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MA CANNE


Air :


Le soleil aux champs d’aller nous fait signe ;
Chaque jour s’enfuit de fleurs couronné.
Viens, mon compagnon, humble cep de vigne,
Ami qu’en riant le sort m’a donné.
De quel cru fameux versas-tu l’ivresse ?
L’ai-je célébré dans un gai repas ?
Si jadis ta sève égara mes pas,
Toi seul aujourd’hui soutiens ma vieillesse.

À travers bois, prés et moissons,
Allons glaner fleurs et chansons.

bis.


Viens, loin des fâcheux, méditer ensemble ;
Je me fie à toi de tous mes secrets.
Tu m’entends chanter, d’une voix qui tremble,
De grands souvenirs, de tendres regrets.
Au froid, à la neige, au flot des ondées,
Au bruit du tonnerre, au fracas du vent,
Combien, triste ou gai, quand je vais rêvant,
Sous mon vieux chapeau bourdonnent d’idées !
À travers bois, prés et moissons,
Allons glaner fleurs et chansons.

Souvent, tu le sais, j’ai refait le monde,
De trésors rêvés comblé mes amis.
En projets heureux mon esprit abonde ;
Que d’excellents vers je me suis promis !
Enfant de Paris perdu dans ses fanges,
Je devais, sans nom, battre les pavés ;
Mais, pour me reprendre aux enfants trouvés,
La Muse avait mis sa marque à mes langes ;
À travers bois, prés et moissons,
Allons glaner fleurs et chansons.

Ce fut ma nourrice : « Enfant, disait-elle,
« Vois, écoute, lis. » Ou, prenant ma main :
« Suis-moi hors des murs ; la campagne est belle,
« Viens cueillir, pauvret, les fleurs du chemin. »
Depuis, loin des biens dont la soif dévore,
La Muse à mon feu prit goût à s’asseoir,
Et, quoique affaiblie, a des chants du soir
Pour le vieil enfant qu’elle berce encore.
À travers bois, prés et moissons,
Allons glaner fleurs et chansons.

« Dirige le char de la république »,
M’ont crié des fous, sages d’à présent.
Qui, moi, m’atteler au joug politique,
Lorsqu’il faut un aide à mon pas pesant !
Ai-je à tel labeur force qui réponde ?
Qu’en dis-tu, bâton las de me porter ?
Tu gémirais trop de voir ajouter
Au poids de mon corps tout le poids d’un monde.
À travers bois, prés et moissons,
Allons glaner fleurs et chansons.

À mes premiers temps j’ai vieilli fidèle.
Tout un passé meurt, mourons avec lui.
Mon cep, je te lègue à l’ère nouvelle ;
Sois pour des vaincus un dernier appui.
Oui, sachant, ami, dès que le jour tombe,
Combien de faux pas je ferais sans toi,
Pour quelque proscrit, tribun, pape ou roi,
Je veux te laisser au bord de ma tombe.
À travers bois, prés et moissons,
Allons glaner fleurs et chansons.