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Version du 13 septembre 2010 à 06:30

Chapitre I Le Corset (1905) Chapitre III



CHAPITRE II


Dans son livre sur Le corset à travers les âges, M. Léoty dit excellemment : Les Grecs et les Romains, ces amateurs du beau par excellence, étaient de grands admirateurs de la perfection corporelle, aussi les femmes grecques et romaines reconnaissaient-elles la nécessité d’employer des bandelettes et des ceintures, pour soutenir la poitrine et maintenir la taille.

Une statuette trouvée dans les fouilles de Troie, montre une femme en cheveux dont le vêtement composé d’un corsage ajusté et d’une jupe à volants plissés, est beaucoup plus voisin du costume moderne que de celui des Athéniennes du temps de Périclès.

C’est pourtant ainsi que les femmes s’habillaient en Grèce, vers le XVIIe siècle avant Jésus-Christ.


Fig. 10. - Ceinture soutenant les seins

Déjà le chitonisque, corsage ajusté, se portait tantôt sur le chiton, sorte de camisole sans manches, tantôt et plus souvent sous ce vêtement. Un bas-relief tout récemment découvert en Crète dans le palais du Roi Minos confirme ce détail de costume (Revue de Paris, 15 mars 1902).

S’il faut en croire un passage des Cosmétiques d’Ovide, les femmes d’alors étudiaient déjà les moyens de réparer des ans l’irréparable outrage en usant de fards nombreux et variés, et elles connaissaient aussi l’art de corriger les imperfections de la nature ou de suppléer aux oublis de celle-ci, en employant « des enveloppes ingénieuses qui arrondissent la poitrine et lui prêtent ce qui lui manque ».


Fig. 11. — Capitium d’après un marbre antique.

Elles n’ignoraient pas non plus la mode de se sangler la taille outre mesure ; et je n’en veux pour preuve que la comédie de Térence Eunuchus dans laquelle le poète, par la bouche de Cherea, un des personnages de la pièce, se moque des moyens mis en œuvre pour faire des jeunes filles vigoureuses des poupées dont s’engouait déjà le snobisme de cette époque reculée : ce n’est pas, s’écrie-t-il, une jeune fille comme les nôtres, que leurs mères obligent à se rabattre les épaules, à se sangler la poitrine pour avoir une taille mince. Si quelqu’une est un peu plus solidement taillée, on dit qu’elle tourne à l’athlète, on lui rogne les vivres et elles ont beau être nées avec une bonne constitution, on ne fait pas moins d’elles, grâce à ce régime, de véritables roseaux. Aussi comme on les aime.

Je laisse de côté avec intention certains passages d’Homère tel que celui où décrivant la toilette que portait Junon lorsqu’elle voulut séduire Jupiter, il dépeint les deux ceintures qui « dessinaient amoureusement la taille de la déesse », certaines citations de Martial (Epigrammes XIII, livre VI). Epigrammes CCVI, livre XIV) où il est question de cestus nodus, de cingulum, de cingillium, vêtements qui ne sont à proprement parler que des ceintures.

Je sais que M. Léoty, dans le travail que je citais plus haut, les considère comme les premiers rudiments du corset ; plusieurs auteurs ont depuis formulé le même avis, pour cette raison bien simple, qu’ils ont maintes fois copié cet ouvrage en le démarquant, mais le plus grand nombre y a toutefois négligé cette phrase qui exprime bien mon opinion : « Les corsets proprement dits étaient complètement inconnus des anciens ».

C’est pourquoi je retiendrai seulement, comme pouvant figurer à l’origine de l’histoire du corset, les vêtements appelés par les anciens : capitium, fascia, zona, strophium.


Fig. 12. — Sthéthodesme ou Fascia d’après une statue antique.

« Le capitium était un vêtement porté sur la partie supérieure du corps qu’il recouvrait ; ce mot ne désigne pas un capuchon comme quelques auteurs l’ont prétendu. Varron est très explicite à ce sujet quand parlant du capitium il dit : ainsi nommé parce qu’il enveloppe la poitrine.

La fascia pectoralis d’après Martial, (Epigrammes CXXXIV, livre XIV) constituait chez les Romains, une ceinture attachée autour de la poitrine des jeunes filles pour arrêter par la pression, le développement de la gorge, ou enroulée autour du buste des femmes fortes pour soutenir leurs seins.

Dans le Dialogue des amours, Lucien parlant, des tuniques trop transparentes de ses contemporaines ajoute : « Sous ce vêtement, tout se voit mieux que le visage, excepté les seins qui tomberaient en avant d’une manière difforme s’ils n’étaient constamment retenus prisonniers ». Ovide parle du fascia dans son Art d’Aimer (Gap. III). Inflatum circa jascia pectus erat.

Et ailleurs :

Omne papillœ
Pectus habent tumidœ ; fascia nulla tegat.

La fascia, appelée aussi parfois fasciola était formée par une bande assez longue, puisque c’est avec elle que s’étrangla, raconte Tacite au Livre XV de ses Annales, la courtisane Epicharis, accusée d’avoir conspiré contre Néron.

La fascia, seulement employée d’après Térence, par les personnes fortes, ou imposée par des mères soucieuses de la beauté de leur fille, venait quelquefois s’appuyer sur les épaules.

« Nous retrouvons un souvenir de cet appareil, peut-être l’appareil lui-même dans la manière dont les artésiennes soutiennent encore leur poitrine. Chez ces femmes le corset est remplacé par un système de mouchoirs qui, s’appuyant sur les épaules, passent ensuite sous la poitrine en la soutenant et s’attachent derrière le dos. On peut d’autant mieux conjecturer que ce système est une modification de la fascia que le mot fazzoletto (mouchoir) paraît tirer son origine de l’expression latine en question. »


Fig. 13. — Fasciœ mamillares des femmes Romaines.

Le corset annamite est aussi une sorte de fascia pectoralis. Voici comment dans son rapport sur la campagne de l’aviso Le Chasseur (1888-1890) le décrit mon confrère et ami le docteur Baret. Les femmes annamites emploient pour soutenir leurs seins une pièce d’étoffe fine et résistante, (en petite soie de préférence) disposée de la façon suivante : Imaginez un foulard carré de 0 m. 35 cent. de côté environ, l’une des extrémités diagonales, la supérieure, est fendue sur une longueur de 0 m. 15 et renforcée par des coutures appropriées. De part et d’autre de cette fente, sont cousus des rubans larges de 0 m. 04 destinés à être passés derrière la nuque. Aux deux extrémités du diamètre transversal, mais immédiatement au-dessous des angles et sur les bords, sont fixés de longs rubans un peu plus larges (0 m. 06) destinés à être conduits derrière la taille, croisés et ramenés par devant pour être noués sur l’épigastre, par


Fig. 14. — Vénus aphrodite orientale portant l’Anamaskalister (trouvée près de Smyrne dans la nécropole de Myrina).

dessus la pointe inférieure du cache-seins, qu’ils maintiennent ainsi fixée. Ce bandage très simple est très efficace, car il permet aux femmes annamites, même à celles ayant nourri des enfants, de se livrer à tous les durs travaux manuels, et bien des européennes l’ont adopté en Indo-Chine.

Je passe sous silence l’apodesme (Antiphane), le sthéthodesme, le mastodeton, l’anamaskalister (Pollux in Onomasticon) vêtements grecs ; le mamilare Martial, Epigrammes LXVI, livre XIV), vêtement latin, sortes de ceintures qui ne différaient de la fascia que par le nom. Le tœnia était aussi une sorte de fascia, il en est fait mention au deuxième siècle dans Apulée. Elle se déshabille entièrement, même elle enlève les bandes (tœniœ), qui emprisonnaient une gorge charmante (in l'Âne d'Or).

« Le strophium ou la mithra, est d'origine grecque ; néanmoins on trouve ce mot employé assez fréquemment par les auteurs latins. C'était une sorte de fichu que l'on enroulait et que l'on attachait autour du corps pour soutenir la poitrine. Catulle dans son admirable description du désespoir d'Ariane abandonnée par Thésée dans l'île de Naxos (Poésies LXIV), peignant le désordre de ses vêtements qu'elle Laisse tomber à ses pieds, dit :

Non flavo retinens subtilem vertice mitram
Non contecta levi velatum pectus amictu
Non tereti strophio lactantes vincta papillas
. . . . . . . . . . . . . . .
Fig. 15. — Servante présentant le strophium (peinture d'un vase grec).

Plus de réseau qui captive les tresses de ses blonds cheveux, plus de voile qui couvre son sein ; plus d'écharpe (strophium) qui retienne sa gorge haletante... Elle s'est dépouillée de tous les ornements, ils sont tombés à ses pieds et les flots de la mer se jouent de ces vaines parures. Le strophium se plaçait par-dessus la tunique intérieure comme on le voit dans les fragments de Turpilius :

Me miseram  ! Quid agam ! Inter vias epistola cecidit mihi,
Infelix, inter tunicam ac strophium quam collocaveram.

Ce strophium semble avoir été en cuir :

Taurino poteras pectus constringere tergo.
Nam pellis mammas non capit ista tuas.
(Martial).

« Le strophium, n’était pas toujours un vêtement simple, il était aussi un objet de luxe. Isidor le décrit comme étant parfois orné de broderies d’or, garni de pierreries et de perles. »

Fig. 16. — Zona d’après un marbre trouvé à Herculanum

Dans cette œuvre d’érudit, l’Agonie, que Jean Lorrain compare à une fresque grandiose, désordonnée, furieusement polychrome, où comme dans les icônes byzantines, les figures et les foules évoquées se bossuent et s’éclairent çà et là de cabochons et d’émaux translucides, qui sont les termes techniques pris au glossaire de l’antiquité, le regretté Jean Lombard a écrit : Dans la chambre qui avait vu les Brindusiniens écouter Mammœa et Mœsa, Sœmias était entrée. Aveulie, la stola lâche, les seins ballotant dans la subucula brodée d’or, à peine retenue par le strophium aux agrafes de chrysoprase, les sandales de feutre blanc défaites sur la jambe entourée de périscelides, elle s’assit sur son lit...

Et ailleurs : il se dégagea, la laissant sur son dos, la tête pendante, la poitrine maigre rompant le strophium, le large ruban qui retenait les seins.

« Pour soutenir dans sa beauté la croissance naturelle de la taille et pour l’empêcher de tomber, dit Neiss dans son livre des Costumes, les anciens faisaient usage d’une bande plus ou moins large, le strophium, elle servait d’une part à maintenir la poitrine dans sa position juvénile, et d’autre part elle remplissait les conditions d’un véritable bandage de corps, cette bande donna plus tard l’idée de l’établissement de véritables rembourrages. »

Fig. 17. — Amazone blessée

Les bandelettes pour les seins s’appliquaient directement sur la peau, tandis que le strophium, le cingulum, le capitium aux couleurs voyantes se portaient par dessus la tunique intérieure ou chemisette.

Avant de placer ce lien, la dame grecque, selon Nomachius, se servait du pinceau pour donner du lustre au sein, en nuançant sa blancheur avec le pourpre de l’hyacinthe, avec le beau vert ou jaspe de l’Inde. On parait le sein de l’accouchée à l’aide de bandelettes travaillées dans les temples et qui à cause de leur origine avaient des vertus surnaturelles.

Ces bandes étaient quelquefois en étoffe de couleur. Elles concouraient souvent à amincir la taille et un torse antique du musée de Cannes donne à penser que les femmes du littoral, se contentaient pour cet usage d'une simple corde enroulée autour du torse (Dr Witkowski).

Quant au zona ; c'était un bandeau ou une ceinture large et plate, employée principalement par les jeunes filles qui le plaçaient le plus souvent autour des hanches. C'était cette ceinture que le jeune romain détachait de la taille de sa jeune femme, au moment des épousailles, d'où l'expression latine : zonam solvere, qui signifie se marier.

Homère, Martial, Ovide, Catulle ont parlé de cette ceinture virginale bien distincte des vêtements précédents par la situation qu'elle occupait sur le corps.

Les premiers soutenaient les seins, le zona au contraire soutenait le ventre. La combinaison, la synthèse de ces deux sortes de ceintures pectorale et abdominale constitue le corset. Je montrerai plus tard, comment de nos jours, certains fabricants ont à nouveau séparé le soutien de la gorge du soutien de l'abdomen, divisant le corset moderne en deux appareils distincts et revenant ainsi aux types primordiaux des Grecs et des Romains : la fascia et le zona.

J'ajoute comme document et pour terminer l'histoire de cette première époque, l'époque de l'antiquité, la reproduction d'un groupe recueilli par Tischbein et Passeri dans les peintures de vases anciens.

On y voit tomber blessée une de ces amazones, dont la race fabuleuse vint, dit-on, du Caucase s'établir en Asie Mineure

Cette femme guerrière porte une ceinture soutenue par deux bandelettes ou épaulettes entrecroisées, et qu'il est curieux de rapprocher de l'anamaskalister de la Vénus aphrodite dont j'ai parlé plus haut.

Je crois avoir maintenant suffisamment établi l'origine très ancienne du corset, et je passe à l'histoire de la deuxième époque.