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général Ignatief sur le Bosphore. Par là les Bulgares, affranchis du joug religieux des Grecs, ont été érigés en communauté, en nation particulière de l’empire, au même titre que les Grecs ou les Arméniens. La grande difficulté, le grand débat a porté sur les limites de la nouvelle église et de l’église-mère, sur les limites de l’exarchat bulgare et du patriarcat de Constantinople. Dans cette affaire de juridiction ecclésiastique qui a conduit les deux parties rivales à un schisme au fond tout politique, ce qui était en question, c’était moins les droits du siège patriarcal œcuménique et les privilèges de la liturgie grecque que les prétentions nationales des Slaves et des Hellènes sur les pays où, comme en Macédoine, les deux races se touchent et se mêlent. Grecs et Slaves comprenaient que les frontières de l’exarchat bulgare devaient dessiner à l’avance le cadre futur d’une Bulgarie autonome et marquer au sein de l’empire la part de l’héritage ottoman assigné à chacune des deux races. La Porte ne le sentait guère moins, et, tout en cédant aux demandes de ses sujets slaves et aux conseils de la Russie, elle répugnait à fixer les bornes du nouvel exarchat. Pour le Bulgare en effet, l’émancipation ecclésiastique n’a été qu’un moyen d’arriver à l’émancipation civile, l’autonomie religieuse que le prélude de l’autonomie administrative.

Quelques difficultés pratiques que présente la délimitation des droits à concéder aux provinces chrétiennes, ou la délimitation même des régions appelées à profiter des nouvelles institutions, le principal obstacle à tout régime autonome est ailleurs. La véritable objection est celle que, dans les négociations, les adversaires de tels projets mettront le moins en avant. Ce qui fait hésiter les puissances, ce n’est ni leur confiance dans la Porte, ni leur indifférence pour les chrétiens de la Turquie, c’est la crainte qu’un nouvel ordre de choses ne tourne tôt ou tard au démembrement de la Turquie et à l’agrandissement d’un empire voisin. Ce que redoutent les hommes d’état, c’est de voir l’autonomie administrative des provinces slaves aboutir à l’autonomie politique, et celle-ci à la domination directe ou indirecte de la Russie. A cet égard, l’insistance même du cabinet et de la presse russes en faveur de l’autonomie des Slaves de Turquie éveille les soupçons de l’étranger et paralyse ses sympathies pour les malheureux sujets de la Porte. Nous en revenons ainsi à la Russie, aux Slaves et à ce spectre du panslavisme, que la défiance européenne voit toujours planer sur la question d’Orient.