« L’Encyclopédie/1re édition/CONCURRENCE » : différence entre les versions

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Version du 25 mai 2012 à 16:29

* CONCURRENCE, s. f. s’entend en général de l’exercice de la prétention que plusieurs personnes ont sur un même objet : selon la qualité de l’objet, la concurrence s’appelle rivalité. Voyez ces acceptions en Jurisprudence & dans le Commerce.

Concurrence, (Jurisprud.) est une égalité de droit d’hypotheque ou de privilége sur une même chose.

Il y a concurrence d’hypotheque entre deux créanciers, lorsque leur titre est de la même date, & qu’on ne peut connoître lequel est le plus ancien.

La concurrence de privilége arrive entre deux créanciers qui ont saisi tous deux en même tems les meubles de leur débiteur, ou lorsque leurs créances sont de même nature, ou également favorables.

Il y a certaines matieres dont la connoissance est attribuée à différens juges ; mais c’est par prévention entre eux, & non pas par concurrence. Voyez ce qui est dit ci-devant au mot Concours. (A)

Concurrence, en fait de Commerce. Ce mot présente l’idée de plusieurs personnes qui aspirent à une préférence : ainsi lorsque divers particuliers s’occupent à vendre une même denrée, chacun s’efforce de la donner meilleure ou à plus bas prix, pour obtenir la préférence de l’acheteur.

On sent au premier coup d’œil que la concurrence est l’ame & l’aiguillon de l’industrie, & le principe le plus actif du commerce.

Cette concurrence est extérieure ou intérieure.

La concurrence extérieure du commerce d’une nation, consiste à pouvoir vendre au-dehors les productions de ses terres & de son industrie en aussi grande quantité que les autres nations vendent les leurs, & en proportion respective de la population, des capitaux, de l’étendue & de la fertilité des terres. Celle qui ne soûtient pas cette concurrence dans les proportions dont nous venons de parler, a immanquablement une puissance relativement inférieure à la puissance des autres ; parce que ses hommes sont moins occupés, moins riches, moins heureux, dès-lors en plus petit nombre relativement, enfin moins en état, dans le même rapport, de secourir la république. On ne peut trop le répéter, la balance du commerce est véritablement la balance des pouvoirs.

Cette concurrence extérieure ne s’obtient point par la force ; elle est le prix des efforts que fait l’industrie pour saisir les goûts du consommateur, les prévenir même & les irriter.

La concurrence intérieure est de deux sortes : l’une entre les denrées de l’état & les denrées étrangeres de même nature, ou de même usage ; & celle-là privant le peuple des moyens de subsister, doit en général être proscrite. Ceux qui contribuent à l’introduire, soit en vendant, soit en achetant, sont réellement coupables envers la société d’augmenter ou d’entretenir le nombre des pauvres qui lui sont à charge.

L’autre espece de concurrence intérieure est celle du travail entre les sujets : elle consiste à ce que chacun d’eux ait la faculté de s’occuper de la maniere qu’il croit la plus lucrative, ou qui lui plaît davantage.

Elle est la base principale de la liberté du commerce ; elle seule contribue plus qu’aucun autre moyen, à procurer à une nation cette concurrence extérieure, qui l’enrichit & la rend puissante. La raison en est fort simple. Tout homme est naturellement porté (je ne dois peut-être pas dire par malheur à s’occuper) mais il l’est du moins à se procurer l’aisance ; & cette aisance, salaire de son travail, lui rend ensuite son occupation agréable : ainsi dès que nul vice intérieur dans la police d’un état ne met des entraves à l’industrie, elle entre d’elle-même dans la carriere. Plus le nombre de ses productions est considérable, plus leur prix est modique ; & cette modicité des prix obtient la préférence des étrangers.

A mesure cependant que l’argent entre dans un état par cette voie, à mesure que les moyens de subsister se multiplient pour le peuple, le nombre ou la concurrence des consommateurs s’accroît, les denrées doivent être représentées par une plus grande somme : cette augmentation du prix de chaque chose est réelle, & le premier effet des progrès de l’industrie ; mais un cercle heureux de nouvelles concurrences y apporte les tempéramens convenables. Les denrées qui sont l’objet de la consommation deviennent journellement plus abondantes ; & cette abondance modere en partie leur augmentation ; l’autre partie se partage insensiblement entre tous ceux qui font les ouvrages, ou qui en trafiquent, par la diminution de leurs bénéfices ; la diminution de ce bénéfice se trouve enfin compensée elle-même par la diminution de l’intérêt de l’argent : car le nombre des emprunteurs se trouvant plus foible que celui des prêteurs, l’argent perd de son prix, par une convention unanime, comme toutes les autres marchandises. Cette baisse des intérêts est, comme on le voit, l’effet d’un grand commerce : ainsi nous observerons en passant que pour connoître si une nation qui n’a point de mines fait autant de commerce que les autres, en proportion des facilités respectives qu’elles ont pour commercer, il suffit de comparer le taux des intérêts de l’argent dans chacune ; car il est certain que si la concurrence de ces intérêts n’est pas égale, il n’y aura point d’égalité dans la concurrence extérieure des ventes & de la navigation.

Lorsqu’on apperçoit à ces signes évidens un accroissement continuel dans le commerce d’un état, toutes ses parties agissent & se communiquent un mouvement égal ; il joüit de toute la vigueur dont il est susceptible.

Une pareille situation est inséparable d’un grand luxe ; il s’étend sur les diverses classes du peuple, parce qu’elles sont toutes heureuses : mais celui qui produit l’aisance publique, par l’augmentation du travail, n’est jamais à craindre ; sans cesse la concurrence extérieure en arrête l’excès, qui seroit bientôt le terme fatal de tant de prospérités. L’industrie s’ouvre alors de nouvelles routes, elle perfectionne ses méthodes & ses ouvrages ; l’œconomie du tems & des forces multiplie les hommes en quelque façon ; les besoins enfantent les arts, la concurrence les éleve, & la richesse des artistes les rend savans.

Tels sont les effets prodigieux de ce principe de la concurrence, si simple à son premier aspect, comme le sont presque tous ceux du commerce. Celui-ci en particulier me paroît avoir un avantage très rare, c’est de n’être sujet à aucune exception. Cet article est de M. V. D. F.