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{{Numérotation|'''LES CÉLIBATAIRES : PIERRETTE.'''||409}}

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409
LES CÉLIBATAIRES : PIERRETTE.

la femme qui tient un enfant dans le tableau des Moissonneurs. Sous ce cadre festonné de lumière, brillait une figure blanche et rose, naïve, animée par la santé la plus vigoureuse. La chaleur de la salle y amena le sang qui borda de feu les deux mignonnes oreilles, les lèvres, le bout du nez si fin, et qui, par opposition, fit paraître le teint vivace plus blanc encore.

— Eh ! bien, tu ne nous dis rien ? dit Sylvie. Je suis ta cousine Rogron, et voilà ton cousin.

— Veux-tu manger ? lui demanda Rogron.

— Quand es-tu partie de Nantes ? demanda Sylvie.

— Elle est muette, dit Rogron.

— Pauvre petite, elle n’est guère nippée, s’écria la grosse Adèle en ouvrant le paquet fait avec un mouchoir au vieux Lorrain.

— Embrasse donc ton cousin, dit Sylvie.

Pierrette embrassa Rogron.

— Embrasse donc ta cousine, dit Rogron.

Pierrette embrassa Sylvie.

— Elle est ahurie par le voyage, cette petite ; elle a peut-être besoin de dormir, dit Adèle.

Pierrette éprouva soudain pour ses deux parents une invincible répulsion, sentiment que personne encore ne lui avait inspiré. Sylvie et sa servante allèrent coucher la petite Bretonne dans celle des chambres au second étage où Brigaut avait vu le rideau de calicot blanc. Il s’y trouvait un lit de pensionnaire à flèche peinte en bleu d’où pendait un rideau en calicot, une commode en noyer sans dessus de marbre, une petite table en noyer, un miroir, une vulgaire table de nuit sans porte et trois méchantes chaises. Les murs, mansardés sur le devant, étaient tendus d’un mauvais papier bleu semé de fleurs noires. Le carreau, mis en couleur et frotté, glaçait les pieds. Il n’y avait pas d’autre tapis qu’une maigre descente de lit en lisières. La cheminée en marbre commun était ornée d’une glace, de deux chandeliers en cuivre doré, d’une vulgaire coupe d’albâtre où buvaient deux pigeons pour figurer les anses et que Sylvie avait à Paris dans sa chambre.

— Seras-tu bien là, ma petite ? lui dit sa cousine.

— Oh ! c’est bien beau, répondit l’enfant de sa voix argentine.

— Elle n’est pas difficile, dit la grosse Briarde en murmurant. Ne faut-il pas lui bassiner son lit ? demanda-t-elle.

— Oui, dit Sylvie, les draps peuvent être humides.