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Version du 22 novembre 2012 à 20:49

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CITRON, subst. m. (Chim. Diete. Mat. med. Pharmac.) la pulpe ou la chair & le suc du citron, ses pepins & son écorce, fournissent différens remedes à la Medecine.

Le suc de citron doit être rapporté à la classe des substances végétales, muqueuses, & au genre de ces substances qui contiennent un excès d’acide qui les rend peu propres à subir la fermentation vineuse lorsqu’on les y expose sans mêlange, mais qui peuvent servir très-utilement à corriger des substances de la même classe, qui pechent au contraire relativement à l’aptitude à la fermentation vineuse par un défaut d’acide : le suc de citron est même un extrème dans cette espece. Voyez Muqueux, Vin, & Zimothecnie.

Le suc de citron est employé à titre d’acide & comme précipitant dans certaines teintures ; par exemple, dans celle qui est faite avec le safranum, dont la partie colorante est extraite par un alkali fixe. Le suc de citron sert encore dans le même art à aviver ou exalter certaines couleurs. Voy. Teinture.

Ce suc a des usages plus étendus à titre d’aliment & de médicament ; il fournit un assaisonnement salutaire & fort agréable, que les Allemands sur-tout employent dans presque tous leurs mets, soit exprimé, soit plus ordinairement avec la pulpe qui le contient, & même avec l’écorce, & dont l’emploi est beaucoup plus rare dans notre cuisine.

C’est avec le suc de ce fruit étendu dans une suffisante quantité d’eau, & édulcoré avec le sucre, qu’on prépare cette boisson si connue sous le nom de limonade, qui est sans contredit de toutes les boissons agréables celle qui peut être regardée comme la plus généralement salutaire. Voyez Limonade.

Le suc de citron est rafraîchissant, diurétique, stomachique, antiputride, antiphlogistique, regardé comme très-propre à préserver des maladies contagieuses ; quoiqu’il faille avouer qu’à ce dernier titre il est moins recommandé que le citron entier, qui est censé opérer par son parfum. L’utilité medicinale la plus évidente du suc de citron consiste à prévenir les inconvéniens de la chaleur extérieure dépendante des climats ou des saisons. Les habitans des pays très chauds retirent de son usage des avantages constans, qui fournissent une observation non équivoque en faveur de cette propriété : celle de calmer efficacement les fievres inflammatoires & putrides n’est pas si constatée à beaucoup près. Voyez Fievre.

Le scorbut appellé scorbut de mer, est guéri très promptement par l’usage des citrons : toutes les relations de voyages de long cours donnent pour un fait constant la guérison prompte & infaillible des matelots attaqués de cette maladie, même au dernier degré, dès qu’ils peuvent toucher à un pays où ils trouvent abondamment des citrons, ou autres fruits acides de ce genre, comme oranges, &c. Mais jusqu’à quel point cet aliment medicamenteux opere-t-il dans cette guérison ? Ne pourroit-on pas l’attribuer à plus juste titre aux viandes fraîches, & à toutes les autres commodités que ces malades trouvent à terre, à l’air de terre, & ses exhalaisons même, selon la prétention de quelques observateurs ? Tout cela ne paroît pas assez décidé. Voyez Scorbut.

Les Apothicaires gardent ordinairement du suc de citron dans les provinces où ils ne peuvent pas avoir commodément des citrons dans tous les tems de l’année. Ce suc se conserve fort bien sous l’huile, étant tenu dans un lieu frais : il subit pourtant une legere fermentation qui le dépure & le rend très clair, mais qui altere un peu son goût ; ce qui est évident par l’impossibilité de préparer avec ce suc ainsi dépuré une limonade aussi agréable que celle qu’on prépare avec le suc de citron récemment exprimé.

C’est avec le suc de citron dépuré qu’on prépare le syrop appellé syrop de limon ; car on ne distingue pas le citron du limon dans les usages pharmaceutiques ; on se sert même plus ordinairement du premier, parce qu’il est plus commun.

Pour faire le syrop de limon, on prend une partie de suc de citron dépuré par le leger mouvement de fermentation dont nous venons de parler, & deux parties de beau sucre blanc qu’on fait fondre dans ce suc, à l’aide d’une chaleur legere, au bain-marie, par exemple, dans un vaisseau de fayance ou de porcelaine. N. B. 1°. qu’on peut employer un peu moins de sucre, parce que la consistance exactement syrupeuse n’est pas nécessaire pour la conservation des sucs acides des fruits, & que cette moindre dose fournit la commodité de faire fondre plus aisément le sucre sans le secours de la chaleur ; avantage qui n’est pas à négliger pour la perfection du syrop : 2°. qu’on gagneroit encore du côté de cette perfection, pour ne perdre que du côté de l’élégance de la préparation, si l’on employoit du suc non dépuré & récemment exprimé, au lieu du suc dépuré qui ne peut être récent.

Les medecins Allemands & les medecins Anglois employent assez communément l’acide du citron combiné avec différentes matieres alkalines : les yeux d’écrevisses citrés, les alkalis fixes saoulés de suc de citron, sont des préparations de cette espece. Mais nous ne connoissons par aucune observation suffisante les vertus particulieres de ces sels neutres, qui ne sont d’aucun usage dans la Medecine Françoise : le premier paroît fort analogue au sel de corail, quoiqu’il ne faille pas absolument confondre l’acide végétal fermenté avec l’acide végétal naturel ; & le second a précisément le même degré d’analogie avec la terre foliée de tartre.

Le medecin en prescrivant le suc ou le syrop de citron dans des mêlanges, ne doit pas perdre de vûe sa qualité acide, qui le rend propre à se combiner avec les matieres alkalines, soit terreuses soit salines, & à coaguler le lait & les émulsions ; il doit se souvenir encore que les chaux d’antimoine, l’antimoine diaphorétique lui-même, sont rendus émétiques par l’addition des acides végétaux.

Meuder recommande, dans son traité des teintures antimoniales, celle de ces teintures qu’il appelle vraies, qu’on peut tirer de ce demi-métal par le moyen des acides végétaux, & particulierement celles qu’on prépare avec le suc de citron. Voy. Antimoine.

L’écorce jaune de citron a un goût amer, vif, & piquant, dépendant principalement de la grande quantité d’huile essentielle qu’elle contient dans de petites vésicules très-sensibles, & en partie aussi d’une matiere extractive soluble par l’eau. Cette écorce, soit fraiche, soit séchée, ou confite, est cordiale, stomachique, antihystérique, carminative, vermifuge, &c. on en fait un syrop connu dans les boutiques sous le nom de syrupus flavedinum citrei. En voici la préparation.

Prenez des zestes de citron ou de limon, cinq onces ; de l’eau bouillante, une livre : faites macérer pendant douze heures au bain-marie dans un vaisseau fermé, & ajoûtez à la colature le double de sucre fin, sur lequel on prendra environ une once pour en faire un eleosaccharum avec l’huile essentielle de citron ; eleosaccharum qu’on fera fondre au bain-marie avec le reste du sucre, & votre syrop sera fait.

Ce syrop ne participe que bien foiblement de 12 vertu de l’écorce jaune de citron.

On tire l’huile essentielle de citron par des procédés fort simples, & par-là même fort ingénieux. Voy. Huile essentielle.

L’huile essentielle de citron possede éminemment les vertus que nous avons attribuées à son écorce. La plûpart de ces propriétés sont communes à toutes les huiles essentielles ; mais celle-ci par la douceur & le gracieux de son parfum, fournit à la Pharmacie une matiere très-propre à aromatiser certains medicamens. On l’employe dans cette derniere vûe sous la forme d’un eleosaccharum. Voyez Eleosaccharum.

Boerhaave dit qu’on employe avec beaucoup de succès l’huile des écorces de citron dans les palpitations du cœur, qui dépendent d’une humeur aqueuse froide, & d’un muqueux inactif, ab aquoso frigido, & inerti mucoso ; causes qui figurent on ne peut pas mieux, pour l’observer en passant, avec le visqueux, ou l’alkali spontané, l’acrimonie méchanique, &c. Le même auteur célebre beaucoup aussi l’eau retirée par la cohobation des écorces de citron, contre les vents, les syncopes, les langueurs, & les mouvemens irréguliers du cœur.

On tire aussi des zestes de citron, par le moyen de la distillation, une eau simple & une eau spiritueuse, connue sous le nom d’esprit de citron. Voyez Eau dsitillée ; voyez aussi Esprit.

Cette eau aromatique spiritueuse si connue sous le nom d’eau sans pareille, n’est autre chose que de l’esprit de vin chargé d’une petite quantité d’huile essentielle de citron, que l’on dissout goutte à goutte & en tâtonnant, jusqu’à ce qu’on ait atteint au degré de parfum le plus agréable.

L’autre partie de l’écorce de citron qui est connue sous le nom d’écorce blanche, passe pour vermifuge & lithontriptique ; mais l’on peut douter de ces deux propriétés, sur-tout de la derniere.

Voici ce qu’on trouve sur les graines de citron, dans la matiere medicale de M. Geoffroi. « On croit que les graines de citron sont alexipharmaques : on les employe dans quelques confections alexitaires : elles font mourir les vers de l’estomac & des intestins ; elles excitent les regles, dissipent les vents, atténuent & divisent les humeurs visqueuses. On en fait des émulsions vermifuges & cordiales, dans les maladies d’un mauvais caractere, & pestilentielles ».

On fait entrer ordinairement le citron entier coupé par tranches dans les infusions purgatives, connues dans les boutiques sous le nom de tisannes royales. Voyez Purgatif.

« Or vante beaucoup, dit M. Geoffroi, les citrons dans la peste & les maladies contagieuses, pour détourner la contagion ; on porte continuellement dans ses mains un citron seul, ou percé de clous de girofle, on le flaire & on le mord de tems en tems : mais il faut avouer, ajoûte cet auteur, qu’on ne détourne pas tant la contagion par ce moyen, qu’on appaise les nausées & les envies de vomir qui viennent des mauvaises exhalaisons des malades, ou de l’imagination qui est blessée ; ce qui affoiblit l’estomac, & corrompt la digestion ».

Les différentes confitures de citron, telles que les petits citrons entiers, les zestes, & l’écorce entiere, sont d’assez bons analeptiques, ou des alimens legers, stomachiques, & cordiaux, que l’on peut donner avec succès aux convalescens & aux personnes qui ont l’estomac foible, languissant, & en même tems peu sensible. Il faut observer pourtant que cette écorce de citron verte, très-épaisse, qu’on nous apporte toute confite de nos îles, doit être regardée non-seulement comme possédant à un degré très-inférieur les qualités que nous venons d’attribuer aux autres confitures de citron, qui sont plus aromatiques que celles-ci, mais même comme fort indigeste, au moins pour les estomacs foibles.

On trouve dans les boutiques des Apothicaires un électuaire solide, connu sous le nom d’électuaire ou de tablettes purgatives de citron. Voici comme elles sont décrites dans la Pharmacopée de Paris.

Prenez écorce de citron confite, conserve de fleurs de violette, de buglose, de chaque demi-once ; de la poudre diatragaganthe froide nouvellement préparée, de la scammonée choisie, de chaque demi-once ; du turbith, cinq gros ; du gingembre, un demi-gros ; des feuilles de senné, six gros ; de la rhubarbe choisie, deux gros & demi ; des girofles, du santal citrin, de chaque un scrupule : faites du tout une poudre selon l’art ; après quoi vous ferez cuire dans de l’eau de roses dix onces de beau sucre en consistance requise pour former avec les conserves & la poudre, des tablettes que l’on conservera dans un lieu sec, parce qu’elles sont sujettes à attirer l’humidité de l’air, à se moisir.

Ces tablettes purgent assez bien à la dose d’une demi-once ; on peut même en donner six gros aux personnes robustes. Mais l’usage de ce purgatif a été abandonné, apparemment parce qu’il est fort dégoûtant, comme toute préparation pharmaceutique qui contient beaucoup de poudres, & qu’on ne peut faire prendre que délayée dans de l’eau ; mais on devroit au moins le prescrire aux personnes à qui leur fortune ne permet pas d’être si difficiles ; car ce remede coûte très-peu, il purge très-bien, & avec aussi peu de danger que les medecines magistrales un peu actives.

Le citron entier, son écorce jaune, son suc, sa pulpe, ses graines, son eau distillée, son esprit, &c. entrent dans un grand nombre de préparations pharmaceutiques officinales. (b)