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devant le puissant animal dont l’abstinence accroît la férocité ; ils se jettent sur lui, résolument, le couteau à la main, et la lutte finit le plus souvent à leur avantage.

A plusieurs reprises, en effet, la famille Cascabel fut témoin d’une agression de ce genre, dans laquelle l’ours polaire, après avoir grièvement blessé plusieurs hommes, ne tarda pas à succomber sous le nombre. Toute la tribu accourut alors, et le village fut en fête. Quelle aubaine que cette chair d’ours — excellente, paraît-il, pour des estomacs sibériens ! Les meilleurs morceaux allèrent, comme de juste, figurer sur la table ou plutôt dans l’écuelle de Tchou-Tchouk. Quant à ses très humbles sujets, ils eurent chacun une petite part de ce qu’il voulut bien leur laisser. De là, une occasion de se livrer à des libations prolongées, qui amenèrent l’ivresse générale — ivresse produite par l’absorption d’une liqueur composée avec les jeunes pousses de salix et de rhodiola, les sucs de l’airelle rouge et ces baies jaunes de marais, dont on fait une abondante récolte pendant les quelques semaines de la saison chaude.

En réalité, les ours sont rares dans ces archipels, et il n’y a pas à compter sur ce gibier, dont la capture ne laisse pas d’être fort périlleuse. Aussi la viande de renne forme-t-elle le fond de l’alimentation indigène, et les femmes préparent avec le sang de l’animal une soupe qui n’excita jamais chez les Cascabel qu’un invincible répugnance.

Si l’on demande comment les rennes peuvent vivre pendant l’hiver, on répondra simplement que ces animaux ne sont point gênés de découvrir leur nourriture végétale même sous l’épaisse couche des neiges. D’ailleurs, d’énormes provisions de fourrage sont récoltées avant les premiers froids, et cela suffit à l’alimentation des milliers de ruminants que renferment les territoires de la Nouvelle-Sibérie.

« Des milliers !… Et dire qu’une vingtaine, sans plus, feraient si bien notre affaire ! » répérait M. Cascabel, en se demandant de quelle façon il parviendrait à remplacer son attelage.