sachant que répondre.

— C’est comme je le dis ! Ma femme est une forte tête ! Je suis content d’elle, et elle aussi de moi. Est-ce vrai, ce que je dis, Marie ?

— Tiens, reprends la bouteille, j’ai assez bu ! — répliqua la femme. — Tu es encore là à dire des sottises !

— Voyez-vous comment elle est ? — reprit l’ouvrier. — Une forte tête, mais quand elle commence à geindre, elle grince comme une charrette dont on a oublié de graisser les roues ! Marie, est-ce vrai ce que je dis ?

La femme haussa les épaules, avec un gros rire.

— Tenez, voilà comment elle est ! Une tête sans pareille ! Mais quand une puce la mord, impossible de la retenir ! C’est vrai, ce que je dis ! Vous, monsieur, je vois bien que vous me prenez pour un ivrogne ! Eh bien ! quoi ? — j’ai bu un coup de trop, que voulez-vous que j’y fasse ?

Sur quoi l’ouvrier allongea ses jambes, mit sa tête sur l’épaule de sa femme, et s’endormit.

Nekhludov resta quelque temps encore avec le vieil-