« Le Bec en l’air/La Nouvelle Machine du captain Cap » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe (discussion | contributions)
Nouvelle page : {{ChapitreNav | ../ | Alphonse Allais | | [[../Un garçon timide ou Pour se donner une contenance|Un garçon timide ou Pour se donner une contenan...
 
Phe (discussion | contributions)
Aucun résumé des modifications
Ligne 3 : Ligne 3 :
| [[Auteur:Alphonse Allais|Alphonse Allais]]
| [[Auteur:Alphonse Allais|Alphonse Allais]]
|
|
| [[../Un mode d’éclairage relativement peu connu|Un mode d’éclairage relativement peu connu]]
| [[../Un garçon timide ou Pour se donner une contenance|Un garçon timide ou Pour se donner une contenance]]
| {{SUBPAGENAME}}
| {{SUBPAGENAME}}
| [[../Ilotes modernes|Ilotes modernes]]
| [[../Ilotes modernes|Ilotes modernes]]

Version du 15 septembre 2010 à 09:47

◄   Un mode d’éclairage relativement peu connu La Nouvelle Machine du captain Cap Ilotes modernes   ►

LA NOUVELLE MACHINE
DU
CAPTAIN CAP


Comme j’avais rencontré mon excellent ami le Captain Cap devant la Leicester Tavern, je lui dis simplement :

— Nous entrons ?

— Oh ! que non pas ! répondit vivement Cap.

— Alors au Chicago Bar, c’est tout près ?

— Au Chicago Bar pas plus qu’à la Leicester Tavern !

— Vous m’inquiétez, Cap.

— Tant que durera le conflit Anglo-Américain, je ne mettrai les pieds en aucun établissement John-Bullesque ni Uncle-Sameux. Dans la situation que j’occupe, l’intégrale neutralité s’impose à moi.

— Et dans les brasseries vénézuéliennes, Cap, y allez-vous ?

— Le moins possible… D’ailleurs, je ne bois plus rien à Paris. Dès que j’ai soif, je vais dans les départements, j’enfourche ma nonuplette…

— Pardon, Cap, de vous interrompre. Votre… quoi enfourchez-vous ?

— Ma nonuplette… Ah ! vous ne connaissez pas ma nonuplette ! Comme son nom l’indique, c’est un cycle monté par neuf personnes, comme la sextuplette est montée par six.

— Neuf personnes !

— Ah ! c’est une fameuse machine que ma nonuplette ! Uniquement composée de brins d’osier assemblés et renforcés par des bandes de papier gommé !

— Pas de métal ?

— Pas ça de métal ! Pas ça !

— Et c’est solide ?

— Pourquoi donc pas, je vous prie ? Une panthère, c’est solide ! Un albatros, c’est solide ! Un requin, c’est solide ! Et pourtant, citez-moi une pièce métallique entrant dans la construction de ces organismes !… Le bon Dieu est trop malin pour employer du métal dans la confection de ses petits trucs.

— Vous devez aller vite, avec votre nonuplette ?

— Deux cent trente-quatre kilomètres à l’heure.

— Cap, mon vieux Cap, j’ai une peur terrible que vous n’abusiez de mon ingénuité.

— Mais pas du tout, cher ami, je vous jure !

— Deux cent trente-quatre kilomètres à l’heure !

— Pas un millimètre de moins. Je dois d’ailleurs ajouter que ma nonuplette, machine et coureurs, pèse, tout compris, environ un kilo.

— Tout s’explique, alors ! Mais un kilo, y songez-vous, un simple kilo, pour tout ce monde-là ?

— Je dois encore ajouter, pour terrasser vos doutes, que ma nonuplette est allégée par un ballon dont la force ascensionnelle représente, à un kilo près, le poids de la machine et des coureurs.

— Vous m’en direz tant ! Mais la résistance de l’air contre ce ballon ?

— Nulle ! Mon ballon affecte la forme d’un tire-bouchon à deux pointes, une par-devant, une par-derrière. Il se visse dans l’air comme le tire-bouchon se vrille dans le liège, c’est-à-dire sans résistance appréciable… D’où qu’il souffle, le vent n’arrive même pas à nous faire hausser les épaules.

— Pauvre vent !

— Allons, mon cher Allais, décidez-vous ! Venez avec nous prendre un verre à Dunkerque !

— Volontiers !

Mon acquiescement parut enchanter Cap, mais le capitaine se rappela bientôt qu’un léger accident était survenu, le matin même, à un brin d’osier de sa nonuplette.

Finalement, nous entrâmes dans un petit café blanc et or, où un garçon, entre deux âges, nous servit deux excellents bocks de bière Dreher.