« L’Encyclopédie/1re édition/BASTION » : différence entre les versions

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Version du 28 avril 2012 à 14:35

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 129-131).

BASTION, s. m. (en terme de Fortification.) est une grande masse de terre ordinairement revêtue de maçonnerie ou de gason, qu’on construit sur les angles de la figure que l’on fortifie, & même quelquefois sur les côtés lorsqu’ils sont fort longs. Sa figure est à peu près celle d’un pentagone ; il est composé de deux faces qui forment un angle saillant vers la campagne, & de deux flancs qui joignent les faces à l’enceinte. Voyez Face & Flanc. Son ouverture vers la place se nomme sa gorge. Voyez Gorge & Demi-gorge.

Voyez Planche premiere de Fortification, fig. prem. le bastion FGHIL, dont GH & HI sont les faces ; GF & IL les flancs, & F K I la gorge. Voyez Gorge.

L’angle GHI formé par les faces GH & HI, est appellé l’angle flanqué du bastion ; l’angle HGF formé d’une face & d’un flanc, se nomme l’angle de l’épaule, & GFE formé d’un flanc & de la partie EF de l’enceinte, se nomme l’angle du flanc ; sa partie EF qui joint ensemble deux bastions, est appellée courtine : ainsi l’angle du flanc est formé du flanc & de la courtine.

Les parties FK & LK du prolongement des courtines EF & LM, sont appellées les demi-gorges du bastion, & l’angle FKL qu’elles font entr’elles, l’angle du centre du bastion ; la ligne KH comprise entre l’angle flanqué H, & l’angle du centre K, se nomme la capitale du bastion.

Les bastions n’ont guere commencé à être en usage que dans le tems de François premier & Charles-Quint, c’est-à-dire vers l’an 1500 ou 1520. On leur a d’abord donné le nom de boulevards, & on les a fait très-petits.

Ce qui a donné lieu à la figure du bastion, est cette maxime essentielle de la Fortification, qu’il ne doit y avoir aucune partie de l’enceinte d’une place qui ne soit vûe & défendue de quelque autre.

Les anciens pour flanquer ou défendre toutes les parties de l’enceinte des villes, élevoient de distance en distance des tours rondes ou quarrées P, P, B, B, (Planche prem. de Fortific. fig. 2.) telles qu’on en trouve encore dans les vieilles fortifications. Les parties HG, IC de ces tours flanquoient ou défendoient les parties de l’enceinte comprises entre elles. Il n’y avoit que la partie extérieure FG des tours quarrées qui n’étoit pas exactement défendue des flancs des tours opposées, (c’est le nom qu’on avoit donné aux côtés HG, & DF des tours) mais on y remédioit en faisant saillir la partie supérieure de la muraille sur celle du pié ; entre cette partie saillante ou supérieure, & l’inférieure, on pratiquoit des ouvertures par où le soldat découvroit le pié du mur. Ces sortes d’ouvertures en saillie se nommoient machicoulis ou massecoulis : on en trouve encore aujourd’hui dans les vieilles fortifications, & dans la plûpart des anciens châteaux. Voyez Redoutes à machicoulis.

Après l’invention de la poudre, & lorsqu’on eut trouvé la maniere de s’en servir pour l’attaque des places, il fallut, pour s’opposer à la violence du canon, donner plus d’épaisseur aux murs des tours & des autres parties de la fortification. Les saillies en machicoulis ne purent se conserver contre la violence de cette machine. ; & par-là le côté extérieur des tours demeuroit sans défense. Il restoit du moins une espece de petit triangle au pié de ce côté, moindre à la vérité dans les tours rondes que dans les quarrées, mais toûjours plus que suffisant pour y attacher le mineur, par où l’ennemi pouvoit, sans grand obstacle de la part de l’assiégé, se procurer l’entrée de la place. C’est ce qui engagea les ingénieurs à chercher quelqu’expédient pour remédier à ce défaut. Le plus simple fut de terminer le côté extérieur des tours par deux lignes, qui formant un angle saillant vers la campagne, renfermeroient l’espace qui n’étoit point vû des flancs. Cette correction est la véritable origine de la figure de nos bastions, qui, comme on le voit, n’est point arbitraire, mais fondée sur les maximes de la fortification ; & il en résulte la défense de toutes les parties de l’enceinte : car les flancs défendent les faces & la courtine, & ils se défendent aussi réciproquement.

La grandeur des angles & de toutes les parties du bastion a souffert différentes variations, suivant le tems & les idées particulieres des ingénieurs, ainsi qu’on peut le voir dans le précis des instructions ou systèmes qui sont à la suite du mot Fortification. On ne peut guere fixer d’une maniere absolue la valeur de toutes ces parties, parce qu’elles changent suivant les différens polygones : mais pour en donner une idée, on peut établir,

1°. Que le flanc doit avoir au moins 20 toises, & qu’il peut aller jusqu’à 30.

2°. Que la demi-gorge doit être égale aux flancs, & qu’ainsi elle peut avoir depuis 20 jusqu’à 30 toises.

3°. Que les faces doivent avoir au moins 40 toises, & au plus 60.

A l’égard des angles du bastion, l’angle flanqué peut être aigu ou obtus, pourvû que dans le premier cas il n’ait pas moins de 60 ou 70 degrés, & dans le second pas plus de 150. Sa grandeur dépend au reste de l’angle de la circonférence du polygone que l’on fortifie : lorsqu’il est un peu obtus, il donne lieu d’augmenter la gorge du bastion ; & une grande gorge est plus avantageuse qu’une petite, non seulement parce qu’elle donne plus d’espace au bastion, mais parce qu’alors on peut-y construire un retranchement plus grand & plus solide, pour disputer pié à pié à l’ennemi le terrein du bastion.

L’angle de l’épaule est celui qui mérite le moins de considération dans le bastion, parce qu’il se trouve déterminé par l’angle flanqué & celui du flanc.

Ce dernier angle exige une attention toute particuliere. S’il est aigu, comme dans le système d’Errard, le flanc ne peut défendre la face du bastion opposé : s’il est droit, il la défend trop obliquement : il doit donc être un peu obtus, pour que le soldat découvre devant lui la face & le fossé du bastion qu’il doit défendre. Voyez Défense.

L’angle du flanc ne doit pourtant pas être trop obtus, parce qu’alors le flanc pourroit être battu du bord du fossé opposé, & de la partie du fossé vis-à-vis l’épaule du bastion.

Il y a des bastions de plusieurs especes ; savoir, de simples, à flancs concaves & à orillons, de vuides, de pleins, de plats, &c.

Le bastion simple est celui dont les flancs sont en ligne droite.

Le bastion à flancs concaves & à orillons, est celui dont les flancs couverts sont disposés en ligne courbe, & dont l’épaule est arrondie. Voyez les constructions de M. de Vauban, à la suite du mot Fortification.

Les bastions vuides sont ceux dont le rempart est mené parallelement aux flancs & aux faces, de maniere qu’il reste un vuide dans le milieu du bastion : c’est dans ce vuide qu’on place ordinairement les magasins à poudre. Voyez Magasin.

Les bastions pleins sont ceux dont toute la capacité se trouve remplie par les terres du rempart. C’est sur les bastions pleins qu’on éleve des cavaliers. Voy. Cavalier.

Les bastions pleins sont bien plus favorables que les vuides pour se retrancher : le principal avantage de ces derniers est de donner plus de facilité pour aller au-devant du mineur ennemi : mais les retranchemens qu’on y construit ne peuvent être excellens ; car le peu de largeur du rempart ne permet pas de les faire assez grands pour être bien soûtenus ; & si on les place à la gorge, ils se trouvent commandés des logemens que l’assiégeant pratique sur le rempart.

Le bastion plat est un bastion construit sur une ligne droite, & dont par conséquent les deux demi-gorges ne font point d’angle. On n’employe ces sortes de bastions que lorsque les côtés des places se trouvent trop longs pour que les bastions des extrémités puissent se flanquer réciproquement. Ces bastions ont plusieurs inconvéniens : il est difficile de leur donner la même étendue qu’aux autres bastions ; & d’ailleurs l’ennemi peut enfiler leurs courtines d’une même batterie.

Outre les bastions dont on vient de parler, il y a encore les bastions détachés, les coupés, les réguliers, & les irréguliers, &c.

Le bastion détaché est un bastion qui est isolé à l’égard de l’enceinte : telles sont les contregardes des tours bastionnées de Landau & du Neuf-Brisac. L’avantage de ces bastions est de pouvoir être soûtenus jusqu’à la derniere extrémité, parce que leur prise ne donne point d’entrée dans la place : mais ils ont aussi, comme les autres dehors, le desavantage d’avoir avec la place des communications difficiles, & par lesquelles on ne peut que défiler.

Le bastion coupé est celui dont la pointe est retranchée, & qui au lieu de cette pointe a un ou deux angles rentrans : il n’est d’usage que lorsque l’angle flanqué du bastion se trouve trop aigu, c’est à-dire, au-dessous de 60 degrés ; ou lorsque quelqu’obstacle qu’on trouve dans le terrein ne permet pas de le terminer à l’ordinaire.

Le bastion régulier est celui qui a ses faces égales, ses flancs de même, & ses angles de l’epaule & du flanc égaux entr’eux : c’est celui qui se trouve dans les fortifications régulieres.

Le bastion irrégulier a de l’inégalité dans ses faces, ses flancs, ou ses demi-gorges, de même que dans ses angles du flanc & de l’épaule : c’est ce bastion qui est le plus ordinaire, parce qu’il s’employe dans les fortifications irrégulieres, qui sont bien plus communes que les régulieres. (Q)

* Bastion, se dit en Medecine, des parties qui servent d’enveloppe & comme de rempart à d’autres : tel est le thorax, par rapport au cœur & aux poumons, & le crane, qui semble fait pour défendre le cerveau.

* Bastion de France, (Géog.) place d’Afrique sur la côte de Barbarie, au royaume d’Alger, au nord-est de Bonne.